A la Goguette, Jonathan Biancolin et Laura Bossé misent sur l’éco-responsabilité conviviale

Par

Damien Caillard

Le

Les fondateurs de ce tiers-lieu unique à Clermont, Laura et Jonathan, souhaitent y brasser divers publics pour les sensibiliser à l’éco-responsabilité de manière positive.


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Pourquoi cet article ?

Après plusieurs années passées dans l’univers des tiers-lieux à Epicentre Factory, et m’étant orienté sur l’actualité de la transition écologique en Auvergne, je ne pouvais qu’être intéressé par la Goguette, nouveau lieu dédié à ce thème qui a ouvert l’été dernier.

D’autant plus que le pari de Jonathan et Laura, venus directement à Clermont pour monter ce projet, est assez ambitieux : toucher tous les publics et les amener, chacun par leur voie, à adopter des pratiques éco-responsables.

L’emplacement dans le quartier de la Gare de Clermont me semble tout aussi intéressant, puisqu’il vise notamment à participer à la redynamisation de ce secteur.

Si la Goguette parvient à confirmer ses bons débuts malgré les fermetures/ouvertures du confinement, ce sera un point focal pour les personnes intéressées par les enjeux écologiques du territoire. Cela paraît bête à dire en 2021, mais nous manquons de lieux comme cela sur Clermont.

Damien

Les intervenants : Jonathan Biancolin et Laura Bossé
Crédit photo : éditeur

Laura et Jonathan sont les fondateurs, propriétaires et animateurs principaux du tiers-lieu la Goguette, dans le quartier de la gare SNCF de Clermont.

Ils sont venus sur Clermont dans le cadre de ce projet précis, qu’ils ont pu monter sur l’année 2020 après deux années de travail.

Ils ont tous deux des “familles paysannes” , Jonathan dans le Puy-de-Dôme (à Vollore-Ville), Laura dans la Sarthe. Jonathan insiste sur le changement climatique vécu par ses parents : “cela fait 5-6 ans que nous vivons des sécheresses”. D’où la volonté d’agir sur les conséquences du changement climatique, en sensibilisant le public par un tiers-lieu dédié.

Contacter Jonathan et Laura par e-mail : contact@la-goguette.com

La structure : la Goguette

La Goguette

Tiers-lieu dédié à l’éco-responsabilité, proposant des espaces de restauration et de rencontre, des ateliers et des animation


La Goguette est un tiers-lieu dédié à l’éco-responsabilité, situé dans le quartier de la Gare SNCF de Clermont, au 61 avenue de l’Union Soviétique.

Il est bien caché au coeur du pâté de maison, au bout d’une allée de garages … mais peut surprendre le visiteur qui ne s’attend pas à un tel lieu dans ce secteur a priori peu convivial.

Disposant d’une cour extérieure, de plusieurs ateliers, d’un bar/restaurant et d’une résidence artistique, la Goguette accueille et organise des activités très variées. Le but est d’y faire circuler et se croiser divers publics de manière à les sensibiliser aux enjeux d’éco-responsabilité.

Le projet a été créé par Jonathan Biancolin et Laura Bossé, qui en sont les propriétaires. Il est donc indépendant des collectivités, même s’il se construit avec de nombreux partenaires, ainsi qu’avec les initiatives des habitants du quartier et du territoire.

Lire l’entretien : A la Goguette, Jonathan Biancolin et Laura Bossé misent sur l’éco-responsabilité conviviale


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Vous avez fait le “grand saut” depuis Paris pour venir, ou revenir, créer un tiers-lieu éco-responsable à Clermont. Pourquoi ce choix ?

Laura : le Puy-de-Dôme correspondait au message qu’on voulait passer. Dans le département, il y a une vraie activité agricole et artisanale. Les gens vivent à ce rythme, avec un lien avec la nature.

Jonathan : on était à Paris, on avait le format du projet en tête … et on se demandait déjà où on voulait le monter, mais aussi où on voulait habiter et vivre. On a regardé les régions, puis les villes … en nous demandant quelle était notre intuition, notre envie. Le fait d’avoir, pour moi, des attaches dans la région, a pesé.

Le Puy-de-Dôme correspondait au message qu’on voulait passer.

Laura Bossé

En outre, on voulait lancer le projet dans une ville où rien n’était construit sur l’éco-responsabilité. On avait par exemple pensé à Toulouse, mais il y avait déjà d’autres projets sur cette thématique. A Clermont, il n’y en avait simplement pas.

Atelier “de la ruche au miel” pendant l’inauguration de la Goguette, le 29 août 2020. La démonstration “positive” de pratiques éco-responsables ou durables est un des objectifs du lieu / Crédit photo : La Goguette (DR)

Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir l’éco-responsabilité comme axe central de la Goguette ?

Jonathan : On se dit qu’il faut agir, dans le cadre de ce qu’il se passe aujourd’hui. Moi, je viens de Vollore-Ville. Ma famille est une famille de paysans, ma mère a fait évoluer le mode de production, vers de la polyculture.

Pour certains, le réchauffement climatique, c’est dans les médias. Moi, pour ma famille, ça fait 5-6 ans qu’on a des sécheresses, qu’on doit adapter nos activités en fonction … Si nous, notre génération, ne fait pas quelque chose, qui va intervenir ?

Lire l’entretien : “le changement climatique dans le Massif Central, suivi par Vincent Cailliez”

Mais votre approche présente un “verre à moitié plein” …

Jonathan : on pourrait dramatiser la situation. Mais il n’y a pas de non-retour ! Il ne faut pas forcément une faute, un coupable. Notre approche consiste à garder un esprit positif … sans se voiler la face. Si tu apportes un poids, une pression, tu n’as pas envie d’agir. Car il y a alors une forme de dépression liée à cette angoisse environnementale, au fait que la tâche paraît impossible à faire.

Notre approche consiste à garder un esprit positif … sans se voiler la face.

Jonathan Biancolin

Donc, si tu ne le fais pas de manière positive, tu n’arrives pas à tirer les gens à toi. Or, le but, pour nous, est de toucher le plus de monde possible. “Eco-responsable”, c’est un mot à la mode, mais ça permet de comprendre le sujet dans lequel on intervient. On a décidé que la manière d’aborder le sujet se ferait de manière légère – à la fois ludique et pédagogique – et surtout moins moralisatrice.

Marché de producteurs locaux organisé à la Goguette le 13 octobre dernier, appuyant la volonté de Jonathan et Laura de sensibiliser sur une alimentation de proximité / Crédit photo : la Goguette (DR)

Votre ambition est donc de toucher un public le plus large possible. Comment y parvenez-vous ?

Laura : Tout d’abord le prix, qui peut être un frein. Nous avons une approche d’inclusion sociale, pensée pour tous les types de publics. Par exemple, en proposant nos animations à des prix très accessibles : souvent libres, et en gratuité.

Dans un second temps, nous avons mis en place différents formats pour laisser le choix au public de choisir celui où il se sentira le plus à l’aise : les cours, les ateliers encadrés, le libre accès, les conférences, la projection, l’exposition, la scène vivante, etc.

Nous avons une approche d’inclusion sociale, pensée pour tous les types de publics.

Laura Bossé

Et la problématique sous-jacente est aussi de se sentir à l’aise ou pas avec les sujets. Certaines personnes oseront, d’autres non, certaines préfèreront des temps « passifs » d’écoute/d’observation, d’autres des temps « actifs » d’action en mettant la main à la patte. Si les gens n’adhèrent pas au principe des conférences, ils peuvent venir à des temps plus “actifs”.

Quels sont ces temps plus actifs ?

Jonathan : par exemple, comment fait-on pour cibler une ado de 16 ans ? On organise un concert, où on ne passe pas de message mais où la personne va côtoyer des personnes sensibilisées par ailleurs au sujet écologique.

Laura : dans la même logique, il y a beaucoup de passage sur la partie cantine-bar qui nous permet d’ouvrir nos portes à une autre clientèle venant dans un but simplement fonctionnel : se nourrir ou boire un verre avec des collègues, amis, etc. In fine, ils se laissent surprendre par l’ensemble des espaces qui s’animent un à un en fonction de l’heure, découvre sur place tout ce que propose le lieu, et peut se projeter sur le calendrier affiché de notre programmation culturelle mensuelle.

Les arts scéniques ou plastiques sont des moyens d’attirer des publics variés. Ainsi avec le Duo Pirapitinga qui s’est produit à la Goguette en septembre / Crédit photo : la Goguette (DR)

On travaille aussi avec des centres sociaux, des centres d’hébergement, et des associations spécialisées. Très souvent, des représentants viennent à notre rencontre pour faire découvrir notre espace à un petit groupe de personnes, jeunes, personnes handicapées, etc. Ces visites encadrées par Jonathan ou moi-même sont un temps de partage, où nous racontons notre histoire et celle de l’espace. Elles débouchent souvent sur des idées de projets et activités en commun.

Durant l’été 2020, on a [ainsi] accueilli tous les mercredis du mois d’août des animations encadrées par l’association Les Petits Débrouillards pour les enfants en hébergement social. C’est notamment ainsi qu’on arrive à relayer.

Le bar de la Goguette, hors confinement : lieu de “brassage”, et pas que de bière / Crédit photo : la Goguette (DR)

Vous veillez donc à varier les activités et à maximiser les points de contacts entre les publics ?

Laura : la vocation de la Goguette, c’est que des personnes se retrouvent entre ces univers. Il y a des gens qui sortent d’une exposition, qui vont rencontrer ceux qui sortent de l’atelier bois. Ils verront qu’il y a du bruit, seront interloqués … en résumé, c’est une grosse coloc’ ! Et ça permet de faire se croiser les publics.

C’est une grosse coloc’ ! Et ça permet de faire se croiser les publics.

Laura Bossé

Jonathan : la Goguette est aussi un outil au service des structures tierces. On ne peut pas devenir expert en tout, ce n’est pas notre métier. On a plutôt le rôle de celui qui est au milieu, qui met en relation.

Un des bâtiments bordant la cour de la Goguette est notamment dédié à l’atelier bois / Crédit photo : la Goguette (DR)

Quelles sont les activités que vous gérez en direct, et celles portées par des tiers ?

Laura : Sur la partie culturelle, on travaille sur l’artisanat bois, l’art et la paysannerie. Et on accueille des pratiques sur le numérique et le bien-être, portées par d’autres personnes. Mais tout participe au projet : le bien-être, c’est avoir conscience de son corps pour passer à l’action. Le numérique, c’est faire du réemploi. Tout ça est lié.

D’une manière générale, il y a souvent des gens qui nous ont proposé des projets auxquels on n’avait pas pensé. A chaque fois, on doit s’assurer que ça colle avec l’ADN du projet Goguette.

A chaque fois, on doit s’assurer que le projet proposé colle avec l’ADN de la Goguette.

Laura Bossé

Jonathan : par exemple, le réparateur de vélo. On ne le ciblait pas du tout au début, même si ça questionne les moyens de se déplacer. A la base, on avait une pièce vide de 20 mètres carrés, et on a lancé un appel à projet dans le quartier. On proposait même de prendre en charge le loyer. Sitôt l’annonce publiée, on a eu une réponse. 

Guillaume, porteur du projet de réparation vélo “les bicyclettes du grenier”, est hébergé depuis la rentrée à la Goguette / Crédit photo : la Goguette (DR)

Laura : de même, sur le numérique, une association proposait de monter un vrai fablab et de mettre à la Goguette une imprimante 3D et une découpeuse laser … Ce n’était pas dans notre projet initial. Pourtant, aujourd’hui, ça fait partie du lieu.

Sur un autre aspect, nous recevons de plus en plus de demandes de conseils et retours d’expériences émises par des porteurs de projets souhaitant développer une nouvelle initiative sur le territoire. Nous sentons un bel engouement et une envie d’agir véritable. On essaye de les relayer et de les conseiller au mieux, mais ce n’est pas notre vocation première, et nous les redirigeons vers de vraies structures d’accompagnement comme CocoShaker ou Alter’Incub. Nous ne sommes pas un incubateur ! Mais on peut relier facilement.

Lire l’entretien : Marion Audissergues fait le pari des collectivités pour l’entrepreneuriat social

Quel degré de liberté avez-vous dans le fonctionnement du lieu ?

Laura : la Goguette, c’est le premier engagement que nous prenons ensemble, Jonathan et moi. Et il est totalement en phase avec nos valeurs. Mais, surtout, nous sommes décideurs de tout ce qu’on fait avec notre projet. C’est une liberté assez incroyable, et un vrai plus ! Pour y parvenir, le parcours n’a pas été facile.

Jonathan : et on est un des rares tiers-lieux en France à être propriétaire de nos murs. On ne s’en rend pas forcément compte, mais, à cause de cela, les tiers-lieux sont souvent des expériences éphémères.

Lire l’entretien : Pascal Desfarges, les tiers-lieux et la résilience des territoires

Avez-vous trouvé une forme d’équilibre économique ?

Laura : il y a le local, mais aussi les fonds. On a réussi à avoir un équilibre dans le modèle économique qui nous rend autonome. Mais c’est surtout parce qu’on a fait un gros travail en amont de mobilisation citoyenne, via le crowdfunding.

On est un des rares tiers-lieux en France à être propriétaire de nos murs

Jonathan Biancolin

Nous sommes un espace indépendant de la Métropole, et tiers-lieu privé. Les gens font souvent l’amalgame.

Les Trophées de l’ESS ont eu lieu en septembre 2020 à la Goguette, récompensant des initiatives locales dans ce domaine. De nombreux acteurs institutionnels locaux, dont la Métropole, y étaient présents / Crédit photo : éditeur

Comment gérez-vous votre communication ?

Laura : c’est en diversifiant les moyens de communication qu’on touche des publics différents. Ta comm’ dirige la population que tu attires. On a d’abord Facebook pour fédérer la communauté, et le site internet pour nous crédibiliser auprès des partenaires et des investisseurs.

Plus récemment, nous avons investi Instagram. Ce réseau social permet de faire du « beau » … et il faut savoir en profiter. Une jardinière, c’est mieux quand elle rend bien sur la photo, ça donne plus envie. Et on voulait apporter ce côté attrayant, festif …

Nous croyons aussi beaucoup aux articles de presse et interviews radios qui nous permettent de toucher une population totalement différente.

Le site Instagram de la Goguette est un canal de communication capital pour renforcer l’aspect convivial et attractif du projet / Capture d’écran Instagram

Enfin, nous mettons un point d’honneur à envoyer une fois par mois notre programmation mensuelle aux personnes qui se sont inscrites à notre site internet. Et nous savons que certaines personnes ne s’informent que comme ça …

Vous faites un gros travail sur l’image, l’animation, les arts … est-ce dans le cadre d’une approche culturelle, selon vous ?

Laura : la culture, ce n’est pas que l’art, c’est aussi le patrimoine et l’artisanat. Et ici, à Clermont, il y a un vrai lien entre l’urbain et le rural. Ce sont des points d’accès pour lesquels la ville est clairement identifiée, au niveau du Massif Central.

Jonathan : j’ajouterais que la nourriture, ou encore les savoir-faire, font partie du patrimoine !

Au final, on veut surtout que la ville devienne plus agréable, plus cool, pour qu’elle puisse candidater sérieusement à ce projet de Capitale Européenne de la Culture. Mais la Goguette n’est qu’un tout petit point, il en faut une centaine d’autres …

Un autre projet que l’on retrouve mensuellement à la Goguette et portant sur l’art : l’Artothèque, qui propose de la location d’oeuvres d’art / Crédit photo : la Goguette (DR)

Et, autour de vous, quels sont vos partenaires du quartier ?

Laura : on a créé des liens avec la Boulangerie Moderne [rue du Port] qui nous fournit le pain, le café Flax, la maison Charras … Il y a heureusement beaucoup d’acteurs qui veulent participer au dynamisme du quartier, comme les marchés de Max et Lucie.

La Goguette s’est d’abord faite avec les habitants, les citoyens et les structures du quartier de la gare, mais aussi de plus loin. A titre d’exemple, les Petits Débrouillards, ou encore Terra Preta, sont très présents ici.

La Goguette s’est d’abord faite avec les habitants, les citoyens et les structures du quartier de la gare, mais aussi de plus loin.

Laura Bossé

Jonathan : on demande souvent aux visiteurs de quel coin de la ville ils viennent … et on comprend qu’ils ont redécouvert ce quartier grâce à nous. Tu t’imaginais te dire, il y a peu : “tiens, je vais boire une bière dans le quartier de la gare ?

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Propos recueillis le 8 octobre 2020, mis à jour le 8 janvier 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigés par Jonathan et Laura. Crédit photo de Une : éditeur