L’éolien citoyen de Grégory Bonnet, “projet de territoire qui favorise l’acceptabilité”

Par

Damien Caillard

Le

Le maire de Montcel, dans les Combrailles, pilote un ambitieux projet d’implantation éolien via une association regroupant 80 adhérents, et attend de nombreux apports pour les habitants.


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Pourquoi cet article ?

Autour de la préparation des Rencontres de la Résilience de la saison 2 (hiver 2020-2021), j’étais entré en contact avec Grégory Bonnet et j’avais eu connaissance de son projet d’éolien citoyen. L’entretien que j’ai réalisé avec Combrailles Durables avait également évoqué le projet de Montcel.

Puis, au printemps, lors de mon travail sur le Master Plan du Conseil Départemental (qui a donné lieu à un dossier éditorial en juin), je suis retombé sur l’action de Grégory à travers, cette fois, la communauté de communes Combrailles Sioule et Morge qui allait devenir une collectivité pilote pour la Fabrique Départementale des Transitions.

Tout cela, plus la combinaison d’un PCAET [Plan Climat Air Energie Territoire] élaboré sur la base du volontariat et d’un PAT [Projet Alimentaire Territorial] en zone rurale, m’ont donné envie de rendre visite à Grégory, qui m’a accueilli pour un entretien en juillet.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. La démocratie participative est, pour Grégory Bonnet, un principe d’action qui doit s’appliquer à tous les niveaux de la vie publique, notamment celui de la commune. C’est le moyen de réintéresser à la chose publique. Dans ce cadre, la politique énergétique s’y prête bien. C’est pourquoi le principal projet de ce type à Montcel concerne un “éolien citoyen”
  2. Le projet Montcel Durable consiste en une association regroupant environ 80 adhérents et travaillant à la mise en place d’un petit champ d’éoliennes sur le site de la commune, qui représenterait un gisement de vent intéressant. Il s’inspire de Eoliennes en Pays de Vilaine, un modèle réussi d’éolien citoyen, en étant accompagné par la SCIC Combrailles Durables qui a l’expérience de projets collaboratifs de ce type dans les énergies renouvelables.
  3. Les avantages d’un projet citoyen par rapport à un développeur privé sont, selon Grégory : les retombées économiques pour la population, la conscientisation du public sur les enjeux énergétiques et écologiques, et la montée en compétence – les participants reprennent les fonctions d’un développeur et couvrent toutes les phases du projet. Enfin, un projet citoyen sera mieux accepté et ira plus loin dans la prise en compte des attentes des gens, selon le maire de Montcel.
  4. Le principal problème resterait la désinformation et, plus globalement, l’exigence très forte face aux projets d’énergies renouvelables, notamment éoliens. La méthode de Grégory – président de Montcel Durable – est de faire participer les opposants aux réunions pour échanger sur leur point de vue et démonter les rumeurs. Cela peut marcher, ou pas, mais nécessite de toute façon du temps et de l’écoute.
  5. Plus largement, Grégory a piloté l’élaboration du PCAET [Plan Climat Air Energie Territorial] à la communauté de communes Combrailles Sioule et Morge, ce qui a conduit au lancement d’un Projet Alimentaire Territorial et à l’identification de 28 initiatives locales autour de la transition écologique. Une étude des vulnérabilités territoriales a également été menée, avec un accent sur l’eau qui deviendrait plus irrégulièrement répartie sur l’année. Les réponses sont de toute façon systémiques et doivent concerner autant l’écologique que le social.
  6. A noter le travail mené, et en cours, avec Aubert et Duval, gros acteur industriel aux Ancizes, et avec lequel se tient une réflexion sur l’usage de la chaleur fatale issue des aciéries. D’autant plus que l’entreprise est poussée à réduire son empreinte carbone, de par la réglementation mais aussi la pression de ses donneurs d’ordres.

L’intervenant : Grégory Bonnet

Crédit photo : Conseil Départemental du Puy-de-Dôme (DR)

Maire de Montcel ; vice-président à Combrailles, Sioule et Morge ; conseiller départemental du Puy-de-Dôme


Originaire du bassin de Combronde, Grégory Bonnet a son “camp de base” dans les Combrailles, où il a toujours travaillé. Après des études en droit et en gestion à Clermont, il s’est lancé dans le domaine immobilier (gestion de copropriétés), avec une focale sur la rénovation de vieilles batisses en pierre “pour assurer une mise en valeur du patrimoine bâti”.

Elu Maire de Montcel en 2014 (après un mandat de conseiller municipal), inscrit dans les listes de la Gauche Citoyenne 63, il porte plusieurs projets liés à la transition écologique, en particulier dans les énergies renouvelables avec le projet “éolien citoyen” de Montcel Durable, lancé en 2018. Il est réélu en 2020.

A la communauté de communes Combrailles, Sioule et Morge, il est vice-président en charge de la transition écologique, de l’eau et de la forêt. Il y a notamment mené le travail du PCAET [Plan Climat Air Energie Territorial].

Enfin, il est conseiller départemental du Puy-de-Dôme. Avec sa communauté de communes, il participe à la Fabrique Départementale des Transitions qui s’est lancée dans le cadre du Master Plan sur la transition écologique, en lien avec la Fabrique des Transitions. Il fait ainsi partie des trois collectivités locales pionnières qui vont prochainement signer la convention avec le Département pour co-construire des stratégies de transition écologique et partager des bonnes pratiques.

Contacter Grégory Bonnet par email : montceldurable [chez] gmail.com

Crédit photo : Conseil Départemental du Puy-de-Dôme (DR)

La structure : Montcel Durable

Association dédiée à un projet éolien citoyen sur la commune de Montcel


Projet initié en 2018 et portant sur environ 8 ans, Montcel Durable vise à construire une ou plusieurs éoliennes dans le cadre d’une approche citoyenne et collaborative dans la commune de Montcel.

Il est aidé en cela par Combrailles Durables, SCIC oeuvrant pour les énergies renouvelables citoyennes (principalement photovoltaïques) dans les Combrailles et, plus largement, sur le Puy-de-Dôme. La référence de Montcel Durable, dans le cas de l’éolien, est représentée par le projet éolien citoyen en Pays de Vilaine.

L’association regroupe aujourd’hui 80 adhérents. Elle est présidée par Grégory Bonnet, maire de Montcel.

Voir le site de Montcel Durable

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Crédit visuel : Montcel Durable (DR)


Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Le projet collectif phare de Montcel peut se résumer en « un éolien citoyen ». La démocratie participative est-elle vraiment possible dans les petites villes ?

La question de départ est : comment ré-intéresser les électeurs [aux] politiques publiques ? Faire participer les administrés aux décisions est sûrement un moyen. (…) Pendant un an, avec le Covid, on a entendu n’importe quoi, et les électeurs n’ont plus confiance en la politique et en les politiques. Y compris des gens qui s’y sont fortement intéressés et ne s’intéressent plus [notamment des élus] !

Selon moi, une des solutions à cette crise de confiance est la démocratie participative. Et elle doit se mettre en œuvre à tous niveaux, y compris celui de la commune, où ce n’est pas forcément plus facile, car on reste contraint par le cadre général : réglementaire, législatif, constitutionnel …

Lire l’entretien : co-construire démocratiquement les politiques publiques, selon Geoffrey Volat

Pourquoi avoir choisi le domaine énergétique pour ce projet participatif ?

Certaines politiques publiques, comme la transition énergétique, laissent plus de marge que d’autres à la démocratie participative, car elles sont moins encadrées.

La démocratie participative doit se mettre en oeuvre à tous niveaux, y compris celui de la commune.

La politique énergétique a été “confisquée” pendant longtemps, et c’est encore en partie le cas. Néanmoins, on peut imaginer une nouvelle gouvernance sur un projet comme l’éolien, en mettant autour de la table les collectivités, les citoyens, les associations, dans une seule structure.

Inauguration du parc éolien de Béganne, près de Redon. Le collectif du Pays de Vilaine met en avant son expérience des projets collectifs et citoyens qui, selon eux, permet de dépasser de nombreux blocages / Crédit photo : ENR citoyennes (DR)

Avez-vous une référence en tête ?

Notre modèle est l’association « éoliennes en Pays de Vilaine », à Redon : là-bas, quelques habitants “atypiques“ voulaient faire de l’éolien, et on leur a dit : “non, c’est un métier” … Partis de rien, ils exploitent  aujourd’hui quatre parcs éoliens. 

Les bénéfices constatés sont une maximisation des retombées économiques, du lien social – à  l’inverse de ce que disaient les opposants, à savoir le fait de “monter les habitants les uns contre les autres”, Comment ont-ils fait ? Ils ont intégré des gens de divers horizons, tous ne comprenaient pas forcément l’aspect technique mais étaient heureux de participer à une aventure collective.

En complément : Pierre Jourdain, président d’EO Coop, l’éolien citoyen en pays de Vilaine

“Dès 2018, au lancement du projet Montcel Durable, les échanges ont été nombreux et dans les deux sens. Ils se sont inspirés de notre expérience en Pays de Vilaine. Nous avons partagé des temps de formation, du transfert de compétence, et étudié ensemble la faisabilité technique du projet dans les Combrailles.

Notre expérience est intéressante : elle est basée sur le montage de projets collectifs en local sur les ENR. Nous avons travaillé avec plusieurs structures en France, principalement à l’échelle du Grand Ouest mais aussi en Auvergne-Rhône-Alpes, en Bourgogne-Franche-Comté, en Alsace …

Selon moi, les clés de réussite d’un tel projet – 100% citoyen – sont dans le fait d’assumer pleinement les conséquences et les relations avec les riverains. Cela dit, plus le projet réunit une diversité de personnes, la palette de compétences permet de dépasser les difficultés que rencontrerait un développeur classique dans cette question relationnelle.

Il faut aussi savoir fonctionner dans le temps long, et en collectif. Mais je suis confiant sur Montcel Durable : ils fonctionnent à moyens raisonnés, et sont très bons dans ce qu’ils font.”

Entretien téléphonique du 7 octobre 2021

Donc, qu’attendez-vous de Montcel Durable [l’association qui porte le projet participatif] ?

En plus des retombées économiques – trois fois plus que si on était passés par un développeur [professionnel] – ça apporte une large conscientisation sur les questions énergétiques, et une montée en compétences. Parce que les gens font le travail d’un développeur, et, chemin faisant, s’informent autour des enjeux stratégiques, énergétiques, des potentiels … Aujourd’hui si vous leur posez des questions sur la thématique énergétique, beaucoup sont à même de répondre.

Les bénéfices constatés sont une maximisation des retombées économiques (…) une large conscientisation sur les questions énergétiques, et une montée en compétences

Enfin, un vrai « projet de territoire » favorise l’acceptabilité. (…) Et le fait de porter le projet permet de mesurer, définir et d’accepter ce qu’on veut bien s’imposer. Le développeur, lui, va se contenter de ce qui est réglementaire et législatif. Sur un projet citoyen, on sera à l’écoute d’autres attentes que les obligations réglementaires.

Par exemple, dans le projet du Pays de Vilaine, ils ont mis un « bridage apéro », pour faire un peu moins de nuisances sonores les samedis de 18 heures à 22 heures l’été. Un développeur ne va pas le faire et n’est pas tenu de le faire, son objectif est la rentabilité. Cela veut dire que l’on peut davantage adapter [le fonctionnement du projet] pour une meilleure acceptabilité.

A Montcel, pas encore d’éolienne à montrer car le projet est nécessairement long. Mais le collectif citoyen est en place depuis 5 ans autour de Grégory Bonnet (à droite) / Crédit photo : Montcel Durable (DR)

Où en êtes-vous du déploiement aujourd’hui ?

Sur Montcel Durable, on a terminé la partie pré-développement (identification des zones, des contraintes, imagination du projet, sécurisation du foncier) et on est sur le développement : études réglementaires, constitution du contenu de la demande environnementale unique (permis de construire). Plus précisément, on a fini la première partie de la demande, les « états initiaux » (milieux naturels, paysagers, impacts pour l’homme…). Et nous venons d’engager la phase 2 : étude des impacts. 

Un vrai “projet de territoire” favorise l’acceptabilité.

Nous allons également mener une étude de géobiologie pour appréhender les potentiels risques sur la propagation d’ondes. Il y a beaucoup de désinformation sur le sujet, et des soucis réels. Ici, dans un territoire périurbain/rural, avec des agriculteurs, on ne veut pas dégrader les zones d’exploitation. Ce type d’étude n’est pas obligatoire mais nous avons fait fait le choix de tout mettre en œuvre pour rassurer les acteurs du territoire et limiter les impacts.

Le toit de l’église de Montcel, équipé de panneaux photovoltaïques. La dynamique citoyenne est forte dans les Combrailles, que ce soit pour l’énergie ou l’alimentation / Crédit photo : éditeur

Quel est le degré d’opposition que vous rencontrez ?

On souffre en permanence de la désinformation, par certains documentaires, certains livres… Aujourd’hui, on demande aux ENR [Energies Renouvelables] de montrer patte bien plus blanche qu’à n’importe quel autre porteur de projet. 

Par exemple, on critique le béton au pied des éoliennes. Pourtant, c’est l’équivalent de huit fois une maison traditionnelle de 120 mètres carrés … pour une éolienne qui fournira l’électricité à 2 000 habitants. Selon moi, c’est largement raisonnable. Mais pourquoi on ne pose pas cette question pour une usine par exemple ? Idem sur le recyclage des composants : il se fait facilement.

En prenant du temps et en expliquant les démarches, on peut réussir à tomber d’accord.

À chaque fois qu’on a eu des opposants, on les a invités à venir dans l’association pour faire connaître leur point de vue. Ça a assez peu fonctionné hélas, mais on a eu une personne qui est passée d’opposant à contributeur. Ça veut dire qu’en prenant du temps et en expliquant les démarches, on peut réussir à tomber d’accord. C’est plus long mais beaucoup plus efficace.

En complément : Eric Poisson, habitant de Montcel dans l’incertitude sur son engagement

Entretiens en cours de finalisation – publication mardi 12 octobre à 22h au pl

Eric Poisson, participant aux réunions de Montcel Durable

“J’étais très défavorable au projet d’éoliennes au départ. Je craignais la perte de valeur de l’immobilier local, et les premiers visuels m’inquiétaient en termes d’impact sur le paysage.

Mais j’ai pu participer à quelques réunions, et j’ai alors fortement adhéré au projet de fond – idéologie, principe de l’éolien, approche citoyenne, retombées locales. Je suis toujours très partant sur le principe de Montcel Durable, qui est à la base un excellent projet.

Cependant, ces derniers temps, j’en reviens un peu, car je crains une forme de jusque-au-boutisme. Il semble que, malgré plusieurs contraintes (notamment liées à la présence de milans noirs, une espèce protégée), le projet doive se faire “coûte que coûte”. Conséquence : il semble qu’il évolue de plusieurs éoliennes de taille moyenne à une éolienne de plus grande taille.

En plus, je sens une perte d’éthique dans la méthodologie, proposer trois éoliennes dans le but d’en obtenir une seule plus grande … cette méthodologie me déplaît et me fait m’éloigner du projet Montcel Durable. Ce que je regrette car je le trouve toujours pertinent sur le fond, j’attends la prochaine réunion du comité de pilotage afin d’éclaircir certains points.”

Entretien téléphonique du 8 octobre 2021, mis à jour le 12 octobre


Eléments apportés en réponse par Grégory Bonnet

“Je comprends que nous (les plus investis) avons moins bien communiqué avec nos membres depuis mars 2020 (deux copil depuis le premier confinement alors que nous en faisions en moyenne 9 ou 10 par an avant la pandémie) et que certains éléments ont peut-être étaient mal compris.

Notre projet ne porte pas sur les éoliennes les plus hautes du monde, ni même les plus hautes de France. Par contre nous expliquons effectivement que puisque la production croît de manière exponentielle avec la hauteur des éoliennes (car la production s’appuie sur le cube de la vitesse du vent et car plus on monte plus le vent est fort) nous visons à installer des éoliennes qui puissent aller chercher les hauteurs les plus hautes que le territoire et l’administration voudront bien accepter, sur la base des études paysagères. Elles ne peuvent être ce qui est parfois évoqué – 250 ou 300 mètres – car les plafonds altimétriques des radars d’aviation civile nous limitent bien en deçà.

Par ailleurs, nous ne marchandons pas avec les services de l’Etat. Nous travaillons par itération comme le font tous les porteurs de projets, professionnels ou citoyens. On propose des scénarii et variantes maximales et l’administration les dégrade en fonction de critères qu’elle fixe.

On ne s’arrange pas non plus avec la législation et on ne déforme pas les périmètres de protection, on travaille selon la doctrine ERC (éviter, réduire, compenser). Et je rappelle que nous menons les études réglementaires mais que nous allons au-delà en finançant des études non-obligatoires qui nous semblent opportunes pour la bonne information des habitants du territoire.”Echange par mail du 11 octobre

Dans quel cadre stratégique s’inscrit Montcel Durable ?

Le futur souhaitable, en termes énergétiques, est résumé par le triptyque “sobriété, efficacité, ENR”. Pour cela, chaque étage peut agir (collectivités, habitants, entreprises) selon ses compétences. Les collectivités se doivent d’être exemplaires, et pionnières : pour expliquer aux gens d’investir dans la rénovation énergétique, c’est absolument nécessaire.

Lire l’entretien : sobriété, performance et diversification énergétiques, la recette de Sébastien Contamine

A Montcel, on a ainsi travaillé sur l’éclairage public – réduction des points lumineux, extinction en milieu de nuit – afin de réduire l’impact sur la biodiversité et les consommations. Ensuite nous avons pratiqué un pilotage précis du chauffage de tous les bâtiments communaux et la salle des fêtes a été entièrement rénovée avec notamment une isolation performante, un remplacement des menuiseries et du système de chauffage. 

Sur les énergies renouvelables, le travail a commencé un an après mon élection, en 2015. C’est en étant démarchés par deux développeurs éoliens qu’on a commencé à s’intéresser à la question. Le premier projet a été du photovoltaïque sur la toiture de l’église, avec Combrailles Durables.

En complément : le travail commun avec Combrailles Durables, selon Valérie Sol, chargée de développement

“Nous avons apporté notre expérience dans le montage de projet collectif sur les ENR. C’est nous qui avons mis en relation Montcel Durable et le projet en Pays de Vilaine.

Grégory Bonnet était déjà coopérateur au sein de Combrailles Durables [qui est une SCIC, Société Coopérative d’Intérêt Collectif]. Il est initialement venu nous voir pour le projet d’éolien citoyen sur sa commune quand il était démarché par de nombreux développeurs – en effet, Montcel se situe sur un “gisement” de vent particulièrement intéressant.

De notre côté, nous étions partis sur du photovoltaïque car cela nous semblait plus simple à gérer pour débuter … mais l’éolien nous intéressait !

Rapidement se sont montés des groupes de travail partagés avec Montcel Durable, sur des sujets comme le juridique, le développement, la communication … c’est une véritable co-construction qui s’est réalisée depuis 4 ans et qui continue aujourd’hui.”

Entretien physique du 6 octobre 2021

Pourquoi ce choix de Combrailles Durables, dès le début de votre mandat ?

J’ai commencé en demandant au conseil municipal son accord sur le principe de l’éolien, puis est venue la question de comment le faire. On a écarté l’idée du contrat avec un développeur, car il y avait [sur le territoire] une association locale dédiée à ce type de projets. 

On a ainsi fait venir Combrailles durables et, plutôt que d’aller directement sur l’éolien, on est parti sur le projet photovoltaïque, pour commencer doucement, et voir comment les gens s’intéresseraient à ces questions. 

Sur le photovoltaïque, sur une réunion de trente personnes, deux ont exprimé des réticences mais ont reconnu être minoritaires. Finalement ça s’est bien passé. Sur l’éolien, il y a eu un peu plus d’opposition mais, là encore, minoritaire. Ça a permis d’amener la conscientisation des gens sur la transition énergétique.

Lire l’entretien : pour Combrailles Durables, “l’énergie est un sujet de prise de pouvoir par les territoires”

Vous êtes aussi vice-président de votre communauté de communes (EPCI), Combrailles Sioule et Morge, sur les sujets de transition écologique. Quelle combinaison peut s’opérer entre la commune et l’EPCI ?

D’une manière générale, chacun peut faire à la hauteur de ses compétences, ambitions et moyens. La mairie est plus proche de l’habitant ; la communauté de communes est sur un plus large territoire, pour l’animation, la conscientisation, et permet de chercher d’autres acteurs. A Montcel, par exemple, nous n’avons pas de grande entreprise, les interlocuteurs sont les associations et habitants.

A Montcel, nous n’avons pas de grande entreprise, les interlocuteurs sont les associations et habitants.

A Combrailles Sioule et Morge, le Président m’avait confié le portage et l’animation d’un PCAET [Plan Climat Air Energie Territorial] qui n’était pas obligatoire car nous avons moins de 20 000 habitants. Ce fut donc un choix fort des élus, validé en 2018. Ce PCAET, nous avons voulu le construire avec tous les acteurs du territoire, et non le seul bureau d’étude. Ca a donc été plus long … mais à un rythme suffisamment soutenu, ce qui permettait d’entretenir la  mobilisation.

En 2021, une conférence “inspirante” a pu avoir lieu avec les membres de Montcel Durable sur la thématique des plastiques et de l’environnement. Selon Grégory Bonnet, le public devient plus sensibilisé aux enjeux écologiques en participant à un projet citoyen / Crédit photo : Montcel Durable (DR)

Au final, nous avons retenu 28 actions, dont la mise en œuvre d’un PAT [Projet Alimentaire Territorial]. L’échelle la plus pertinente s’est avérée celle du SMAD des Combrailles. A travers un appel à projets de la DRAAF [Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt], nous venons d’être reconnus “PAT émergent”, et nous avons deux ans pour le réaliser.

Au delà du PCAET, d’autres initiatives citoyennes sont nées : Loub’Epice, sur les thématiques d’alimentation, de rapports producteurs-consommacteurs et des “autres façons de faire” ; l’association Alternacomb, qui vise une agriculture paysanne ; ou encore, l’association Comblab, sur notamment l’alimentation et l’agriculture, pour imaginer les Combrailles en 2051, avec une vision transversale.

En complément : Michel Aguilar évoque les liens entre Comblab et la communauté de communes

” Nous n’avons pas d’aide financière de Combrailles Sioule et Morge. En revanche, ses représentants participent activement au laboratoire d’idées que nous avons mis en place – et qui intègre aussi des acteurs de la société civile. Nous avons donc de vraies relations privilégiées et constructives avec la communauté de communes.

Notre approche de la transition est vraiment globale. Si l’on agit sur un secteur (énergie, alimentation …), cela aura forcément des impacts sur les autres secteurs – en particulier l’aspect social – qu’il faut prendre en compte. Et l’approche du PCAET piloté par Grégory Bonnet rentre dans ce cadre.

Nous soutenons aussi sa logique citoyenne et collective, notamment dans le projet Montcel Durable. Cela entre en phase avec le projet “Combrailles 2051″, un programme de projection et de narration dans le futur proche, quand les grands défis environnementaux seront devenus prégnants, et pour lequel nous ciblons particulièrement les jeunes.”

Entretien téléphonique du 8 octobre 2021

Avez-vous travaillé sur la résilience de votre territoire ?

Oui, puisque le PCAET a commencé par un diagnostic territorial, sur les 29 communes membres [de Combrailles, Sioule et Morge]. (…) La vulnérabilité a ainsi été identifiée sur différents domaines : inondations, incendies, gonflement des argiles, mais cela concerne plus ou moins tous les territoires. 

On parle aussi de vulnérabilité à propos de l’eau … mais dans les deux sens : soit il va en manquer, soit on en aura trop. Les modèles nous font penser qu’on ne va pas perdre beaucoup d’eau, mais que les précipitations seront concentrées au printemps et à l’automne. Cela combiné avec l’imperméabilisation des sols et la disparition des haies peut conduire à des catastrophes.

Il faut réfléchir pour chaque politique à comment elle va interagir sur d’autres domaines.

Ce problème est un sujet de vigilance à tous les niveaux. A l’EPCI, dans le cadre de la commission GEMAPI (compétence obligatoire), on finance des dispositifs pour les agriculteurs. Car si on leur demande de modifier leur mode d’exploitation, il faut un accompagnement financier. Tout est lié, et toute modification a un impact sur l’ensemble de la chaîne. Les actions, les politiques doivent être transversales : nous les concevons ainsi. Il faut réfléchir pour chaque politique à comment elle va interagir sur d’autres domaines.

Par exemple au Conseil départemental, sur la partie sociale il y a des chantiers d’insertion ; l’idée est de les inscrire dans le cadre de la transition écologique. C’est doublement gagnant ! 

Un acteur particulier de votre territoire est Aubert et Duval, avec un gros site industriel aux Ancizes. Comment interagissez-vous avec lui ?

Quand on a rédigé le PCAET, nous avons évidemment repéré qu’un des gros potentiels d’amélioration était chez Aubert et Duval. Ce type d’acteurs a un impact énorme, et avec de “petites” décisions [prises en interne], ils sont équivalents à l’action de 5 000 personnes dans leurs changements d’habitudes.

Dans un sens, Aubert et Duval – qui a une activité d’industrie lourde – participe à la transition, pour des raisons économiques. Pour eux, chauffer du métal dans des fours à gaz coûte une fortune ; de plus, il leur est nécessaire de réduire leur empreinte carbone en tant que sous-traitant aéronautique.

L’usine d’Auvert et Duval, aux Ancizes, est un des principaux sites industriels des Combrailles. La communauté de communes souhaite réfléchir avec l’entreprise sur la manière de réduire son impact environnemental, notamment en récupérant la chaleur fatale / Crédit photo : Aubert et Duval (DR)

En fait, c’est particulièrement intéressant d’échanger avec eux pour pouvoir nous projeter sur notre stratégie et notre plan d’action. Ils sont très conscients des problématiques, mais la question est celle des moyens qu’on veut bien mettre sur la transition. 

Par exemple, on avait commencé à réfléchir à un réseau de chaleur en utilisant la “chaleur fatale”. La crise du Covid a stoppé la démarche, mais j’ai bon espoir de poursuivre cette réflexion : il y a un fort potentiel et peu d’actions, donc ce serait innovant.

Au final, estimez-vous être parvenu à sensibiliser les habitants de Montcel aux enjeux du dérèglement environnemental ?

D’une certaine manière, oui. Par exemple, pour l’assemblée générale de Montcel Durable, en 2020, on a fait intervenir un chercheur de Clermont qui travaille sur le bateau qui collecte et étudie les micro-plastiques dans l’océan … ça a beaucoup intéressé le public, les gens sont restés trois heures, car ils sont sensibles à la question environnementale ! 

Lire l’entretien : pour Jean-François Caron, la transition des collectivités se construit ensemble

Aujourd’hui, ils peuvent en être fiers : notre territoire n’est pas super innovant, mais il est reconnu comme étant en avance sur le sujet. Au même titre que les habitants de Loos-en-Gohelle peuvent être très fiers d’avoir su prendre ce virage. Cela dit, on n’a pas la même problématique de fierté qu’à Loos, où le climat social et économique portait une mauvaise image. Mais ils ont montré qu’on peut partir dans une autre direction, en renversant les choses et en devenant un territoire inspirant.

Pour aller plus loin (liens proposés par Grégory) :
Comprendre – Les sentiers de l’utopie” de John Jordan et Isabelle Fremeaux
Agir – Agir localement. Le changement vers mieux, chacun peut le porter au plus près et ainsi être efficace
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Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Propos recueillis le 15 juillet 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Grégory. Crédit photo de Une : éditeur