Evenementiel, pédagogie, partenariats, coopération internationale, université ouverte … Jean-Pierre Wauquier, président de H2O Sans Frontières, fait feu de tout bois sur l’eau.
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Pourquoi cet article ?
C’est en préparant la Rencontre de la Résilience du 29 janvier dernier avec Nicolas Bonnet, adjoint à la Ville de Clermont et responsable du “petit cycle de l’eau” dans la précédente mandature, que j’ai entendu parler de H2O Sans Frontières.
Cette association est un partenaire majeur de la ville et de l’académie de Clermont dans la sensibilisation des jeunes scolaires aux problématiques de l’eau, sous toutes ses formes. Ils organisent notamment de nombreux échanges avec des spécialistes, et des journées annuelles rassemblant plusieurs milliers d’élèves.
Jean-Pierre Wauquier, son président et infatigable arpenteur de projets et de partenariats, a pu très rapidement m’accorder du temps pour m’expliquer sa conception des enjeux et toutes les passerelles qu’il a pu monter, de Clermont au Burkina Faso en passant par Sète et Paris, et bien sûr Besse-en-Chandesse.
Cet entretien est diffusé dans le cadre de la thématique “cycle de l’eau” des Rencontres de la Résilience. Durant tout le trimestre en cours, vous pouvez échanger avec des acteurs puydômois de la résilience territoriale sur ce sujet, lors des différentes Rencontres.
Prochaine en date : vendredi 26 février à 12h30 à la Goguette et en visio. Nous parlerons de l’impact de l’agriculture sur le cycle de l’eau dans le département, en présence de Laurent Campos du collectif Eau Bien Commun 63.
Détails et inscriptions (gratuites mais places limitées) sur ce lien.
Damien
L’intervenant : Jean-Pierre Wauquier
Président de l’association H2O Sans Frontières, co-fondateur de l’Université du Bien Commun de Clermont-Ferrand
Natif de Besse-en-Chandesse, Jean-Pierre a grandi “au milieu des jonquilles” comme il le dit avec plaisir. Il revient souvent sur ce contexte de vie rurale proche de la nature et du monde paysan, et se considère très tôt comme “une partie de la nature“. Par la suite, il vit à Billom et découvre “un univers associatif intéressant” qui essaye de faire bouger les choses.
Il s’oriente vers des études de médecine, spécialité néphrologie. Il travaille un temps au CHU de Clermont mais choisit de revenir en 1974 sur sa terre natale, à Besse, pour monter la première Maison de la Santé avec plusieurs de ses amis. “Objectif : monter un vrai service local” précise-t-il. Une expérience qui l’a marqué : “quand vous êtes appelé à 2 heures du matin en hiver pour aller dans une ferme en ski de fond … il faut le vivre !”
Egalement président de l’association locale de pêche, il prend conscience des enjeux liés à l’eau et de sa transversalité. Afin de protéger l’accès public à la nature (autour du lac Pavin notamment), et de sensibiliser le grand public, il créée en 1979 à Besse la Maison de l’Eau qui accueille familles et scolaires. Il monte aussi une pisciculture pour rempoissonner les rivières suite à la quasi-disparition de la truite fario.
De fil en aiguille, il en vient à monter l’association H2O Sans Frontières en 1998, dont la première action sera le Festival de l’Eau du Massif Central – qui perdure jusque dans les années 2010 sous sa forme initiale (plusieurs événements auto-portés dans les différentes régions liées au Massif Central). H2O proposera par la suite les Cours d’Eau auprès des scolaires de l’Académie de Clermont, et se lancera dans la coopération en soutenant des actions liées à la santé et à l’éducation au Burkina Faso.
Aujourd’hui, Jean-Pierre est vice-président de la nouvelle Université du Bien Commun de Clermont-Ferrand, qui vise à démocratiser cette vision du monde et à agir “sur des axes essentiels que sont l’éducation, la santé, l’eau, certains transports, certains aspects de l’énergie…“. Il continue à militer pour une gestion équitable de l’eau sur le territoire.
Contacter Jean-Pierre par e-mail : jpwh2o@gmail.com |
Contacter Jean-Pierre par téléphone : 06 85 70 38 81 |
Crédit photo : H2O Sans Frontières (DR)
La structure : H2O Sans Frontières
Association clermontoise défendant l’eau comme bien commun, à travers un festival, des actions éducatives et de la coopération internationale
Fondée en 1998 par Jean-Pierre Wauquier, qui en est toujours président, H2O Sans Frontières est dédiée à l’information autour des enjeux de l’eau, à la sensibilisation du public – notamment des jeunes par le biais de l’éducation et de la pédagogie ludique – et de la coopération internationale. Elle défend une vision de l’eau comme un “bien commun” de l’humanité.
Le Festival de l’Eau du Massif Central a été sa première action, jusque dans les années 2010 où il a évolué en étant repris par des acteurs locaux. Il s’agissait d’organiser, pendant une semaine en juillet chaque année, plusieurs événements dans les différentes régions du Massif, alliant pédagogie, découverte, spectacle et plaisir.
Dans les années 2000, l’association a développé les “Cours d’Eau” avec l’académie de Clermont-Ferrand. Deux journées dédiées étaient organisées à l’automne, chaque année, à la Maison des Sports, accueillant 40 partenaires de l’association et des milliers d’élèves, du primaire au lycée. En parallèle, ces partenaires pouvaient intervenir en cours d’année selon les besoins des enseignants et les projets des élèves.
Enfin, l’association a développé une action de coopération avec le Burkina Faso, aidant plusieurs villages à y aménager des dispensaires et des écoles grâce à des captages ou à de l’électrification notamment. Chaque village voyait alors la naissance d’une association H2O locale, permettant la coordination entre les acteurs du territoire et la structure clermontoise.
Accès direct aux questions
- Toute ton action est sous-tendue par une philosophie à la fois humaniste et écologiste. Quel en est le point principal ?
- D’où peut-on tirer ces “leçons de sagesse” que tu appelles de tes vœux ?
- Tes actions ont longtemps tourné autour de l’eau, sous toutes ses formes et toutes ses latitudes. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
- Quelles sont les valeurs sociétales que l’étude de l’eau permettrait de ré-acquérir ?
- Dernier point, l’action collective et démocratique. En quoi est-elle importante ?
- D’où vient tes passions pour l’eau ?
- Quel état des lieux faisais-tu alors – et fais-tu toujours – sur la ressource aquatique en Auvergne ?
- Comment as-tu agi pour sensibiliser sur l’eau “bien commun” ?
- En quoi consistait le Festival de l’Eau du Massif Central ?
- L’action de H2O porte maintenant sur le domaine éducatif et la coopération. Pourquoi avoir évolué de la sensibilisation par l’événementiel à l’enseignement ?
- Parles-nous de tes actions auprès des jeunes de la région Auvergne …
- L’autre volet d’action concerne la coopération avec des communes rurales au Burkina Faso. Quel en est le contexte ?
- Que réalise H2O Sans Frontières dans ces villages ?
- Comment réalises-tu les passerelles entre l’Auvergne et le Burkina Faso ?
- Et les partenariats que tu montes ne s’arrêtent pas aux frontières de l’Auvergne …
- Ton nouveau projet est dédié aux “biens communs” en général, sous la forme d’une Université à Clermont. Pourquoi te focaliser sur ce point ?
- Quels seront les axes de travail de cette Université du Bien Commun ?
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
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Toute ton action est sous-tendue par une philosophie à la fois humaniste et écologiste. Quel en est le point principal ?
Je suis sans doute un peu animiste sur les bords … mais je suis persuadé que nous sommes un élément de la nature parmi d’autres. D’ailleurs, je regrette beaucoup que la plupart des religions monothéistes placent l’homme comme seul élément central et sacré. Et, derrière cela, des raisonnements philosophiques, des actions politiques ont poussé dans ce sens.
Quand on réfléchit à nos villages auvergnats d’il y a 60 ans, ceux-ci ressemblaient à ceux d’aujourd’hui au Burkina Faso. Les gens étaient beaucoup plus intégrés à la nature, ils vivaient à son rythme. L’urbanisation accélérée de nos jours fait oublier cela, et je crains qu’on arrive à des générations de jeunes qui n’auront jamais connu la nature de manière concrète, ce qui posera problème concernant sa saine gestion
Pour répondre à ce problème, l’homme doit mettre fin à cet anthropocentrisme. Qu’il ne se considère plus le roi de la nature, mais bien comme un “épisode” dans l’évolution de la vie. Il y a une expression qui me plaît : “l’homme doit être un sage berger de toutes les formes de vie ”. Acceptons cette conscience de l’universalité. De même, si on veut voir loin, il faut une mémoire longue. Quand on regarde les anciens, il y a longtemps qu’ils avaient “inventé” le développement durable.
D’où peut-on tirer ces “leçons de sagesse” que tu appelles de tes vœux ?
Arrêtons de dire que la société à laquelle nous aspirons ne peut se construire que par la lorgnette occidentale. Au contraire, elle doit se mettre en place par le dialogue entre toutes les cultures du monde ! Pour cela, il faut au plus vite établir des rencontres, faire un tri sélectif de ce qui est le mieux au sein de chacune d’entre elles, et en faire une synthèse.
L’homme doit être un sage berger de toutes les formes de vie.
Avec les peuples d’autres cultures dits matériellement ‘’pauvres’’, nous pouvons trouver les solutions pour que toutes les formes de vie sur Terre soient comprises et respectées.
Je suis en fait persuadé que les solutions à nos problématiques sont aux mains des jeunes : qui sont très perméables aux nouvelles idées du vivre ensemble, et il serait bien de mettre les cultures du monde de manière objective au programme de l’éducation
Tes actions ont longtemps tourné autour de l’eau, sous toutes ses formes et toutes ses latitudes. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
L’eau est le bien commun des humains mais aussi de l’ensemble du monde vivant. C’est le sujet de préoccupation majeure des populations de la planète. Il s’agit d’un problème de quantité et de qualité face auquel la responsabilité de l’homme est totalement engagé.
D’abord, l’eau est la source de toutes les formes de vie. Ensuite, c’est une matière multi et interdisciplinaire : elle touche à l’agriculture, à l’économie, à l’environnement, à l’énergie, aux sciences, aux sports, à la culture, aux spiritualités… Tout ça en même temps ! Quand on s’occupe d’eau, on rencontre des gens passionnés par de très nombreux thèmes, ce qui amène à penser global.
Or, un des cancers de notre monde, c’est l’hyper-spécialité. On a perdu l’idée de globalisation des choses. Pourtant, tout démarre de la transversalité. L’être humain est un organisme, fait de multiples organes, notre santé nécessite que ceux-ci fonctionnent en totale symbiose. Si un organe est défaillant, ce sont tous les autres qui en souffrent.
Je suis persuadé que les solutions à nos problématiques sont aux mains des jeunes.
Il en est de même de la vie sur Terre. La Terre est un organisme dont la santé nécessite une harmonie de qualité entre tous ses composants (eau, air, animaux, végétaux, animaux, êtres humains ) Pour moi, notre organisme et la nature, c’est pareil.
Quelles sont les valeurs sociétales que l’étude de l’eau permettrait de ré-acquérir ?
Si on veut bien gérer l’eau, il faut intégrer dans notre système éducatif des notions qui sont indispensables. Il s’agit non seulement de favoriser l’acquisition des connaissances mais aussi de promouvoir des attitudes telles que la citoyenneté, la responsabilité, la notion du et “des” biens communs.
Pour cela, on doit convaincre quant aux limites de la nature, de l’impossibilité de l’exploiter à l’infini. Je pense que l’objectif est d’aller vers une vie de sobriété, c’est fondamental. Mais, pour autant, on aurait tort d’y voir une catastrophe. Sans rien concéder d’essentiel à notre mode de vie, nous pouvons consommer plus propre, et limiter aussi bien nos prélèvements sur les niveaux naturels que nos rejets au sein des écosystèmes.
Dernier point, l’action collective et démocratique. En quoi est-elle importante ?
Si on nous impose cette sobriété au rythme des restrictions et des augmentations des prix, cela sera mal vécu. Naîtront alors des turbulences sociales allant jusqu’à mettre en péril la démocratie. Mais si au contraire on fait en sorte d’aller vers ces nouveaux modes de vie de manière citoyenne, collective, démocratique tout se passera sans souci. Cela nécessite que le “pourquoi” précède le “comment”, sachant que nous devons être en capacité de reconnaitre et de respecter les limites de notre écosystème, et de vivre avec.
On voit d’ailleurs certains maires qui ont réussi ces paris en faisant de la pédagogie auprès des populations, en leur expliquant le pourquoi – je pense notamment à Châteldon. Ainsi, quand on mène la discussion de manière responsable, collective, citoyenne, les gens sont capables d’accepter que le “moins” puisse être l’ami du “mieux”.
D’où vient tes passions pour l’eau ?
Je suis originaire de Besse, où j’ai longtemps été médecin. Vers la fin des années 1970, il y a eu des velléités de “privatisation” de l’accès à la nature, autour du lac Pavin notamment : une structure appelée Greenfish était censée en prendre la gestion, de manière purement commerciale. Je ne suis pas opposé au privé par principe ! Mais, dans ce cas, une journée de pêche à 50 euros, voir l’accès aurait été inaccessible à bien des personnes.
J’étais alors président de l’association de pêche de Besse, et je m’intéressais au poisson témoin de la qualité de l’eau. Ça m’a permis d’avancer sur la perception de l’importance de l’eau sur un territoire.
De plus, vivre quotidiennement au sein de la nature, apprécier chaque saison, ne pas rater la pousse des girolles et des cèpes, côtoyer les paysans de montagne, leur bon sens et leur amour de la terre… tout cela amène à la contemplation de la nature, un bonheur dont on ne guérit pas.
Quel état des lieux faisais-tu alors – et fais-tu toujours – sur la ressource aquatique en Auvergne ?
En tant que pêcheur, j’avais observé la raréfaction de la truite fario. Les causes se trouvaient d’abord dans l’usage des pesticides – faussement nommés “produits phytosanitaires” – mais aussi dans la diminution des quantités d’eau disponible.
Un des principaux problèmes est en effet la disparition des zones humides, notamment des tourbières : ce sont des zones “éponge” qui emmagasinent l’eau puis la relâchent progressivement notamment lors des saisons sèches. Cette évolution générale est liée à l’augmentation de la surface agricole et aussi des stations de ski. La biodiversité autour en pâtit fortement.
Un des principaux problèmes est la disparition des zones humides.
Cela dit, je pense qu’il ne faut condamner personne mais plutôt réfléchir et avancer tous ensemble : ’’le progrès étant la révolution faite à l’amiable’’…
Comment as-tu agi pour sensibiliser sur l’eau “bien commun” ?
Avec des amis, nous voulions d’abord agir pour conserver ce patrimoine génétique. Nous sommes allés au Canada afin de nous inspirer d’expériences locales. Nous avons alors réalisé une pisciculture à Besse pour y congeler le sperme de truites fario. Cela permettait de faire face à une catastrophe éventuelle, et de faciliter le rempoissonnement, ce qu’on faisait chaque année dans les zones qui en avaient besoin.
On a ensuite pu créer, vers 1979, la Maison de l’Eau et de la Pêche à Besse : un endroit pour présenter l’enjeu et la nécessité de l’eau, dans toutes les fonctions de la vie. Et en particulier par ses problématiques locales : zones humides, eau souterraine, pollution locale …
C’est ainsi qu’on en est arrivé progressivement à créer l’association H2O Sans Frontières, en 1998, dont la première action était le Festival de l’Eau du Massif Central – qui s’inspirait du Festival du Vent à Calvi, en Corse.
En quoi consistait le Festival de l’Eau du Massif Central ?
L’idée était d’organiser chaque année durant une semaine fin juillet une sensibilisation sur l’eau multidisciplinaire. Des événements étaient mis en place au sein des cinq régions du Massif Central, alliant pédagogie et spectacle. Par exemple, afin de sensibiliser au périmètre de protection des sources, on emmenait les gens dans la montagne en randonnée, avec les musiciens du coin, des conteurs, etc. mais aussi des experts qui parlaient du sujet de l’eau. Les gens y venaient pour se faire plaisir…pour la musique, pour les contes, pour la balade mais aussi pour apprendre !
A Clermont, dans le cadre des Contre-Plongées et dans de nombreux sites, nous avons souvent intégré des conférences/débats (Pierre Rahbi, Albert Jacquard, Riccardo Petrella …) à des spectacles de qualité. Les lieux étaient bondés, les gens ne se sentaient pas piégés par les messages sur l’eau, la biodiversité … Au contraire, ils participaient intensément aux débats.
Il faut donc multiplier ces moments alliant l’expression artistique à la pédagogie pour brasser les publics. Et favoriser une forme de pédagogie ludique, pour “se faire plaisir en apprenant”.
L’action de H2O porte maintenant sur le domaine éducatif et la coopération. Pourquoi avoir évolué de la sensibilisation par l’événementiel à l’enseignement ?
Avec l’eau, je pense qu’on peut installer partout un modèle éducatif réussi de démocratie. ‘’On se demande quelle planète on va laisser à nos enfants, mais il faut surtout se demander quels enfants laisser à la planète’’ … Pour y répondre, il faut d’abord abandonner l’individualisme et la compétition dans nos systèmes éducatifs. Pour que nos sociétés ne fonctionnent pas sur le principe de l’antagonisme.
Avec l’eau, je pense qu’on peut installer partout un modèle éducatif réussi de démocratie.
Autre élément capital : le partage du savoir, entre toutes les disciplines, mais aussi au niveau universel. Cela doit passer la connaissance de la culture de l’autre. Tous ensemble, nous avons les solutions, il faut en être convaincus. Encore faut-il que les peuples soient en contact et réfléchissent communément et cela commence par les liens entre les jeunes de toutes les cultures de notre ‘’Terre Mère’’.
Parles-nous de tes actions auprès des jeunes de la région Auvergne …
C’est dans cette optique que sont nés les Cours d’Eau d’H2O au début des années 2010, une initiative de sensibilisation à l’eau bien commun multidisciplinaire et transdisciplinaire dédiée à tous les scolaires de notre Académie. Ainsi, si une école veut traiter de sujets spécifiques comme l’épuration des eaux, les zones humides ou autres nombreux thèmes, l’association peut les aider en leur envoyer des spécialistes parmi nos partenaires.
A côté, il y a les journées annuelles à la Maison des Sports de Clermont – 48 heures sur l’eau – organisées pour plusieurs milliers de jeunes (écoles maternelles, écoles primaires, collèges, lycées), avec le soutien de nombreux acteurs du territoire*. Il y rencontre une quarantaine de partenaires sur tous les thèmes relatifs à l’eau, et y reçoivent un livret pédagogique de 100 pages. Celui-ci est aussi pensé pour les enseignants et les parents, bien entendu.
Lors de ces journées annuelles, on privilégie toujours la multidisciplinarité et le côté transversal de l’eau. De même, on favorise l’oralité, les échanges, la présence physique, plutôt que des panneaux de présentation ou que les écrans. Nous privilégions l’interaction, avec le plus de manipulations possibles. On sait que les jeunes adorent, et ils apprennent beaucoup mieux comme ça !
Enfin, les classes qui ont travaillé sur un “projet” autour de l’eau au cours de l’année scolaire sont invitées à le présenter lors de ces journées annuelles. Ils y disposent d’un stand dédié, et préparent souvent des maquettes. Ce que j’adore, c’est de voir des mômes de CE1 présenter le thème de l’épuration par exemple à des lycéens qui passent en visite. On observe entre eux écoute et vrai respect …
*Dont l’Agence de l’eau Loire Bretagne, Clermont Métropole, le Conseil Départemental, la Région, l’Agence régionale de santé…
L’autre volet d’action concerne la coopération avec des communes rurales au Burkina Faso. Quel en est le contexte ?
Nous agissons dans huit communes rurales du Burkina Faso qui représentent 300 000 habitants. Là-bas, il y a les grandes villes, mais 80% de la population habite dans les villages autour du chef-lieu. Dans ces villages, pas d’électricité, très peu d’eau. On arrive alors à une précarité considérable, qui à mon sens a trois conséquences.
Tout d’abord, c’est l’exode rural, car ces villages ont très peu d’activité économique, pas de compétences médicales et des écoles en très mauvais état. Cette situation entraîne de nombreux départs vers les villes, souvent prélude à l’émigration. En outre, l’éducation de base étant des plus laborieuses, la conséquence est souvent l’hyper-démographie : une femme alphabétisée a en moyenne 2,8 enfants, contre 6,8 enfants dans le cas contraire. Enfin, un analphabète est beaucoup plus réceptif au radicalisme religieux.
Que réalise H2O Sans Frontières dans ces villages ?
Notre action porte donc sur l’éducation de base et la santé. Concrètement, il s’agit d’électrification et de forages dans les écoles et les dispensaires, de mise à disposition de microcrédits (à 0% d’ intérêt) à destination des groupements de femmes afin de développer des activités génératrices de revenus. Nous mettons aussi en place des moulins communautaires**.
Par exemple, nous développons en ce moment l’électrification au niveau des écoles avec des stations solaires. Des panneaux photovoltaïques y sont fixés sur les toits, permettant aux élèves de charger des lampes dont l’autonomie est de 48 heures. De retour à la maison, ils peuvent faire leurs devoirs, car ils n’ont pas d’électricité chez eux ! On peut éclairer avec ces lampes une pièce entière, s’y retrouver avec sa famille, et y charger des téléphones portables.
Nous faisons en sorte de mettre les populations en première ligne pour un développement citoyen, collectif, durable et responsable.
Nous faisons aussi en sorte de mettre les populations en première ligne pour un développement citoyen, collectif, durable et responsable. A cette fin, nous avons créé une association au sein de chaque commune composée de tous les représentants de la société civile. C’est cette structure collective qui, en accord avec nous, décide des actions de coopération et du suivi au long cours.
J’insiste sur un point : il n’y a pas de maître de vérité quand nous travaillons avec ces villages, et il existe toujours la recherche d’un consensus en vue de l’intérêt collectif. C’est un formidable exemple de démocratie dont on ferait bien de s’inspirer.
**en partenariat notamment avec Électriciens Sans Frontières et Biologie Sans Frontières
Comment réalises-tu les passerelles entre l’Auvergne et le Burkina Faso ?
Si nous pouvons matériellement aider ces populations, celles-ci peuvent nous amener des valeurs que notre société est en train de perdre. Je pense à la solidarité, à l’appartenance à la nature, au respect et à l’écoute des anciens … Nous souhaitons donc développer une coopération à intérêt croisé. Raison pour laquelle nous mettons en lien leurs écoles et les nôtres afin d’échanges.
Ainsi, toute notre action se fait à condition que cette coopération intègre la connaissance de la culture de l’autre. Les écoles bénéficiaires des villages burkinabè concernés sont “jumelées” au long cours avec des écoles d’ici, en Auvergne. Cette démarche se fait dans le cadre d’accords officiels entre les structures de l’éducation des deux pays. Les thèmes d’échanges sont décidés communément par les enseignants burkinabè et auvergnats.
Et les partenariats que tu montes ne s’arrêtent pas aux frontières de l’Auvergne …
En effet, j’ai eu la chance d’être proche de l’Abbé Pierre, que j’admirais pour ses engagements concrets. Aujourd’hui, je suis médecin bénévole Emmaüs notamment auprès de la communauté du Sète-Frontignan. Et j’ai convié les communautés Emmaüs du Sud de la France à rejoindre H2O Sans Frontières et sa coopération avec des villages du Burkina. Une dizaine d’entre elles y participe actuellement.
Ton nouveau projet est dédié aux “biens communs” en général, sous la forme d’une Université à Clermont. Pourquoi te focaliser sur ce point ?
Je suis ami avec Ricardo Petrella, un des chantres du “bien commun” dans le Monde. Il avait aidé à créer des Universités du Bien Commun dans plusieurs pays. Il en existe notamment une à Paris. Ce sont des structures branchées sur le bien commun, dans le bon sens du terme, c’est-à-dire incluant les notions de biens publics et l’intérêt collectif.
Faciliter un élan citoyen pour le développement des biens communs nécessaire à un vivre-ensemble de qualité.
Néanmoins, au-delà du concept intellectuel, je suis persuadé que rassembler des personnes agissant tous les jours, concrètement, selon la philosophie des biens communs et dans le cadre de structures multidisciplinaires … cela peut considérablement aider au développement de la démocratie participative locale indispensable à notre monde.
Quels seront les axes de travail de cette Université du Bien Commun ?
J’espère que l’on pourra agir sur des axes essentiels que sont l’éducation, la santé, l’eau, certains transports, certains aspects de l’énergie… et bien d’autres thèmes qui ne doivent pas être considérés comme de banales marchandises. Il nous faut aussi être en lien et échanger avec les structures équivalentes siégeant en France, en Europe et sur tous les continents.
Au final, il ne s’agit pas d’altermondialisme, je suis sûr que l’on peut faciliter un élan citoyen très intéressant sur le thème de la défense et du développement des biens communs nécessaire à un vivre-ensemble de qualité. Ce sera un immense brassage d’idées et de propositions auprès des divers pouvoirs en vue de mieux vivre ensemble.
Pour aller plus loin (lien proposé par Jean-Pierre) : comprendre : les contenus de l’Université du Bien Commun de Paris agir : rejoindre l’Agora des Habitants de la Terre |
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Propos recueillis le 12 février 2020, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Jean-Pierre. Crédit photo de Une : H2O Sans Frontières (DR)