Pendant toute la semaine, le cycle de conférences Orbimob a exploré les facettes d’un territoire auvergnat pilote en mobilité durable. Enfin l’occasion de concrétiser un vieux rêve ?
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D’abord parce qu’Orbimob est LE rendez-vous de l’automne 2020 (je ne dis pas de l’année parce qu’il y a aussi Movin’On 😉 sur la mobilité durable.
Aussi et surtout, parce que – durant mes années de rédaction au Connecteur, sur l’angle de l’innovation territoriale – j’avais beaucoup entendu parler de “Clermont, territoire pilote en mobilité durable”. A peu près toutes les personnes que j’ai interviewées sur le sujet faisaient ce pari, à plus ou moins brève échéance.
Néanmoins, difficile de dire qu’aujourd’hui nous tirons notre épingle du jeu dans le domaine de la mobilité. La voiture reste largement dominante en ville et alentours, les vélos sont plus nombreux mais encore rares (j’en témoigne), la pollution impacte toujours Clermont, et le Covid n’aide pas à faire avancer les projets plus vite.
Pourtant, la liste des partenaires d’Orbimob – à peu près tous les acteurs auvergnats qui comptent en mobilité – est plutôt engageante. L’initiative portée par Patrick Oliva permettra-t-elle d’engager la vitesse supérieure et de faire “prendre la mayonnaise” ? Nous verrons dans cet article que son pari est ambitieux mais original, tout en se positionnant clairement dans un objectif de développement économique et technologique.
Ingénieur en chimie, docteur en sciences physiques, Patrick Oliva rentre chez Michelin en 1982 au Centre de Technologies de Clermont. De là, il va beaucoup voyager de par le monde – USA, Chine, URSS – une expérience qu’il mettra beaucoup en avant dans ses interventions.
En 1996, il prend la Direction de la Communication pour le groupe Michelin et créée le Challenge Bibendum, le précurseur de Movin’On, dédié à la mobilité durable. Il reste sur cette thématique en prenant en 2008 la Direction de la Prospective et du Développement Durable, puis la Direction des Relations Extérieures pour la Mobilité Durable et la Transition Énergétique en 2015. Ce jusqu’à son départ à la retraite en février 2017.
Il se consacre désormais au territoire auvergnat à travers Orbimob, défini comme “une ambition territoriale et collective dans les mobilités durables“. La première manifestation en est un cycle de conférences d’une semaine début novembre 2020, réunissant de très nombreux acteurs de la mobilité dans la région principalement autour de l’Université Clermont Auvergne et de Clermont Métropole.
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
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Pas évident de réaliser en visio-conférence un cycle entier d’événements sur une semaine bien dense, et répartis sur l’ensemble du territoire auvergnat. Sur ce point, pari gagné pour Orbimob, qui a pu se maintenir – en dépit du confinement – depuis lundi 2 novembre jusqu’à ce soir.
Orbimob, cela fait quelques temps qu’on en parle dans le milieu de la mobilité en Auvergne. Parce que nous avons de vrais progrès à faire dans ce domaine; parce que la présence du siège et de la recherche Michelin sont forcément un énorme pôle d’attraction; et surtout parce que c’est le projet phare de Patrick Oliva, ancien directeur communication puis prospective et développement durable de Michelin [voir encadré en tête d’article], et créateur du Challenge Bibendum.
L’Université au centre
Patrick Oliva a donc repris ce “rêve” de faire de Clermont et de l’Auvergne un territoire exemplaire en mobilité durable, et il l’a accéléré. Si le cycle de conférences Orbimob de cette semaine en représente la première étape, c’est pour l’instant une belle concrétisation.
Présentation d’Orbimob en quelques minutes
Que s’est-il passé depuis lundi ? Les détails sont sur le programme – concocté et animé avec l’aide de l’équipe de Macéo (coup de chapeau à Nicolas et à Emilie) – et je m’en voudrais de vous détailler ici le fonctionnement d’un moteur à hydrogène ou le nombre de pas nécessaire pour être en forme chaque jour*. Pour résumer : de nombreux aspects de la mobilité durable dans notre région ont été vus à travers plusieurs conférences, souvent de grande qualité, présentées par des acteurs locaux à un public plutôt professionnel. Leurs contenus seront prochainement diffusés en ligne.
Il est essentiel d’aborder la transformation de la mobilité sous une approche multidisciplinaire.
Patrick Oliva
Au-delà des nombreux sujets abordés et des données fournies, parfois très (trop ?) pointues, ce qui m’a marqué était la diversité des acteurs présents. Le site Orbimob en détaille la liste … et met en avant les acteurs académiques, UCA en tête. Suivent de nombreuses collectivités, sociétés mixtes de transports, entreprises, associations … soit près de cinquante acteurs répartis sur toute l’Auvergne, certains étant rattachés à la grande région Auvergne-Rhône-Alpes.
Les acteurs politiques ont largement été remerciés, en particulier la Métropole. Mais c’est l’Université qui est clairement mise en avant. Pourquoi ? Selon Patrick Oliva, cela tient au contexte nécessaire pour relancer le projet de territoire pilote. “Dans les années 1970, on aurait très bien pu engager une mutation vers l’électrique [dans la mobilité].” précise-t-il. “Il n’y avait pas de blocages technologiques. Mais le consensus politique n’a pas été atteint.“
L’organisateur d’Orbimob fait alors le pari suivant : “On ne réussira pas [cette transition] sur des critères techniques. Il est essentiel d’aborder la transformation sous une approche multidisciplinaire.”. Selon lui, le meilleur acteur d’envergure et de renommée suffisante, présent sur les quatre départements auvergnats et surtout apolitique est l’Université Clermont Auvergne. “C’est essentiel pour dépasser tous les clivages inhibants.” insiste Patrick Oliva. “Les acteurs académiques insufflent un esprit de collaboration. Trop souvent, les gens travaillent mal ensemble, ou sur des projets de petite ampleur. L’UCA peut représenter un intérêt supérieur” qui est, selon lui, celui de la société civile.
*c’est 4500
L’urgence écologique et sanitaire reconnue
Cette orientation est assumée dès l’ouverture du cycle de conférences, lundi 2 novembre après-midi. Patrick Oliva l’a rappelé : “Il m’a fallu du temps pour réunir les acteurs, et obtenir un vrai maillage sur les quatre départements”, rendu possible par les sites universitaires notamment.
Orbimob commence par aborder ce sujet de la santé, avant les enjeux économiques ou technologiques.
Et là, bonne surprise : très vite, les signes encourageants se multiplient quant à la prise en compte des enjeux environnementaux et sanitaires. Ainsi, Patrick Oliva donne l’exemple de “la Hollande [qui] va avoir des ‘zones zéro émissions’ dans chaque centre urbain en 2025. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas y arriver !”. Jérôme Auslender, pour la Métropole, liste les engagements et initiatives sur la ZFE (Zone à Faible Emissions), l’hydrogène, l’électrique, la logistique urbaine durable … Mathias Bernard, président de l’UCA, insiste sur le label I-Site et sa traduction auvergnate, Cap 20-25, “qui vise à développer des modèles durables, particulièrement en mobilité.”
La première conférence porte alors sur … les effets néfastes (et même catastrophiques) de la sédentarité. C’est Martine Duclos, docteur à l’Unité de Nutrition Humaine de l’INRAE, qui la présente comme “un facteur de mortalité précoce“. Les chiffres avancés donnent le tournis : “il faudrait 1 heure 30 d’activité physique par jour pour compenser complètement [les effets de] la sédentarité” annonce-t-elle … en précisant que “dès 15-20 minutes d’exercice quotidien, les effets positifs se font sentir”. On est tout de même à un coût annuel de 80,5 milliards d’euros lié à la sédentarité (et à la mortalité précoce, aux maladies cardio-vasculaires, au diabète, à l’obésité …) en Europe.
La conférence, comme de nombreuses autres, est passionnante. Mais ce qu’il me semble intéressant de noter, c’est le fait que le cycle Orbimob commence par aborder ce sujet de la santé, avant les enjeux économiques ou technologiques. “Le Covid-19 a ramené le sujet de la santé comme étant prioritaire” insiste Patrick Oliva. En ville, ce sera la thématique de la mobilité douce, de la “ville apaisée” qui sera développée, privilégiant la marche et le vélo (éventuellement à assistance électrique), diminuant d’autant la pollution locale. En campagne, c’est une autre paire de manches …
Liberté, croissance et innovation
Les enjeux de mobilité ville-campagne sont, heureusement, largement abordés durant le reste de la semaine. Soit directement sous l’angle de l’aménagement du territoire et des infrastructures, soit par le biais des évolutions technologiques pour se passer du pétrole.
Car c’est un autre leitmotiv de Patrick Oliva : “il faut arrêter la gabegie énergétique” liée aux énergies fossiles dans la mobilité. On ne saurait lui donner tort quand on sait que le rendement d’un véhicule thermique est d’à peine 20% et que le poids des voitures augmente constamment depuis 15 ans. L’après-midi du jeudi (en direct du Puy) est d’ailleurs intitulée “énergies décarbonées”. Les technologies de l’électrique, du GNV et de l’hydrogène ont été présentées en détail, notamment le mercredi soir.
Arrêter la gabegie énergétique liée aux énergies fossiles dans la mobilité
Il faut donc des véhicules qui abandonnent le pétrole, qui soient plus légers … mais qui soient abondants et adaptés aux différents besoins. “Certains souhaitent réduire la mobilité : cela m’inquiète” concède – publiquement – Patrick Oliva. Et de rappeler les situations de l’URSS ou de la Chine, où la privation de mobilité équivaut privation de liberté.
La bonne approche, selon lui, est donc de “contrôler la mobilité” dans le sens d’adapter son véhicule et l’énergie qu’il utilise à son besoin. Pas de toujours rouler en voiture essence. “Eviter la surconcentration urbaine est intéressant. La dispersion est une bonne approche“ estime-t-il, se démarquant de l’approche de l’ONU ou de nombreuses ONG sur un habitat plus concentré et des distances réduites.
Ce qui rend l’avenir passionnant et difficile à maitriser, c’est qu’il y a une place pour tous les carburants demain
Patrick Oliva
Ainsi, s’il faut “tout faire pour décarboner” pour Patrick Oliva – qui inclue le télétravail ou la captation de CO2 dans son propos – il faut éviter de revenir à une solution monolithique. “Ce qui rend l’avenir passionnant et difficile à maitriser, c’est qu’il y a une place pour tous les carburants demain” dit-il. Des énergies variées, donc, adaptées au contexte et aux territoires, bénéficiant d’une production décentralisée.
Le pari d’Orbimob est donc de prendre le virage du bas, voire zéro, carbone, mais en restant dans une logique socio-économique de mobilité étendue à tout un territoire, sans contrainte sur l’habitat. Et en misant sur une forme de “croissance verte” – preuve en sont les nombreux partenaires économiques présents dans le dispositif. “Je suis dans une logique de maîtrise énergétique, non pas de décroissance”, me dit Patrick Oliva, soulignant son désaccord (sur ce point) avec Jean-Marc Jancovici.
Avec impulsion d’Orbimob, de nouvelles start-up se développeront sur le territoire.
Franck Raynaud, MyBus
Dernière preuve de cet engagement pro-business et pro-innovation, le pari sur les start-up, le numérique et la recherche, que l’on retrouve en fil rouge pendant toute la semaine. Les interventions de Michel Dhome sur le prototype EZ10 de véhicule autonome à Vichy, celles de Frédéric Pacotte de MyBus** ou encore des accélérateurs Le Village by CA et du Bivouac l’ont jalonnée. Et, selon Franck Raynaud, co-fondateur de MyBus : “avec impulsion d’Orbimob, de nouvelles start-up se développeront sur le territoire”***
**ancienne start-up du Bivouac qui propose de la dématérialisation de tickets de transport en commun
*** à noter que le premier “appel à projets” de start-ups du Bivouac portait sur la mobilité innovante
Orbimob, dès demain ?
Je cède la parole à Patrick Oliva pour résumer, avec sa passion communicative, la suite d’Orbimob :
“Dès la semaine prochaine, ce sera la poursuite de cette dynamique :
- Pour qu’à l’UCA, l’approche soit structurée, qu’en enseignement, recherche, expérimentation, elle devienne un pôle reconnu. Avec l’objectif d’obtenir le leadership d’une université européenne de la mobilité durable.
- Pour que le rectorat crée les conditions notamment dans les lycées professionnels pour que la mobilité durable soit un des cœurs de l’enseignement.
- Pour sensibiliser le grand public, en lui proposant des conférences. En faisant en sorte que toutes les associations, l’ASM, Courir à Clermont … aident à converger vers une ville plus saine, via l’activité physique.
- Pour que Clermont, dans le cadre du challenge 3 de I-Site, crée le Centre Européen de la Mobilité.
- Enfin, pour que, demain, Clermont crée une ZFE [Zone à Faible Emission], avec la perspective d’atteindre le “zéro émission” [d’ici 2030].”
***
J’ai donc vraiment apprécié cette semaine de conférences. Mais je me pose maintenant deux questions :
Tout d’abord, le choix de mettre l’université au centre est intéressant politiquement, mais risque de marquer Orbimob par sa temporalité et son mode de fonctionnement. L’Université est un acteur puissant, reconnu, mais peu agile et inscrit dans le temps long. L’interdisciplinarité prônée par Patrick Oliva me semble nécessaire, mais complexifie le projet. Et le paradigme de recherche/innovation inhérent au monde académique permettra-t-il, si besoin, l’émergence de solutions plus low-tech ?
Ensuite, la question fondamentale posée en introduction : “est-on prêts ?” La diversité et l’engagement des acteurs, la motivation passionnée et communicative de Patrick Oliva, les nombreux projets et dispositifs déjà lancés (I-Site, ZFE, logistique urbaine …), et les évolutions des technologies comme des marchés, plaident en ce sens. Mais l’ambition du projet Orbimob sur l’Auvergne – qui veut notamment aborder les angles sociétaux, fiscaux, ou encore juridiques – sera-t-elle suffisamment relayée par les acteurs locaux ? L’initiative semble très bien partie, mais l’important est de durer …
Réponses dans les mois à venir. En attendant, je vous propose de rester sur un des plus beaux souhaits de Patrick Oliva : “Il faut arriver à créer un imaginaire des nouvelles mobilités. Pour que l’on se projette avec plaisir vers cette évolution capitale.”
Pour aller plus loin : le site d’Orbimob |
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