Difficile de rater la Muraille de Chine à Clermont : ce "grand ensemble", construit en 1961, surplombe la ville depuis le plateau Saint-Jacques. Sa démolition, assurée par Assemblia, est prévue pour fin 2023. C'est un des plus gros chantiers de ce type à l'échelle européenne.
La visite privée que nous faisons concerne une partie du bâtiment, au début de l'allée des Dômes. Ses habitants ont été les premiers à avoir été relogés. En cours de démolition, elle représente une centaine d'appartements répartis sur huit étages.
Le bâtiment, comme l'ensemble de la Muraille, a eu une importance capitale dans la vie clermontoise : c'est ce que veut souligner, et célébrer, le bailleur social Assemblia. Il a ainsi mis en place un travail mémoriel que l'on observe dès les alentours de l'immeuble.
A l'intérieur, toutes les portes et de nombreuses cloisons ont été retirées, permettant un passage transversal d'une travée à une autre. Pour peu que le soleil soit de la partie, les perspectives sont profondes, les couleurs sont claires, malgré les matériaux bruts.
Pour la visite, nous sommes accompagnés de Marion Canalès, présidente d'Assemblia, de Cédric Prodhomme, responsable du service Renouvelle Urbain (au milieu) pour le bailleur social, et d'Olivier Agid, auteur et réalisateur du projet Acte Muraille (à gauche).
Acte Muraille, c'est le nom de l'oeuvre évolutive opérée par Olivier dans le bâtiment. Deux travées, sur 8 étages, ont été aménagées par lui en espaces d'exposition, mettant en valeur les habitants invisibles, le lieu architectural en ruine, et la vue sur la ville.
L'installation propose des oeuvres picturales sous forme de tableaux, mais aussi des objets, des résidus archéologiques, des vues, des volumes, des matériaux... Tous interrogent le contexte en cours de mutation.
Il s'agit d'un projet mémoriel qui concerne plus que le bâtiment, souligne Marion : "Nous devons célébrer ce que [la Muraille] a été, et acter sa déconstruction dans un contexte d'humanité." Acte Muraille doit parler du vécu, du lien avec la ville, et d'urbanité.
La déambulation rappelle certains musées d'art moderne. "C'est une oeuvre d'art process, un peu abstraite" concède Olivier. "J'étudie depuis des décennies la grammaire de l'image et les dynamiques de mutation des sociétés. Ce projet s'inscrit dans mon lien avec ce territoire."
On trouve, dans l'exposition, plusieurs éléments du bâti, transformés en sculptures industrielles. Cédric insiste cependant sur la dimension recyclage du chantier : "il y a un modèle économique bien connu dans le recyclage, avec des acteurs identifiés." Il a l'ambition d'un chantier exemplaire sur ce point.
Le langage de l'image est omniprésent dans les oeuvres d'Olivier, comme ici avec la Muraille et le viaduc Saint-Jacques. "Il fallait une étude visuelle en images sur la question du territoire." Il a introduit ce sujet avec des neuroscientifiques, soutenu par Rachid Kander, directeur général d'Assemblia et initiateur du projet.
Au dernier étage, Olivier Agid a mis en place un bureau, un espace de réception et un atelier. Il y récupère des éléments - parfois minuscules - issus de la démolition. Ces couleurs, ces formes, ces matières sont significatives pour l'artiste.
Le quartier Saint-Jacques vit des transformations majeures, souligne Marion - également adjointe à la ville de Clermont. "Nous voulons le renaturer à grande échelle, pour que l'on retrouve le même vivre-ensemble dans les parcs que dans la Muraille."