A Saint-Eloy-les-Mines, un projet narratif pour “donner un but commun à tous les acteurs du territoire”

Par

Damien Caillard

Le

Anthony Palermo, le maire de l’ancienne cité minière, est épaulé par Coralie Marboeuf du CISCA pour réaliser un récit collectif sur la transition écologique et sociale de la ville.


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Mon ressenti

Suite d’une petite série d’entretiens autour du CISCA, le Centre de R&D en Innovation Sociale de Clermont qui s’intéresse de très prés aux enjeux de la résilience territoriale. Détail significatif : la plupart des collectivités qui ont pour le moment adhéré au CISCA sont des petites communes rurales dans le Puy-de-Dôme.

Aujourd’hui – enfin, le 10 mars dernier – je suis allé rendre visite à Anthony Palermo, maire de Saint-Eloy-les-Mines mais aussi vice-président du CISCA en charge de la relation aux territoires ruraux. C’est dire que ce sont les territoires les plus “défavorisés” (en termes classiques d’aménagement du territoire) qui se retrouvent en avance sur leur mode de pensée vis-à-vis de la résilience.

J’ai pu échanger avec Anthony et Coralie, doctorante du CISCA qui l’accompagne sur le projet de narratif territorial. Ce sujet m’intéresse particulièrement, et ce n’est pas pour rien que le “-graphie” de Tikographie fait référence à cette question du futur souhaitable et de sa représentation collective.

Enfin, je retire de belles choses de cette interview – une forte volonté, une conscience des enjeux et des difficultés, une première méthode – mais rien de concret pour le moment. La thèse de Coralie, et donc la construction du récit territorial, ne font que commencer, et le processus durera plusieurs années. J’espère pouvoir y retourner dans quelques temps et vous raconter ce qu’il en sera advenu.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. Le travail commun d’Anthony et de Coralie consiste à réaliser un narratif territorial, en l’occurrence une projection dans un “futur souhaitable” sur Saint-Eloy-les-Mines, reliée au passé et au présent du territoire. L’objectif est de fédérer les habitants et acteurs locaux dans un but commun et, ainsi, de faciliter la transition. Pour ce faire, la collectivité est facilitatrice mais la dynamique doit être participative.
  2. Anthony avoue préférer le terme de “résilience” au “développement durable”, presque contradictoire dans son acceptation économique. Il insiste sur la meilleure capacité de résilience des territoires ruraux, et souhaite inclure la perspective de crises à venir dans le travail réalisé par Coralie, pour mieux les anticiper et les dépasser.
  3. Le projet de narratif s’inscrira dans le cadre d’une thèse menée par Coralie et financée par le dispositif national “Petites Villes de Demain” qu’a obtenu Saint-Eloy. L’angle choisi par Coralie est de s’intéresser à l’image que les habitants ont de leur territoire, ancien bassin minier. Elle compte s’adresser à plusieurs groupes au sein de la population pour identifier les éléments du récit actuel, les articuler, et faciliter leur mise en commun dans une logique de transition écologique et sociale. Anthony attend notamment un travail sur des indicateurs non traditionnels.
  4. Le travail réalisé à Saint-Eloy peut irriguer les territoires avoisinants – c’est le principe de “centralité” défendu par Anthony – mais aussi plus largement. En effet, Anthony et Coralie sont tous deux liés au CISCA, Centre de R&D en Innovation Sociale basé à Clermont, et qui oeuvre à la résilience des territoires du Puy-de-Dôme. Par son rôle de vice-président en charge des relations avec les territoires ruraux, il souhaite favoriser le partage de connaissance avec d’autres acteurs auvergnats engagés sur ce sujet – publics comme privés, la collectivité (ou le maire) n’ayant pas vocation à occuper tout l’espace de réflexion et d’action.
  5. La difficulté résidera sans doute dans la notion d’acceptabilité de la transition par la population locale. Comment éviter la vision “punitive” des efforts à entreprendre ? De plus, Anthony se méfie de messages trop anglés sur la crise, l’urgence, ou la complexité du monde. Au contraire, il pense embarquer les gens progressivement, par l’exemple et les “petits pas”, en veillant à ne pas créer de fractures supplémentaires sur le territoire. Des sujets comme l’énergie, l’espace public, et le “smart village” (orienté sur la réduction des inégalités face au numérique) en sont les principales pistes.

L’intervenante : Coralie Marboeuf

Cheffe de projet à Saint-Eloy-les-Mines depuis 2020 en charge du récit territorial ; doctorante au CISCA


D’origine vendéenne, Coralie s’intéresse très tôt aux enjeux des territoires. Après des études à Sciences Po Rennes en sociologie, elle travaille sur la question de la mobilité dans une communauté de communes de la Manche : “je m’intéresse à la transformation des territoires, résume-t-elle. “Il y a beaucoup de richesses, surtout dans les ‘petits’ territoires.”

A 26 ans, elle débute en avril 2022 une thèse CIFRE à Saint-Eloy-les-Mines, en tant que responsable de la construction d’un récit territorial. Réalisée dans le cadre du CISCA et financée par le dispositif Petites Villes de Demain, sa directrice de thèse est Hélène Mainet, et sa co-encadrante est Hélène Roth, toutes deux de l’UMR Territoires à Clermont. Le titre de la thèse est : “La mise en récit d’une « Petite Ville de Demain » au prisme des stratégies locales de revitalisation et de la mobilisation de dispositifs nationaux – l’exemple de Saint-Eloy-les-Mines”.

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

L’intervenant : Anthony Palermo

Maire de Saint-Eloy-les-Mines depuis 2020 ; vice-président du CISCA en charge de la relation aux territoires ruraux


Né à Saint-Eloy, Anthony a fait des études de droit à Clermont. Il a mené une double carrière, d’une part en travaillant auprès d’élus en Auvergne, mais aussi dans le secteur privé – domaine du numérique. De 2017 à 2019, il vit au Rwanda, en tant que consultant sur les projets de politiques publiques du numérique (Etat civil, éducation …), une expérience qui l’a à la fois marqué et inspiré.

Elu maire de Saint-Eloy-les-Mines en 2020, il adhère au CISCA [Centre d’Innovation Sociale Clermont-Auvergne] et engage sa ville dans un travail de construction d’un récit territorial autour des enjeux de résilience, avec l’aide de Coralie Marboeuf, doctorante au CISCA. Ce projet est financé dans le cadre du dispositif Petites Villes de Demain, qu’obtient la ville de Saint-Eloy.

Enfin, Anthony est également vice-président du CISCA en charge de la relation aux territoires ruraux. Ainsi, il souhaite contribuer à développer la mise en relation de collectivités comme la sienne au service de la résilience.

Contacter Anthony par e-mail : maire [chez] sainteloylesmines.fr

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie


Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

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Le “projet” qui vous relie tourne autour de la question du narratif : de quoi s’agit-il ?

Anthony : le narratif, c’est à voir dans le sens d’une projection dans un futur souhaitable pour les habitants du territoire. Mais on fait autant un travail d’imagination sur les années à venir que de lien avec le passé. Selon moi, il s’agit de poser une trame cohérente et collective pour lier le passé, le présent et l’avenir de Saint-Eloy-les-Mines.

Tout cela pour donner un but commun à tous les acteurs du territoire. Mais la grande question est : qui incarnera ce récit ? La collectivité locale a un rôle clé, mais elle ne doit pas en être l’acteur unique.

On parle ici d’un récit de transition écologique et sociale …

Anthony : oui, une transition qui n’est justement pas une révolution. Selon moi, la révolution est trop souvent un tour sur soi-même. Au fond, quelle différence entre un ouvrier mineur du XIXème siècle et un livreur Uber payé à la course ? 

Il s’agit de poser une trame cohérente et collective pour lier le passé, le présent et l’avenir de Saint-Eloy-les-Mines.

Anthony Palermo

Il faut sortir de ce genre de cycle. C’est ce que la transition nous permet de faire. Mais, pour cela, il faut apprendre à capitaliser sur le meilleur, et à embarquer le territoire pour qu’il change en profondeur.

Marqueur du territoire, visible de loin, le chevalement de l’ancienne mine est aussi un témoin du passé minier / Crédit photo : mairie de Saint-Eloy-les-Mines (DR)

Est-ce inscrit dans une logique de résilience selon vous ?

Coralie : c’est en effet le principe du futur souhaitable, du narratif sur lequel nous travaillons. Par le biais de la résilience, ce récit à construire doit intégrer les crises à venir – environnementales notamment – pour mieux les anticiper et apprendre à les dépasser.

Anthony : je préfère largement la notion de résilience à celle de “développement durable”. Pour moi, cette dernière expression est antinomique, en tous cas quand il s’applique à l’économie industrielle ! En plus, on dit que les territoires ruraux sont les grands perdants de la mondialisation … pourtant, ce sont ces territoires qui peuvent montrer une vraie capacité de résilience face aux crises futures.

Lire l’entretien : “La prospective, l’art d’imaginer les futurs” selon Mathieu Baudin

Coralie, quelle est la thèse sur laquelle tu travailles au sein de la ville de Saint-Eloy-les-Mines ?

Coralie : elle s’intitule “La mise en récit d’une « Petite Ville de Demain » au prisme des stratégies locales de revitalisation et de la mobilisation de dispositifs nationaux – l’exemple de Saint-Eloy-les-Mines”. En clair, je souhaite travailler sur l’image que les habitants de Saint-Eloy ont de leur territoire – un ancien bassin minier – et comment la faire évoluer vers un récit plus positif. Cela dans le cadre de la transition écologique et de la résilience territoriale.

Ce récit à construire doit intégrer les crises à venir pour mieux les anticiper et apprendre à les dépasser.

Coralie Marboeuf

Pour y parvenir, je vais d’abord recueillir les récits que se font, aujourd’hui, plusieurs groupes au sein de la population locale. Un “récit” est, ici, un discours, une histoire articulant un passé, un présent, un futur. C’est une “mise en sens” d’éléments historiques, géographiques, de personnages, de projets … et qui raconte où on aimerait être demain, et ce qu’on voudrait faire aujourd’hui pour aller dans ce sens.

La Maison des Associations de la ville est à la fois un bâtiment typique d’une architecture minière mais aussi un lieu central pour le dispositif “Petites Villes de Demain” / Crédit photo : mairie de Saint-Eloy-les-Mines (DR)

Ensuite, la méthodologie reste à définir. Mais je pense tester des notions de transition ou de résilience plus précises auprès de ces groupes, afin de voir comment cela peut produire du changement.

Anthony : Coralie va également nous aider à définir des indicateurs pour la transition du territoire. Je souhaite sortir des statistiques classiques, comme les chiffres sur la population. J’aimerais au contraire imaginer des indicateurs sur le ressenti au bonheur, sur le dynamisme, sur le passage à l’action …

Un récit territorial n’est-il pas quelque chose de figé ?

Anthony : non, car j’ai moi-même l’expérience d’un changement de récit sur Saint-Eloy, qui a fonctionné ! Notre ville est souvent citée en exemple dans ce cadre : on a juste raconté différemment son histoire – passée comme présente – en mettant en avant la question de l’énergie.

En revanche, il y a un point de vigilance majeur : comme il est compliqué de faire la synthèse de tous les récits, on peut avoir tendance à se concentrer sur ce qu’on appelle le “récit territorial officiel”, porté par les acteurs publics. Mais cela force les gens à se positionner sur la personne qui l’énonce – le maire, souvent – et sur la manière dont il est raconté, plus que sur les éléments de fond.

La thèse de Coralie repose beaucoup sur les “Petites Villes de Demain” [PVD]. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Coralie : il s’agit d’un dispositif national pensé pour revitaliser les communes de petite taille “qui représentent des centralités à l’échelle de leur territoire”. Il est porté par l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires [ANCT] et s’adresse aux communes de moins de 20 000 habitants qui représentent des centralités à l’échelle de leur bassin de vie.

Ici, la notion de “centralité” est capitale. Elle fait référence au territoire autour des communes. Saint-Eloy en est un bon exemple : à mi-chemin entre Clermont et Montluçon, elle peut faire du lien avec les communes environnantes comme avec les plus grandes agglomérations régionales.

Ici, la notion de “centralité” est capitale.

Anthony Palermo

Anthony : on est la seule collectivité de France à avoir couplé le dispositif PVD à une thèse CIFRE : Coralie est notre chef de projet PVD ! Cela prouve qu’on peut être en recherche scientifique tout en montant des opérations sur le terrain.

Par ces projets concrets, comme la requalification du plan d’eau de Saint-Eloy, Coralie va donc pouvoir s’entretenir avec différents habitants, mieux comprendre l’histoire locale, les usages de l’espace public … et analyser la manière dont les choses sont racontées, dont les enjeux sont perçus. Tout cela nourrira, petit à petit, autant sa thèse que le narratif commun. 

Le plan d’eau de Saint-Eloy-les-Mines, un des projets participatifs sur lesquels travaille Coralie / Crédit photo : mairie de Saint-Eloy-les-Mines (DR)

Comment souhaitez-vous développer la “centralité” que vous évoquez ?

Anthony : le principe est qu’il y a, sur notre territoire, des structures publiques ou privées qui n’ont ni la taille ni les moyens pour tester des projets. La centralité peut nous permettre d’être un laboratoire, mais je trouve ça un peu galvaudé. Je préfère parler de “carrefour d’idées” sur lequel d’autres acteurs locaux pourront s’appuyer.

L’ANCT est très sensible à cette approche : elle nous dit que nous créons, de cette manière, notre attractivité de demain. Le CISCA [Centre de recherche en Innovation Sociale Clermont Auvergne], également, puisqu’il nous permet d’accélérer notre participation à un réseau d’acteurs engagés. De notre côté, nous multiplions ces liens : nous pouvons être une locomotive pour le territoire, à condition que chaque wagon ait une batterie autonome.

Lire l’entretien : Pour Geoffrey Volat, le CISCA souhaite “faire bénéficier à ses membres de la connaissance produite” sur la résilience territoriale

Quel est l’apport du CISCA pour la commune de Saint-Eloy-les-Mines ?

Anthony : il nous apporte une vraie résonance avec d’autres acteurs du Puy-de-Dôme, en particulier d’autres collectivités locales rurales. C’est une belle manière de polliniser. Mais cette mise en commun dépasse le partage d’initiatives : le CISCA nous permet de développer une réflexion commune, et de confronter les élus à la perception de leur mandat.

Le CISCA nous apporte une vraie résonance avec d’autres acteurs du Puy-de-Dôme.

Anthony Palermo

En outre, l’approche du CISCA est celle d’une “méta recherche” : chez un élu local, on développe souvent un sujet qu’on apprécie et sur lequel on se spécialise – énergie, alimentation, mobilité … et nos mandats électifs (syndicats, communautés de communes) nous poussent dans cette approche en silo.

Au contraire, le CISCA est là pour transversaliser notre approche, pour partager et relier les bonnes pratiques, et pour nous mettre en lien avec des acteurs du territoire que nous ne connaissons pas toujours – du monde universitaire ou associatif. Tout cela au service d’un idéal, celui de la résilience des territoires. C’est la seule structure qui permette cette approche : les associations d’élus auraient pu le faire mais elles sont trop dans la politique quotidienne.

Est-ce une forme d’ingénierie de projets ?

Anthony : ce mot, “ingénierie”, est devenu récurrent dans les projets de territoire. Le problème est que ces derniers avaient été initiés, et même financés, sans vraie analyse de besoin à la base. On s’est alors tournés vers des cabinets d’étude, mais ils ont tendance à dire aux élus ce qu’ils ont envie d’entendre.

Lire l’entretien : La “résilience productive” des territoires, vue par Adélaïde Albouy-Kissi

C’est là que la recherche a un rôle clé à jouer : elle n’a plus l’image de chercheurs dans leur tour d’ivoire, déconnectés de la réalité du terrain. Ça, c’était il y a quinze ans ! 

Coralie : le CISCA fonctionne par l’intermédiaire d’un réseau de doctorant.e.s, comme moi, qui travaillent au sein des collectivités partenaires. C’est notre manière de mobiliser la recherche, en mêlant collectivités, acteurs économiques et monde associatif. Tous les liens entre ces expériences locales, toute cette “méta-recherche” qui se concentre sur le Puy-de-Dôme, remontera via les doctorants.

La disposition des maisons de Saint-Eloy-les-Mines rappelle constamment son passé de cité minière / Crédit photo : mairie de Saint-Eloy-les-Mines (DR)

Le travail sur le narratif se fait donc dans le cadre de la transition écologique. Mais elle se heurte souvent à des problèmes d’acceptabilité …

Anthony : c’est vrai que l’écologie doit être populaire et non pas punitive. Je veux dire par là que, quand on parle trop de crise ou d’urgence, on a tendance à être dans la menace indirecte. A dire : “cette tâche vous incombe à vous”. Cela fait beaucoup de pression, beaucoup de culpabilisation, pour des petits territoires comme les nôtres !

Quand on parle trop de crise ou d’urgence, cela fait beaucoup de pression pour des petits territoires comme les nôtres !

Anthony Palermo

En outre, l’habitant de Saint-Eloy ne se projettera pas vis-à-vis du rôle de la Chine, des enjeux du climat, de la ressource internationale en charbon … ce message est trop complexe, et trop anxiogène. Il faut parvenir à le transformer positivement. Et à montrer l’exemple, à rassurer, à embarquer les gens très progressivement. En d’autres termes, il faut faire comprendre que l’écologie ne sera pas une fracture supplémentaire pour nos territoires.

Je dirais aussi que les enjeux de transition et de résilience sont très complexes. Notre meilleur atout, c’est le bon sens. Inutile de partir de zéro, de recréer intégralement un modèle. On risque de perdre les gens. Il vaut mieux parier sur ce bon sens, qui allie simplicité et sobriété.

Lire l’entretien : Pour Pascal Lièvre, “la question de l’apprentissage est essentielle dans la résilience”

Comment comptez-vous concrètement avancer dans cette transition ?

Anthony : en s’attaquant d’abord aux “transitions simples”. Je veux dire : pas la transition énergétique ! On commence par ce qui est à notre portée, et qui peut produire des effets visibles, rapidement. Je pense ainsi à la transition démocratique – en place depuis la nouvelle municipalité de 2020 – qui implique de nouveaux élus, de nouvelles méthodes de gestion, un nouveau relationnel avec la population …

Je souhaite aussi travailler sur la notion d’espace public. L’arrêt des phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts est effectif depuis plusieurs années. Mais c’est parfois mal vécu par les habitants, qui reprochent un moins bon entretien des trottoirs. En fait, ces gens sont habitués à une “ville billard”, où rien ne dépasse.

Si c’est leur perception des choses, cela se travaille. Mais il faut en prendre conscience dès le début ! La question de la vision de l’espace public est centrale. Si on ne progresse pas là-dessus, le récit collectif ne pourra pas se mettre en place.

Sur une vue aérienne partielle, on se rend compte de l’insertion du tissu urbain de Saint-Eloy dans l’environnement naturel / Crédit photo : mairie de Saint-Eloy-les-Mines (DR)

Anthony, tu as une expérience professionnelle dans le numérique. Quel peut être l’impact de cet “outil” sur une ville comme Saint-Eloy ?

Anthony : c’est en effet un outil, et certainement pas une fin en soi – comme le voient trop de développeurs territoriaux. Pour moi, Saint-Eloy-les-Mines peut devenir un “smart village”. J’oppose cette notion à la “smart city”, qui voit l’humain comme producteur de données au service d’un système globalité.

Au contraire, le “smart village” que j’ambitionne insiste principalement sur la médiation et l’inclusion à tous âges. Notre travail, c’est de remettre le numérique en lien avec les habitants. Pour cela, nous avons déjà des conseillers numériques répartis sur le territoire, qui aident à recréer cette interface humaine.

Le “smart village” que j’ambitionne insiste principalement sur la médiation et l’inclusion à tous âges.

Anthony Palermo

Et cela inclut les enfants, dès le plus jeune âge. Je milite ainsi pour que le code informatique soit enseigné dès 6 ans, au même titre que l’anglais. Pour moi, c’est un vrai langage qui permet une compréhension du monde qui nous entoure. On est trop consommateurs du numérique, et pas assez acteurs ! 

Tout cela passe par une vraie politique publique de territoire sur le numérique. Les élus pensent trop souvent “infrastructures” et relativement peu “usages”. A Saint-Eloy, nous travaillons sur un panel d’outils nouveaux dans la gestion publique, notamment une solution web et mobile sur mesure pour créer un espace public virtuel, et vertueux. Et intégrer le numérique dans le quotidien des gens, sans exclure personne.

Pour aller plus loin (ressources proposées par Coralie et Anthony) :
Comprendre – pour Anthony, voir l’histoire de la réconciliation au Rwanda depuis 1994, “très inspirante sur le récit, la notion de commun, le pardon collectif, etc.”
Agir – pour Anthony, la discographie de Kery James, “à se mettre dans la tête avant d’agir ! Tu remplaces ‘banlieues’ par ‘territoire rural’ et on s’y retrouve.”
Pour Coralie, “travailler avec les écrits de la Fabrique des Transitions, qui abordent les questions de récits”

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Propos recueillis le 10 mars 2022, mis en forme pour plus de clarté et relu et corrigé par Anthony et Coralie. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie