Le directeur de l’association nationale “La Fresque du Climat” détaille la stratégie de ce jeu pédagogique qui connaît une croissance exponentielle, locale comme internationale.
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Pourquoi cet article ?
J’ai eu le plaisir de connaître Laurent lors de la formation Institut des Futurs Souhaitables que j’ai suivie en 2019 et 2020. Il y participait également, dans le cadre de sa reconversion professionnelle et de sa recherche de “sens” (qu’il évoque au début de l’entretien). Tous deux d’âme et d’expérience journalistique (lui plus que moi, à l’époque 🙂 nous nous sommes très bien entendus.
En parallèle, j’ai découvert les ateliers Fresque du Climat avec l’aide de Quentin Jaud, fondateur du groupe les Résilientes à Clermont, et qui avait animé la première (et la seule) Fresque à Epicentre Factory en février 2020. Par la suite, je m’y suis mis et j’ai pu faire jouer quelques ateliers avant de rejoindre le groupe Fresque du Climat Auvergne qui s’est mis en place à la rentrée 2020.
Donc, forcément, quand Laurent a pris la direction de l’association nationale Fresque du Climat, j’ai voulu le revoir et l’interviewer. Il a gentiment accepté de m’accorder du temps pour me présenter la stratégie de développement de ce qui est un des principaux outils de sensibilisation aux enjeux climatiques dans le monde (et qui est français, cocorico !).
Damien
J’organise deux Fresques gratuites et grand public avant l’été, à Coworkit : une Fresque du Climat le 20 mai de 17 à 20h, que j’anime et une Fresque de la Biodiversité le 10 juin de 17 à 20h, animée par Marie Forêt Il reste quelques places … écrivez moi si vous êtes intéressé.e |
Les principaux points à retenir
- La Fresque du Climat est un serious game, un jeu pédagogique de 3 heures sous forme d’atelier en présentiel ou en ligne. Il se joue par groupes de 6 à 8 personnes idéalement, avec un animateur. Les règles sont simples : arranger une quarantaine de cartes visuelles issues des travaux du GIEC. Elles illustrent les “maillons” de la chaîne énergie-climat sur Terre et expliquent l’impact des activités humaines sur le climat, le cycle de l’eau, l’alimentation, etc.
- Créée par Cédric Ringenbach, la Fresque du Climat est aujourd’hui une association basée à Paris et dirigée par Laurent Esposito. Elle assure le déploiement national et international du jeu auprès du grand public mais aussi de plusieurs cibles prioritaires comme les entreprises, les élus et l’éducation nationale. Elle est pour cela soutenue par une communauté de 6000 membres bénévoles.
- Du côté de l’éducation et des jeunes (scolaires, universitaires), c’est le dispositif “Rentrée Climat“, lancé en 2019, qui se déploie rapidement. Il devrait permettre de toucher 60 000 étudiants d’ici l’été 2020, mais il aide aussi à sensibiliser les enseignants et à former des animateurs en interne dans les établissements partenaires.
- Du côté des entreprises, Laurent affirme que la transition écologique ne pourra se faire sans elle. De nombreux Fresqueurs indépendants peuvent librement utiliser le jeu dans leurs prestations de sensibilisation et de conseil (moyennant un petit reversement à l’association). Mais l’association nationale coordonne des déploiements de grande ampleur, par exemple auprès de l’ensemble des salariés d’EDF ou de Suez.
- Du côté des élus enfin, la loi “Climat et Résilience”, bien que pas assez ambitieuse selon Laurent, a permis de rapprocher députés et Fresque du Climat. En ce moment, l’atelier leur est proposé en face de l’Assemblée Nationale et 140 d’entre eux s’y sont incrits. En parallèle, le dispositif “Mandat du Climat” permet de faire de même auprès d’élus locaux.
- La cible médiatique est aussi capitale selon Laurent, qui insiste sur la nécessité pour les journalistes de comprendre les enjeux globaux pour savoir discerner les messages manipulateurs qui restent nombreux de la part de certaines entreprises ou élus.
- Enfin, la dynamique la plus ambitieuse est sans doute celle qui se jouera à la COP26 à Glasgow cette année. Là, la Fresque du Climat sera proposée en marge de la rencontre internationale, et un “sommet mondial de l’éducation au climat” sera mis en place dans une grande université écossaise, en partenariat avec de nombreuses ONG et acteurs locaux ou internationaux. La Fresque existe déjà dans 25 langues, et vise un déploiement de la Rentrée Climat dans 10 pays européens via une aide européenne en cours de demande.
L’intervenant : Laurent Esposito
Directeur de l’association “La Fresque du Climat” ; ancien journaliste
Originaire de Reims, Laurent a grandi dans une famille modeste selon ses propres termes. “J’ai toujours vécu dans une forme de sobriété“ précise-t-il, ce qui lui a donné une sensibilité environnementale.
Il suit rapidement des études de journalisme, à Grenoble, où il va rester plusieurs années pour travailler après 1991 – à France 3 Régions, notamment. Il résume ainsi ces premières expériences professionnelles : “J’ai adoré ce métier de journaliste en région : terrain, reportage, contact des populations, des sujets de société …“.
Par le journalisme, Laurent remarque la sensibilisation aux enjeux environnementaux des acteurs de terrain, notamment associatifs. Il est également confrontés à de nombreuses problématiques spécifiques, comme celles de l’agriculture ou des zones de montagne.
Néanmoins, la prise de conscience du grand public restait faible. “Il y avait quelques personnes informées, mais pas le grand public.” précise-t-il. “Et pourtant, les faits scientifiques étaient établis ! Mais sans prise de conscience citoyenne large, telle qu’on la connaît davantage aujourd’hui.“
En 2019, il termine une aventure entrepreneuriale dans le numérique. L’occasion pour lui de changer de voie, de se poser la question du sens de son action … et peut-être de réorienter sa carrière. En parallèle, il découvre les conférences de Jean-Marc Jancovici. Il choisit de suivre une formation à l’Institut des Futurs Souhaitables. “Et c’était fait pour moi : j’allais y trouver des réponses à mes interrogations sur le sens de ma vie et sur mon projet professionnel. Ça a vraiment joué sur ma maturation dans mon engagement écologique.” conclut-il.
C’est sans doute par ce long cheminement qu’il rencontre les administrateurs de l’association La Fresque du Climat et qu’il en devient directeur en juillet 2020. Aujourd’hui, il en coordonne le déploiement national et international, notamment auprès de plusieurs publics stratégiques comme les élus, les grandes entreprises, les médias, l’éducation internationale ou encore les ONG.
Contacter Laurent Esposito par e-mail : contact@fresqueduclimat.org |
Crédit photo : Célia Esposito (DR)
La structure : La Fresque du Climat
Association nationale proposant un atelier ludique, pédagogique et collaboratif sur les enjeux énergie-climat
La Fresque du Climat est une vraie fresque – un dessin sur un rectangle de papier de grande taille, formant une frise narrative. Il est réalisé lors d’un atelier de 3 heures, avec un animateur, en groupe de 6 à 8 personnes. Les participants assemblent des cartes, adaptées des travaux du GIEC, représentant les “maillons” du système énergie-climat sur Terre. Une fois les cartes positionnées et reliées par des flèches, la Fresque apparaît, et il est possible de mieux visualiser ce système complexe, d’en comprendre les causes et conséquences, et de choisir ses pistes d’actions.
Ce jeu, développé à l’origine par Cédric Ringenbach – fondateur de l’association Fresque du Climat à Paris – connaît un succès exponentiel. Déployé dans toutes les régions de France à l’aide de groupes d’animateurs bénévoles, il a pris une dimension internationale avec sa traduction en anglais. Son organisation décentralisée, presque “fractale” fait qu’il parvient à toucher un très grand nombre de personnes malgré la petite taille de l’association qui l’a lancé.
Le dernier clip de présentation de la Fresque du Climat, réalisé à Clermont par votre serviteur et avec le précieux concours de plusieurs membres du groupe Fresque du Climat Auvergne.
Dirigée par Laurent Esposito, l’association compte 14 permanents dont 9 salariés et anime une communauté internationale de 6000 membres bénévoles (chiffres avril 2021). Son expansion est rapide : “nos indicateurs principaux doublent tous les six mois”, précise Laurent. Si la Fresque est proposée au grand public, les cibles de l’éducation (“Rentrée Climat“), des entreprises et des élus (“Mandat du Climat“) sont prioritaires, ainsi que les médias.
A l’automne 2021, la Fresque du Climat prendra une part majeure du dispositif de sensibilisation en marge de la COP26 à Glasgow. Un “sommet mondial de l’éducation au climat” devrait y être organisé, en partenariat avec de nombreuses ONG, et mettant en avant la version anglaise de la Fresque, la Climate Collage.
Accès direct aux questions
- Comment es-tu personnellement arrivé à la direction de La Fresque du Climat ? C’est un choix ambitieux, dans tous les sens du terme …
- Quelle est l’organisation et la “portée” de La Fresque du Climat aujourd’hui ?
- La Fresque s’adresse à tous, mais vous avez identifié trois publics prioritaires : les citoyens – par le biais de l’éducation – les entreprises et les politiques …
- Quel est l’impact de la Fresque du Climat sur les enseignants et les étudiants ?
- Justement, les entreprises, notamment les grands groupes, sont le second public que tu cibles. Est-ce facile d’y jouer la Fresque du Climat ?
- Mais la Fresque est-elle acceptable dans le cadre des missions des entreprises, qui consistent à générer du profit ?
- Quelles sont les conditions demandées aux entreprises pour y déployer la Fresque ?
- Dernière cible principale : les acteurs politiques. Quel est leur degré de réceptivité aux enjeux climatiques ?
- Souvent, ces élus de terrain sont aux prises avec les conséquences du changement climatique, ce qui est moins le cas avec les titulaires de mandats nationaux …
- Petit détour bonus par un public un peu particulier, celui des médias : pourquoi le rôle du journaliste dans la transition écologique est-il particulièrement sensible, selon toi ?
- Tu évoquais l’internationalisation de la Fresque. Quelle est ton ambition à ce sujet ?
- L’association La Fresque du Climat arrivera-t-elle à tenir la charge de cette croissance “exponentielle” selon tes propres mots ?
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !
Comment es-tu personnellement arrivé à la direction de La Fresque du Climat ? C’est un choix ambitieux, dans tous les sens du terme …
En 2019, je terminais une aventure entrepreneuriale dans le numérique. Mais je n’avais plus envie du business as usual : je devais choisir entre continuer à capitaliser sur mon expérience média/numérique, soit partir dans une nouvelle direction, en essayant de donner de la cohérence à mon projet professionnel par rapport à mes valeurs personnelles, sur l’écologie.
Ce choix de l’inconfort était une évidence pour moi : je devais changer pour changer le monde.
Cela aurait été facile de repartir vers un poste de cadre dirigeant dans une grosse boîte, sans questionner mes pratiques, sans changer. Ce qui est dur pour l’être humain, c’est de faire des choix, parfois radicaux, parce que ça nécessite de l’énergie, entraîne de l’incertitude … et remet en question des habitudes profondes. Je me suis rendu compte que ce choix de l’inconfort était une évidence pour moi : je devais changer pour changer le monde.
Quelle est l’organisation et la “portée” de La Fresque du Climat aujourd’hui ?
Depuis juillet 2020, je suis directeur de l’association “La Fresque du Climat”. Nous sommes 14 permanents, dont 9 salariés. Mon rôle est d’animer cette équipe très soudée et engagée, et au-delà : la Fresque rassemble une communauté de 6000 bénévoles dans le monde ! Ce sont toutes les personnes qui se sont formées à l’animation, et qui sont en capacité d’animer des ateliers de la Fresque du Climat – sachant que le jeu existe dans 25 langues.
Les principaux indicateurs de l’association doublent tous les six mois.
Enfin, la croissance de la Fresque est toujours sur une exponentielle. Les principaux indicateurs de l’association doublent tous les six mois : activité de la communauté, nombre de participants aux ateliers, chiffre d’affaires … on peut parler d’effet boule de neige.
Le clip vidéo de la Fresque du Climat, réalisé à Clermont par votre serviteur 🙂 avec la participation du groupe Fresque du Climat Auvergne
La Fresque s’adresse à tous, mais vous avez identifié trois publics prioritaires : les citoyens – par le biais de l’éducation – les entreprises et les politiques …
Notre action est d’intérêt général, c’est ce que l’on considère. Nous servons le bien commun au travers de l’éducation au changement climatique.
C’est pourquoi le monde de l’éducation est une de nos cibles prioritaires. Pour adresser ce secteur, on a monté depuis deux ans le programme “Rentrée Climat”, qui vise à sensibiliser les étudiants, les enseignants et le personnel administratif de l’enseignement supérieur aux enjeux climatiques. En 2019-2020, nous avions sensibilisé 10 000 étudiants … et on va “atterrir” vers 60 000 pour cette seconde année scolaire/universitaire. Et cette année, nous lançons la “Rentrée Climat Junior” qui vise à sensibiliser les élèves des écoles primaires, les collégiens et les lycéens.
Quel est l’impact de la Fresque du Climat sur les enseignants et les étudiants ?
On a des témoignages d’enseignants formés par nos soins à l’animation de la Fresque du Climat, et qui ont été bouleversés par ce qu’ils ont compris : ils nous disent qu’ils ne peuvent plus enseigner de la même manière, qu’il faut revoir les programmes car ils ne sont plus adaptés à la réalité de la société et aux enjeux climatiques et sociaux actuels.
Nous servons le bien commun au travers de l’éducation au changement climatique.
De l’autre côté, les étudiants qui sont passés par la Fresque (…) commencent à faire pression sur les établissements scolaires, et ensuite sur les entreprises dans lesquelles ils vont exercer leur carrière. On constate même que des étudiants questionnent les entreprises qui veulent les recruter sur leur responsabilité environnementale, y compris lors de l’entretien d’embauche !
Justement, les entreprises, notamment les grands groupes, sont le second public que tu cibles. Est-ce facile d’y jouer la Fresque du Climat ?
On est convaincu qu’on ne fera pas la transition écologique sans les grandes entreprises, ni les entreprises de taille plus modeste. Si un Fresqueur souhaite déployer la Fresque chez Total ou chez Air France, par exemple … on l’y encourage ! Et il y a [souvent], dans ces entreprises, des petits groupes de collaborateurs qui ont déjà joué la Fresque du Climat. (…) On a ainsi lancé en 2020 ce déploiement pour l’ensemble des collaborateurs chez Suez et EDF. A l’échelle de ces deux groupes internationaux, ce sont des décisions fortes prises par leur Comex [Comité Exécutif].
On ne fera pas la transition écologique sans les grandes entreprises, ni les entreprises de taille plus modeste.
Comment ça se passe ? A la base, des membres de notre communauté interviennent dans ces entreprises, souvent comme consultants en stratégie bas carbone ou formateurs en transition écologique, et utilisent la Fresque – notamment – comme outil d’accompagnement. Ils font leur propre travail de prospection, et ont une démarche proactive pour sensibiliser les entreprises à la transition.
Il arrive donc que ces personnes déploient l’atelier, parfois pour une direction RSE, un groupe de collaborateurs, ou même le Comex ! Et quand les choses se passent bien, l’effet boule de neige peut se lancer. Cela dit, les méthodes de viralisation dépendent de chaque entreprise.
Mais la Fresque est-elle acceptable dans le cadre des missions des entreprises, qui consistent à générer du profit ?
Notre rôle est d’éveiller le plus de monde possible aux conséquences du changement climatique : il n’y a pas les gentils militants d’un côté et les méchants pollueurs de l’autre. On est apolitique, et on veut travailler avec tout le monde, quels que soient le type et la taille des organisations. On veut juste que la compréhension des enjeux et de l’urgence climatique soit dans tous les esprits. Nous ne sommes pas des activistes radicaux, mais des pédagogues !
Après un atelier, chaque personne “fresquée” s’appropriera le moyen qui lui convient pour passer à l’action : l’une s’emparera de la question du transport en ville, arrêtera la voiture et prendra le vélo ; pour une autre, ce sera la cause animale et la déforestation liée qui la touchera, et elle cessera de manger de la viande rouge …
Nous ne sommes pas dogmatiques, ni pourvoyeurs de solutions toutes faites. Nous vulgarisons en intelligence collective le contenu scientifique du rapport du GIEC et nous offrons un espace de discussion entre participants en nous référant à des ordres de grandeur factuels.
Quelles sont les conditions demandées aux entreprises pour y déployer la Fresque ?
Sur EDF et Suez par exemple, l’association La Fresque du Climat s’est contentée de contractualiser dans le cadre de sa licence Creative Commons. Il est alors prévu que les entreprises reversent 3 € HT par collaborateur en droits d’utilisation à l’association.
Interview complémentaire : le déploiement de la Fresque chez EDF
Entretien par mail avec Pierre-Olivier Chacun, animateur de la Fresque du Climat et responsable de son déploiement auprès des 165 000 collaborateurs d’EDF
Comment avez-vous convaincu EDF d’y déployer la Fresque du Climat ?
La décision a été obtenue grâce à trois facteurs :
- Le travail et la force de conviction des sponsors [internes à EDF : Alexandre Perra, Christophe Carval et Carine de Boissezon] qui ont su porter le sujet jusqu’au Comex
- La démonstration de la compatibilité avec la stratégie de l’entreprise vis-à-vis de la neutralité carbone
- La démonstration de l’appétence pour le sujet de la part des salariés et des salariées
Comment la Fresque peut-elle contribuer à la mission de l’entreprise et à son application ?
Le déploiement de la Fresque s’inscrit parfaitement dans la continuité de la stratégie neutralité carbone adoptée par EDF en Comex le 27 janvier 2020 et inscrite dans sa raison d’être qui est de « construire un avenir énergétique neutre en CO₂, conciliant préservation de la planète, bien-être et développement, grâce à l’électricité et à des solutions et services innovants ».
EDF a fait le choix d’ajouter une séquence à l’atelier pour aborder les spécificités et la stratégie de l’entreprise.
Pierre-Olivier Chacun
EDF a fait le choix d’ajouter une séquence à l’atelier pour aborder les spécificités et la stratégie de l’entreprise. La séquence a été construite avec la Direction de la Stratégie et la Direction des Risques Groupe. Elle aborde 3 aspects : les impacts du changement climatique sur EDF (la cartographie des risques), les impacts d’EDF sur le changement climatique (les émissions du groupe) et la stratégie du Groupe, ses chantiers, les engagements du groupe et sa Raison d’être.
La connaissance et la compréhension des enjeux de chaque salariée et salarié est une étape indispensable pour que cette raison d’être soit mise en œuvre. D’où l’importance de déployer la Fresque.
Comment vous organisez-vous pour toucher les 165 000 salariés d’EDF ?
Le déploiement s’articule autour de trois collectif : une équipe cœur de 6 personnes, un collectif de représentants et représentantes des directions qui déploient dans leur périmètre respectifs et un réseau de plus de 300 animateurs et animatrices internes réparties en France et dans le Monde pour animer la Fresque. Le déploiement reprend les mêmes principes que ceux de l’association : “do-ocratie” et autonomie, droit à l’essai et à l’initiative.
Le déploiement reprend les mêmes principes que ceux de l’association : “do-ocratie” et autonomie, droit à l’essai et à l’initiative.
Pierre-Olivier Chacun
Aujourd’hui, plus de 5000 personnes ont participé à une Fresque à EDF dont le PDG, Jean-Bernard Levy. Cette implication au plus haut niveau du groupe permet de rappeler que la question du climat nous concerne tous. C’est un problème collectif complexe qui implique des efforts de chacun.
Pour le reste, l’animation des ateliers passe par des formateurs agréés, ceux qu’on appelle des “Fresqueurs pro” – une communauté d’une centaine de personnes environ capables de déployer dans les entreprises des Fresques – ou bien via des animateurs en interne, comme chez EDF.
En termes d’impact organisationnel, il faudra tout de même libérer trois heures de chaque collaborateur : cela a un coût ! Mais c’est un outil qui a de nombreuses vertus, parce qu’il mobilise l’intelligence collective et peut s’apparenter au team building. Cela permet ainsi : de partager un projet, une vision commune de l’entreprise ; aux collaborateurs de s’exprimer sur la politique RSE, sur la décarbonation de leurs process ; ou de faire le point sur des innovations qui pousseront à [transformer ou] abandonner les produits ou les services de l’entreprise néfastes au climat.
C’est un outil qui a de nombreuses vertus, parce qu’il mobilise l’intelligence collective et peut s’apparenter au team building.
Au final, la Fresque n’a pas vocation à pointer du doigt ce qui ne va pas dans les entreprises. Nous sommes plutôt le premier pas indispensable dans la voie du changement et du passage à l’action. Je pense que nous avons un rôle-clé !
Dernière cible principale : les acteurs politiques. Quel est leur degré de réceptivité aux enjeux climatiques ?
C’est plus compliqué … car les femmes et les hommes politiques sont souvent les derniers à réagir. On le voit concernant le projet de loi “Climat et Résilience” : ça manque d’ambition, si l’on se réfère à l’avis rendu en amont par le Haut Conseil pour le Climat. Il faut dès lors une pression du monde économique et des citoyens pour que les choses changent.
On essaye néanmoins de sensibiliser ces élus [en direct]. Pour ce faire, fin 2020, on a lancé une opération auprès des élus locaux : le “Mandat du Climat”. Ce sont des Fresqueurs et Fresqueuses qui, au nom de l’association, vont voir leur conseil municipal pour leur proposer de participer à une Fresque.
Cela se fait dans le cadre de la résilience et de la nécessaire transition de leur territoire, puisque certains enjeux climatiques ont un impact local – l’accès à l’eau potable, la déperdition d’énergie dans les infrastructures publiques, les transports de proximité … ces sujets sont entre les mains des élus de proximité.
Souvent, ces élus de terrain sont aux prises avec les conséquences du changement climatique, ce qui est moins le cas avec les titulaires de mandats nationaux …
C’est pour cela que l’on a prévu, dans le cadre du projet de loi “Climat et Résilience”, que nos parlementaires puissent participer à une Fresque, à deux pas de l’Assemblée Nationale. On les a tous invités ! Déjà 140 députés, sénateurs et collaborateurs parlementaires, de tous bords politiques, se sont inscrits à nos ateliers parlementaires jusqu’à fin avril, mais ça ne fait que débuter. Derrière, on essayera de travailler avec l’ensemble des députés et sénateurs sur le long terme, ainsi que les instances européennes… à suivre.
Petit détour bonus par un public un peu particulier, celui des médias : pourquoi le rôle du journaliste dans la transition écologique est-il particulièrement sensible, selon toi ?
Je suis personnellement attaché à ce sujet, en tant qu’ancien journaliste. Notre conviction est que l’accélération de la transition écologique se fera quand les médias auront bien compris les enjeux, et quand ils seront capables de faire preuve de discernement, face à des politiques ou des communicants en entreprise qui pratiquent le greenwashing – avions “verts”, voitures “propres” … Les journalistes doivent bien appréhender les composantes énergétiques et climatiques, les lois de la physique qui sont non-négociables, pour parler de ces sujets.
L’accélération de la transition écologique se fera quand les médias auront bien compris les enjeux [climatiques].
La Fresque est donc un bon outil pour comprendre et déconstruire [ces discours trompeurs]. Le quotidien régional Ouest-France, par exemple, a commencé à accueillir la Fresque. Mais nous constatons aussi des marques d’intérêt à Radio France, Europe 1, TF1 et France Télévisions.
Enfin, on discute avec le World Editors Forum, en mode exploratoire [pour toucher des médias internationaux]. Ils ont relayé notre invitation aux journalistes du monde entier à participer à une Fresque en anglais, lors du Jour de la Terre, ce 22 avril.
Tu évoquais l’internationalisation de la Fresque. Quelle est ton ambition à ce sujet ?
Nous visons … la COP26 ! Il n’y en a pas eu depuis deux ans à cause de la pandémie. Cette COP se tiendra en novembre 2021 à Glasgow, et nous y serons. Pour cela, nous avons déjà mobilisé plus de 150 bénévoles qui préparent la logistique, la communication, les partenariats … afin que The Climate Collage – la Fresque du Climat en anglais – puisse être jouée dans la “zone bleue”, la zone officielle de la COP réservée aux diplomates et politiques, et à sa périphérie, avec la participation des entreprises, des associations ou du monde de l’éducation.
Nous souhaitons par ailleurs organiser un sommet mondial pour l’éducation au climat, juste avant la COP26 sur un campus universitaire de Glasgow, avec l’aide d’autres ONG. The Climate Collage serait la “figure de proue” de ce sommet. Avec l’espoir que le plus de monde possible – étudiants, chercheurs, citoyens, associations, entreprises – y participent … et deviennent peut-être nos ambassadeurs en Ecosse durant la COP et partout sur la planète au-delà de l’événement.
L’association La Fresque du Climat arrivera-t-elle à tenir la charge de cette croissance “exponentielle” selon tes propres mots ?
Nous faisons, pour le moment, tout cela sans aucune subvention … mais un dossier a été monté dans le cadre du programme Horizon 2020 : nous avons répondu à un appel d’offres européen pour sensibiliser les citoyens aux enjeux climatiques. Au sein d’un consortium, nous avons donc candidaté pour déployer dans 10 pays européens notre Rentrée Climat de 2022 à 2025, en nous appuyant notamment sur un MOOC multilingue. On le fera, subvention ou pas, mais on ira plus vite avec l’aide financière de l’Europe …
Le développement international de la Fresque est un axe majeur pour 2021.
Aujourd’hui, nous avons déjà un coordinateur dans notre équipe internationale qui travaille spécifiquement sur le déploiement de la Rentrée Climat au Royaume-Uni, en Belgique et en Suisse. Quand on aura testé sur ces pays-là, on sera capable de déployer ces Rentrées à plus large échelle, ailleurs dans le monde.
Interview complémentaire : le groupe Fresque du Climat Auvergne
Entretien avec Florian da Silva, coordinateur bénévole du groupe Fresque du Climat Auvergne
Comment s’est constitué le groupe Fresque du Climat Auvergne ?
On a lancé le groupe à l’été 2020 avec un “noyau dur” de 8-9 animateurs. Il s’est ensuite structuré avec la rentrée Climat 2020. De proche en proche, avec le confinement, les demandes des associations ou des entreprises … tout cela fait qu’on a gagné en visibilité.
Nous avons alors mis en place une page Facebook et un groupe Telegram. Nous avons également tenu une Fresque Quiz lors de la marche pour le Climat du 28 mars 2021. Et, aujourd’hui, il y a environ 33 animateurs dans le groupe Fresque Auvergne.
Combien de Fresques sont jouées autour de Clermont ?
Pour l’instant, elles sont obligatoirement en ligne, ce qui est très limitant. Nous les animons en réponse à des demandes entrantes “formelles” – environ 5 par mois pour le moment – mais c’est encore surtout dans le cadre informel que nous faisons jouer la majorité des ateliers – auprès de nos amis, de notre famille, etc.
Et quelles sont les perspectives de développement ?
Le but après le confinement est d’être visible du grand public en jouant dans des tiers-lieux : le Grin, la Goguette … nous sommes aussi référencés dans la base nationale d’animateurs, donc on peut passer par le site Fresqueduclimat.org et tomber sur nous !
Nous pouvons également nous rapprocher du CPIE du Puy-de-Dôme, [Centre Permanent d’Initiatives à l’Environnement], à Theix, qui est prêt à nous accueillir régulièrement. Enfin, nous comptons développer une stratégie média, par exemple avec la Montagne, ou avec l’émission H2O sur France Bleu Pays d’Auvergne …
Nous avons pu structurer un groupe d’animateurs dynamique et conséquent, en partant quasiment de rien.
Florian da Silva
Pour conclure, malgré les deux confinements, nous avons pu structurer un groupe d’animateurs dynamique et conséquent, en partant quasiment de rien. Toutes les semaines ou presque, un nouvel animateur nous rejoint. Quand on pourra faire du présentiel, il est probable qu’on puisse accélérer fortement. En tous cas, nous sommes prêts à le faire !
Pour rappel, nous avons des communautés sur tous les continents, avec 86 référents internationaux. Même s’il y a un fort barycentre sur la France et l’Europe, le développement international de la Fresque est un axe majeur pour 2021. Parce que les enjeux climatiques sont mondiaux par nature, et qu’il faut porter le message de l’urgence [environnementale] très vite, auprès du plus grand nombre de personnes possible.
Pour aller plus loin (liens proposés par Laurent) : Comprendre – la conférence de Jean-Marc Jancovici à Sciences Po en 2019 : “CO2 ou PIB, il faut choisir” Agir – l’atelier “inventons une vie bas carbone” qui donne des ordres de grandeurs et des indications sur quoi faire ou, en version numérique et sur les mêmes thématiques, l’atelier “2 tonnes” |
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !
Propos recueillis le 12 mars 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Laurent et son équipe. Crédit photo de Une : Célia Esposito (DR)