Rob Hopkins à Clermont, pour booster la transition

Par

Damien Caillard

Le

23 septembre 2020 / Le fondateur du Transition Network, fort de 3500 communautés actives, a pris la parole aux Volcans et à l’Opéra pour parler transition et imagination.

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Pour nous en sortir, il faut prendre des mesures créatives et urgentes, tout réinventer. Il faut remettre l’imagination au centre“. Rob Hopkins, fondateur du Transition Network, est passé apporter un peu de pollen inspirant* à Clermont ce mercredi. Son credo : face à l’urgence environnementale, nous devons nous projeter dans un futur souhaitable afin de vouloir le réaliser.

Objectif : imaginer

L’homme est indéniablement british, très sympathique, plein d’entrain. Il peut, car il apporte avec lui l’expérience de 3500 communautés “en transition” à travers le monde (groupes de personnes, villes, entreprises …). Tous ses arguments sont étayés par des données ou des exemples concrets, souvent assortis de chouettes photos qui donnent envie d’essayer.

S’il insiste tout de même sur l’importance et l’urgence des enjeux – il cite Naomi Klein en disant qu'”on n’a plus de solutions non radicales à disposition”, il pousse très vite à la créativité, au plaisir de faire, au collaboratif.

Car l’imagination se travaille, se développe, s’organise. C’est un muscle qu’il faut entretenir, et qui est clairement en déclin depuis plusieurs décennies – que ce soit à cause des écrans qui nous envahisse ou de la gestion orthodoxe qui a horreur de toute fantaisie.

Animé par Julien du magazine Sans Transition, l’intervention de Rob Hopkins devant le public de la librairie les Volcans / Crédit photo : éditeur

Et certains acteurs dans le monde l’ont compris, comme le maire de Mexico qui avait mis en place un laboratoire d’idées et d’expérimentation, Para la Ciudad, animé par Gabriella Gomez. Un vrai “ministère de l’imagination” comme le résume Rob. Mais il cite d’autres territoires, associations, simples groupes de citoyens … et tout de même quelques entreprises qu’il a pu suivre (comme Patagonia).

Ma première question à Rob : comment se porte le mouvement de la Transition en France ?

Et si … ?

Bref, selon lui, l’imagination est le meilleur antidote au “c’est pas possible” ou “ça ne marchera pas”. Il la résume ainsi : “la capacité de voir les choses comme si elles étaient différentes”. Et propose deux mots pour commencer tout changement : “et si …”.

Echange avec Rob Hopkins aux Volcans, autour de son livre “et si …” / Crédit photo : éditeur

Il se trouve que c’est le titre de son dernier ouvrage, dont il a fait un bout de lecture à la librairie les Volcans. Dans ce livre, il détaille sa vision de l’imagination au pouvoir, donne plusieurs méthodes et outils, et fournit plusieurs exemples.

L’imagination, c’est la capacité de voir les choses comme si elles étaient différentes

Rob Hopkins

Parmi ceux-ci, il ne tarit pas d’éloges sur la ceinture maraîchère de Liège, en Belgique. A l’origine : Rob passe à Liège, un groupe local le rencontre puis se dit “Et si … la majorité de notre alimentation provenait des environs, d’ici une génération ?“. Quatre années passent, Rob revient … et constate que 25 coopératives ont été créées, et 5 millions d’euros (en local) levés pour la ceinture maraîchère. Il cite le maire de Liège : “avant, nous voulions être une smart city. Maintenant, nous voulons être une ville en transition.”

Clermont, ville en transition ?

A l’Opéra de Clermont, Rob passe en mode conférence. La salle est bien pleine – en mode gruyère, Covid oblige. Mais l’ambiance est sympathique, les participants sont variés et se prêtent aux petits jeux interactifs et imaginatifs proposés par Rob. Bref, bon moment tous ensemble, sous l’égide du magazine Sans Transition qui accompagne sa tournée nationale, et présente son édition Auvergne-Rhône-Alpes.

Rob Hopkins, fondateur du Transition Network, vient polliniser à l’opéra de Clermont pour activer l’imagination / Crédit photo : éditeur

Rob intervient donc dans le cadre de la Semaine du Développement Durable, rendez-vous désormais récurrent fin novembre et proposant plusieurs animations sur le thème écologique (ça dure plutôt 3 semaines, en fait). Il insiste sur le fait que c’est la Métropole qui a rendu la conf gratuite pour le public.

Et c’est d’ailleurs Anne-Laure Stanislas, nouvelle adjointe EELV au maire de Clermont “en charge des villes en transition” qui introduit l’orateur. Elle se livre à un petit exercice prospectif, un “Clermont durable” d’ici plusieurs années, listant rapidement plusieurs sujets qui auront été réglés comme l’eau, l’alimentation, l’énergie. Et insistant sur un point : “une ville où les habitants apprennent et expérimentent”, notamment via les budgets participatifs. Ok, à suivre …

Exemple de “Parking Day”, où les habitants organisent des activités sur des places de parking, en toute légalité / Crédit photo : éditeur

Après cette introduction, Rob reprend ses thématiques déjà développées aux Volcans, mais propose beaucoup plus d’exemples qu’il projette, sous forme de photos. Mon préféré : le parking day, inventé à San Francisco, et qui consiste à se dire “si je prends une place de parking, suis-je obligé d’y garer une voiture ? Que puis-je y faire d’autre ?”. Résultat – imité notamment à Toulouse la semaine dernière : des séances de sport, des cours de yoga, des aménagements culinaires ou botaniques éphémères, sur des espaces autrement dévolus à la voiture. Dans l’opéra, l’assemblée rigole, soupire, apprécie.

Ma seconde question à Rob : comment faire la transition dans le cas d’une ville comme Clermont, fortement marquée par son passé industriel ?

La méthode Rob Hopkins

Enfin, Rob détaille un diagramme coloré appelé le imagination sundial, qui résume son approche en quatre points pour développer, structurer et profiter de l’imagination au service de la construction d’un futur meilleur.

  • De l’espace – trouver de la place, en termes de temps notamment, pour laisser libre cours à son imagination. Einstein est cité par Rob : “mes meilleures idées me sont venues en promenant à vélo dans la forêt”. Il prend parti pour la semaine de 3 jours de travail, le revenu universel qui permettraient de donner du temps pour imaginer.
  • Des lieux dédiés – pour “voir les choses différemment”. Ces lieux peuvent être permanents ou éphémères, comme avec la végétalisation du Waterloo Bridge à Londres (en gros, transformer un pont à fort trafic en une forêt le temps de quelques jours), ou encore les parking days évoqués plus haut. “J’aime les notions d’inattendu, d’imprévu, qui nous font réenvisager ce qui semblait impossible” dit-il.
4 piliers, de nombreuses actions liées, pour entretenir et développer l’imagination au service de la transition : le Imagination Sundial de Rob Hopkins / Crédit visuel : Transition Network (DR)
  • Des pratiques – un “exercice physique pour renforcer le muscle de l’imagination” résume Rob. Petit focus sur l’hippocampe, bout de cerveau siège de l’imagination et de la mémoire, et TRES sensible au stress. Comment pratiquer ? En s’amusant à construire des sortes de maquettes de nos idées (avec des boîtes en carton), en nommant des “narrateurs en chef” (comme Per Grankvist en Suède), et en multipliant les séances “Et si …”
  • Et des pactes – des structures, des organisations au sein des collectivités ou entreprises existantes, ou en lien avec elles. Quand u habitant de Bologne, en Italie, a signalé au maire qu’il fallait “9 mois, 6 autorisations” pour lui permettre de repeindre elle-même un banc public en bas de chez elle, cela aboutit à la création d’un “bureau de l’imagination citoyenne” déclinés à travers 6 laboratoires urbains et une série d’exercices créatifs.

Et ma dernière question à Rob : comment vois-tu la question de la résilience territoriale ?

Même s’il multiplie les exemples citoyens et décalés, s’il reconnaît que les entreprises sont à la traîne dans la transition, et s’il soutient sans réserve Extinction Rebellion**, Rob Hopkins insiste : “il ne faut pas d’approche frontale visant à détruire le capitalisme. Proposons des alternatives plus attrayantes, et les gens changeront.”

*même avec le masque
** “ma femme y participe, elle a été arrêtée 4 fois. Je suis très fier d’elle” dixit Rob 🙂

Damien

Pour aller plus loin:
le site de rob Hopkins (avec les outils et méthodes)
le site du réseau Transition France (pour les communautés engagées)

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Merci à Julien et à l’équipe de Sans Transition Magazine pour leur aide, ainsi qu’à Olivier et Margaux des Volcans. Crédit photo de une : éditeur

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