Cocoshaker, l’incubateur d’entrepreneurs sociaux basé à Clermont, a fêté ses 5 ans. Sa directrice, Marion Audissergues, revient sur les développements territoriaux à venir.
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Cocoshaker est un des plus beaux “projets” qui aient émergé d’Epicentre Factory, le tiers-lieu en centre-ville de Clermont (qui ferme hélas ses portes d’ici 15 jours). Etant coworker puis membre du C.A. d’Epicentre, j’ai eu la chance de suivre l’évolution de Cocoshaker, qui a désormais 5 ans d’existence et de belles perspectives.
J’étais intéressé dès septembre par faire un point sur le portage d’initiatives territoriales, de type entrepreneuriat, autour de la transition écologique. Ce, notamment pour montrer que l’on peut réagir de différentes façons à la crise environnementale. Et que plusieurs acteurs du territoire sont là pour aider les porteurs de projets.
Je vous propose donc cette semaine un petit focus sur Cocoshaker : après une actu mardi sur le lancement du programme “Expérimentation”, voici un entretien avec Marion Audissergues, fondatrice et directrice de l’incubateur d’entrepreneurs sociaux.
Dans les semaines à venir, j’explorerai auprès d’autres acteurs de l’accompagnement qui soutiennent l’entrepreneuriat et l’innovation environnementale, notamment Landestini, l’ADEME et Alter’Incub.
Damien
Marion est directrice de Cocoshaker. Au delà de l’administratif, des RH et de la gestion, elle est en charge le développement territorial et partenarial.
Pour contacter Marion par e-mail : marion@cocoshaker.fr |
Cocoshaker est, historiquement, le premier incubateur d’entrepreneurs sociaux en Auvergne. Basé à Clermont, il rayonne désormais sur les 4 départements auvergnats, avec une activité marquée sur l’Allier.
Sa vocation est de “développer un territoire où les besoins sociaux et environnementaux trouvent des solutions nouvelles grâce à l’innovation sociale et l’approche entrepreneuriale.“. Pour cela, Cocoshaker propose de l’accompagnement de porteurs de projets entrepreneuriaux à vocation sociale et/ou environnementale.
L’équipe est composée de quatre permanentes : Marion (directrice), Pauline (accompagnement), Cécile (développement territorial) et Fanny (communication). Le président de Cocoshaker est Jean-Claude Hugueny, qui est également président du Club des 1000, de l’IUT et de la plateforme Initiative Clermont Agglo, qui propose du financement et de l’aide à l’entrepreneuriat local.
- Quelle est la spécificité de l’entrepreneuriat environnemental ? As-tu quelques exemples au sein de Cocoshaker ?
- Dans ces projets, la volonté d’impact n’est-elle pas plus forte que l’équilibre économique ?
- Quel est alors le bon “profil” de l’entrepreneur social ?
- Et comment Cocoshaker l’accompagne-t-il dans ce parcours ?
- Tu insistes beaucoup sur la notion de “parties prenantes” : qu’est-ce que cela signifie exactement ?
- Accompagnez-vous beaucoup de projets à caractère environnemental ?
- Quel est selon toi le levier principal pour la transition écologique sur le territoire ?
- Et, justement, quel pourrait être le rôle de Cocoshaker ?
- Hormis les incubateurs, quels sont les autres dispositifs d’aide aux projets d’entrepreneuriat environnemental ?
- Comment vois-tu l’évolution de Cocoshaker demain ?
- Cocoshaker va donc travailler sur l’identification des entrepreneurs sociaux, même en amont de leurs projets … dans quel but ?
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Quelle est la spécificité de l’entrepreneuriat environnemental ? As-tu quelques exemples au sein de Cocoshaker ?
Quand on parle d’”entrepreneuriat social”, ce sont des entrepreneurs qui développent des projets d’entreprise avec un impact social et/ou environnemental. C’est souvent lié ! Par exemple, le projet de la Petite Fugue propose des escape game pédagogiques dans une yourte : le but est d’aller éduquer des jeunes publics, et une de leurs “missions” est sur la gestion des déchets. Il s’agit donc d’un impact social avec une volonté environnementale.
Idem pour la Forêt des Arboris : un parc de loisirs éco-citoyen, intergénérationnel, ludique, mais avec une volonté première d’impact environnemental fort.
Pour le projet Remix Glass, qui développe de la consigne autour du verre, c’est l’inverse : ici, le besoin environnemental pousse l’envie d’entreprendre.
Dans ces projets, la volonté d’impact n’est-elle pas plus forte que l’équilibre économique ?
Monter un projet en entrepreneuriat social, c’est un double challenge : créer une entreprise pérenne, tout en répondant à un besoin social ou environnemental. En effet, l’impact est la raison d’être de l’entrepreneur : les valeurs, le sens en sont naturellement démultipliés. Mais le modèle économique est un moyen – nécessaire – pour l’atteindre.
Quel est alors le bon “profil” de l’entrepreneur social ?
Nous avons fait un travail d’évaluation collective avec le Cisca. Il en est ressorti un idéal-type de l’entrepreneur social, très visionnaire et avec une forte capacité d’enrôlement. Ce n’est plus une notion de client-prestataire, mais d’adhésion à un projet. Et ça, c’est une obligation pour l’entrepreneur social.
Créer une entreprise pérenne, tout en répondant à un besoin social ou environnemental
L’entrepreneur social entreprend parce qu’il a un parcours de vie qui l’a poussé à son projet. Il a observé, vécu des situations, il va parler de ce qu’il le porte et souvent cela fait écho aux personnes en face parce que ça les reconnecte dans leur parcours.
Et comment Cocoshaker l’accompagne-t-il dans ce parcours ?
Nous lui apprenons à développer son réseau, sa posture entrepreneuriale – grâce au co-développement – et le tout en mode itératif. Nous les incitons à “aller à la rencontre de” … développer ensemble, enrôler les partenaires dans le projet. Cela n’a rien à voir avec une relation commerciale ! L’entrepreneur co-construit l’offre avec les gens, et ces derniers voudront s’y investir parce qu’ils y auront trouvé du sens.
Le modèle hybride des entrepreneurs est notre raison d’être. Nous allons accompagner la personne-même dans son processus de création. Cocoshaker se positionne donc comme une structure qui soutient. Aujourd’hui, nous accompagnons des entrepreneurs, des gens qui ont des idées de solution.
Tu insistes beaucoup sur la notion de “parties prenantes” : qu’est-ce que cela signifie exactement ?
La promotion, c’est le premier espace-test pour les entrepreneurs, une zone de confort. Mais ils doivent la dépasser pour aller à la rencontre de leurs propres parties prenantes.
Le modèle hybride des entrepreneurs est notre raison d’être.
Par exemple, Anne Perriaux [fondatrice de 630 degrés Est, qui propose des solutions graphiques pour les personnes à déficience cognitive] avait fait venir la mère d’un jeune autiste, pour réfléchir ensemble à la problématique de son offre. Ici, comme ses bénéficiaires sont les familles ou les centres d’accueil, c’est eux qu’il faut questionner.
Tous les projets que nous accompagnons ont donc une forte relation partenariale. L’entrepreneur social a tout intérêt à “faire avec” … comme tout entrepreneur, bien sûr ! Si les utilisateurs, les clients ne sont pas convaincus de l’intérêt positif pour leur bénéficiaire, ils ne vont pas passer du temps bénévole pour le faire avancer. Cependant, dans un projet d’entrepreneuriat social, la part des parties prenantes est beaucoup plus importante que dans un projet classique.
Accompagnez-vous beaucoup de projets à caractère environnemental ?
Nous sommes très identifiés sur des projets sociaux, mais pas assez sur l’environnement. C’est pour cela que nous avons lancé un partenariat avec le Valtom, rejoints par Picture Organic Clothing et la Fondation d’entreprise Suez. Parce que nous souhaitions rééquilibrer la balance.
Nous sommes très identifiés sur des projets sociaux, mais pas assez sur l’environnement.
Des structures d’accompagnement sur l’économie circulaire, il en existe trop peu. Le Valtom est un très bon soutien pour le territoire, et le partenariat que nous avons noué permet de rendre les choses très opérationnelles … et seulement en 2 ans de travail ensemble ! Nous avons un sprint circulaire demain [le 2 octobre], il y a 18 projets inscrits ! Quel que soit leur niveau d’avancement, c’est un potentiel génial pour le territoire.
Mais il y a encore beaucoup de travail pour être vraiment référent sur ce sujet. Nous nous y attelons … heureusement qu’il y a de belles énergies, des personnes très motivées comme Maxime, mais ça reste encore au début.
Quel est selon toi le levier principal pour la transition écologique sur le territoire ?
Pour moi, il y a un gros travail à faire sur l’éducation – au sens strict – pour faire comprendre qu’il ,ne faut pas forcément faire comme nos parents. Il est urgent de changer les modes de consommation par exemple !
La question du lobbying auprès des collectivités est aussi importante. Mais le but est que les collectivités s’emparent vraiment du sujet, qu’elles réalisent que l’on va dans le mur
Et, justement, quel pourrait être le rôle de Cocoshaker ?
Cela m’intéresse beaucoup de travailler avec des collectivités pour être un espace de sensibilisation et d’acculturation. C’est d’ailleurs une des missions premières du Cisca, et j’ai hâte d’avancer avec eux sur ces sujets. Dans l’Allier par exemple, nous avons un super accueil des acteurs locaux, parce que ces projets ont du sens pour le territoire … mais les collectivités ne voient pas encore l’opportunité pour elles-mêmes.
Cela m’intéresse beaucoup de travailler avec des collectivités pour être un espace de sensibilisation et d’acculturation.
C’est donc, selon moi, le Cisca qui a un vrai rôle à jouer ici. Nous, nous pourrions apporter des solutions portées par nos entrepreneurs comme des réponses aux changements à opérer dans les entreprises et les collectivités.
Du côté de Cocoshaker, nous commençons à la fois à être reconnus par les acteurs du territoire comme un interlocuteur sur ces thématiques d’économie circulaire, et à être identifiés comme un partenaire potentiel par les acteurs auvergnats de l’économie circulaire. Mais on n’en est pas encore à influer sur les commandes publiques, ni sur les grandes entreprises d’ailleurs. Il n’y a pas que le levier de l’entrepreneuriat pour agir.
Hormis les incubateurs, quels sont les autres dispositifs d’aide aux projets d’entrepreneuriat environnemental ?
L’ADEME par exemple soutient des projets bien lancés, de plus grande ampleur. On a aussi les financements classiques à la création d’entreprise – une table ronde est organisée par Cocoshaker en janvier à ce sujet. Mais je ne connais pas de lieu, de communauté dédiée aux projets environnementaux. Hormis les communautés militantes qui ne sont pas dédiées à de l’entrepreneuriat.
Peut-être que les initiatives sur l’environnement se font plus de manière collective ou associative, et qu’elles ne se revendiquent pas de l’entrepreneuriat social ? Ou, à l’inverse, qu’elles s’organisent dans une logique plus “business”, parce qu’il y a simplement une opportunité de marché ? Même si nous, nous croyons que le duo gagnant, c’est l’impact économique ET social/environnemental.
Ces projets ont du sens pour le territoire … mais les collectivités ne voient pas encore l’opportunité pour elles-mêmes.
Au final, je pense que – quelles que soient les raisons – il faut aider l’émergence de ces projets. Ils auront des moyens différents de se pérenniser, que ce soit par l’appui du territoire ou par une rétribution personnelle plus forte.
Comment vois-tu l’évolution de Cocoshaker demain ?
J’aime me dire que Cocoshaker est davantage qu’un incubateur, qu’il peut faire le lien entre les problématiques du territoire identifiées par les collectivités ou les entreprises privées, et en face des entrepreneurs sociaux sans projet précis. Je trouverais ça super intéressant, même si c’est un autre métier. Sur le travail de la posture, ça se fait en amont du projet entrepreneurial, sur la personne elle-même.
Dans cette optique, nous lançons aujourd’hui une nouvelle approche dite “d’expérimentation” : ouvrir un peu plus large, via une sélection moins drastique, avec des entrepreneurs potentiels qui n’ont pas encore un projet avancé. C’est le principe de la Jauge de l’Entrepreneur Social que nous avons développée avec le Cisca. Cela permet de dire : au vu de cet idéal-type de l’entrepreneur social, est-ce que l’on remplit tout ou une partie des critères ?
Cocoshaker va donc travailler sur l’identification des entrepreneurs sociaux, même en amont de leurs projets … dans quel but ?
Je pense que le levier est dans les collectivités. Nous, nous sommes en soutien des initiatives, mais il faut une vraie envie de changer plus haut. C’est ainsi que nous travaillons main dans la main avec le Cisca, ou avec d’autres acteurs travaillant à sensibiliser les modes de fonctionnement sur les territoires.
Le levier est dans les collectivités. Nous, nous sommes en soutien des initiatives, mais il faut une vraie envie de changer plus haut.
Nous devons, pour cela, avoir les projets qui vont faire tilt. Parce qu’ils auront un impact direct par leur activité, aussi parce qu’ils seront une belle vitrine pour mettre en avant le côté nécessaire d’agir. Le jour où les solutions sur le territoires seront plus visibles, les collectivités et les entreprises auront davantage envie de changer. C’est là notre enjeu.
Pour aller plus loin : Le site de Cocoshaker |
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Propos recueillis le 1er octobre 2020, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigés par Marion et Fanny (responsable communication). Crédit photo de Une : Cocoshaker