“La protection de la nature est indispensable … et possible !” insiste Christian Bouchardy

Par

Damien Caillard

Le

Infatigable auteur, réalisateur, photographe naturaliste et acteur associatif militant, Christian Bouchardy tire les enseignements de 50 ans d’engagement pour la biodiversité.


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Pourquoi cet article ?

Quand on se promène régulièrement à la librairie des Volcans et qu’on squatte les rayons écologie et Auvergne – comme moi, par exemple – on a des chances de tomber sur un ouvrage de Christian Bouchardy. Auteur de guides et de fictions, photographe animalier, expert des mammifères en danger et des oiseaux, réalisateur vidéo, conférencier … c’est un des “producteurs de contenus” les plus prolifiques en Auvergne.

Je l’ai rencontré, d’ailleurs, suite à une prise de parole qu’il a faite aux Volcans en novembre 2021. Nous avons pu nous voir mi-février, par une belle journée ensoleillée et presque chaude, où les premiers arbres fleurissaient. Sans vouloir parler de la pluie et du beau temps, le dérèglement climatique et l’impact sur la biodiversité s’invitaient dans notre conversation.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. Au début des années 1970, Christian Bouchardy a constaté autant l’absence d’associations engagées dans la protection de l’environnement, l’état désastreux de la faune et la non-considération des pollutions locales. Il a décidé alors de participer à la création de plusieurs structures de protection, notamment celle qui deviendra la Ligue de Protection des Oiseaux [LPO] Auvergne.
  2. L’enjeu auquel s’attaque Christian est la perte sévère de biodiversité, constatée dans tous les domaines du vivants. Elle serait dû autant au dérèglement climatique qu’à l’utilisation irraisonnée de phytosanitaires dans l’entretien des végétaux et dans l’agriculture intensive – sans parler d’autres pratiques. Ici, c’est la capacité de régulation de la biosphère qui est directement menacée, et par-là notre capacité de survie.
  3. Christian est d’abord naturaliste, observateur de la faune et de la nature en général. Il consigne ses notes au quotidien dans des carnets et prend de nombreuses photos. Cela lui permet de situer dans le temps les différents “événements” comme l’arrivée ou le départ des oiseaux, la ponte des œufs, etc. C’est aussi un moyen de constater l’impact du dérèglement climatique sur la biodiversité, par la disparition ou la prolifération d’espèces en quelques décennies.
  4. Néanmoins, les méthodes de protection et de restauration de la biodiversité sont possibles, et appliquées. Grâce à un encadrement législatif – notamment européen – strict, de nombreux dispositifs comme les réserves naturelles ou les Espaces Naturels Sensibles se multiplient et permettent une vraie protection. Christian a notamment pu en créer plusieurs lors de son mandat au conseil régional d’Auvergne de 2010 à 2016, en tant que vice-président à l’environnement et à l’écologie. Il cite aussi l’Ecopole du Val d’Allier comme un modèle de restauration, accompagné par la LPO.
  5. L’autre aspect de la carrière de Christian consiste en la production de contenus photo, vidéo et littéraires. Rendu possible grâce au Grand Prix International de la Fondation Ford, qu’il a décroché en 1985, ce travail de photojournalisme s’est développé à travers plusieurs dizaines d’œuvres, de nombreuses conférences et près de 20 ans d’émissions télévisuelles sur différentes chaînes auvergnates.
  6. Pour conclure, Christian revient sur la manière d’agir pour la protection de la nature, à travers quatre leviers : la prise de conscience de la responsabilité humaine, la protection même si le lien est indirect, le combat associatif et la capacité d’émerveillement. Les quatre axes sont concomitants, mais l’émerveillement est sans doute le plus important car il permet de développer une humilité face à la nature et une empathie pour l’humanité.

L’intervenant : Christian Bouchardy

Président de la LPO Auvergne ; producteur vidéo, auteur, photographe animalier et conférencier ; expert naturaliste


Originaire de la Courtine en Creuse, Christian Bouchardy a très tôt été passionné de nature et de photographie animalière. Il a notamment arpenté le terrain militaire local, espace par définition protégé et idéal pour observer la faune.

Arrivé en 1968 à Clermont pour ses études, il souhaite s’engager dans la protection de l’environnement. Constatant l’absence d’associations dignes de ce nom, il participe à la création de la future branche auvergnate de la Ligue de Protection des Oiseaux [LPO], qu’il préside aujourd’hui, ainsi que d’autres associations militantes et engagées sur la protection des animaux.

En 1985, il est lauréat international du Grand Prix de la Fondation Ford pour son travail sur la protection de la loutre, un animal qu’il est le seul à étudier en France. Outre la possibilité financière de se consacrer pleinement à sa passion – la prise de vue photo et vidéo de la nature – cela lui procure une renommée médiatique locale et nationale qui ne cessera pas.

En 1991, Christian créée avec deux amis une société de production de documentaires, Catiche Productions (du nom du gîte de la loutre). Il anime également des émissions TV régulières sur la nature sur France 3 Auvergne puis Clermont Première, pendant près de 20 ans au total. En parallèle, il continue à écrire (près de 30 ouvrages), à publier des recueils photo et à donner des conférences.

En 2010, il s’engage auprès du parti Europe Ecologie dans une liste “Union de la Gauche” qui remporte les élections régionales en Auvergne. Il est alors, pour 6 ans, vice-président en charge de l’environnement et de l’énergie : c’est à ce moment qu’il crée cinq réserves naturelles régionales en Auvergne. Il participe aussi, notamment via la LPO, à la constitution d’autres espaces protégés comme l’Ecopole Val d’Allier.

Crédit photo : Gilbert Audier (DR)


Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Cela fait plus de 50 ans que vous êtes naturaliste sur Clermont … Quel était le niveau de conscience des enjeux écologiques à ce moment ?

Déjà, quand je suis arrivé pour mes études en 1968, il n’y avait quasiment pas d’association de protection de l’environnement. Pourtant, même si on ne parlait pas encore de changement climatique, il était évident qu’on ne pouvait être un simple observateur inactif … 

En effet, d’une part, il y avait une situation gravissime pour la faune. Les vraies lois de protection des animaux ne datent que de 1976. Avant, tout était permis, comme clouer des chouettes sur les portes des granges, piéger les carnivores sauvages, répandre du poison pour animaux …

Dans les années 70, il y avait une situation gravissime pour la faune.

Et d’autre part, la lutte contre la pollution en était au niveau zéro. Il n’y avait pas de station d’épuration, et les “gravières” étaient des sortes de décharges municipales directement dans les rivières. Les camions déversaient leurs ordures dans l’Allier ! Difficile à imaginer aujourd’hui.

Comment a débuté votre engagement militant ?

Ma première action fut de me rapprocher du tout jeune Centre Ornithologique d’Auvergne [COA], créé en 1971, et qui est devenu depuis la branche régionale de la Ligue de Protection des Oiseaux [LPO]. J’y ai longtemps été très actif, et j’en suis aujourd’hui président pour l’Auvergne.

J’ai aussi participé à de nombreuses autres associations, par exemple en créant la Société Française d’Etude et de Protection des Mammifères en 1977. Dans les années 70, la conséquence de l’incurie que j’ai décrite faisait que de nombreuses espèces étaient au bord de la disparition, notamment la loutre à laquelle je me suis intéressée : elle était présente partout en France au début du XXème siècle, et on ne la trouvait plus que dans cinq départements à la fin des années 1960.

Quel est l’enjeu de la protection de la nature, selon vous ?

On parle beaucoup du climat et finalement peu de la biodiversité, même si cela évolue. Mais il est clair que la perte de biodiversité est au moins aussi grave pour l’humanité que le changement climatique.

On parle beaucoup du climat et finalement peu de la biodiversité.

La biodiversité, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit de l’ensemble des êtres vivants – faune, flore, vie microbienne … – de leur patrimoine génétique, mais aussi des milieux dans lesquels ils vivent. On voit que ça dépasse une simple liste d’animaux ! 

Or, c’est cette biodiversité, interagissant dans la biosphère, qui nous permet de vivre sur la planète. Sans elle, pas d’herbe dans les prairies, pas de purification de l’eau, pas d’air respirable. Cela dit, la biodiversité est aussi en interaction constante avec le climat et d’autres paramètres naturels : c’est un système très complexe.

Dans son jardin, Christian Bouchardy a installé des mangeoires qu’il entretient et déplace régulièrement. Cela lui permet d’être à l’affût photo depuis sa maison et de voir venir les oiseaux / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Pouvez-vous nous raconter comment vous procédez, en tant que naturaliste, aux observations sur la faune et la flore ?

C’est simple : je tiens à jour des cahiers sur lesquels je note tout ce qui se passe autour de moi, et notamment dans mon jardin où j’ai aménagé des nichoirs, des mangeoires, des perchoirs pour plusieurs espèces – ainsi qu’une petite mare.

Je note autant les “premiers évènements” chaque année que les évolutions, comme le nombre d’individus observés. Cela me permet d’en tirer, sur le long terme, des évolutions … et de constater les effets du dérèglement climatique.

L’observation patiente permet, sur le long terme, de constater les effets du dérèglement climatique

Par exemple, les grenouilles rousses ont déjà commencé à pondre, ce qui est très précoce. Les fleurs sortent de terre plus tôt, idem pour les plantes du potager. Cela les expose à des “coups de gel” qui peuvent encore survenir en mars ou en avril ! 

Il y a deux ans, l’hiver était tellement doux que les mésanges ont pondu leurs œufs très tôt, alors que les chenilles – dont les poussins se nourrissent – n’étaient pas encore à taille adulte. Résultat : la plupart des poussins sont morts par manque de nourriture. C’est comme ça que je constate le dérèglement climatique.

Etes-vous aussi témoin de disparition d’espèces ?

Oui, c’est aussi le cas, par exemple avec le rouge-queue à front blanc, qui était largement présent il y a 20 ans est qui a quasiment disparu aujourd’hui. Les bouvreuils également ont été décimés. Il y a 35 ans, quand j’ai emménagé, il y en avait tellement sous mes fenêtres que j’arrêtais de les prendre en photo ! Depuis 2010, il n’y en a plus que très rarement.

A l’inverse, les étourneaux, plus résistants, se sont multipliés, en profitant des nids et trous laissés vacants par les espèces parties.

Lire l’entretien : “En Auvergne, la biodiversité est en régression significative”, analyse Christian Amblard

Et comment interprétez-vous ces observations ?

Il y a l’impact, sur le temps long, du dérèglement climatique – une expression que je préfère à “réchauffement”, car on constate une plus grande variabilité du climat selon les endroits. 

Mais il y a aussi les pratiques humaines, notamment les hommes qui perturbent les milieux et répandent des produits phytosanitaires. Ce sont de véritables poisons pour les oiseaux, comme les bouvreuils, qui se nourrissent des bourgeons et finissent par en mourir.

Il y a aussi l’impact des hommes qui perturbent les milieux et répandent des produits phytosanitaires.

Plus généralement, la situation s’améliore dans de nombreux domaines … sauf dans le monde agricole, quand les pratiques intensives perdurent. Celles-ci sont associées à l’utilisation massive de phytosanitaires, mais aussi à l’arrachage des haies et des bosquets, au relargage d’eaux usées, à la canalisation des ruisseaux. Résultat : c’est en zone rurale et agricole que l’on observe les plus grandes pertes en biodiversité, autour de 30% des espèces.

Le fameux bouvreuil, tellement menacé et impacté par les phytosanitaires en ville et dans les champs / Crédit photo : Christian Bouchardy (DR)

Quelle est la bonne approche pour protéger les espèces menacées ?

La bonne nouvelle, c’est que cette protection est possible, et efficace. Par exemple pour le héron cendré, au bord de l’extinction dans les années 1970 : il a largement “rebondi” depuis, et il est observé dans des sites beaucoup plus nombreux.

Je pense que la protection de la nature est d’abord une affaire de loi et d’application de la loi. Dans ce cadre, je ne saurai trop remercier les lois européennes quand elles sont traduites en droit français. Elles permettent de protéger autant les espèces que les habitats. Du coup, je suis un européen convaincu !

Vous avez aussi eu une expérience politique, au conseil régional d’Auvergne de 2010 à 2016. Qu’en retirez-vous ?

J’y ai été élu comme vice-président en charge de l’environnement et de l’énergie, au sein d’une liste d’Union de la Gauche – je m’étais rapproché de la mouvance “Europe Ecologie” à l’époque (qui est devenue “Europe Ecologie Les Verts” depuis, mais que j’ai quittée). 

Mon enveloppe budgétaire était de … 1 pour-cent du budget de la région ! Mais j’avais une grande liberté d’action, et je suis fier d’avoir pu créer avec mon équipe cinq réserves naturelles régionales en Auvergne sur les six années de mandat. Une gageure, sachant qu’il faut en moyenne dix ans d’attente pour une réserve.

La réserve naturelle, c’est le top du top de la protection de la nature. D’abord, les réserves naturelles nationales comme Chaudefour ou Chastreix, qui dépendent du Ministère de l’Environnement. Mais les réserves naturelles régionales – gérées par la Région – sont aussi des outils très efficaces.

Un héron cendré, qui est re-né de ses cendres / Crédit photo : Christian Bouchardy (DR). Crédit calembour : Damien Caillard

Les dispositifs institutionnels de protection de la nature vous semblent donc satisfaisants ?

Je le pense en effet. On dit souvent que le “multicouches” environnemental, la multiplication des acteurs – du local au national – est une mauvaise chose. Pas du tout ! C’est au contraire indispensable, car on ne peut pas déployer les mêmes dispositifs partout.

Prenons l’exemple des Espaces Naturels Sensibles [ENS] : il y en a 23 dans le Puy-de-Dôme, gérés par le Conseil Départemental. Ces espaces sont financés de par la loi, qui oblige les aménageurs immobiliers à payer une petite écotaxe pour compenser les pertes en biodiversité lors des travaux. Et cet argent est dédié aux ENS, il ne peut pas être fléché ailleurs.

Lire le dossier sur le Master Plan du Conseil Départemental: l’enjeu du maillage des collectivités territoriales pour la transition

Le meilleur exemple selon moi est celui de l’Ecopôle du Val d’Allier : c’est une ancienne gravière dont l’aménagement en ENS a été fait en très bonne intelligence avec le carrier local et avec les collectivités. Le site a été très bien restauré, grâce à un accompagnement de la LPO qui a conseillé sur les aménagements à réaliser – des berges en pente douce pour les animaux, le maintien d’une falaise naturelle, la constitution d’une petite île pour la nidification …

L’Ecopôle est maintenant un des plus beaux sites du Puy-de-Dôme pour observer la restauration d’un écosystème et le retour de la biodiversité, d’une dizaine d’espèces d’oiseaux au début à près de 120 aujourd’hui.

Les travaux de constitution des “hauts-fonds” de ce qui deviendra l’Ecopôle Val d’Allier, en 2011. La restauration du site a été exemplaire et en a fait une des plus belles réserves naturelles d’Auvergne, selon Christian Bouchardy / Crédit photo : L. Tailland, LPO Auvergne (DR)

Un autre aspect majeur de votre travail est celui de l’image et de l’écrit …

C’est en effet venu un peu après mon engagement associatif. A 15 ans, on m’avait offert un appareil photo et je parcourais le camp militaire vide de la Courtine [dans la Creuse] pour m’entraîner à l’affût. Mais je n’en ai fait un métier qu’en 1984-1985.

A ce moment, j’ai découvert par hasard la Fondation Ford. Celle-ci utilise un pourcentage des profits du constructeur automobile pour récompenser des amateurs qui protègent le “patrimoine”, au sens large, partout dans le monde.

J’y ai donc candidaté sur … la sauvegarde de la loutre, un animal qui n’intéressait personne en France à l’époque (à part moi), et qui était au bord de la disparition. En un an, j’ai été lauréat français, puis international en 1985 de la Fondation Ford ! C’était vraiment incroyable, et j’ai touché un prix qui représentait deux années de mon salaire de l’époque. Grâce à cela, j’ai pu abandonner mon travail et me lancer entièrement dans la production photo-vidéo.

Est-ce ce travail sur l’image qui vous a permis de gagner en notoriété ?

C’est déjà le fait d’être lauréat à la Fondation Ford, puisque c’était la seule fois qu’un Français la remportait. Comme mon histoire tombait en plein pendant la “trêve des confiseurs” de fin 1985, les journaux se sont emparés de l’histoire : j’ai fait l’objet d’articles partout, dans Libération, Le Monde, La Croix, sur RTL … et bien sûr dans La Montagne.

Dans la foulée, lors d’une interview à France 3 Auvergne, le rédac’ chef avait apprécié mon approche et m’a proposé de rester pour une émission récurrente sur la nature. Je l’ai assurée, sous le nom de la “page nature” … pendant 10 ans ! Je partais tous les jours avec mon caméraman et mon preneur de son, c’était la belle époque des équipes complètes. Et je pouvais même y insérer mes propres prises de vue.

Christian Bouchardy en tournage pour France 3 Auvergne avec Julien Lecoq, en septembre dernier / Crédit photo : LPO Auvergne (DR)

En 2000, au lancement de la chaîne de télévision locale Clermont Première [propriété du groupe Centre-France La Montagne], j’ai repris du service avec une émission sur la nature, qui a aussi duré 10 ans. Là, je fournissais le sujet principal, par ma société de production Catiche Productions, puis je le commentais en direct avec les animateurs.

Au final, j’ai eu tout ce temps une activité média multiforme, entre la couverture presse, la production de documentaires vidéo, les conférences, les albums photo … et bien sûr les livres, des guides pratiques comme la collection “Copain de la Nature” aux ouvrages de fiction. La plupart sont d’ailleurs publiés chez Deborée, un éditeur local appartenant au journal La Montagne.

Comment financez-vous ces productions ?

Mon truc, c’est le partenariat multiple. Si je réponds à une demande, comme avec le conseil régional sous Giscard qui m’a commandé trois films pour des assises de l’environnement, pas de problème. Mais quand j’amène ma propre idée – par exemple les films sur le saumon de l’Allier – je vais voir tous les acteurs qui auraient un intérêt dans la production, du national au local.

Et je leur demande des petites sommes, à leur échelle bien sûr. Parfois en centaines ou en milliers d’euros. Cela fait beaucoup de contacts, mais à l’époque il y avait beaucoup moins de paperasse qu’aujourd’hui, et surtout cela me permettait de développer un réseau important.

Je suis tombé au bon moment, et j’ai pu saisir des opportunités.

Je dirais au final que j’ai bénéficié d’une progression professionnelle “organique”, qui s’alimentait d’elle-même, de manière régulière. Je n’ai jamais projeté à l’avance que j’allais produire près de quatre-vingt films et livres ! Tout était imprévisible. Mais je suis tombé au bon moment, et j’ai pu saisir des opportunités.

Christian Bouchardy dispose d’une bibliothèque impressionnante, notamment celle des livres qu’il a écrits. Beaucoup sont traduits en de nombreuses langues, ici … sans doute du coréen / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Avec le recul, comment résumeriez-vous la meilleure manière d’agir pour la protection de la nature ?

Selon moi, il y a quatre moyens principaux … et concomitants. Premièrement, faire prendre conscience aux hommes de leur responsabilité dans la perte de biodiversité. Deuxièmement, convaincre qu’il faut protéger la nature même si on ne s’y intéresse pas – parce qu’elle nous permet de vivre, tout simplement. Troisièmement, agir via les associations, le lobbying, le militantisme, toutes les formes de combat.

Mais le plus important est sans doute le quatrième moyen : rester émerveillé, amoureux du vivant et de la nature, et vouloir la respecter. C’est ce qui m’a motivé dans mon travail de production d’images ou de textes. Et c’est ce qui “tient” le plus longtemps : je suis autant émerveillé aujourd’hui devant un bouvreuil qu’il y a 40 ans.

Lire l’entretien : pour Mickaël Le Bras, “on ne défend bien que ce qui nous a suscité une émotion”

Et c’est capital de mener les quatre axes de front. Si les partis écologistes ont de si mauvais scores [au national] aujourd’hui, c’est parce qu’ils n’activent que le premier levier, celui de la culpabilité de l’homme. C’est contre-productif si on n’agit pas sur les autres moyens ! 

Surtout, n’oublions pas que l’amour de la nature est universel, et qu’il vient de la nuit des temps. Il apporte à l’homme une belle leçon d’humilité : nous sommes un élément de la nature, elle n’est pas à notre service. Je dis cela car ce n’est pas pénalisant ; au contraire, en prendre conscience nous grandit. Et plus on est en empathie avec le vivant, plus on est bien avec soi-même et avec les autres.

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Liens complémentaires pour en savoir plus (proposés par Christian) :
pour comprendre – son dernier livre, “Kalima et la Nouvelle Arche“, sur une révolte des animaux
pour agir – adhérer à des associations de défense de l’environnement, elles sont nombreuses et cherchent activement des bénévoles

Propos recueillis le 18 février 2022, mis en forme pour plus de clarté. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie