La Rentrée Climat a sensibilisé plus de 400 élèves du supérieur auvergnat aux enjeux climatiques. Comment aller plus loin ?
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
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Septembre, le mois de la Rentrée … Climat. C’est le nom d’une opération organisée par l’association La Fresque du Climat, basée à Paris, et éditrice du serious game éponyme. Ce dispositif d’envergure – visant près de 100 000 étudiants formés sur l’année scolaire 2020-2021 – est dédié aux établissements d’enseignement supérieur.
Pour savoir ce qu’est une Fresque du Climat, déployez le bandeau ci-dessous :
Je pense qu’une petite vidéo vaut plusieurs mots :
Jeu collaboratif et pédagogique (serious game) basé sur les travaux du GIEC, la Fresque du Climat est un atelier de 3 heures permettant de comprendre et visualiser le système climat-énergie sur Terre.
Il s’agit d’assembler une cinquantaine de cartes représentant des “éléments” de ce système, dans un ordre cause-conséquence. Ensuite, il faut les reliér par des flèches. Puis l’ensemble est commenté par les participants – avec l’aide d’un animateur.
La Fresque du Climat permet ainsi une visualisation simplifiée du système énergie-climat, suite à un assemblage ludique et collaboratif, pour une meilleure compréhension des enjeux. Le debrief final est l’occasion d’évoquer de nombreuses pistes d’action possibles.
J’anime des Fresques du Climat et je vous propose un lien dédié en fin d’article.
En Auvergne, 400 étudiants formés
Sur l’Auvergne, le démarrage est modeste mais prometteur. Un groupe de “Fresqueurs” – bénévoles – s’est monté au début de l’été, en lien avec l’association nationale. Depuis, ce sont plus de 400 élèves qui ont “joué le jeu” dans trois écoles auvergnates : Sigma et l’ESC à Clermont, et l’IUT de Moulins.
Sur l’Auvergne, le démarrage est modeste mais prometteur
En effet, il semblait important de sensibiliser les étudiants aux enjeux climatiques au début de l’année scolaire … et même du cursus. Pour Lionel Pradelier*, l’objectif est ainsi de “prendre conscience des difficultés de réaliser des pivots pour l’ensemble de nos sociétés” en amont des cours traditionnels.
*Lionel Pradelier est responsable du pôle MICSE (Management/International/Culture/Société/Entreprise) à SIGMA Clermont
260 étudiants ont ainsi été formés les 7 et 8 septembre dernier, avec l’aide de “Fresqueurs” externes, issus du groupe clermontois, mais aussi de 9 enseignants Sigma formés pour l’occasion. C’est l’association de la Fresque qui s’est mobilisée pour faciliter cette démarche : “Deux personnes de Lyon sont venues pour du coaching et de la formation d’animateurs internes à Sigma” précise Florian da Silva, Fresqueur bénévole et coordinateur de la Rentrée Climat à Sigma. “Cela a permis une bonne montée en compétence.“
A Moulins, l’IUT a pu sensibiliser 60 étudiants. L’essai n’a pas pu être aussi bien transformé qu’à Sigma, puisque les enseignants n’ont pas suivi eux-mêmes la formation, regrette Florian. Mais, au final, ce sont tout de même 320 étudiants qui auront été concernés par la Rentrée Climat en Auvergne.
Démarche parallèle à l’ESC Clermont
Il manque donc 80 étudiants pour faire le compte. 90 pour être précis … puisque c’est l’intégralité de la première année du Programme Grandes Ecoles de l’ESC qui a suivi les Fresques, le 25 septembre dernier.
Là, il ne s’agit pas de la Rentrée Climat au sens strict puisque les responsables pédagogiques souhaitaient déjà organiser les ateliers, indépendamment de la démarche coordonnée. En effet, Diego Landivar, responsable du Forum des Nouveaux Mondes – 4 semaines qui ouvrent la première année et permettent de démarrer par une ouverture d’esprit maximale – tenait à inclure la Fresque au milieu de son parcours.
“Depuis 2012, le Forum des Nouveaux Mondes place les étudiants au cœur de l’anthropocène et du changement climatique.” précise Diego. “Ils y suivent notamment des conférences de géologues et de géomorphologues pour capter les enjeux du changement d’ère, avant de participer à la Fresque du Climat à la fin des 2 premières semaines“
La Fresque s’inscrit comme pivot du Forum d’intégration à l’ESC
La Fresque s’inscrit donc comme point pivot de cette séquence introductive. S’ensuit 2 semaines plus créatives : “on démarre [ensuite] un atelier où les étudiants doivent réfléchir à un projet pour répondre aux enjeux, qu’ils vont mener sur le reste du Forum” poursuit Diego. Quatre semaines d’ouverture tous azimuts … avant d’entamer les cours “classiques” d’ESC : marketing, comptabilité, finances, etc.
L’ESC Clermont, une tradition de sciences humaines
Cela fait plusieurs décennies que l’ESC Clermont propose une approche non monolithique : “l’Ecole a toujours eu une aile ‘Business As Usual’, et une aile très progressiste” selon Diego.
Par exemple, Philippe Trouvé, professeur en sociologie et en sciences humaines, “avait orienté des cours sur les utopies organisationnelles, les expériences démocratiques, les questions d’organisation horizontale, d’anarchie …“ Ce qui est peu banal en grande école de commerce.
Aujourd’hui, le pool de recherche et d’enseignement constitué à l’ESC par Diego Landivar, Emmanuel Bonnet et Alexandre Monnin, souhaite orienter les formations proposées sur la question de l’anthropocène. C’est ainsi que l’ESC Clermont a été contributrice du rapport du Shift Project sur l’enseignement supérieur, et qu’un Master of Science dédié à l’anthropocène va s’ouvrir en octobre à Lyon, en partenariat avec l’école de design Strate.
Au-delà de la Fresque
Mais l’enjeu est de dépasser la simple animation ponctuelle autour du climat. Si la Fresque est “une belle entrée en matière, une sorte de ‘test’ pour voir si se produisent des remous.” selon Quentin Jaud, Fresqueur à l’ESC, elle peut faire l’effet d’un soufflé qui retombe.
Pour éviter cela, les responsables pédagogiques veillent à deux points-clé. Tout d’abord, démarrer les cursus par une sensibilisation aux enjeux climatiques (en utilisant, notamment, la Fresque) : c’est la démarche revendiquée plus haut par Lionel Pradelier, de Sigma, et Diego Landivar, de l’ESC.
Ce dernier revient sur la mise en place progressive de ce qu’est aujourd’hui le Forum des Nouveaux Mondes : “Avant 2012, il y avait des cours de RSE, de développement durable, etc.” se souvient-il. “Tous ont été remplacés par le Forum, mais c’était initialement au début à la fin de la 3ème année, et de manière élective.” Désormais, l’intégralité des étudiants entrant à l’ESC doivent suivre le Forum, en amont des cours plus traditionnels. “C’est plus intéressant d’apporter [les éléments climatiques] en amont pour qu’ils travaillent [par la suite] leur réflexion sur ces bases.” conclut Diego.
Quel rôle pour les enseignants ?
Reste une inconnue majeure : comment le corps professoral va-t-il appréhender la pratique d’un atelier assez disruptif vis-à-vis des enseignements traditionnels ? A l’ESC, Quentin reste plus que prudent : “pas mal de profs sont encore en silos, et peuvent vivre [cette animation] comme un moment menaçant“.
L’enjeu est de dépasser la simple animation ponctuelle autour du climat.
La dynamique élargie semble plus marquée du côté de Sigma, l’école d’ingénieurs des Cézeaux : “L’idée de Sigma est de faire des Fresques en totale autonomie l’année prochaine.” résume Florian. “Ils vont lancer des cours sur l’énergie, le développement durable, et travailler le rôle de l’ingénieur [face au changement climatique]. Ca s’inscrit vraiment dans une démarche globale“
Confirmation de Lionel Pradelier : “Cette approche se poursuit tout au long du cursus, avec différentes animations, cours, électifs permettant d’aborder la transition et ses conséquences, dans une approche systémique et non seulement technique (…) Cela s’appuie également sur des modules plus “classiques” traitant de la responsabilité de l’ingénieur, de la RSE et de l’éthique.“
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La Rentrée Climat 2021 pourra ainsi être d’une toute autre ampleur dans notre région, si la situation sanitaire n’empire pas drastiquement. Déjà, le groupe des Fresqueurs clermontois aura été structuré et pourra s’adresser plus tôt aux grands acteurs institutionnels comme l’Université Clermont Auvergne – qui n’a pas participé à la Rentrée cette année.
Le groupe aura aussi le temps de se développer en rhizome, puisque le principe de la Fresque du Climat est qu’il est aisé de “former des formateurs”. “La Rentrée Climat est un mouvement très décentralisé de sensibilisation sur le sujet climatique” indique ainsi Benoît Marienval, coordinateur du dispositif national auprès de l’association à Paris.
Aujourd’hui, les chiffres sur le territoire français sont très bons, malgré les mesures sanitaires : 20 000 étudiants formés à fin septembre, 50 000 visés pour Noël, pour 130 établissements partenaires et près de 1000 enseignants formés. L’objectif de la Rentrée du Climat étant, selon Benoît, de développer “la prise de conscience à toutes filières, tous établissements” et, in fine, d'”accélérer l’ouverture de la transition écologique à des populations qui n’y sont pas naturellement sensibilisées“.
Si vous êtes intéressé.e pour participer à une Fresque du Climat, ça tombe bien, j’en organise dès le 12 octobre 🙂 Détails et inscriptions sur la page dédiée |
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Merci aux personnes interviewées pour leur disponibilité. Merci aussi à Florian pour les photos Sigma.