Vers une « logique de prise de responsabilités » écologique et politique, selon Rémi Chabrillat

L’adjoint EELV à la ville de Clermont, ex-directeur de l’ADEME revient sur son approche de l’écologie politique et sur la manière d’accompagner les acteurs locaux à la transition énergétique.


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Les principaux points à retenir

  1. Adjoint EELV [Europe Ecologie Les Verts] à la mairie de Clermont, Rémi estime que le combat écologique et social ne peut se faire que contre l’économie néolibérale. Il doit donc s’inscrire dans une majorité de gauche, notamment au niveau local. C’est le credo politique de Rémi qui a toujours oeuvré au sein du service public, mais qui porte autant un discours d’action que de sensibilisation (de ses collègues comme du grand public)
  2. Etant directeur de l’ADEME Auvergne pendant plusieurs années, Rémi – spécialiste du traitement des déchets – évoque plusieurs initiatives qui ont pu être pérennisées (comme les déchetteries) et qui ont fait changer les points de vue de décideurs locaux. Il estime donc qu’il faut pousser différents projets innovants, plusieurs pouvant arriver à produire des effets, mêmes parcellaires : c’est le moyen d’avancer et aussi de rassurer.
  3. Ayant connu les luttes écologistes des années 1970 et 1980, Rémi note que la « focale » s’est déplacé du sujet des pollutions et de la raréfaction de certaines ressources vers le sujet plus large du réchauffement climatique. En termes d’approche, il insiste sur le besoin de passer d’une logique « contre » à un paradigme plus constructif et désirable, incluant le social et l’écologique, et apte à gouverner.
  4. Rémi évoque aussi le « NIMBY », phénomène de rejet par les populations de solutions d’aménagement locales (éoliennes, méthaniseurs …) si elles sont dans leur voisinage. Selon lui, tout est question d’image et de symbolique – il évoque l’exemple du déchet, associé à la mort et à la dégénérescence. Il faut travailler sur ces perceptions pour faire sauter les verrous.
  5. Président de l’Aduhme, Rémi résume l’approche de la structure qui consiste à apporter une ingénierie d’expertise partagée au profit des petites collectivités sur la transition énergétique. En mutualisant les moyens, l’Aduhme permet ainsi d’aider concrètement autant sur l’isolation de combles que sur le déploiement de photovoltaïque sur le patrimoine public.
  6. D’une manière générale, Rémi insiste sur le rôle capital de l’Etat dans les grandes orientations et par la loi, même si sa « présence de terrain » s’est réduite. En parallèle, l’action doit se dérouler en local, avec les citoyens et les entreprises. C’est pourquoi il attend beaucoup de dispositifs comme Urb-En Pact ou le Schéma de Transition de Clermont Métropole
  7. Adjoint à la ville de Clermont, il résume également les principales orientations du mandat en cours pour les sujets qui le concernent : critères durables dans les marchés publics de construction, rénovation énergétique (et développement de la filière), et accélération des énergies renouvelables (chaudières biomasse, réseaux de chaleur)
  8. Enfin, il revient sur une initiative départementale autour du Syndicat Intercommunal d’Electricité et de Gaz, qui évolue vers une structure travaillant notamment sur la recharge de véhicules électriques et sur le déploiement du renouvelable. Cela se fait en lien avec l’Aduhme et aussi dans une logique d’accompagnement des petites collectivités, et renforce l’espoir de Rémi pour une vraie transition énergétique dans le Puy-de-Dôme.

L’intervenant : Rémi Chabrillat

Adjoint (EELV) à la ville de Clermont-Ferrand en charge de l’énergie, de l’eau, des déchets et de l’économie circulaire ; conseiller métropolitain à Clermont Métropole ; ancien directeur Auvergne de l’ADEME ; président de l’Aduhme


Né en 1957 dans une famille du Livradois, Rémi Chabrillat fait « toute [sa] carrière dans le service public de l’écologie«  comme il le précise. S’inscrivant dès les années 1970 dans la réflexion écologiste « dans un contexte global post-68″, il considère que « l’écologie est de gauche, fondamentalement. Il y a une dimension d’intérêt collectif à long terme qui se retrouve dans les luttes contre le changement climatique et les inégalités. Elles vont de pair ! »

Ingénieur de formation – à l’école des Mines d’Alès – il a d’abord travaillé sur la question des déchets et des sols pollués. Il devient ensuite directeur Auvergne de l’ADEME, avant de se tourner, au niveau national, vers les énergies renouvelables et la bio-économie.

Aujourd’hui à la retraite, il est adjoint à la ville de Clermont et conseiller communautaire à la Métropole. Il couvre les domaines de l’énergie et de la construction durable (Rémi est par ailleurs président de l’Aduhme, qui accompagne les collectivités dans l’efficacité énergétique), mais aussi de l’eau, des déchets et de l’économie circulaire à la ville de Clermont.

Contacter Rémi Chabrillat par e-mail : rchabrillat [chez] ville-clermont-ferrand.fr

Crédit photo : Rémi Chabrillat (DR)

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Vous estimez et “assumez” que l’écologie ne peut être que de gauche. Pouvez-vous nous détailler votre opinion sur ce point ?

Les écologistes ont été les premiers à interpeller sur une série d’enjeux à la fois planétaires et locaux, (dérèglements climatiques, perte de biodiversité, pollution) et sur les menaces qui pèsent sur l’humanité. Ils ont longtemps été les seuls ; aujourd’hui les faits nous donnent, malheureusement, raison, et la prise de conscience progresse, parmi nos concitoyens, et dans la grande majorité de la sphère politique.

Moyennant quoi cette prise de conscience reste encore partielle, variable suivant les individus et les partis politiques, et souvent limitée au constat que « les choses se dégradent », sans aller jusqu’à accepter, à assumer le fait que des choses doivent changer assez fondamentalement dans notre société. 

Cette prise de conscience reste encore souvent limitée au constat que « les choses se dégradent »

En particulier il est clair pour moi que les enjeux d’intérêt collectif et sur le long terme liés à la lutte contre le changement climatique, contre les inégalités, pour la préservation de la biodiversité et de notre capacité à vivre sur cette planète, ne sont pas compatibles avec l’économie néolibérale (structurellement individualiste et « court-termiste ») et, plus globalement, avec le fantasme de la croissance du PIB comme seul horizon.

Premiers pas de Rémi en tant qu’élu de la ville de Clermont, à l’été 2020 / Crédit photo : Rémi Chabrillat (DR)

Je considère donc comme logique d’inscrire mon engagement comme élu écologiste dans le cadre d’une majorité municipale de gauche, y compris pour aider un certain nombre de mes collègues à évoluer encore un peu… Moyennant quoi il y aussi, notamment dans mon rôle de président de l’Aduhme, un enjeu majeur à mobiliser de la manière la plus large possible pour avancer sur des sujets concrets, pratiques, qui peuvent améliorer la vie des habitants et des collectivités.

Avant l’Aduhme et le mandat électif, vous avez longtemps travaillé à l’ADEME. Que retirez-vous du travail réalisé ?

On voudrait toujours avoir fait plus… mais il me semble que pas mal de choses ont bougé depuis mon entrée à l’ADEME en 2003, et que nous y avons contribué ; de mon côté je n’ai jamais été frustré de travailler dans le cadre d’un établissement public.

Je n’ai jamais été frustré de travailler dans le cadre d’un établissement public.

Deux souvenirs particuliers, peut-être : d’abord la rencontre vers 1983 avec une étudiante qui terminait sa thèse en écologie, thèse qui portait sur la gestion des déchets encombrants et la lutte contre les dépôts sauvages. Dans la foulée, elle est entrée à l’ADEME. Ses travaux ont débouché sur la création du concept de déchetterie, qui a même été pendant un temps une marque déposée de l’ADEME. La déchetterie a eu le succès qu’on connaît, et on a eu un rôle d’avant-garde, à une époque où nos moyens financiers étaient extrêmement modestes…

Le « concept » des déchetteries a été développé par l’ADEME, suite à un travail de thèse réalisé au sein de la structure / Crédit photo : ville de Cournon (DR)

Ensuite, trente ans après, la publication des « Visions ADEME ». Il s’agit des premiers scénarios énergétiques globaux élaborés collectivement. Ils incluent les questions de chaleur, électricité, carburants, logement, agriculture, industrie, transports, avec des analyses macro-économiques et sociologiques… 

C’est assez enthousiasmant de participer à un travail à l’issue duquel on a l’impression d’avoir apporté quelque chose qui « donne du sens ». Ou, autrement dit, qui propose une voie, même modestement, même de manière imparfaite, dans nos époques de grande inquiétude et de grand désarroi.

Estimez-vous que les moyens de l’Etat consacrés à la transition écologique s’amenuisent ?

Je suis plutôt quelqu’un de positif, et n’ai donc jamais raisonné en termes de freins … Il faut au contraire se demander ce qu’on peut faire de mieux avec les outils qui existent.

Or, la question des moyens – financiers, mais aussi humains – ne se pose pas que pour l’Etat. Quels moyens, globalement, pour l’écologie ? Aujourd’hui plus qu’hier, moins qu’il ne serait souhaitable, mais les choses évoluent.

Il faut se demander ce qu’on peut faire de mieux avec les outils qui existent.

Il y a un aphorisme que j’aime bien, attribué à Victor Hugo, et qui dit quelque chose comme « Plus fortes que toutes les armées du monde sont les idées dont le temps est venu”. A un moment donné, il y a quelque chose qui commence à prendre corps, on ne le voit pas forcément arriver, et puis il y a un basculement, et cette question jusqu’alors invisible pour la majorité devient incontournable.

Cela veut-il dire que vous êtes confiant sur l’évolution des acteurs locaux face aux enjeux écologiques ?

Je suis heureux d’avoir été de ceux qui ont permis de faire émerger des idées et de faire prendre conscience. De montrer qu’il y avait des solutions. 

Je me souviens par exemple d’un Vice-Président de Conseil Départemental (pas dans le Puy-de-Dôme, je précise) qui me disait en 1997 ou 1998 ne pas croire au tri des déchets au motif que ‘on n’est pas des Allemands”… Le même, trois ans après, s’enorgueillissait, à juste titre, du taux exceptionnel de collecte sélective de son département. Cet homme-là a évolué, en même temps que les choses ont bougé, et c’est finalement allé assez vite.

Le composteur installé dans le centre-ville de Lempdes permettrait de répondre à des problématiques liées à certaines rues trop étroites pour évacuer correctement les déchets ménagers. De telles installations sont relativement récentes, et font montre de l’évolution en matière de collecte sélective / Crédit photo : éditeur

Le combat pour l’écologie, de nos jours, ressemble-t-il à celui des années 70 ?

Dans les années 70, on était concentrés sur la pollution de l’eau, la pollution de l’air et la gestion des déchets. L’essentiel des déchets ménagers allaient alors dans des décharges « municipales », non contrôlées. Depuis, les choses ont évolué, et globalement en bien. Il y a certes encore plein de choses à faire, mais on a progressé.

L’urgence est désormais sur le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Ça s’accélère, et on s’approche de points de non-retour. 

Voir le reportage : CleanWalks, la chasse aux déchets est ouverte

Donc, la focale a évolué, de la question de la “pollution” à la question du climat et des écosystèmes ?

En effet, la conscience du changement climatique est arrivée dans les années 90 et 2000. Les travaux des années 1970, comme le rapport Meadows, ne parlent pas ou encore très peu de changement climatique… On parlait des déchets, des ressources, déjà de la limite de la croissance économique dans un monde fini. 

Cela s’est incarné dans les combats des années 70, avec notamment la candidature de René Dumont, premier candidat écologiste [à l’élection présidentielle] en 1974, et qui alertait déjà sur la raréfaction de l’eau sur notre planète. 

L’enjeu aujourd’hui est d’embarquer une majorité « pour », vers un modèle de société désirable, écologique et sociale.

Mais ce n’est pas qu’une question de focale. Dans ces années 70, le combat écologiste était souvent identifié à un combat « contre » – la pollution, le nucléaire… – alors que l’enjeu aujourd’hui est bien d’embarquer une majorité « pour », vers un modèle de société désirable, écologique et sociale.

En d’autres termes, il s’agit aujourd’hui de sortir d’une posture d’opposition pour basculer vers une logique de prise de responsabilités, de gestion de collectivités, de gouvernement… ce qui implique d’assumer la complexité du monde, et des décisions à prendre. Un point de bascule très important doit être, rapidement, la sortie de l’idéologie productiviste à tout prix, de l’obsession de la croissance comme la seule fin qui vaille.

Rémi (second à droite sur la photo) en compagnie d’autres élus et militants écologistes lors de la Vélorution de mai 2021 / Crédit photo : Anne-Laure Stanislas (DR)

Selon vous, à quelles difficultés fondamentales faisons-nous face aujourd’hui pour changer véritablement de modèle ?

La principale difficulté est de mobiliser les gens pour agir à des solutions concrètes, à leur portée, sans les tétaniser par la perspective d’un problème qui semble insurmontable. Comment entraîner les gens finalement ? Comment convaincre ? Il me semble que ça passe d’abord par le fait de faire des choses, réaliser, montrer que ça marche ! Être dans le concret. 

Lire l’entretien : faire bouger les lignes politiques pour le climat, l’ambition de Victoria Mure-Ravaud

D’accord, mais comment embarquer les gens dans des actions concrètes ?

J’ai, avec d’autres, beaucoup travaillé dans les années 1990 sur le sujet du NIMBY [Not In My Back Yard – “pas dans mon arrière-cour”] notamment lié aux questions de déchets. Je me souviens d’un groupe universitaire avec des psychologues, des sociologues, des psychanalystes, qui avaient travaillé sur les représentations des déchets, à travers notamment une série d’enquêtes. Une des conclusions de leurs travaux était que le déchet représente la mort, la dégénérescence de la matière, l’entropie. Le chaos qui envahit. C’est donc basiquement quelque chose qu’on ne veut pas voir ! 

Quand ils interrogeaient sur « ce que l’on pourrait faire » (sans que ce soit une question technique) , le geste plébiscité était celui du tri. Et ça me semble parfaitement logique. Trier, c’est remettre de l’ordre dans le monde, lutter contre le chaos… et c’est à la portée de tous : on a besoin de pouvoir agir. Certes, si on trie chez soi, on n’empêchera pas les autres de ne pas le faire … mais il faut néanmoins responsabiliser sans culpabiliser. 

Table ronde au Sénat, en présence de Rémi, sur l’énergie éolienne – en date du 15 mai 2019. Cliquez sur l’image pour accéder à la vidéo / Crédit visuel : Sénat (DR)

N’y a-t-il pas trop d’outils et d’initiatives actuellement sur ces sujets ?

Le foisonnement des initiatives est basiquement une bonne chose, et nous ne sommes pas de trop pour faire bouger les lignes. Après, cela peut amener une complexité. S’il y a trente ans, on avait le sentiment de prêcher dans le désert, aujourd’hui, c’est plutôt dans le brouhaha … Et les propos contradictoires peuvent perdre les gens. Il faut donc en permanence mettre de la cohérence, tenter de simplifier.

Le foisonnement des initiatives est basiquement une bonne chose.

Mais on a besoin de ces différentes initiatives : il faut à la fois des institutions qui fassent un travail financé sur des crédits publics, un tissu associatif qui mobilise les citoyens, et des entreprises qui trouvent de l’intérêt à proposer des biens et des services allant dans le bon sens.

Vous êtes aussi président de l’Aduhme. Le sujet de l’énergie est-il une clé d’entrée plus évidente pour les collectivités ?

Précisons d’abord que l’Aduhme permet de mettre à disposition des collectivités une capacité d’ingénierie technique qui leur fait défaut, et notamment aux plus petites d’entre elles.

Or, ce besoin d’accompagnement sur la transition énergétique existait depuis longtemps … Mais on en a pris conscience que dans les deux dernières décennies, avec une accélération ces dernières années. Le fait que l’énergie représente une part importante du budget des collectivités – par l’éclairage municipal, le chauffage des bâtiments publics notamment – joue évidemment.

Lire l’entretien : Sobriété, performance et diversification énergétiques, la recette de Sébastien Contamine

Comment l’Aduhme accompagne-t-elle les collectivités ?

L’idée de l’Aduhme est d’avoir une ingénierie d’expertise partagée au service des petites communes, qui n’ont pas ou peu de services techniques ni d’expertise locale. Mais aussi de les aider à organiser leurs retours d’expérience, à travailler ensemble et à s’enrichir les unes des autres. C’est ce qu’on fait avec le “Conseil en Energie Partagée”. 

Autrement dit, si une commune n’a pas les moyens de se payer un ingénieur énergie mais si nous lui proposons de partager une compétence avec 10-20 communes, ça marche ! Et c’est d’autant plus nécessaire que de plus en plus de collectivités se posent ces questions et que les moyens historiquement mis à disposition par l’Etat via ses services déconcentrés ont été réduits comme peau de chagrin …

L’idée de l’Aduhme est d’avoir une ingénierie d’expertise partagée au service des petites communes.

Parallèlement l’Aduhme porte aussi, pour les collectivités, une série d’actions collectives sur l’isolation des combles, le déploiement du photovoltaïque sur les toitures des bâtiments municipaux, la rénovation énergétique des établissements de santé, etc.

D’ailleurs, le Schéma de Transition Énergétique et Écologique [STEE] de Clermont Métropole identifie le photovoltaïque comme le plus gros potentiel de développement des ENR sur l’agglomération. C’est pourquoi l’Aduhme aide, à travers le projet Solaire Dôme, les communes du département à développer des installations sur leur patrimoine.

Et quelle est la dynamique de l’Aduhme pour 2022 ?

L’Aduhme existe depuis plus de 25 ans, et continue à monter en puissance. En 2021, deux intercommunalités supplémentaires nous ont rejointes. Aujourd’hui, 13 intercommunalités sur les 14 du département sont adhérentes de l’Aduhme, soit plus de 90% de la population du département, et nous discutons avec la dernière … mais aussi avec d’autres grands acteurs du territoire.

Lire l’entretien : pour Combrailles Durables, « l’énergie est un sujet de prise de pouvoir par les territoires »

Selon vous, la transition écologique est-elle l’affaire de l’Etat ou des territoires ?

L’action de l’Etat a du sens en élaborant collectivement de la règle et des objectifs, et en permettant au local de décliner ces différentes orientations. L’un des leviers est bien sûr le financement ou l’organisation des mécanismes dédiés comme les certificats d’économie d’énergie. 

Néanmoins, sa présence de terrain a beaucoup diminué à travers les différentes étapes de la décentralisation. Cela dit, je continue à penser qu’il y a un rôle important pour l’État.

En parallèle, on voit bien que les choses se passent dans les territoires, incluant les entreprises qui y sont enracinées et les citoyens qui y vivent. Ces territoires doivent, aussi, mobiliser des moyens financiers, des moyens humains, sachant qu’en final la transition écologique va permettre d’y vivre mieux.

Quelles sont les principales initiatives fédératrices au niveau de Clermont Métropole ?

Je crois que tout ce qui peut être fait en termes de planification dans un but de résilience territoriale, basée sur une large concertation, est bon à prendre. Je pense notamment au travail de la métropole pour l’élaboration du STEE, au groupe local « Urban Energy Pact » [ou Urb-En Pact], et à la Convention Citoyenne récemment lancée à Clermont. 

Rémi avec la délégation clermontoise Urb-En Pact, lors de la COP de Glasgow en novembre 2021 / Crédit photo : Rémi Chabrillat (DR)

En tant qu’élu à la Ville de Clermont, quelles sont vos priorités pour ce mandat ?

L’idée est de faire évoluer la manière dont on gère et pense l’énergie, la construction durable des bâtiments publics, l’eau, les déchets et l’économie circulaire. Néanmoins, depuis que les déchets et l’économie circulaire sont passés sous compétence de la Métropole, je suis plutôt dans un rôle d’interface et d’animation pour travailler sur la collecte des déchets dans la ville.

Pour les nouveaux bâtiments que l’on souhaite construire, nous mettons en place des critères d’attribution des marchés de plus en plus durables, à la fois dans l’intérêt de la collectivité, et celui des entreprises. Si on arrive à faire évoluer nos commandes, on amène les entreprises à faire évoluer en même temps leur savoir-faire pour le besoin de nos chantiers mais également pour ceux des particuliers ou des commandes privées. Encore une fois, montrer que ça marche et créer les outils qui vont permettre la diffusion !

Nous mettons en place des critères d’attribution des marchés de plus en plus durables.

En parallèle, nous avons aussi des ambitions importantes en matière de rénovation énergétique. C’est un enjeu important de ce mandat, porté par mon collègue Christophe Bertucat, avec le double objectif de moins consommer dans nos bâtiments, et là encore développer le tissu économique autour des activités de rénovation.

Enfin nous accélérons le développement des énergies renouvelables sur notre patrimoine : solaire photovoltaïque, remplacement de nos dernières chaudières au fuel par des chaudières biomasse, et raccordement du plus grand nombre de bâtiments aux réseaux de chaleur.

Lire l’entretien : à Lempdes, Henri Gisselbrecht porte « un discours d’économie d’énergies »

Des projets sont en cours pour consolider les réseaux de chauffage urbain …

Oui, la Métropole finalise l’interconnexion des deux réseaux de chaleur de Clermont Nord, le premier exploité par ECLA (Croix-de-Neyrat), le second par CLERVIA (La Gauthière), avec une extension vers le centre de l’agglomération. Jusqu’à aujourd’hui les deux réseaux distribuaient 80 GWh, ces extensions vont permettre d’en rajouter 120, fournis à 80 % par des énergies renouvelables, à travers deux chaufferies biomasse.

L’autre gros projet est la création du réseau “Saint-Jacques Plus”. L’objectif  est de créer un réseau qui partira de Vernéa [le site du Valtom], en branchant le lycée Lafayette, le quartier de l’Oradou, Saint Jacques, les Cézeaux, le CHU et potentiellement un bout de la ville de Beaumont.

Le but, ici, est de créer un réseau qui représentera 100 GWh et qui sera majoritairement alimenté par la chaleur fatale récupérée de l’incinérateur. C’est une vraie bonne idée ! Pour moi, il s’agit d’un projet structurant qui permettra à la fois de remplacer le gaz par une énergie de récupération, et de stabiliser la facture de l’hôpital, de l’université et d’un gros ensemble de logements sociaux.

Le « pôle Vernéa », géré par le syndicat mixte Valtom, traite les déchets du territoire et en valorise le maximum. Notamment à travers le projet d’un réseau récupérant la « chaleur fatale » de son incinérateur / Crédit photo : Valtom (DR)

Enfin, vous insistez sur la montée en puissance d’un nouvel acteur départemental de la transition énergétique …

Il y a en effet une conjonction d’astres intéressante au niveau du département. Un des acteurs principaux de cette transition, le Syndicat Intercommunal d’Electricité et de Gaz [SIEG] du Puy-de-Dôme, vient de changer son nom en “Territoire d’Energie 63” [TE63]. Il était jusqu’à récemment très cantonné sur son métier historique, à savoir faire fonctionner le réseau de distribution et l’éclairage public. Dorénavant, il travaille aussi au déploiement des infrastructures de recharge de véhicules électriques, et va s’investir dans la production d’énergies renouvelables. 

Ce qui est intéressant c’est qu’il le fera autant pour lui-même qu’en accompagnant les collectivités qui le souhaitent. En fait, le TE63 se base ici sur l’expérience du Syndicat des Energies de la Loire, qui réalise et exploite des réseaux de chaleur alimentés par la biomasse en « maîtrise d’ouvrage déléguée » – c’est-à-dire pour le compte des collectivités qui sont trop petites pour s’en occuper elles-mêmes. 

Il y a une conjonction d’astres intéressante au niveau du département.

Ici, le TE63 s’engage dans cette voie, et articulera ces nouvelles compétences en complémentarité, dans le prolongement de l’ingénierie apportée par l’Aduhme. Parallèlement, ça peut valoir aussi pour des installations photovoltaïques, voire pour de la rénovation énergétique comme ça se pratique déjà dans la Loire ou l’Allier.

Dans ce contexte s’inscrit également le Conseil Départemental, avec lequel l’Aduhme collabore directement sur toute une série d’opérations collectives, et qui crée une société d’investissement dans les énergies renouvelables, à laquelle le SIEG – TE63 participe également.

Pour conclure, quel est votre objectif politique pour ce mandat ?

J’espère contribuer à une structuration cohérente et à l’émergence d’une synergie d’acteurs. Je compte à la fois sur un département aménageur et financier, sur des collectivités qui agissent avec le soutien et les conseils de l’ Aduhme, et sur un SIEG/TE63 qui réalise les choses pour le territoire et pour le compte des collectivités qui ne peuvent pas le faire par elles-mêmes. 

A mon sens, on a là un objectif motivant pour les deux-trois années à venir ! Il y a matière à passer un vitesse supérieure dans l’accompagnement des territoires vers la transition écologique et énergétique dans le Puy-de-Dôme, j’en suis convaincu.

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Propos recueillis le 15 février 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Rémi. Merci à Bastien pour la première écriture et à Stéphanie pour les visuels. Crédit photo de Une : Rémi Chabrillat (DR)