C’est à Lyon mais c’est conçu par des Clermontois : le MSc “Stratégie et Design pour l’Anthropocène” vient d’être lancé, sous l’égide de trois enseignants-chercheurs de l’ESC Clermont.
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On va commencer par les bases : qu’est-ce que l’anthropocène ? Au sens strict, c’est l’ère géologique dans laquelle est entrée la planète, depuis la Révolution Industrielle (donc voici 200 ans, environ). C’est à ce moment que les strates rocheuses commencent à porter des traces de l’activité humaine : couches d’hydrocarbures, de produits chimiques, etc.
Au sens plus symbolique, c’est la preuve de l’impact majeur de l’homme sur sa planète. Un impact suffisamment grand pour en modifier le bon fonctionnement. De fil en aiguille, on en arrive au changement climatique ou à l’effondrement de la biodiversité, que nous commençons à vivre.
Une formation pour comprendre et agir
Face à ce constat, on peut militer, inventer, se planquer, réfléchir … ou se former. C’est l’objet du premier Master of Science (MSc) intitulé “Stratégie et Design pour l’Anthropocène” qui vient d’être inauguré à Lyon, après avoir été annoncé fin 2019.
Cette formation principale, de 12 à 14 mois (stages inclus) concerne 25 étudiants de 20 à 50 ans, pour un coût de 11 000 €. Elle se déroule en anglais et aussi bien en ligne qu’en présentiel – Covid oblige – à une moyenne de 3 jours par semaine. Elle fait l’objet d’un partenariat entre l’ESC Clermont et l’école de design Strate, dont le siège est à Paris, et qui accueille physiquement les étudiants à Lyon.
Mais le plus intéressant pour nous, amis Auvergnats, est que le programme de cette formation unique en son genre a été conçu à l’ESC Clermont par trois enseignants-chercheurs que nous commençons à bien connaître dans ces pages : Alexandre Monnin (directeur du MSc), Emmanuel Bonnet et Diego Landivar.
“La pédagogie est particulière” résume Alexandre Monnin. “L’objet du MSc est de traiter des commandes adressées par des organisations privées ou publiques, qui feront office de fil rouge. Les cours permettront de s’en emparer et de les traiter professionnellement.” Cet angle “professionnalisant” vise à ce que les étudiants puissent, par la suite, monter une structure ou un projet opérationnel.
Ces “commandes” portent donc sur des sujets non traités par les cabinets de conseil. Un exemple, fourni par Alexandre : “Comment on pense et on met en œuvre l’arrêt de la construction neuve en Ile-de-France.” C’est assez radical … mais cela fait l’objet d’une demande réelle d’une entreprise parisienne.
L’objet du MSc est de traiter des commandes (…) Les cours permettront de s’en emparer et de les traiter professionnellement.
Alexandre Monnin
Le financement de ces commandes ne fait cependant pas l’objet de contractualisation. “Les entreprises font un don à une fondation qui permettront de créer des bourses pour nos futurs étudiants.”, précise Alexandre.
La valeur de l’enquête terrain
Mardi 6 octobre, c’était donc l’inauguration : mot d’accueil, premiers échanges, cocktail. Mercredi 7, tout le monde en train ! Direction : la Vallée de la Chimie, au sud de Lyon (comme ces gros réservoirs d’essence à Feyzin, que l’on aperçoit en venant de Saint-Etienne). C’était la première enquête des étudiants, et la formation a commencé directement sur le terrain.
“On ne commence pas par de la méthodologie, on va directement sur le terrain.” insiste Alexandre. “On y est allé en 4 groupes avec un coordinateur, puis les cours ont suivi sur la base de l’expérience terrain.” Le module “enquête” est ainsi la première brique du Master.
Mais pourquoi cette zone industrielle ? “On a choisi un territoire caractéristique de l’anthropocène : industrialisé, pollué, mais montrant un vrai attachement culturel, et avec de la biodiversité à proximité“. Mais Alexandre insiste sur un point capital : “La complexité des enjeux. L’usine n’est pas “la grande méchante”, dont on veut se débarrasser. C’est beaucoup plus complexe ! Et ça demande une observation très fine de la situation, avec beaucoup d’imprévus.”
Le but des enquêtes est de faire ressortir la complexité des enjeux et la nécessité de les étudier sur le terrain.
La formation proposera bien sûr une série de cours plus académiques, notamment sur les “perceptions” de l’anthropocène – de par des angles scientifique, historique, mais aussi dans un rapport Nord/Sud. Ainsi qu’une approche poussée sur la documentation, à travers Re-Source, un outil dédié dont Alexandre Monnin a conçu l’architecture : “Ce sera (…) une sorte de carnet de recherche numérique pour alimenter leurs travaux et pour nous de les évaluer à travers ce travail de documentation.”
Combler le “vide stratégique”
Pour conclure, l’ambition du Master lancé mardi dernier semble dépasser le cadre purement académique. “Co-créateur” de la formation, Emmanuel Bonnet insiste sur les aspects stratégiques et même opérationnels de l’approche : “Ce qui manquait“, dit-il, “c’est la question des organisations et notamment des enjeux stratégiques que pose l’anthropocène pour les organisations“.
En effet, selon lui, “l’anthropocène questionne le futur de l’habitabilité terrestre“. Une question que les organisations ne peuvent éluder sous peine de se trouver dans un “vide stratégique”, selon l’expression de Philippe Baumard. “C’est donc un enjeu économique, mais aussi stratégique et opérationnel : comment aider des organisations à répondre à ce changement de paradigme ?”
Comment aider des organisations à répondre au changement de paradigme imposé par l’anthropocène ?
Emmanuel Bonnet
Pourquoi, dans ce cas, un Master “stratégie et design de l’anthropocène” ? Emmanuel précise : “certains designers et chercheurs considèrent que le design est peut-être la seule discipline qui prend pour objet l’habitabilité du monde” sans pour autant se revendiquer des sciences de gestion ni de l’ingénieur.
Des partenariats sont déjà lancés avec des écoles de design à Genève, Göteborg ou encore Québec. Alexandre est fier de ce projet, “parce que des gens nous ont fait confiance. (…) Cela valide notre travail sur l’anthropocène. Et nous permet de toucher un collectif plus large. Notamment depuis Lyon, où la visibilité est supérieure.”
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