L’insertion au service de l’agriculture maraîchère et de la biodiversité : le pari de Serge Pichot à Gerzat

Par

Damien Caillard

Le

Avec une grande part de terres agricoles et une candidature attendue au “territoire zéro chômeurs”, Gerzat pourrait redevenir le “potager de la Métropole” estime son maire.


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Pourquoi cet article ?

Comme chaque mois depuis mars, je vous propose un entretien transversal sur la transition écologique et la résilience territoriale vue par un des maires de Clermont Auvergne Métropole.

Après un petit passage à vide en janvier, nous repartons en 2022 par Gerzat, où son maire Serge Pichot m’a accueilli pendant près d’une heure et demie d’entretiens. Fait intéressant : j’étais mis en relation notamment par Christine Mandon, maire d’Aulnat qui travaille avec Serge Pichot sur les enjeux touristiques – cela montre les nombreuses collaborations “bilatérales” entre élus locaux sur la Métropole.

Ce 1er février, nous avons donc évoqué les nombreux enjeux écologiques de la ville de Gerzat. J’en retiens une vraie sensibilité du maire sur les enjeux agricoles et, plus généralement, de biodiversité : cela est probablement dû autant à son héritage personnel qu’à la configuration et au “potentiel foncier” de Gerzat. Peut-être que la ville redeviendra le “potager de la Métropole” comme l’espère à demi-mot Serge Pichot. Ce serait probablement une bonne chose autant pour les emplois en insertion qu’il souhaite y créer, que pour les besoins alimentaires locaux à couvrir dans le cadre du Projet Alimentaire Territorial.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. Les flux de transit routier marquent le visiteur à Gerzat. Pour son maire, Serge Pichot, il faudrait réfléchir à une orientation pas uniquement nord-sud comme elle existe, mais aussi vers l’ouest, en direction de Cébazat et Durtol. Une manière de mieux desservir la zone de Ladoux notamment, où les transports en commun sont inexistants. Sans oublier de développer le ferroviaire, un moyen de transport très présent à Gerzat et sous-utilisé malgré de bonnes infrastructures – à condition que les donneurs d’ordres (Région, SNCF …) se concertent.
  2. A l’inverse du trafic de transit, le centre de la ville a vocation à s’apaiser de plus en plus, avec le développement des mobilités douces, voire du “sans voiture” – en parallèle de la concentration d’offres commerciales et servicielles de proximité. Cela ne se fera pas sans un travail de démocratie participative, aidé par le CISCA. Le vélo pourrait ainsi desservir les quartiers avoisinants en mode radial, et des coulées vertes constituer des itinéraires de liaison apaisés.
  3. Au-delà des coulées vertes, c’est la végétalisation de la ville que souhaite Serge Pichot, a minima dans les friches et délaissés qui parsèment le tissu urbain. Avec l’association Terre Limagne, des projets de “micro-forêts” sont à l’oeuvre sur certains terrains, avec un aspect pédagogique en direction des collégiens locaux. Le maire lui-même est personnellement très sensible aux enjeux de biodiversité, et s’avère un grand promoteur de la haie et du bocage – même au niveau de la Métropole.
  4. La politique agricole de Gerzat concerne une grande superficie de la ville, soit pourvue d’exploitations existantes comme à l’est (dont les fermes de Raud et de Villevaud, propriétés de Terre de Liens), soit en potentiel de développement comme à l’ouest sur des terrains sanctuarisés ou des projets urbains inaboutis. Au nord, un projet de reconquête de coteaux est en cours, visant la réintroduction de vergers et sans doute de vigne. La clé réside dans l’animation foncière et l’inventaire des parcelles.
  5. Autre fois “potager de la Métropole” grâce à la présence du Bédat, Gerzat pourrait prochainement retrouver cette vocation si elle obtient le label “Territoire Zéro Chômeurs” pour lequel elle a candidaté. L’idée serait alors de déployer des emplois aidés vers l’entretien des espaces naturels et agricoles, et la formation massive aux techniques maraîchères. Une expérience similaire avait déjà été tentée avec le Secours Populaire.
  6. Les terres agricoles de Gerzat fournissent déjà, pour partie, les cantines scolaires et la cuisine centrale de la commune. En parallèle d’une politique de réduction des déchets alimentaires – avec un self collaboratif, elle permet d’enclencher un cercle vertueux valorisant les productions locales.
  7. Sur la transition énergétique, la priorité est à la diversification du mix énergétique. Les axes étudiés résident dans le développement du photovoltaïque sur des ombrières ou des toits de bâtiments publics avec Assemblia et l’Aduhme (respectivement), mais aussi dans un possible réseau de chaleur à l’est de la ville.
  8. Enfin, Serge Pichot insiste sur une vision qualitative souhaitée au niveau touristique. La préservation de la nature est une priorité, mais il est plutôt optimiste, estimant que les bons dispositifs de protection existent. Le tourisme responsable est donc, selon lui, l’axe de développement de la Métropole pour les années à venir.

L’intervenant : Serge Pichot

Maire de Gerzat ; vice-président à Clermont Métropole en charge du tourisme et du thermalisme : président de Clermont Auvergne Tourisme


Serge Pichot revendique un héritage et une sensibilité agricole marqués : son père était agriculteur céréalier en Limagne – il tenait une exploitation en fermage vers Saint-Beauzire. Surtout, il avait tenu à laisser en place les haies sur ton terrain. Aujourd’hui, le maire de Gerzat parie sur le développement des terres agricoles autour de sa commune, à travers la remise en valeur d’anciennes espèces, la bonne utilisation du foncier municipal, ou encore le développement des emplois en insertion ou grâce au dispositif Territoire Zéros Chômeurs auquel la ville a candidaté.

Par ailleurs, Serge Pichot possède plusieurs titres dans la sphère touristique : il est Vice-Président de Clermont Auvergne Métropole en charge du tourisme et du thermalisme, Président de Clermont Auvergne Tourisme depuis 2020, et il était Vice-Président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme en charge des solidarités territoriales, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de l’insertion de 2015 à 2021. il avait alors participé à développer la plateforme numérique Agrilocal.

Elu conseiller départemental de Gerzat en 2015, initialement avec une liste “divers gauche”, il s’est présenté “sans étiquette” en 2020. Son programme électoral était fortement empreint de transition écologique et énergétique.

Contacter Serge Pichot par email : monsieur.le.maire [chez] ville-gerzat.fr

Crédit photo : Catherine Willoth (DR)


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Gerzat est la principale “porte d’entrée” Nord de Clermont Métropole. Comment voyez-vous l’enjeu de la mobilité dans votre ville ?

En effet, il y a un flux de transit routier très important à Gerzat. Moi-même, je travaille à Aigueperse, et je constate le grand nombre de véhicules en provenance de Riom, voire de Gannat ou de Montluçon. Je pense donc qu’il faut vraiment réfléchir à une logique de desserte depuis le nord vers le sud mais aussi à l’ouest, vers Durtol ou Cébazat. 

Au-delà de la voiture, il faut penser ferroviaire. Ce moyen de transport est très présent à Gerzat – nous avons notamment une gare sur la ligne Clermont-Riom. Mais il est actuellement occulté et donc sous-utilisé. Pourtant, il pourrait être une alternative particulièrement intéressante dans toutes les dimensions territoriales : une liaison Gerzat/Durtol permettrait par exemple de desservir successivement, l’hôpital Estaing, le quartier de la gare, celui des universités, le CHU et la gare de Royat.

Mais le ferroviaire représente une infrastructure coûteuse. Un tel investissement est-il envisageable aujourd’hui ?

Ce n’est pas un problème d’infrastructure ! Car la ligne existe déjà. C’est avant tout une problématique de cadencement, qu’il faut coupler avec la réflexion sur les transports en commun. Vers Ladoux, par exemple, qui est un pôle économique majeur à l’ouest de Gerzat, nous n’avons aucune desserte, aucun bus ! 

Au-delà de la voiture, il faut penser ferroviaire.

Pour les transports en bus, le SMTC va dans les années à venir mettre en place un nouveau schéma de desserte plus complet ce qui réglera déjà une partie du problème. Mais, pour ce qui est du train, la solution ne pourra passer que par une concertation étroite entre la métropole, la SNCF et le Conseil Régional.

Gerzat dispose d’infrastructures ferroviaires complètement opérationnelles sur l’axe Clermont-Riom. Comment en profiter pour mieux irriguer l’ouest de la ville ? / Crédit photo : Ville de Gerzat (DR)

En miroir des grands axes de transit, il y a la circulation “intra-muros” …

Je pense qu’à l’horizon de cinq à dix ans, nous pourrons accéder au centre-ville de Gerzat sur un mode “sans voiture”. Nous menons actuellement une réflexion sur son réaménagement, en lien avec les autres quartiers de la ville – aidés notamment par le CISCA [Centre d’Innovations Sociales Clermont-Auvergne]  sur la démocratie participative. 

Lire l’entretien : pour Geoffrey Volat, le CISCA souhaite “faire bénéficier à ses membres de la connaissance produite” sur la résilience territoriale

Nous souhaitons poursuivre dans le centre-ville la concentration des services publics et commerciaux et développer de nouvelles offres. La création d’un maison de santé et d’un espace « France Service » sont par exemple actuellement à l’étude.

Il faudra, parallèlement à ce projet de redynamisation du centre-ville, réfléchir à de nouvelles connexions depuis les quartiers périphériques. La mise en œuvre du schéma cyclable métropolitain, qui devrait être achevé sur Gerzat en 2024, sera un bon moyen de relier les quartiers et de circuler dans notre ville.

L’axe routier sud-nord à Gerzat est doublé, sur une grande partie, d’une piste vélo bidirectionnelle / Crédit photo : Ville de Gerzat (DR)

Peut-on combiner nature en ville et mobilité douce ?

C’est une question qui se pose depuis un ou deux mandats. L’idée est de réaliser des “coulées vertes” qui soient des itinéraires de liaison, notamment en se basant sur le parcours du Bédat – notre rivière qui est principalement enterrée. Je pense que l’on pourrait ainsi avoir un cheminement complet du nord de la ville vers son centre.

L’idée est de réaliser des “coulées vertes” qui soient des itinéraires de liaison.

Mais j’ai remarqué que les coulées vertes peuvent avoir un effet négatif, quand elles sont couplées à la circulation routière : à l’ouest de Gerzat, les automobilistes n’ont pas l’impression d’être en ville. Du coup, les excès de vitesse sont réguliers. Cela nous conduit à devoir imaginer de nouveaux aménagements de voirie pour freiner ces excès. 

Pensez-vous que favoriser la végétalisation à Gerzat soit possible ?

Oui, et j’aimerais donner vraiment plus de place à la nature en ville d’une manière générale. Gerzat est une ville où le goudron est très présent, mais nous disposons de nombreuses parcelles utilisables pour des projets de végétalisation. Nous menons actuellement un travail d’inventaire de ces délaissés et des “dents creuses”, dans le tissu urbain. Le but est d’évaluer la possibilité de végétalisation de ces espaces – sachant qu’un tiers de la ville, au sud, est en zone inondable.

Nous nous sommes rapprochés pour cela de l’association « Terre Limagne » qui nous accompagne sur des projets de plantation de “micro-forêts” sur des friches non utilisées. Actuellement, nous travaillons sur un beau projet pédagogique avec les élèves du collège, à travers lequel nous prévoyons de planter environ 1000 mètres carrés d’arbres fruitiers sur une parcelle en friche.

Entretien des espaces verts à Gerzat / Crédit photo : Ville de Gerzat (DR)

Quelles sont selon vous les vertus de la végétalisation ?

Personnellement, je suis très sensible à l’importance de la biodiversité et notamment de la haie. Et je milite pour la restauration d’un véritable bocage autour de Clermont ! Mon père était paysan céréalier en Limagne mais lui, contrairement à la majorité de ses collègues, avait le choix de conserver des haies sur ses parcelles. 

La haie est effet pleine de vertu, elle protège les cultures du vent, elle permet de maintenir l’humidité des sols, elle est un abri pour la faune et enfin elle fournit un ombrage très appréciable pour les travailleurs des champs dont j’ai fait partie dans mes jeunes années …

Je suis très sensible à l’importance de la biodiversité et notamment de la haie.

Aujourd’hui, nous souhaitons poursuivre sur Gerzat la plantation de nouveaux linéaires de haies et à l’échelle de la métropole, nous participons avec la Fredon, la Mission Haies d’Auvergne, les associations « Haies du Puy-de-Dôme » et « Terre Limagne » à un projet de recréation de zones bocagères sur le territoire métropolitain

Votre “politique agricole” concerne-t-elle les grandes cultures ?

Nous n’avons pas la main sur ces types d’exploitations. Mais notre volonté est de sanctuariser notre foncier agricole afin de permettre à nos agriculteurs de pouvoir, demain, poursuivre leur activité. 

Notre volonté est de sanctuariser notre foncier agricole.

Actuellement nous avons sur Gerzat deux modes de pratiques qui cohabitent en bonne intelligence : certaines exploitations fonctionnent en mode conventionnel, quand d’autres ont fait le choix de se convertir en bio. Plusieurs de ces exploitations approvisionnent par ailleurs en circuit court notre cuisine centrale et celle du collège, et nous souhaitons bien évidemment soutenir et amplifier demain cette démarche.

En complément : la chaîne du pain à Gerzat, par Simon Gascuel, de la Ferme des Raux

Avec son père Jean-Sébastien, Simon Gascuel exploite en agriculture bio les 80 hectares de la Ferme des Raux, à l’est de Gerzat. Les deux tiers de cette superficie sont propriété de l’association Terre de Lien.

“Nous travaillons sur un mode “donnant-donnant” avec la ville de Gerzat dans la fabrication de notre pain. A terme, tout se fera en proximité : de notre blé bio, jusqu’à la vente sur le marché de Gerzat, mais aussi des entreprises locales, des boutiques bio ou encore de la cuisine centrale de Riom. 

Concrètement, la ville de Gerzat nous met à disposition le four à pain d’une boulangerie actuellement fermée, et dont les locaux appartiennent à la mairie. Un tel outil de travail, sur trois niveaux et complètement opérationnel, n’est pas évident à trouver, et encore moins à déménager ! Nous sommes très contents de pouvoir nous en servir pour cuire notre pain et le proposer à la vente.

Enfin, nous sommes locataires d’environ 20 hectares de notre exploitation qui appartiennent à la ville de Gerzat.”

Propos recueillis le 25 février 2022

Nous avons aussi entamé une réflexion sur la reconquête des côteaux situés au nord de la commune. Autrefois couverts de vignes et vergers, la plupart des parcelles sont désormais à l’abandon. L’an dernier, nous avons accueilli en stage pendant 5 mois une étudiante de l’IADT qui a fait l’inventaire de ces parcelles et recensé les propriétaires. 

Les côteaux du nord de la commune font l’objet de projets d’aménagement. Le retour d’espèces végétales traditionnelles y deviendrait une possibilité / Crédit photo : Ville de Gerzat (DR)

La prochaine étape consistera à mettre en place un dispositif d’animation foncière de façon à pouvoir reconstituer des îlots sur lesquels nous pourrons ensuite replanter des vergers et pourquoi pas également des vignes. La ville de Cournon a initié un projet similaire il y a déjà quelques années, et c’est pour nous un modèle particulièrement inspirant.

Lire l’entretien : pour François Rage, “l’organisation urbaine doit intégrer les questions de transition”

Avez-vous une latitude suffisante dans le Plan Local d’Urbanisme pour sanctuariser des terres agricoles ?

Du fait de l’arrivée prochaine du PLUI [Plan Local d’Urbanisme Intercommunal], la question sera traitée à l’échelle de la Métropole qui dispose désormais de la compétence « urbanisme ». Mais nous savons déjà que la loi Climat et Résilience nous imposera de faire des choix, avec le “zéro artificialisation nette”. Ainsi, nous allons sans doute pouvoir conserver certains projets immobiliers situés au nord de la ville. En revanche, à l’ouest, par-delà la voie ferrée, nous devrons vraisemblablement renoncer à d’autres projets.

Cela dit, dans cette partie de notre territoire, la commune dispose d’importantes réserves foncières constituées au fil des ans. Là, plusieurs projets sont non aboutis ou en attente – comme un projet abandonné de piscine, ou celui du contournement ouest de la ville. Cela a permis de préserver des terres agricoles de l’urbanisation. 

A l’Ouest, la commune dispose d’importantes réserves foncières constituées au fil des ans

La plupart de ces parcelles sont aujourd’hui en friche et pourraient être remises en culture notamment maraîchère. La vallée du Bédat a connu en effet, pendant plusieurs siècles, une très forte activité maraîchère, avec plusieurs dizaines d’exploitations situées entre Gerzat et Cébazat. Et elle est encore bien présente aujourd’hui au travers de quelques exploitations !

Remettre en culture une partie des friches aiderait à renforcer le pôle existant et pourrait permettre à Gerzat de redevenir, d’une certaine manière, le potager de la métropole.

Face à la vue satellite de Gerzat, Serge Pichot souligne le contraste entre un centre dense et minéral, quelques axes structurants et de vastes espaces agricoles / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Pour la valorisation de ces terres, vous attendez beaucoup de la candidature “Territoire Zéro Chômeurs” de la ville …

Tout à fait. Dans le cadre de ce projet, nous avons initialement identifié un gisement d’activité potentiel dans l’entretien des espaces naturels et agricoles. Gerzat est une des communes les mieux pourvues dans ce domaine. Nous disposons notamment d’un important réseau de chemins, de haies et de ruisseaux.

Nous avons initialement identifié un gisement d’activité potentiel dans l’entretien des espaces naturels et agricoles.

Ce patrimoine naturel n’est aujourd’hui pas suffisamment entretenu. C’est donc un des axes d’intervention sur lequel pourra se positionner le dispositif “Territoire Zéro Chômeurs”. Nous espérons obtenir l’habilitation d’ici avril.

En quoi consiste ce dispositif ?

En quelques mots, le dispositif s’adresse à des personnes durablement privées d’emplois. Plutôt que de verser des allocations de solidarité, il s’agit de mobiliser l’ensemble des aides perçues pour les reverser sous forme de salaire dans le cadre d’un CDI qui sera proposé à chaque volontaire. 

Le principe du volontariat et le fait de proposer d’emblée un CDI sont donc deux éléments clé de l’expérimentation. Et les activités proposées ne doivent pas non plus entrer dans le champ concurrentiel. C’est une autre caractéristique du projet.

Thiers, à l’est du Puy-de-Dôme, est une des premières villes en France à avoir bénéficié du dispositif “territoire zéro chômeur” / Crédit photo : Nanzig (Wikimedia Commons, CC BY SA 4.0)

Avec quels partenaires locaux prévoyez-vous de déployer ce dispositif, le cas échéant ?

Si notre candidature est retenue, nous pourrons travailler notamment avec le Secours Populaire, Inserfac et Job Agglo qui porteront les EBE [Entreprises à But d’Emplois] dans lesquels seront salariés les volontaires. 

Le Secours Populaire, avec lequel, nous avions notamment lancé les “marchés pop” il y a deux ans, a d’ores et déjà lancé son activité d’insertion par le maraîchage. Leur objectif est ici de pouvoir approvisionner en produits frais et en direct son épicerie solidaire et ses marchés locaux.

Il faudra former massivement de nouveaux salariés aux techniques maraîchères.

Pour ce projet, le Secours Populaire travaille aussi en lien avec la chambre d’agriculture, qui souhaite développer la filière de légumes en plein champ. Le développement de cette activité étant fortement demandeuse de main-d’œuvre, il faudra donc former massivement de nouveaux salariés aux techniques maraîchères, ce que nous permettra de faire le Territoire Zéro Chômeurs.

Quelle est votre stratégie concernant l’alimentation locale, notamment dans la restauration collective ?

Dans mon précédent mandat au Conseil Départemental, j’avais en charge la politique agricole du département au sein de laquelle le développement des circuits courts était – et est encore – une priorité. Je pense notamment au développement de la plateforme Agrilocal qui permet aux acteurs de la restauration collective de s’approvisionner directement auprès des producteurs locaux. 

Lire l’entretien : selon Nicolas Portas, l’outil de commande publique Agrilocal “remet du lien social sur le territoire”

A Gerzat, le collège et la cuisine centrale de la commune adhèrent à cette plateforme et sont ainsi pour partie approvisionnés par des producteurs gerzatois.

Depuis l’an dernier, nous avons également mis en place une nouvelle démarche pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Cette nouvelle démarche, développée en partenariat avec le laboratoire Terana à Lempdes, s’appuie notamment sur le déploiement de selfs collaboratifs. Le principe est simple : tout y est conçu pour responsabiliser les élèves. Ils vont se servir sur des “îlots” et gèrent eux-mêmes leurs repas. Avec quelques règles, par exemple “pas de plat si l’entrée n’est pas terminée”.

Et les avantages sont nombreux : le contact avec les agents est meilleur, moins “mécanique” ; les plats chauds sont vraiment chauds ! Et, surtout, il y a un vrai effet de levier sur les déchets alimentaires. Avec, à la clé, des économies de l’ordre de 20% au bout de seulement quelques mois ; économies qui nous permettent ensuite de pouvoir dégager des marges pour nous approvisionner davantage en bio et en local. 

Les terres agricoles sont très présentes à l’est comme à l’ouest de Gerzat. Selon son maire, la ville était – et peut redevenir – le “potager de la métropole” / Crédit photo : Ville de Gerzat (DR)

L’insertion semble être pour vous un levier d’action important dans la transition écologique …

Il est vrai que nous avons de nombreuses entreprises de l’ESS [Economie Sociale et Solidaire] à Gerzat, comme les Mains Ouvertes, Envie MO, Solidarauto 63, le Biau Jardin … et nous faisons déjà appel à des emplois en insertion pour l’entretien des haies ou des berges du Bédat.

A l’été 2021, nous avons réactivé les “chantiers jeunes”. Ce sont des contrats courts, sur 15 jours, en CDD et en lien avec l’entretien du patrimoine de la ville – au sens large. Cela inclut par exemple les espaces verts autour des installations sportives. Et ces contrats sont réservés aux jeunes de 17 à 20 ans. C’était un vrai succès l’an dernier, et nous réfléchissons à les étendre jusqu’à 25 ans, et à les porter sur un mois. Cela deviendrait un dispositif d’insertion plus classique.

Ce qui se passe à Thiers (…) nous inspire beaucoup

Enfin, si nous travaillons avec Job Agglo dans le cadre du Territoire Zéro Chômeurs, nous pourrons aller plus loin. Ce qui se passe à Thiers, qui a fait partie des dix premiers territoires habilités au plan national, nous inspire beaucoup.

Ainsi, qu’il s’agisse de l’entretien de nos espaces naturels ou des services à la personne, je pense que l’on est en mesure de proposer à Gerzat beaucoup de nouvelles activités.

Au Biau Jardin, en périphérie de Gerzat, les salariés en insertion exploitent le terrain et en font un des principaux producteurs maraîchers de la Métropole / Crédit photo : Jodie Way (DR)

Quelle est votre action en matière de transition énergétique ?

Dans ce domaine, nous collaborons aux initiatives des Ombrières d’Auvergne portée par Assemblia, et nous avons renouvelé notre adhésion à l’Aduhme. Cette dernière nous accompagne sur le développement du photovoltaïque dans le cadre du projet Solaire Dômes, et dans la réalisation de diagnostics de performance énergétique sur l’ensemble de nos bâtiments publics.

Nous réfléchissons aussi à diversifier notre mix énergétique.

En complément au développement de l’énergie solaire, nous réfléchissons aussi à diversifier notre mix énergétique. L’installation d’un réseau de chaleur qui pourrait être alimenté par une chaudière bois ou en géothermie est, par exemple, à l’étude sur le quartier du Patural situé à l’est de la ville. 

Dans ce quartier se concentrent autour du collège l’essentiel de nos installations sportives et de nos bâtiments culturels et, du coup, l’ensemble de ces infrastructures publiques se prêterait bien à la réalisation d’un tel projet.

Lire l’entretien : vers une “logique de prise de responsabilités” écologique et politique, selon Rémi Chabrillat

Pour conclure, vous êtes aussi en charge du tourisme et du thermalisme au Conseil Départemental du Puy-de-Dôme. Comment reliez-vous ce sujet à l’écologie ?

La région de Clermont bénéficie d’un véritable “marqueur environnemental”. Le label UNESCO, la présence très proche de deux Parcs Naturels Régionaux sont des atouts majeurs. Sans parler de la voie verte, la Via Allier, qui est en cours d’aménagement le long de l’Allier et dont l’ouverture des premiers tronçons connaît déjà un vrai succès de fréquentation.

Mais, pour autant, il ne s’agit pas d’attirer toujours plus de monde. Je crois en une approche plus qualitative que quantitative. Il faut que nous soyons particulièrement vigilants à ne pas “dégrader l’écrin” dans lequel nous vivons. Les gens recherchent une nature préservée, et de l’authenticité. 

Il faut que nous soyons particulièrement vigilants à ne pas “dégrader l’écrin” dans lequel nous vivons.

Cela dit, je suis optimiste à ce sujet. La majorité des professionnels du tourisme sont parfaitement conscients de cet enjeu, et des garde-fous existent déjà. Par exemple avec le plan de gestion créé sur le périmètre UNESCO, ou des chartes de de développement du tourisme durable mises en place par nos deux PNR [Parcs Naturels Régionaux].

J’ajoute que l’office de tourisme métropolitain est lui-même engagé dans un processus de certification similaire. Le nouveau schéma de développement touristique de la métropole, adopté il y a quelques semaines, affiche clairement notre ambition de faire du territoire de la métropole clermontoise une destination de tourisme responsable. Ce qu’elle sera assurément, je n’en doute pas un seul instant, dans les années à venir.

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Pour aller plus loin (références proposées par Serge Pichot) :
Pour agir – suivre l’image du colibri, popularisée par Pierre Rahbi : “on peut faire plein de petites choses, et au final recréer un écosystème vertueux
(…) l’échelon communal étant un niveau d’action intéressant”

Propos recueillis le 1er février 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Serge Pichot. Merci à Cécile Quintin et à Christine Mandon pour la mise en relation, et à Catherine Almeida pour les visuels. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie.