Selon Thomas Rabant et Guillaume Blanc, le seul moyen de stocker rapidement et massivement du carbone est de miser sur les sols agricoles. Mais comment financer cette transition ?
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Pourquoi cet article ?
Je “suis” les pérégrinations de mon camarade d’innovation Guillaume Blanc depuis les débuts du Connecteur, en 2016. Il était alors CEO d’Exotic Systems, spécialisé en objets connectés, et surtout il donnait beaucoup de temps en conseil et en accompagnement aux autres petites start-up de l’écosystème clermontois. J’avais même réalisé un entretien avec lui à l’époque, décrivant notamment son “virage” vers les sujets tech & agriculture.
Aujourd’hui, Guillaume est co-fondateur de Regeneration. C’est une des initiatives les plus ambitieuses, j’espère les plus réalistes, visant non pas à réduire les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ou à les compenser, mais à retirer du CO2. Cela sans innovation technologique ni infrastructures onéreuses et risquées. C’est la beauté de la chose : Regeneration mise sur les sols agricoles, à convertir massivement à l’ “agriculture régénératrice” .
Bref, une start-up super dynamique et ambitieuse, un pari écologique qui semble se tenir et qui peut faire une vraie différence, et surtout une autre manière de voir les choses, par l’angle de l’accompagnement financier à la transition : l’initiative de Regeneration m’a beaucoup plu, et j’ai pu m’entretenir avec Guillaume et avec Thomas, son binôme exécutif, pour en savoir plus.
J’espère qu’elle saura vous convaincre et, demain, vous persuader d’investir.
Damien
Les principaux points à retenir
- L’agriculture régénératrice, dérivée de l’agro-écologie, semble être une solution idéale et accessible pour stocker rapidement (sous 10 ans) du CO2 dans le sol, relancer la biodiversité (par un couvert végétal continu), et assainir la production alimentaire – sans parler de l’impact positif sur la santé et le revenu des agriculteurs. C’est donc le souhait de Regeneration, start-up co-fondée notamment par Thomas Rabant et Guillaume Blanc : convertir massivement des terres agricoles du conventionnel au régénératif en 10 ans sur l’Europe afin d’avoir un impact significatif en retirant du CO2 de l’atmosphère.
- Mais la tâche n’est pas aisée : il s’agit de modifier radicalement les pratiques agricoles, en mettant par exemple fin au labour systématique, en réduisant progressivement mais durablement les intrants de synthèse, ou encore en appliquant la rotation des cultures et la polyculture-élevage en lieu et place de la monoculture intensive. Tout cela à réaliser dans un contexte de difficultés financières, foncières et même sociétales des agriculteurs – la moitié en France devant partir à la retraite sous dix ans.
- Regeneration se cible sur les cinq premières années de la transition vers l’agriculture régénératrice. Cette période est clé, car il s’agit de mettre en place les “bonnes pratiques” agro-écologiques sur la base d’un sol souvent très appauvri par l’agriculture conventionnelle. S’en suit souvent une chute drastique des rendements les premières années. Regeneration souhaite compenser cette perte de revenus par une aide financière à hauteur de 100 € par hectare et par an, pendant 5 ans (environ la moitié ou le tiers des aides de la PAC).
- Pour ce faire, Regeneration développe un outil financier spécifique, basé sur une modélisation de la séquestration de carbone par les agriculteurs en transition. Les souscripteurs, de tous types, à ce produit financier, miseront sur le succès de la démarche et par là-même apporteront les financements nécessaires pour lancer la période de transition. C’est aussi un moyen de sensibilisation et d’engagement massif.
- Regeneration développe en parallèle un certificat de transition agro-écologique afin d’attester des résultats obtenus par l’agriculteur en transition. Ce certificat sera basé autant sur des mesures physico-chimiques de la séquestration de carbone, que sur un suivi des pratiques culturales.
- Les co-fondateurs de Regeneration espèrent ainsi avoir un impact positif sur la valeur foncière des exploitations, en les rendant plus autonomes (notamment des marchés des intrants de synthèse, de plus en plus volatils), plus résilientes face aux crises environnementales, et donc plus durables.
- Dans l’écosystème agricole, les industriels de l’agro-alimentaire s’orientent, d’une manière générale, vers l’agro-écologie – mais par “pression” des consommateurs. Néanmoins, ils investissent massivement pour revoir leurs produits, sans que cela ne se répercute pour autant pleinement dans l’accompagnement amont des agriculteurs. Enfin, les Etats – à travers la nouvelle Politique Agricole Commune – restent à la traîne, selon Guillaume et Thomas. D’où leur choix d’un système de financement privé.
L’intervenant : Thomas Rabant
CEO et co-fondateur de Regeneration
Thomas a débuté sa carrière dans le monde du droit : spécialisé en droit des affaires (expert en matière d’opérations de haut de bilan et produits financiers structurés), fiscalité et fusions/acquisitions, il travaille jusqu’en 2012 au sein de cabinets d’avocats parisiens. En 2013, il s’installe à Clermont et entre chez Limagrain, d’abord en charge des fusions/acquisitions et des partenariats, puis en tant que directeur stratégie et développement.
Après une courte période free-lance depuis 2019, il co-fonde la start-up Regeneration en 2021. Il en devient le PDG et pilote son développement en France et en Europe.
Contacter Thomas par mail : thomas [chez] carbonislife.green |
Crédit photo : Thomas Rabant (DR)
L’intervenant : Guillaume Blanc
Co-fondateur de Regeneration ; entrepreneur, spécialiste des objets connectés
D’origine lyonnaise, Guillaume est arrivé sur Clermont en 1999 pour suivre une formation d’ingénieur au CUST génie électrique (aujourd’hui Polytech Clermont). “J’aime bien toucher à tout, avoir des connaissances larges et comprendre les fonctionnements” reconnaît-il. Il s’oriente par la suite vers les secteurs de la robotique dans les process industriels, notamment à travers un stage auprès de l’Institut Pascal puis une thèse sur la navigation des robots mobiles.
En 2007, il se lance dans la création d’Exotic Systems avec deux associés. Cette start-up se spécialise, en tant que bureau d’études, dans les objets connectés pour les usages professionnels. Tracking dans les points de vente, optimisation de process industriels, puis – vers la fin des années 2010 – réorientation stratégique dans l’Internet of Things à destination de l’agriculture.
En 2019, Guillaume quitte Exotic Systems et reste environ deux ans entre Clermont et Toulouse, travaillant à l’accompagnement de projets entrepreneuriaux tech dans les objets connectés avec l’IoT Valley.
C’est début 2021 qu’il participe à la fondation de Regeneration, nouvelle start-up dédiée au soutien financier et opérationnel des agriculteurs en transition vers l’agriculture régénératrice. Guillaume y est le binôme de Thomas, PDG, avec “une coloration de management général opérationnel car j’aime bien les sujets de structuration et d’exécution concrète”, précise-t-il.
Contacter Guillaume par e-mail : guillaume [chez] carbonislife.green |
Crédit photo : Guillaume Blanc (DR)
La structure : Regeneration
Start-up dédiée à l’accompagnement financier et opérationnel de la transition agro-écologique en Europe
Basée sur les avantages de l’agro-écologie – “agriculture régénératrice” – notamment dans le stockage du carbone et le maintien de la biodiversité – la société Regeneration a été créée par Thomas Rabant, Guillaume Blanc, Pierre Fossey, Justine Lhoste, Félix Noblia et Nicolas Raimbault en juillet 2021.
Elle a pour ambition de financer la transition vers l’agro-écologie de 10 millions d’hectares de terres agricoles “conventionnelles” en 10 ans, sur toute l’Europe. Pour ce faire, elle développe une forme d’accompagnement des agriculteurs avec comme outil principal un dispositif de financement dédié, permettant de soutenir financièrement les premières années de la transition et d’en minimiser le risque.
En 2021-2022, la start-up commence par une “preuve de concept” en France, afin de valider son modèle économique et de finaliser son réseau de partenaires (financement, coopératives, etc). Elle souhaite aussi créer un certificat de transition agro-écologique pour attester des “résultats” obtenus par les agriculteurs engagés.
A moyen terme – d’ici 2023 – débutera la réplication du modèle dans sept pays européens. La clé, selon ses fondateurs, étant d’être “une initiative massive, rapide, internationale”. Plusieurs levées de fonds devraient jalonner les années à venir pour permettre à Regeneration d’atteindre son objectif décennal et d’avoir un vrai impact sur le climat.
Dans son développement, Regeneration est assistée par un panel de conseillers dont Pascal Lafourcade, chercheur à l’Université Clermont Auvergne (LIMOS) et spécialiste de la confiance numérique et des blockchains, ainsi que Christian Rousseau, agriculteur, pionnier de l’agriculture régénératrice.
Accès direct aux questions
- En quoi consiste le modèle de “l’agriculture régénératrice” que vous prônez ?
- C’était pour les externalités positives sur la nature. Et pour la production agricole ?
- Votre projet communique beaucoup sur “le carbone, c’est la vie” [Carbon is life]. L’agriculture régénératrice permet-elle de faire une différence ?
- Comment pousser les agriculteurs à se convertir au régénératif ?
- Quelle est la solution que vous proposez, à travers Regeneration ?
- Quel apport financier cela représentera-t-il pour l’agriculteur ?
- Mais comment s’assurer des résultats en termes de séquestration carbone, ou même de pratiques régénératrices ?
- Vous passez beaucoup de temps à parler transition avec les agriculteurs. Sont-ils intéressés par le modèle d’agriculture régénératrice ?
- Et du côté des acteurs économiques favorables au modèle conventionnel, quelles sont les résistances ?
- Mais est-il possible de basculer très vite d’un modèle conventionnel à une forme d’agriculture régénératrice ?
- Où en est la start-up Regeneration, qui porte votre projet ?
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
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En quoi consiste le modèle de “l’agriculture régénératrice” que vous prônez ?
Thomas : c’est un modèle basé sur les principes de l’agro-écologie. Il possède le plus grand nombre de vertus, aussi bien pour son impact sur le climat en séquestrant dans les sols agricoles de grandes quantités de carbone, la biodiversité, la production d’aliments sains, ou encore le revenu et le patrimoine des agriculteurs.
D’abord, il s’agit de travailler au minimum les sols, en laissant un couvert végétal permanent et en maximisant la biodiversité. Ce couvert végétal permettra de réfléchir le rayonnement solaire, et évitera le labour qui oxyde la matière organique en profondeur. La biodiversité, elle, régénèrera les sols et augmentera leur teneur en matière organique.
Il s’agit de travailler au minimum les sols, en laissant un couvert végétal permanent et en maximisant la biodiversité.
Thomas Rabant
L’impact sur l’environnement est donc très positif : rétention de carbone, amélioration du cycle de l’eau, stabilité des sols face aux événements climatiques violents et maintien de la biodiversité.
C’était pour les externalités positives sur la nature. Et pour la production agricole ?
Thomas : l’agriculture régénératrice est intéressante car elle est efficace, rapide … et scalable : en se préoccupant vraiment de la santé des sols, elle permet de maintenir les rendements à long terme, tout en diminuant le besoin en intrants. C’est une réponse pragmatique au défi de la sécurité alimentaire.
L’agriculture régénératrice est intéressante car elle est efficace, rapide, et scalable.
Thomas Rabant
Guillaume : en outre, ses principes sont inclusifs. Par exemple, une exploitation bio ou permacole peut tout à fait entrer dans un cadre d’agriculture régénératrice. Les agriculteurs inscrits dans ces démarches sont déjà sensibles à certains leviers comme la rotation des cultures sur les parcelles, l’utilisation de couverts végétaux ou la présence de haies et de bandes enherbées.
Votre projet communique beaucoup sur “le carbone, c’est la vie” [Carbon is life]. L’agriculture régénératrice permet-elle de faire une différence ?
Guillaume : oui, car les exploitations seront plus performantes en séquestration du carbone. Simplement parce que les sols sont respectés, avec toute leur biodiversité et leur matière organique. Là, des méthodes agricoles de “pâturage dynamique”, ou plus largement de polyculture-élevage, sont très efficaces pour la fertilisation naturelle du sol. Si on ne laboure pas derrière, le carbone y est capturé … et y reste !
Thomas : j’irais plus loin. Le temps n’est plus à la simple “compensation carbone”. C’est un système qui a le mérite d’exister, d’ailleurs on s’appuie dessus, mais ce ne sera pas suffisant pour avoir un impact significatif. Avec l’agriculture régénératrice, nous souhaitons développer un mécanisme pour retirer le carbone de l’atmosphère. C’est un vrai principe de “renversement climatique” !
Les exploitations pratiquant l’agriculture régénératrice seront plus performantes en séquestration du carbone.
Guillaume Blanc
Mais comment le faire sans utiliser des moyens eux-mêmes très énergivores ? La solution est dans l’utilisation des sols, avec ce couvert végétal et cette biodiversité. En gros, on veut envoyer le carbone de l’atmosphère dans les sols et dans les plantes … c’est le même principe que la reforestation mais appliquée à l’agriculture, et avec un temps d’action de 10 ans contre 75 à 100 ans pour les forêts.
Comment pousser les agriculteurs à se convertir au régénératif ?
Thomas : la bascule en agriculture régénératrice, c’est environ cinq ans de transformation avant d’atteindre une vitesse de croisière. Mais, rien que pour engager le mouvement, il faut rendre l’agriculture régénératrice désirable. Un peu comme Elon Musk l’a fait avec la voiture électrique, il a réussi à retourner le marché. C’est notre ambition avec Regeneration.
Il faut que le marché reconnaisse la valeur de la production agricole régénératrice.
Thomas Rabant
Pour y parvenir, il faut donc prendre le sujet “dans le bon sens” avec les agriculteurs. Or, on constate trois freins qui limitent pour l’instant cette transition : d’abord, la prise de risque dans le changement de modèle d’exploitation. Pour basculer en agriculture régénératrice, il faut accepter une perte temporaire de rendement pendant trois à cinq ans, c’est potentiellement très déstabilisant !
En outre, il faut investir dans du matériel, modifier ses habitudes, acquérir de nouvelles compétences … tout cela a un coût. Manque donc une vraie solution de financement. Et enfin, il faut que le marché reconnaisse la valeur de la production agricole régénératrice. En d’autres termes, que les produits issus de ce modèle soient valorisés par les consommateurs.
Quelle est la solution que vous proposez, à travers Regeneration ?
Thomas : notre philosophie consiste à accompagner et à financer la transition des agriculteurs vers l’agriculture régénératrice. Nous voulons leur apporter de la valeur, et les soutenir dans la démarche en amont. A l’inverse de certains labels qui font d’abord payer avant la première production.
Notre philosophie consiste à accompagner et à financer la transition des agriculteurs vers l’agriculture régénératrice.
Thomas Rabant
La première valeur dont bénéficiera l’agriculteur sera celle du marché carbone, puisque l’agriculture régénératrice permet de séquestrer du CO2 dans de plus grandes proportions que l’agriculture conventionnelle ou bio. Mais le problème du point de vue de l’agriculteur est que le risque économique est élevé au début, avec la baisse de rendement et les coûts de la transition pendant les premières années. Pourtant, si les bonnes pratiques sont correctement mises en œuvre, la vitesse de séquestration du carbone augmente fortement dès le début, même à partir d’un sol très appauvri.
Notre solution passe donc par un produit financier spécifique que nous avons développé. Il repose sur une modélisation de la séquestration du carbone par hectare sur dix ans. Il peut être souscrit par les entreprises, les institutionnels, et à terme les particuliers … qui souhaitent miser sur l’agriculture régénératrice. Ainsi, il permet de rapatrier en début de période de transition la valeur future du carbone stocké, et de la redistribuer auprès des agriculteurs engagés, les premières années, au moment où ils en ont vraiment besoin.
Quel apport financier cela représentera-t-il pour l’agriculteur ?
Guillaume : l’objectif est d’apporter un soutien financier de 100 € par hectare et par an, pour les agriculteurs en transition vers l’agriculture régénératrice. Et ce sur les cinq premières années, soit la période la plus délicate. Ce qui est significatif ! Pour rappel, en France, les subventions de la Politique Agricole Commune [PAC] représentent 200 € à 300€ par an par hectare en moyenne.
L’objectif est d’apporter un soutien financier de 100 € par hectare et par an.
Guillaume Blanc
En face, le coût de la transition vers l’agriculture régénératrice est d’environ 50 à 60 € par hectare et par an, au début. Nous souhaitons donc apporter un vrai soutien financier, doublé d’un levier important de sensibilisation de l’écosystème “grand public” – qui rendra désirable, pour tout le monde, cette transition. Car tous les souscripteurs à ce produit financier seront aussi des acteurs engagés !
Mais comment s’assurer des résultats en termes de séquestration carbone, ou même de pratiques régénératrices ?
Thomas : on considère à la fois les indicateurs techniques et les pratiques agricoles. On a donc des mesures “directes” par carottage puis analyse chimique en laboratoire … mais aussi un suivi du parcours cultural via des algorithmes et des images satellites pour estimer le taux de couverture végétale.
Tout cela est compilé dans le bilan global de l’exploitation, qui synthétise notamment les données en termes d’émission de gaz à effet de serre (CO2 mais aussi d’autres gaz liés à l’activité agricole). C’est sur cette base que nous pourrons émettre le certificat de transition agro-écologique que nous avons développé.
Vous passez beaucoup de temps à parler transition avec les agriculteurs. Sont-ils intéressés par le modèle d’agriculture régénératrice ?
Thomas : oui, ils sont à l’aise globalement avec l’agro-écologie. Principalement parce qu’ils sont à l’écoute de la société et qu’ils constatent les excès de l’agriculture conventionnelle, notamment en termes de faible résilience aux chocs et d’appauvrissement des sols – donc, à terme, de dévalorisation de leur patrimoine.
Guillaume : en effet, l’agriculture régénératrice augmente la valeur foncière des exploitations. C’est un vrai sujet pour les agriculteurs dans la cinquantaine qui pensent à leur succession, mais qui sont aussi conscients de leur vulnérabilité en cas d’événement météo extrême, ou de leur dépendance du marché des intrants. N’oublions pas que, dans les dix ans à venir, environ 50% des agriculteurs français partiront à la retraite !
L’agriculture régénératrice augmente la valeur foncière des exploitations.
Guillaume Blanc
D’autre part, une transition vers l’agriculture régénératrice s’inscrit dans une démarche de construction d’un modèle de ferme plus résilientes, plus autonomes, moins dépendantes de l’industrie des intrants dont les cours affectent le coût des production agricoles alors que celles-ce ne sont pas mieux valorisées sur le marché. L’envolée récente du coût de l’azote de synthèse illustre cela.
Il s’agit donc de construire des modèles de fermes plus robustes, plus durables, tant économiquement que d’un point de vue agronomique et environnemental. Et, au final, mieux valorisés.
Et du côté des acteurs économiques favorables au modèle conventionnel, quelles sont les résistances ?
Guillaume : les filières et les grands industriels de l’aval, qui s’adressent au consommateur, font de l’agriculture régénératrice un nouveau standard. On l’espère par conviction, mais aussi pour répondre à l’attente des consommateurs qui recherchent des produits qui favorisent la lutte contre le dérèglement climatique … ce que le label bio, par exemple, ne prend pas en compte.
Ces acteurs de l’agro-alimentaire mettent beaucoup d’argent sur la table pour structurer leurs filières (Nestlé a annoncé 1 milliard d’euros) et revoir leurs produits. Mais l’accompagnement économique des agriculteurs avec lesquels ils travaillent reste un problème : les agriculteurs devront se plier à de nouvelles exigences pour se maintenir auprès de leurs acheteurs.
La question est donc : qui supportera le coût nécessaire à la transformation des exploitations pour rentrer dans ces nouveaux cadres ? L’agriculteur lui-même ? Sur ses fonds propres ? Par de la dette ? Non, les exploitations sont financièrement trop fragiles pour cela. Regeneration apporte une véritable solution : nous pré-finançons la transition de millions d’hectares sans coût ni risque pour les agriculteurs.
Nous pré-finançons la transition de millions d’hectares sans coût ni risque pour les agriculteurs.
Guillaume Blanc
Thomas : enfin, la PAC s’oriente très mollement vers l’agriculture régénératrice. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons choisi un système de financement privé. Car nous avons conscience que les Etats européens sont beaucoup trop lents à réagir face à l’urgence climatique et environnementale.
Mais est-il possible de basculer très vite d’un modèle conventionnel à une forme d’agriculture régénératrice ?
Guillaume : au démarrage d’une phase de transition, il faut repartir d’une situation maîtrisée et ré-installer au plus vite du végétal sur toutes les parcelles. Pour cela, selon l’état des sols et de leur “pollution” par les adventices – les “mauvaises herbes” – il peut être nécessaire de recourir à des solutions chimiques ou à des biostimulants. Difficile souvent de faire autrement.
Ensuite, lorsque le végétal est réinstallé, tout est question d’observation et de contrôle. L’agriculteur et les agronomes qui l’accompagnent doivent être proches de leurs terres et observer régulièrement l’évolution de leurs écosystèmes. L’objectif est de contrôler, réguler, et prendre les bonnes décisions agronomiques qui favorisent la performance de leur production, tout en limitant au maximum le recours aux intrants de synthèse.
Où en est la start-up Regeneration, qui porte votre projet ?
Guillaume : nous avons commencé par lancer une “preuve de concept” en France, pour valider notre modèle économique. Nous avons aussi finalisé le montage financier, et nous sommes dans l’élaboration du certificat de transition agro-écologique. D’ici fin 2022, nous devrions avoir la preuve de l’efficacité du modèle, sur la base du test français, mais aussi de sa réplicabilité dans sept autres pays européens. Car le projet ne marchera que s’il est massif, rapide et international !
Le projet ne marchera que s’il est massif, rapide et international !
Guillaume Blanc
Thomas : l’entreprise Regeneration est pensée et construite pour atteindre cette ambition : nous souhaitons financer la transition de 10 millions d’hectares en 10 ans en Europe.
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !
Pour comprendre (liens complémentaires proposés par Thomas et Guillaume) : l’initiative onusienne 4 pour 1000 qui veut fédérer autour de la décarbonation par les sols ; également, la pensée de Spinoza dans son traité théologico-politique Pour agir : sur le site de Regeneration, demander le manifeste pour agir et sensibiliser autour de soi |
Propos recueillis le 3 décembre 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Thomas et Guillaume. Merci à Félix et à Justine pour leur aide. Crédit photo de Une : Regeneration (DR)