A Loos-en-Gohelle, la transition comme seul avenir possible

Par

Damien Caillard

Le

Dans la banlieue de Lens, la commune de Loos-en-Gohelle, dirigée par le volontariste Jean-François Caron, est reconnue comme une ville pilote de la transition écologique en France.


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Mon ressenti

Si j’étais en sous-marin ces dernières semaines, c’est parce que je travaillais sur cet article : d’un simple compte-rendu, il a pris l’ampleur d’un reportage beaucoup plus conséquent. A vrai dire, probablement le plus long que j’aie rédigé à ce jour dans Tiko. Mais le sujet en valait la peine: une analyse de la transition écologique menée dans une petite ville – en l’occurrence, Loos-en-Gohelle dans le Nord, commune pionnière sur ce domaine et reconnue par beaucoup d’acteurs nationaux.

J’ai donc conscience de la densité de cet article. Il se lit bien sûr linéairement, car les différentes parties s’enchaînent en évoquant successivement les points clé de la “méthode” développée (empiriquement) à Loos, puis les catégories d’acteurs engagés dans cette transition. Néanmoins, pour vous faciliter la lecture, et si vous souhaitez en savoir plus sur un point en particulier, je vous propose de vous référer au bloc suivant “les principaux points à retenir” qui vous propose un résumé très condensé (“Executive summary” comme dans les rapports du GIEC) et surtout avec les hyperliens qui vous amèneront aux endroits concernés dans le texte.

Pour autant, quel recul avoir sur ce qui est présenté par de nombreux acteurs (nationaux) de la transition comme un “modèle” ? Je n’ai passé que 2 jours à la rencontre des structures locales – dont quelques entretiens téléphoniques : ville bien sûr, mais aussi associations, organismes accompagnant les entreprises ou les collectivités … mon choix a été de ne pas échanger de manière élargie avec la population, pour des raisons de temps mais aussi de représentativité (il aurait fallu rencontrer un nombre significatif d’habitants pour avoir un retour pertinent). Je n’ai pas non plus rencontré toutes les structures de la société civile – comme la Manne, monnaie locale, certains agriculteurs engagés ou les porteurs du tiers-lieux Ménadel et Saint-Hubert, par exemple. Ce reportage est donc le fruit d’une compilation et d’une analyse transversale d’entretiens avec plusieurs acteurs locaux “intermédiaires” ou “animateurs” de la transition.

J’ai essayé d’en tirer des éléments les plus reproductibles dans d’autres collectivités, globalement de même taille. Prendre exemple sur des villes, des territoires connus pour être en avance dans la transition est toujours instructif. Sans oublier qu’il y a quelques belles références, moins célèbres mais plus proches, dans notre département.

Je vous souhaite une bonne lecture, que j’espère inspirante.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. Loos-en-Gohelle, petite ville de la banlieue lensoise, très marquée par le retrait de l’industrie minière, a pourtant des résultats relativement incroyables en termes de transition écologique et sociale. Quelle dynamique, quel rôle des acteurs locaux, en particulier de son maire Jean-François Caron ? [lire l’intro]
  2. Détail de l’impact historique de la mine : environnement, économie, psychologie. 1986, fermeture du dernier puits, un véritable traumatisme. Pour s’en sortir, le pari culturel est pris : redonner confiance aux habitants, les remettre sur une dynamique de projection. De là, projets en co-construction, prise de conscience progressive des enjeux, et premiers progrès dans la transition
    > impact de la mine [lire le chapitre]
    > relance par la culture [lire le chapitre]
    > dynamique de projection [lire le chapitre]
  3. Le rôle central de la mairie dans les premiers pas de la transition à Loos, alors que la méthodologie s’élaborait en direct : lieux totems très visibles, appropriation des process par les habitants, création des premières structures intermédiaires pour relayer en direction de publics spécifiques comme les entreprises ou les autres collectivités. Aussi, lancement d’initiatives sur le solaire ou la conversion en bio, avec des destinées variables mais toujours avec une approche de pérennité économique et d’acceptabilité sociale. Peu à peu, le modèle se dessine, facilité par la proximité des acteurs
    > les étapes de la transition [lire le chapitre]
    > démonstrateurs et totems [lire le chapitre]
    > du terrain à la modélisation méthodologique [lire le chapitre]
  4. L’enjeu est aussi de connecter les gens, de les faire sortir de leurs postures initiales. Un travail difficile à cause des habitudes sociales, peu à peu décloisonnées par les acteurs culturels et les initiatives de reliance de la ville (notamment en direction des milieux agricoles). Des lieux ouverts, en particulier des jardins partagés, sont créés, avec et pour les habitants qui en décident l’usage. Des modèles d’insertion professionnelle sont aussi mis en place. Enfin, des visites de territoire sont organisées, misant autant sur le partage de l’émotion que sur la découverte guidée des initiatives.
    > Reliance et connection : des initiatives pour brasser [lire le chapitre]
    > Comment embarquer : émotion, jeu, plaisir [lire le chapitre]
    > Faire passer les messages [lire le chapitre]
  5. Quel écosystème à Loos-en-Gohelle ? Tout d’abord, les “structures intermédiaires” sont des liants du corps socio-économique. Beaucoup sont concentrées sur la Base 11/19, ancien site minier transformé en pole d’excellence sur la transition. Leur stratégie peut varier de celle de la ville, mais il y a une cohérence globale et une vraie synergie. D’autres acteurs se veulent plus indépendants et veillent à être autonomes, dans la mesure du possible : la petite taille de la ville peut favoriser une forme d’entre-soi. Vers le monde des entreprises, le travail porte autant sur des ressources que sur la création de démonstrateurs ou l’articulation de filières. Enfin, elles doivent parfois gérer des problématiques de moyens et de dépendance envers peu d’individus porteurs de projets – sauf quand le pari du collectif citoyen est engagé.
    > Les structures intermédiaires : origines et synergies [lire le chapitre]
    > Identifier les besoins du territoire [lire le chapitre]
    > Développer des filières et des modèles [lire le chapitre]
    > Difficultés des acteurs de la société civile [lire le chapitre]
  6. Hors du territoire, c’est la reconnaissance par l’ADEME qui a été un déclencheur : moyens financiers permettant de travailler sur la méthodologie, ingénierie, visibilité … elle a notamment donné lieu à la création de la Fabrique des Transitions par Jean-François Caron, pour essaimer l’expérience de Loos dans d’autres collectivités en France. Plus largement, la reconnaissance par les pairs est capitale. Pour des raisons de fierté, mais aussi de crédibilité et donc de partenariats. Enfin, l’impact est magnifié, via les visiteurs plus nombreux à Loos comme par le message porté par le maire dans différents événements et structures extra-territoriales sur la transition.
    > L’apport de la reconnaissance ADEME [lire le chapitre]
    > Une légitimation nationale [lire le chapitre]
    > L’expérience de Loos sollicitée [lire le chapitre]
  7. La mairie, elle, se retrouve en première ligne, une situation pas toujours facile à gérer. L’ambition de la transition sur un territoire peu riche et marqué par un traumatisme socio-économique, combinée à une forte visibilité, engendre une pression sur les équipes. Sans compter la nécessité de changer ses habitudes, de “travailler autrement” (en tranversal, en co-construction), que tente de favoriser une gouvernance adaptée. La confiance des habitants et des associations doit constamment être alimentée, mais aussi une forme d’empathie, la compréhension des problématiques de l’autre, et la clarté de la feuille de route. Parfois, des incohérences émergent, des lourdeurs administratives sont imposées d’en haut (département, région …) et suscitent l’incompréhension. Un parcours loin d’être une ligne droite.
    > Créer et surtout maintenir la confiance sur le long terme [lire le chapitre]
    > Dynamisme des actions mais petite taille : trop vite, trop fort ? [lire le chapitre]
    > Comment conserver la lisibilité de la transition ? [lire le chapitre]
  8. Enfin, la personnalité du maire, Jean-François Caron, est centrale. En tant qu’élu mais aussi principale personne visible, au national, sur la transition à Loos. Il est globalement reconnu comme étant dynamique, combatif, charismatique, et son discours est convaincant auprès de nombreux acteurs. Lui-même se reconnaît un talent de reliance, de “capacitation” des individus, entre action terrain et vision d’avenir. Et avec un fort degré d’exigence pour ses collaborateurs et ses partenaires. Politiquement étiqueté EELV, il cherche à éviter l’idéologie et les appareils politiques, même s’il tient à discuter avec tous types d’élus. Régulièrement élu, parfois à 100% pour cause d’absence de liste concurrente, son expérience est sollicitée par de nombreuses collectivités et acteurs publics en France.
    > L’image du maire [lire le chapitre]
    > Une personnalité visionnaire et encapacitante [lire le chapitre]
    > Exigence et réseau [lire le chapitre]
    > Quelle indépendance du jeu politique ? [lire le chapitre]
  9. Et en conclusion … le retour du sensible, plus belle réussite de la transition à l’heure où le maire va passer la main et où l’avenir se redessinera sans doute, une nouvelle fois [lire le chapitre]


Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

** Pour un accès facilité aux parties, n’hésitez pas à vous référer au bloc “Les principaux points à retenir” ci-dessus **

J’ai toujours aimé les territoires avec des marqueurs visuels forts, des phares, visibles de loin et favorisant l’identification. A Clermont, c’est le Puy-de-Dôme (ou la cathédrale). A Paris, bien sûr, la Tour Eiffel. Dans le Pas-de-Calais, je n’ai pas vu les corons mais d’abord les terrils, ces immenses pyramides sombres, très géométriques, assez impressionnantes.

Je ne connaissais pas encore l’agglomération lensoise. J’y suis allé mi-mai à la faveur d’une manifestation sportive, et j’en ai profité pour passer quelques jours à Loos-en-Gohelle, toute proche. Cette banlieue de Lens compte 6500 habitants, et elle est marquée par son passé minier. Les terrils, donc, les chevalements aussi, ces grandes tours métalliques surplombant les puits de mines. Enfin, l’habitat en brique, les maisons de mineurs, très présentes au détour des rues. Ca, c’est pour l’urbanisme visible. 

Vue aérienne de Loos-en-Gohelle. L’habitat est peudense, les espaces verts et jardins nombreux. A droite, un terril / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Mais la trace laissée par la mine est plus pernicieuse. Avec un chômage à 15%, et 20% des habitants sous le seuil de pauvreté, Loos-en-Gohelle – comme les communes avoisinantes – a vécu un véritable désastre économique quand les exploitations minières ont fermé, dans les années 80. L’autre conséquence est la pollution, dans les organismes, dans les sols et les eaux. Aussi, je dirais, dans les esprits – nous allons voir pourquoi.

C’était il y a près de 40 ans. Aujourd’hui, Loos-en-Gohelle est “première ville démonstrateur du développement durable” labellisée par l’ADEME ; elle devait accueillir une délégation de la COP21 en 2015 (visite annulée à cause des attentats), et l’ensemble des terrils a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Tout cela grâce au travail de la population, des acteurs du territoire, de l’équipe municipale et d’un maire assez incroyable, Jean-François Caron. Pour lui, la transition écologique doit émaner des territoires, par une forme d’innovation sociale qui “porte une dimension transgressive”.

Je vous propose dans ce dossier assez fouillé – mais qui m’a beaucoup inspiré – de voir ensemble les composantes de la transition à Loos-en-Gohelle. Qu’est-ce qui a permis une telle transformation (bien que toujours en cours) d’une petite ville qui était économiquement et socialement traumatisée ? Comment s’est produit le changement, et quels en ont été les artisans ?

Une dynamique de transition pionnière et unique

Je ne pense pas exagérer en vous proposant ces adjectifs : à Loos-en-Gohelle, la combinaison d’une véritable catastrophe économique (la fermeture des mines), d’une culture locale d’entraide, et de bons acteurs au bon moment, a permis à la mayonnaise de prendre. Regardons tout d’abord les facteurs-clé de succès de cette conduite du changement.

La Base 11/19, aujourd’hui pôle d’excellence sur le développement durable entouré de verdure, a connu un passé plus industriel. Restent les terrils, le chevalement et quelques bâtiments réaménagés / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Se remettre en mouvement après un traumatisme

Impact de l’histoire minière

On a parfois du mal à se représenter l’univers de la mine. En France, ce sont les images de Germinal qui nous viennent à l’esprit. Dans le département du Pas-de-Calais, particulièrement autour de Lens, la mine était de loin la principale activité économique pendant plus d’un siècle. Travailler à la mine, c’était d’abord être un artisan du redressement économique de l’après-guerre : l’image des mineurs était très valorisée, et ils en ressentaient une vraie fierté. La mine, c’était aussi une “grande famille”, un métier très dur et souvent dangereux bien sûr, mais aussi des entreprises très paternalistes et qui prenaient tout en charge : le médecin, l’école, le logement, la chorale …

Conséquence : une certaine “pollution” des esprits, dont je parlais tout à l’heure. Je veux dire par là que les populations locales, hyper dépendantes de la mine, avaient perdu le sens de l’initiative, de la prise de risque (en dépit de leur métier), à l’aune d’une corporation qui pensait à leur place. De même, si les mineurs étaient fiers de leur territoire, s’ils s’entraidaient beaucoup, ils semblaient avoir un état d’esprit fataliste qui leur faisait négliger les atteintes à l’environnement. “De toute façon, on peut mourir au fond de la mine, on ne va pas se plaindre pour des poussières” résume le maire, Jean-François Caron. Couronnons le tout par le rôle des syndicats, notamment lors des fermetures de mines, qui opposaient déjà l’écologie et l’économie. Avec ce mot d’ordre : “on ne nourrira pas nos enfants avec des marguerites“.

Le principe était d’accompagner par la culture la fin de l’ère minière

Laurent Coutouly

Relancer une dynamique par la culture

Donc, en 1986, la dernière mine ferme à Loos. Chômage, désolation, pollution … si le territoire veut s’en sortir, il doit rebondir très vite. Mais dans quelle direction ? “On ne pouvait raisonner que sur la base des contraintes” se souvient Jean-François Caron. La première chose à faire était de redonner espoir et d’embarquer les habitants dans un travail de création : celui de leur propre histoire, sans grande entreprise pour leur dire quoi faire. “Le principe était d’accompagner par la culture la fin de l’ère minière“, se souvient Laurent Coutouly. La structure qu’il dirige aujourd’hui, Culture Commune, est une scène nationale basée à Loos et née en 1990. 

Le premier spectacle collaboratif des Gohelliades, en 1987, s’intitulait “Terre d’en haut, terre d’en bas”. Il a célébré autant les mineurs que les agriculteurs de Loos-en-Gohelle / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Elle a suivi de près le lancement des Gohelliades, un festival culturel qui a vu le jour en 1984. Francis Maréchal, adjoint au maire en charge de l’urbanisme, se souvient de leurs origines : “Il fallait mettre les talents en commun, pour montrer que les gens pouvaient créer.” Une démarche de “spectacles participatifs”, visant à valoriser la mémoire, les métiers, l’histoire de la commune. “Mais ce n’était pas toujours compris par les acteurs locaux” se souvient-il. Pourtant, accompagnées par des artistes professionnels, les Gohelliades ont réussi à mobiliser largement et à changer le regard des habitants sur leur territoire. Laurent Coutouly insiste : “L’artiste peut être un révélateur d’un certain nombre de dimensions. Il aide à les juxtaposer pour les [faire émerger].

Il fallait montrer que les gens pouvaient créer

Francis Maréchal

De la pensée en trajectoire à la transition

Croire en l’avenir de son territoire, après avoir subi  un traumatisme majeur – comme la fermeture en chaîne des principaux employeurs – est le premier pas de la transition, selon Francis Maréchal. C’est même le début d’une dynamique pour Jean-François Caron. Ce dernier tempère : “Nous n’avions pas encore de notion de transition à cette époque. Mais c’était une pensée en trajectoire qui prenait forme” dans ce qu’il qualifie de sujet principal, selon lui : “les nouveaux imaginaires de développement.” De là est née une méthode originale, constellée d’“étoiles” comme buts souhaités, et parsemée de “petits cailloux” comme étapes de réalisation. Développée par le maire de Loos-en-Gohelle, cette méthode essaime bientôt sur d’autres territoires via la Fabrique des Transitions, créée quelques années plus tard.

Car la transition sociale, écologique, économique d’un territoire est plus forte si elle se fait avec la population. Plus lente, aussi : “La co-construction culturelle avec les habitants, c’est complexe, long, mais aussi plus implicatif” insiste Laurent Coutouly ; “L’adhésion est plus forte, et ça se voit dans le public … mais il faut entretenir la flamme !” Depuis les premières Gohelliades, le participatif est favorisé dans les projets municipaux, dépassant le domaine culturel. C’est le cas des “fifty-fifty”, l’association des services municipaux à une communauté d’utilisateurs pour la rénovation d’une installation publique, comme le skate park de la ville : “On a travaillé ensemble sur le budget de l’opération, sa mise en oeuvre, le choix des modules … “ se souvient Manuella Cavaco, conseillère municipale déléguée au tourisme durable. L’apprentissage est croisé : “Les jeunes utilisateurs du skatepark ont appris les contraintes d’un projet municipal”, souligne-t-elle, et la charte d’utilisation co-rédigée permet notamment d’adoucir les relations avec les riverains.

Inauguration du skate park de la ville en présence de Jean-François Caron (à gauche) et du collectif de jeunes utilisateurs ayant participé à son élaboration / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

La combinaison de cette dynamique de projection évoquée par le maire, avec une politique de “petits pas” et de participation des habitants dans certains projets, constitue la recette de la transition à Loos-en-Gohelle depuis les années 1990. Elle permet de mettre au jour les besoins et les attentes des habitants : “En co-construction, chaque projet est l’occasion de rencontrer d’autres acteurs, de changer de regard, de se remettre en question.” résume Jean-François Caron. Mais “les gens n’arrivent pas avec de nouveaux imaginaires. Cela se construit en avançant” prévient-il. Plutôt des problématiques du quotidien, des défauts à corriger, des petites améliorations concrètes à réaliser. Des questions de cadre de vie, qui peuvent mener à une vision plus large. “C’est en nous disant qu’ils aimeraient amener leurs enfants à pied ou en vélo à l’école que les gens viendront peu à peu à prendre conscience de leur part sur la question du dérèglement climatique, et en termes de solution. Pas par des conférences descendantes.” conclut le maire.

La mairie, encadrante du changement

Les étapes de la transition

Si tout le monde est invité à participer, le rôle structurant de la mairie est indéniable. Surtout que Loos-en-Gohelle était la première (petite) ville à s’engager sur cette voie de la transition, et a dû inventer sa méthode. “Pour nous, la conduite du changement, c’était : pré-conscientisation, conscientisation, préparation du passage à l’acte, premiers déclenchements, puis généralisation” résume Jean-François Caron. Mais cette méthode apparemment bien rodée est vue avec 30 ans de recul. “J’y suis beaucoup allé à l’intuition au début, sans théoriser” insiste l’élu. De toute façon, il faut être patient : “Le changement culturel nécessite souvent une génération entière, soit une trentaine d’années. Tous les sociologues le disent.

J’y suis beaucoup allé à l’intuition au début, sans théoriser

Jean-François Caron

Pour que le changement prenne petit à petit, comment faire ? Il faut rendre les projets de transition, les “petits pas” appréhendables par la population. Tous les acteurs locaux que j’ai pu rencontrer œuvrent en ce sens. Par exemple, Francis Maréchal, élu mais aussi naturaliste, a misé sur la biodiversité pour “embarquer”. “Dans la transition, il faut que les gens s’approprient les processus.” insiste-t-il. “Avec la biodiversité, ça marche bien ! On construit ensemble des nichoirs et des abris pour les façades, on recense des espèces collectivement, on aide à fleurir les maisons …” Jean-François Caron résume ainsi la problématique : “Il faut donner aux gens des poignées pour qu’ils se saisissent des sujets. Sinon on reste dans des débats universitaires.

Démonstrateurs et totems

L’autre facteur de succès est la visibilité sur le territoire. On parle souvent de “totems” dans de nombreuses activités : c’est particulièrement vrai pour la transition. Les premiers d’entre eux, à Loos, sont ces fameuses pyramides de résidus de charbon. Revenons un moment à Francis Maréchal, qui est aussi président de la Chaîne des Terrils, une association loossoise valorisant les terrils du département – et à l’origine, avec Jean-François Caron, du classement UNESCO du Bassin Minier du Nord-Pas-de-Calais en 2012. Il insiste sur l’intérêt naturaliste de ces sites : “On a des terrils qui sont quasiment des réserves naturelles. Avec le temps, on les voit passer du noir au vert !”. Conséquence: un effet visuel majeur sur les habitants, qui redonne confiance. D’autant plus que l’association organise des visites pédagogiques, des épreuves sportives, des randonnées sur les terrils … 

Le Trail des Terrils, course nocturne, ici lors de son édition 2015. La prise de possession des terrils par le sport est un des axes développés par la Chaîne des Terrils, association de valorisation basée à Loos-en-Gohelle / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

D’autres totems, à vocation plus technique ou économique, sont également déployés. La Base 11/19 est un ancien site minier, un corps de bâtiments en brique surplombés par un chevalement de métal. L’ensemble a été réhabilité et abrite désormais un pôle de compétences autour de l’économie circulaire et de la transition, à travers des acteurs très divers : de Culture Commune déjà évoquée, à des start-ups dans l’énergie renouvelable, en passant par le CD2E (accompagnateur de l’éco-transition des entreprises) et le CERDD (Centre Ressource du Développement Durable) – pour la plupart créées à l’initiative de Jean-François Caron. Idem pour l’église de Loos, dont la réfection du toit s’est accompagnée de la pose de nombreux panneaux solaires, grâce à un financement européen. “Le photovoltaïque sur l’église, c’est un des premiers “petits cailloux” de la transition qui a réussi” résume Francis Maréchal. “Aujourd’hui, la production de ce bâtiment rapporte 5000 € par an à la mairie. C’est visible, accepté par tous ; c’est une sorte de phare.” Et Jean-François Caron d’abonder : “Un totem est une incarnation; c’est de la transformation qui aide à comprendre.”

Un totem est une incarnation; c’est de la transformation qui aide à comprendre

Jean-François Caron

D’autres changements sont plus difficiles à aboutir. La conversion en bio des terres agricoles de la commune – très tournées sur la grande culture conventionnelle – céréales et betteraves – nécessite encore du temps. Malgré l’initiative de la mairie, qui avait récupéré 7 hectares initialement proposés à des agriculteurs sous réserve de conversion au bio. Avec la création du collectif Bio Loos en 2011, puis d’une structure de mutualisation de matériel, la démonstration était faite de la pertinence économique du modèle … “mais on n’est qu’à 15% des terres converties en bio” regrette Francis Maréchal. “avec peu de changements constatés en termes de biodiversité.” Habitudes trop ancrées ? Mondes qui ne se comprennent pas ? Il y a toujours des résistances au changement d’usages, qu’il ne faut surtout pas imposer. Nous verrons dans le prochain chapitre comment la ville développe l’échange et la “percolation” d’idées avec le monde agricole.

La fameuse église Saint-Vaast de Loos-en-Gohelle, “démonstrateur” de la faisabilité et de la rentabilité du photovoltaïque sur un toit de bâtiment public : d’après Francis Maréchal, elle génère 5000 € de bénéfices annuels pour la mairie / Crédit photo : ville de Loos-en-Gohelle (DR)

La motivation économique reste toutefois prégnante. Sans doute parce qu’elle est plus associée au court-terme que la protection de l’environnement. Heureusement, certains projets écologiquement vertueux parviennent à démontrer leur pertinence économique. L’expérience de l’église a ainsi encouragé la création de “Mine de Soleil”, une société fonctionnant comme une coopérative et favorisant le déploiement du photovoltaïque. Initialement porté par la mairie, Mine de Soleil est devenu en 2018 un projet rassemblant des acteurs du renouvelable et des habitants. Selon Jean-Luc Mathé, président de son comité consultatif citoyen,  “c’était un moyen d’améliorer l’acceptabilité du photovoltaïque, et d’impliquer les gens dans la vie citoyenne locale.

Mine de Soleil est un moyen d’améliorer l’acceptabilité du photovoltaïque

Jean-Luc Mathé

Avec 122 habitants sociétaires du projet, Mine de Soleil est considérée comme une réussite. D’autant plus qu’elle permet d’avancer de front sur l’optimisation des charges, l’amélioration du bilan carbone local, et les économies d’énergie. “Pour l’éclairage public nocturne, on avance via des réunions publiques. Les gens n’y sont pas farouchement opposés, surtout si on trouve des solutions comme avec des détecteurs de mouvement” conclut Jean-Luc Mathé. 

Les sociétaires de Mine de Soleil avec les enfants de l’école municipale et les panneaux photovoltaïque qu’ils ont contribué à faire installer / Crédit photo : Mine de Soleil (DR)

Du terrain à la modélisation méthodologique

Au final, quels rapports entre les modèles théoriques – même développés a posteriori – et la réalisation sur le terrain ? Si, à Loos, la seconde a précédé les premiers, il semble nécessaire de formaliser l’expérience acquise. Alice Salamon est chargée de communication Economie circulaire au CD2E, et elle résume ainsi la mission de sa structure : “Nous proposons de nouveaux modèles de développement pour les entreprises basés sur l’économie circulaire ou de la fonctionnalité. Ils sont basés sur le constat des besoins concrets des entreprises.” Même principe d’apport méthodologique lié au terrain pour la Fabrique des Transitions, ou pour les Anges Gardins. Cette association vise un objectif de sécurité alimentaire. Selon Dominique Hays, son directeur, elle “développe un autre modèle agro-alimentaire, avec des effets utiles démultipliés, grâce à la relocalisation alimentaire.”

Il faut des opérateurs de la transition sur le terrain (…) pour faire société sur un sujet

Dominique Hays

Basés sur la même expérience qui a fait émerger Bio Loos, les Anges Gardins ont permis le déploiement d’un Archipel Nourricier, faisant appel à l’insertion professionnelle. Et ce, bien qu’il ait fallu près de sept ans pour passer de la première initiative loossoise quasi-informelle à son inscription dans un Projet Alimentaire Territorial plus large, et au final la transformation en opération locale plus structurée, première brique d’un Ecopole Alimentaire. “Le maire voulait faire société sur la question alimentaire” résume Dominique Hays. “Mais il faut des opérateurs de la transition sur le terrain pour incarner cet enjeu”, rôle assuré dans ce cas par les Anges Gardins. 

Désherbage des parcs de fraises bio par l’équipe en insertion sur le site fruitier de la Fosse 15 à Loos-en-Gohelle / Crédit photo : Anges Gardins (DR)

Repérer les besoins à un endroit, à un instant donnés … tester quelque chose, puis évaluer et, peut-être généraliser. L’approche de la transition à Loos est pragmatique, se défend Jean-François Caron : “Le sujet, c’est comment on agit face au dérèglement climatique. On regarde à quels endroits il y a des résultats. Tout cela constitue des pièces isolées … d’où il faut faire apparaître une vraie perspective.” Si les expériences menées à Nantes ou à Grenoble, par exemple, sont intéressantes, “Small is beautiful !” résume le maire, “parce que sa petite taille rend la transition plus facile à ‘attraper’”. Mais l’attachement constant au terrain reste sa priorité: “Ce qui amène le changement, c’est d’être dans l’action. Sinon, on est dans des postures.” prévient-il. “Or, la clé est faire sortir les gens de leur posture.”

Brasser, connecter, embarquer… et expliquer

Reliance et connection

Pour moi, la culture, c’est de l’échange, des rencontres, du partage.” Marie Forquet est la fondatrice du Porte Mine, un tiers-lieu / restaurant / résidence touristique installé dans une ancienne “maison d’ingénieur”, à Loos. Après avoir passé 10 ans chez Culture Commune, elle assume une vision engagée et même militante, recherchant autonomie financière et indépendance institutionnelle. Mais son combat quotidien est de connecter les habitants : “C’est dur d’avoir de la mixité sociale ici” regrette cette petite-fille de mineur. “Dès que les gens ont de l’argent, ils partent. Et certains qui travaillent à Loos habitent loin d’ici. Comment penser la transition d’un territoire si tu n’y vis pas ?” se demande-t-elle. 

Comment penser la transition d’un territoire si tu n’y vis pas ?

Marie Forquet

L’angle culturel de la transition à Loos, initié dès les années 80, peut donc se lire par le prisme du brassage des populations, “pour donner aux gens la possibilité de voir autre chose, et donc de se positionner dans la société.” complète Marie Forquet. A condition d’organiser des rencontres efficaces et de croiser les mondes. C’est un des enjeux majeurs de la politique agricole du territoire loossois, résumée par Francis Maréchal : “Le lien entre la ville et les agriculteurs est compliqué aujourd’hui. Avant, les gens allaient à la ferme pour acheter des produits, donner un coup de main … désormais, c’est un monde très spécialisé, mécanisé, nécessitant des compétences pointues. Et les habitants achètent leurs aliments via des distributeurs.”

La Maison de l’Ingénieur entourée du jardin partagé, le tout formant le site du Porte Mine / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Pour décloisonner sans être dans l’injonction, la mairie souligne avoir développé un “dialogue territorial” à travers des occasions de croisement : entretien d’espaces maraîchers en ville par les agriculteurs, soutien à la conversion en bio (via Bio Loos, donc), opération “ferme ouverte” où des habitants sont invités à visiter une exploitation agricole… sans oublier les rencontres plus classiques, et les spectacles des Gohelliades dont l’un des premiers célébrait autant les mineurs que les agriculteurs, avec des habitants comme figurants. Selon Francis Maréchal, toutefois, “la clé est de ne pas braquer le monde agricole”, par ailleurs largement structuré et organisé de son côté.. 

La clé est de ne pas braquer le monde agricole

Francis Maréchal

L’action de reconnexion des urbains à la terre n’est toutefois pas l’apanage de la ville. L’association Loos NGourma, très active dans le développement en milieu rural au Burkina Faso, milite autant pour l’agriculture en ville accessible à tous… que pour la fin des pesticides. La différence de logique avec la ville, forcément plus “institutionnelle” dans son approche, a pu générer des étincelles. Ainsi, le relais de l’opération “Nous voulons des coquelicots” par Loos NGourma a permis de sensibiliser les scolaires à la problématique des pesticides, mais risquait de braquer les agriculteurs conventionnels, selon la mairie. Celle-ci préfère avancer en se basant sur le dialogue et les besoins des acteurs locaux – agriculteurs, commerçants, cantines scolaires.

Fête de l’agriculture paysanne à Loos, ici en 2015. C’est un des temps de rencontre organisés par la ville et plusieurs associations et collectifs agricoles autour des enjeux agro-alimentaires mais aussi des produits locaux et du vivre-ensemble. Un des objectifs est de rapprocher la population du monde paysan / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Comment embarquer : émotion, jeu, plaisir

La question alimentaire n’est toutefois pas qu’un sujet technique ou économique. A Loos, dont la densité urbaine n’est pas très élevée (j’y ai vu de nombreux espaces verts, sans compter les jardins d’habitats ouvriers), les terrains pour pratiquer l’agriculture urbaine sont nombreux. Loos NGourma exploite notamment “le Jardin des Achillées”, un jardin partagé situé depuis 2019 sur une ancienne terre d’usine, dure à travailler. “C’est un démonstrateur”, précise Béatrice Bouquet, présidente de l’association. “Nous le voyons comme un espace de reconnexion à la terre”. Jardinage en commun, chantiers participatifs, espace détente … c’est un jardin qui connecte aussi les urbains entre eux. De même pour le jardin du Porte Mine, géré par Marie Forquet: “On demande aux habitants ce qu’ils veulent planter”, résume-t-elle. Le résultat part un peu dans tous les sens, mais ce n’est pas grave : “on essaye de créer un ‘joyeux bordel’ qui décloisonne les choses. Nos différentes activités [ateliers, restaurant, hébergement, événements, accueil de projets] vont brasser les publics et créer des rencontres.”

On est ici dans le plaisir : de se voir, de mettre les mains dans la terre, de faire pousser des fleurs ou des légumes qui iront dans nos assiettes. Pour Marie Forquet, “le Porte Mine, c’est un lieu totem mais aussi un endroit pour prendre le temps et se faire plaisir, rencontrer, manger.” L’ambition de rencontre-plaisir autour de l’alimentation est aussi partagée par Dominique Hays, des Anges Gardins : “Nous travaillons sur le bien-vivre alimentaire. S’alimenter est une activité essentielle, mais il ne s’agit pas que de remplir nos ventres : l’enjeu est aussi sanitaire”. Et social, puisque le modèle de l’Ecopole Alimentaire de Loos-en-Gohelle est basé sur l’insertion. “Notre ambition est de sortir les gens du chômage ou de la précarité, ce qui pèse beaucoup sur la société. Ce, tout en générant des revenus, et en soignant par une nourriture de qualité.” conclut-il.

L’émotion permet de créer un lien fort

Manuella Cavaco

Manuella Cavaco, qui s’occupe notamment des visites “transition” de la ville – et qui m’a donc accompagnée dans un tour des principaux sites – mise également sur une forme d’émotion pour connecter et faire passer les messages. Elle se souvient ainsi d’une visite de délégation d’élus de l’Alentejo, région minière du sud du Portugal. “Ils réfléchissaient à l’après-mines, et ils voulaient s’inspirer de notre expérience”, résume-t-elle. “Pour eux, la chorale ‘Sol do Portugal’ les a accueillis avec le ‘chant des mineurs’. L’émotion était incroyable, et cela a vraiment permis de créer un lien fort.” Enfin, beaucoup d’habitants se souviennent d’une opération unique et sans but apparent : la confection d’une gigantesque écharpe de 375 mètres de long, en patchwork, cousue pendant deux ans par les jeunes du collège et les résidents des EHPAD loossois. Ce “tissu inter-générationnel” a été déployé le 5 juin sur la montée d’un terril par 500 habitants. Outre la visibilité médiatique ponctuelle, “cette écharpe est un élément du nouvel imaginaire.” s’enthousiasme Jean-François Caron. “Là, France 3 m’interviewe. Le journaliste me demande ‘à quoi ça sert ?” Et je lui réponds : ‘à rien !’ C’est ça qui est génial. On fait œuvre ensemble, et les gens sont super fiers.’”

La fameuse écharpe tenue par 500 habitants de Loos, jeunes et vieux, ayant participé à sa confection. Elle grimpe jusqu’au sommet du terril / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Faire passer les messages

Dernière étape, nécessaire : faire passer les messages. Au-delà de l’adhésion aux projets, les participants doivent repartir avec une nouvelle idée en tête, une meilleure compréhension des enjeux de la transition. “De la transformation qui aide à comprendre”, disait Jean-François Caron quelques paragraphes plus tôt. “Il nous faut des réponses systémiques, c’est la clé pour changer de modèle” insiste Marjorie Duchêne.

Si on n’apprend pas aux gens que les choses existent, ça ne changera pas

Marjorie Duchêne

Chargée de communication au CERDD (le Centre Ressources sur le Développement Durable), Marjorie est aussi coordinatrice des “DDTours”, des voyages organisés d’une journée permettant d’emmener un petit groupe à la découverte d’initiatives et de sites remarquables dans la transition du territoire. “On peut tout à fait s’inspirer localement, sur le modèle de ce que font les organisateurs touristiques.”, assure-t-elle. “Du coup, on profite des bénéfices du groupe : team building, sortie de leur zone de confort et de leurs habitudes.” Lancés en 2014 par le CERDD, les DDTours se comptent presque à la centaine aujourd’hui, avec 50% de public “national” (extra-local), et un bon mélange d’élus, de responsables d’entreprises, de chercheurs … “Le principe est que si on n’apprend pas aux gens que les choses existent, ça ne changera pas.” poursuit Marjorie. “Les DDTours permettent aussi de donner des chiffres clés sur le pourquoi de la transition, et surtout faire comprendre que situation est grave, qu’il faut que l’on s’y mette tous. Cela permet de justifier des décisions politiques difficiles.”

Un “DD Tour” animé par le CERDD pour le groupe la Poste en 2017. Son nom : “Loos-en-Gohelle la pionnière” / Crédit photo : CERDD (DR)

Un jeu complexe d’acteurs

Pour que la transition se réalise et “percole” dans toutes les couches socio-économiques, il faut une variété d’acteurs impliqués. Si la ville de Loos-en-Gohelle, et au premier chef son maire, ont clairement eu un rôle moteur de la transition, le relais doit se faire sur le territoire dans les univers connexes que sont les entreprises et la société civile, mais également au-delà des frontières locales.

Des personnes cibles, des structures intermédiaires

Origines et synergies

Dans le cas de Loos-en-Gohelle, on peut dire qu’il y a trois niveaux d’intervention : la ville, et surtout son maire Jean-François Caron dont l’action pionnière est reconnue par tous ; les personnes “cibles”, à savoir les composantes sociétales que sont les particuliers, les entreprises ou les associations ; et les structures intermédiaires, “liants” du corps socio-économique, qui vont relayer ou déployer la transition en direction des cibles. Cette percolation se fait plus ou moins en synergie avec la collectivité.

On est dans des jeux d’acteurs où l’on cherche à exister

Laurent Coutouly

Ces structures intermédiaires ont clairement toutes un lien avec l’action de Jean-François Caron, qui en a d’ailleurs fondé la plupart : Base 11/19, CERDD, CD2E, Gohelliades, chaîne des Terrils que nous avons tous déjà évoqués, ont émergé grâce à lui. Cela ne veut pas dire qu’elles ne vivent pas leur vie de manière autonome par la suite : “La Base 11/19 est un lieu hautement symbolique, et il y a une vraie stratégie locale de développement durable” admet Marjorie Duchêne du CERDD. Mais ce contexte semble suffire pour décrire la nature des liens. De même, “nous pouvons être consultants sur des projets de collectivités, de ville” résume Alice Salamon du CD2E. Son de cloche similaire de la part de Laurent Coutouly, qui précise : “on est dans des jeux d’acteurs où l’on cherche à exister”. Beaucoup de ces structures intermédiaires ont donc intérêt à développer leur propre approche de la transition, sans se couper pour autant de leur environnement.

La Base 11/19, “pôle de référence du développement durable” (depuis 2002) abrite de nombreuses structures dédiées à la transition sur le territoire / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Le cas du Porte Mine, fondé et dirigé par Marie Forquet, va plus loin. La petite-fille de mineur se veut plus exigeante et plus indépendante. Plus critique aussi d’un écosystème local bien développé mais où l’entre-soi prend trop de place : “J’ai voulu monter un projet participant à transformation du territoire, mais avec un modèle économique ‘éthique’” concède-t-elle, “c’est-à-dire le moins ‘descendant’ possible. Car je me méfie des arcanes des politiques publiques, du risque de clientélisme.” Selon Marie, la tradition de “penser à la place des gens”, issue du monde minier, a la vie dure et explique beaucoup de travers locaux dans le bassin lensois – bien qu’elle reconnaisse que la situation à Loos soit différente. “Je ne veux pas être utilisée”, poursuit-elle. “Des partenariats, non. Mais des coopérations, oui : je cherche du donnant-donnant, des relations qui changent le point de vue.” D’où les prestations de locations de chambres, d’espaces événementiels, de restauration proposées par le Porte Mine. Avec 50% de fonds propres, Marie souhaiterait aboutir à 80% dans le futur.

Des partenariats, non. Mais des coopérations, oui : je cherche du donnant-donnant, des relations qui changent le point de vue.

Marie Forquet

Identifier les besoins du territoire

D’autres acteurs intermédiaires assument davantage leur rôle hybride et leur financement mixte. Cela est justifié par leur mission : “Nous sommes une courroie de transmission entre les institutionnels – acteurs de la réglementation ou du financement – et les territoires – collectivités, mais aussi acteurs économiques.” résume Marjorie Duchêne du CERDD. Cette fonction de “relieur” est classique dans le développement économique des territoires, mais elle a un rôle capital dans leur transition et leur résilience. Déjà pour échanger sur les “bonnes pratiques” et les ressentis : “Le réseau national Cocagne [sur la résilience alimentaire] auquel nous avons adhéré en 2011 est capital.” indique Dominique Hays des Anges Gardins. “Il nous permet de compter sur un réseau thématique pour partager des réalités difficiles à encaisser quand nous les vivons seules.” On est presque dans un groupe d’échange et de développement personnel, très utile quand on travaille dans un domaine complexe, anxiogène et pas encore reconnu par tout le monde.

De manière plus classique mais tout aussi importante s’impose le travail sur les entreprises ou collectivités qui jalonnent le territoire – ici, on parle d’un périmètre qui va de la communauté d’agglomération de Lens à quasiment toute la région Hauts-de-France. Revenons au CERDD avec Marjorie : “On vise ceux qui ont déjà un pied dedans, et l’on pousse ces pionniers dans une logique de démonstrateur. Le but est de montrer l’exemple, de prouver qu’on peut passer les difficultés.” Cela explique la centralité de la ressource dans sa structure : “On observe le territoire sous l’angle du climat, et on identifie les besoins, les manques. (…) Puis on propose des ressources: documents, événementiel, mais aussi accompagnement, inspiration, kits d’animation et outils comme le ‘crible’ Objectifs du Développement Durable ou la cartographie d’acteurs …”.

Réunion des Ambassadeurs du CERDD en avril 2022. Le dispositif est un moyen capital pour relayer dans les entreprises les messages portés par le centre de ressources / Crédit photo : CERDD (DR)

Développer les filières et les modèles

Le CD2E, davantage orienté sur les entreprises du bâtiment, travaille sur la notion de filière. “Initialement, nous accompagnons les éco-entreprises [de ce secteur], mais aussi les TPE/PME, les bailleurs, les promoteurs, et plus globalement les territoires dans les démarches de transition” résume Alice Salamon. “C’est une approche technique, mais on sent également qu’il y a un besoin d’articulation des acteurs, de création de collectifs. Notre travail a donc aussi pris en compte le développement de filières, comme avec l’isolation paille.” Une approche motivée par les principes de l’économie circulaire et de l’éco-conception, qui doivent prendre en compte tous les maillons de la chaîne de valeur.

On sent qu’il y a un besoin d’articulation des acteurs, de création de collectifs.

Alice Salamon

Dans le monde agricole, le même enjeu s’impose : “L’écopole alimentaire que nous montons à Loos, c’est un dispositif visant à structurer une filière territorialisée.” résume Dominique Hays des Anges Gardins. “Concrètement, autour d’une gamme de produits locaux, on veut accompagner les acteurs pour stocker – par des chambres froides collectives, organiser la livraison en ‘diffus’, et optimiser les modalités de la distribution à la vente en prenant en compte la logistique et le prix.” Avec une recherche d’effet vertueux économique comme social, grâce à l’insertion. “C’est une bonne chose si nous améliorons le retour à l’emploi. Le taux de “sortie dynamique” [des personnes en précarité] était de 100% l’an dernier”, relève Dominique avec une certaine fierté. La clé consiste à commencer petit – par l’Archipel Nourricier monté à Loos – puis essaimer sur le reste de la chaîne de valeur.

Expérimentation d’un distributeur automatique de produits alimentaires locaux, non loin de la mairie de Loos / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Difficultés des acteurs de la société civile

Mais la problématique de ces acteurs intermédiaires réside autant dans les individus qui les portent que dans les moyens de réalisation. En particulier pour les petites structures. Ainsi, Béatrice Bouquet se pose des questions sur l’avenir de Loos NGourma qu’elle préside : “Notre association a plus de 40 ans ! Nous animons des ateliers, des rencontres de sensibilisation à l’environnement, et ce particulièrement depuis deux ans dans le cadre du programme “Le temps est venu ! (c)ouvrons les murs.’” s’enthousiasme-t-elle. “Mais travailler sur l’engagement est aussi une question de relève. C’est un sujet difficile”. Un autre exemple de rôle central des individus est celui de Yannick Fresko et Marie-Claude Belin, enseignants au collège de Loos-en-Gohelle et porteurs de nombreuses initiatives d’animation à la transition, avec le soutien de leur hiérarchie. “Tout cela, c’est grâce au travail en amont de Marcel Caron, le père de Jean-François, et ancien maire. Il a permis l’implantation du collège à Loos.” précise Manuella Cavaco. “Aujourd’hui, cet établissement de 300 élèves bénéficie du travail de sensibilisation du principal et d’enseignants très motivés.”

Travailler sur l’engagement est aussi une question de relève. C’est un sujet difficile.

Béatrice Bouquet

La dynamique humaine au sein d’une structure explique aussi une évolution de leur positionnement sociétal et politique – dans le sens des rapports entre acteurs locaux comme de leur stratégie de développement. Le projet citoyen “Mine de Soleil”, visant à démocratiser l’installation du photovoltaïque sur les toits de Loos, a connu plusieurs phases de vie avant son état actuel. “Initialement lancé par la mairie, le projet est devenu une SAS [Société par Actions Simplifiées] en 2018. Aujourd’hui, les citoyens ont 36,5% des parts et sont donc majoritaires !” détaille Jean-Luc Mathé. Ce dernier préside en effet le Comité Consultatif Citoyen de Mine de Soleil, un organe intermédiaire de 9 membres qui travaille de concert avec le Conseil de Gestion, plus opérationnel. “Le caractère citoyen est un élément clé de l’acceptabilité d’un projet Energie Renouvelable”, estime Jean-Luc Mathé.”A Mine de Soleil, les citoyens ont donc demandé l’orientation du projet vers l’équipement prioritaire des bâtiments municipaux et des grandes toitures privées, mais aussi vers l’essaimage en direction du pôle métropolitain de l’Artois.”

Hors du territoire : question de financement, de réseau et de légitimité

L’apport de la reconnaissance ADEME

Si l’on s’éloigne un peu des acteurs purement locaux, dans quelle mesure les interactions avec des structures nationales – institutionnelles, économiques, ou simplement de “réseaux” – sont-elles nécessaires à la conduite de la transition pour Loos-en-Gohelle ? Le premier apport qui vient à l’esprit est celui de l’ADEME [Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie], qui a reconnu en 2014 la commune comme “démonstrateur national du changement vers la ville durable”. Le site de la mairie précise que “la ville bénéficie [ainsi] de financements de l’ADEME pour mener des expérimentations et innovations qui sont ensuite diffusées vers tous les acteurs intéressés”. Mais encore ? “Cet apport nous permet de travailler sur notre contenu et nos méthodes : concrètement, nous avons un mi-temps dédié grâce [au financement ADEME].” précise Francis Maréchal. Autrement dit, “cela nous permet de faire un pas de côté et de regarder ce que l’on fait.”

Diagnostic de territoire mené sur le quartier Ouest de Loos avec un groupe d’habitants / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Une prise de recul capitale pour formaliser le retour d’expérience engrangé à Loos depuis des décennies, et qui crédibilise en retour l’action réalisée. D’ailleurs, ce travail méthodologique a posteriori est aussi croisé avec la production de “ressources” du CERDD, évoqué par Marjorie Duchêne. A Clermont, Nicolas Duracka, responsable scientifique du CISCA [Centre d’Innovation Sociale Clermont-Auvergne] connaît bien le travail de Loos-en-Gohelle. Il confirme : “la méthodologie déployée est solide, c’est celle qui est à la base de la Fabrique des Transitions. Elle permet de porter un vrai narratif en aval, avec des symboles forts comme le ‘ciel étoilé’ ou les ‘petits cailloux’” (éléments constitutifs de l’approche de la transition développée à Loos).

Lire l’entretien : Pour Nicolas Duracka, le CISCA doit “valoriser et mettre à disposition les solutions existantes”

L’apport d’une reconnaissance comme celle de l’ADEME se situe également au niveau technique. “L’ADEME nous a soutenus en ingénierie.” précise Jean-François Caron. “Par exemple avec le ‘Plan solaire’ : nous avons été accompagnés pour le montage juridique, la recherche de subventions … c’est une façon d’aller chercher de l’ingénierie complémentaire en innovation.” Cet apport technique peut faire la différence au niveau de nombreux projets. Francis Maréchal tenait à prouver que “le solaire, ça ne marche pas que dans le Sud” : un pari semble-t-il gagné depuis l’installation photovoltaïque sur l’église, qui n’aurait sans doute pas atteint son but sans aide extérieure.

La méthodologie déployée est solide. Elle permet de porter un vrai narratif en aval.

Nicolas Duracka

Une légitimation nationale

Enfin, l’ADEME a sans doute été la première “validation” officielle, institutionnelle, et surtout nationale du succès de la transition à Loos. “C’est une reconnaissance de notre travail”, estime Jean-François Caron. Les années d’expérimentations hyper-locales, de tâtonnements, d’essais-erreurs ont donc fini par être remarquées et valorisées par une instance extra-territoriale. “Nous sommes fiers de ce qu’il se passe à Loos. Mais, dans cette fierté, le regard depuis l’extérieur [du territoire] compte beaucoup.” poursuit le maire.

On voit en effet, comme le dit Jean-François Caron, les terrils “passer du noir au vert”. Les terrils jumeaux de Loos-en-Gohelle sont classés à l’UNESCO (dans le cadre du bassin minier) / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Depuis, une sorte de cercle vertueux de visibilité s’est mis en place, dont le bénéfice est partagé par tous : l’action de la ville et des acteurs locaux est reconnue, le territoire est crédibilisé au regard de partenaires potentiels, les expérimentations en sont facilitées, et le “rayonnement” est entretenu pour alimenter ce cercle mais aussi pour essaimer hors du territoire. “On est regardé autrement par certains acteurs, et on peut mieux monter nos projets.” confirme le maire. “Mais ça donne aussi une capacité de rayonnement et de croisement avec d’autres [territoires]. D’ailleurs, on m’invite beaucoup dans des colloques (…) je suis par exemple grand témoin des assises européennes de la transition énergétique [fin mai 2022].”

Rayonnement ou essaimage, ce sont les deux faces d’une même pièce. Si la communication, voire la médiatisation (comme avec ce reportage publié en juin 2020 dans Paris Match) sont nécessaires, elles ne servent à rien si l’expérience n’est pas partagée et surtout dupliquée ailleurs. En local, les visites urbaines assurées par Manuella ou les DDTours du CERDD évoqués par Marjorie sont des déclinaisons pour celles et ceux qui souhaitent constater sur place. Ailleurs, c’est principalement la Fabrique des Transitions, l’association créée en 2019 pour accompagner les autres collectivités à la transition, qui est le fer de lance de l’essaimage.

Il n’y a pas tant d’endroits que ça où [la transition] tient en ‘systémique’

Jean-François Caron

L’expérience de Loos sollicitée

Il est intéressant de noter que ce sont quatre “villes en transition” – Loos-en-Gohelle, mais aussi Grande-Synthe (Nord), Malaunay (Seine-Maritime) et le Mené (Côtes d’Armor) – qui ont créé la Fabrique. Pour autant, et malgré ce travail de sensibilisation, la transition avance lentement. “Il n’y a pas tant d’endroits que ça où [la transition] tient en ‘systémique’.” reconnaît, et regrette, Jean-François Caron. “Ça fonctionne mieux en ‘analytique’ : par exemple, de nombreuses communes font un gros travail sur une thématique précise, comme l’eau ou l’éco-construction. Il y a beaucoup de villes pionnières sur ces sujets ! Mais pas en systémique : Rob Hopkins [fondateur du Transition Network] dit même que ce n’est qu’à Loos que ‘ça fait système’.

Néanmoins, si tout le monde n’avance pas au même rythme, l’expérience de Loos-en-Gohelle parvient à toucher un public de plus en plus large et varié, que ça soit via la participation personnelle du maire aux événements nationaux (ou internationaux), ou via le travail d’accompagnement de la Fabrique des Transitions. “Jean-François Caron est connu et reconnu par plein de collectivités.” souligne Nicolas Duracka. “Il leur dit, en substance : ‘Si je l’ai fait à Loos, tu peux le faire dans ta ville’ [de petite taille]. Surtout, ce n’est pas la même chose que ce que font des métropoles en transition comme Grenoble : l’expérience n’y est pas forcément transposable dans des petites communes.” Le maire porte d’ailleurs son message dans des réseaux plus classiques, comme les Maires de France. Et il se rend facilement disponible. “On voit un élu local qui a fait la transition. Donc on l’appelle quand on veut avancer.” conclut Nicolas.

Lire l’entretien : Pour Eric Piolle, “ce qui m’intéresse, c’est la conduite du changement”

Une mairie qui doit s’adapter à une transition très exigeante

Créer et surtout maintenir la confiance sur le long terme

Le rôle de la ville est évidemment central dans la transition du territoire municipal. Et celle-ci est ambitieuse : il faut changer des décennies d’habitudes de production, de consommation, de gouvernance des acteurs socio-économiques, et accepter d’être contraints par les limites planétaires. On a vu ensemble le besoin d’embarquer la population et les structures locales : ce “ciment” de la confiance doit être initié par la mairie, sans laquelle l’édifice serait bien plus précaire.

Créer de la confiance, c’est d’abord faire naître une envie. Que ce soit par un “futur désirable” ou dans la manière de faire. Jean-Luc Mathé reconnaît la vertu de cette approche mise en place, selon lui, par la mairie : “Beaucoup de projets de transition qui sont des projets citoyens. Ils sont pour la plupart initiés ou transformés par la mairie dans ce but.” souligne-t-il, prenant l’exemple de Mine de Soleil. “Avec ce projet, on a fait émerger le désirable” estime Manuella Cavaco. Selon elle, la forte adhésion de la population à un tel projet, pourtant technique par nature, est un marqueur de confiance.

Le comité citoyen de la SAS Mine de soleil pose devant la centrale Lumiwatt, démonstrateur d’énergie photovoltaïque mis en place par le CD2E sur le site de la base 11/19 / Crédit photo : Mine de Soleil (DR)

Pour autant, le monde associatif ne donne pas un blanc-seing à l’action municipale. Les modes d’interaction sont, en fait, assez variés : des projets montés par la ville comme Mine de Soleil à la mise à disposition de terrains ou de bâtiments comme pour le Porte Mine ou Loos NGourma, en passant par des relations de “projet” comme pour Culture Commune ou les Anges Gardins. “Nous avons toujours des relations constructives avec la mairie.” insiste Dominique Hays. “Mais la question reste : quel chemin de coopération suivre ensemble ? Il faut comprendre les problématiques l’un de l’autre, mais ça ne doit pas devenir un joug pour nous que de devoir composer avec trop de ‘parapluies’ imposés au secteur public et répercutés sur nous.”

La mise à disposition d’actifs fonciers est aussi à prendre avec du recul. Dominique Hays poursuit : “Quand les Anges Gardins reprennent un terrain, [la ville] ne s’en débarrasse pas : elle requalifie son usage, qu’il devienne social, culturel, agricole…  Or, je dois toujours rappeler le secteur public qu’il n’est pas démissionnaire quand il passe [du foncier] à une association. Il doit nous accompagner sur la durée pour la richesse qu’on y crée !” Marie Forquet, du Porte Mine, a un avis plus tranché : “Je pense que la municipalité ne fait pas encore suffisamment confiance à la société civile.”, regrette-t-elle. 

Le curseur relationnel avec la mairie se pose donc à différents endroits, selon l’historique de la structure, la personnalité de son animateur et les objectifs sociétaux ou économiques. Côté ville, un a priori de confiance doit être maintenu “par tous temps”. Dominique Hays le résume ainsi : “La collectivité ne doit pas faire ‘pour’ nous mais ‘avec’ nous [la société civile]. Pendant la [pandémie de Covid-19], il y avait des cellules de crise quotidiennes mais uniquement avec des acteurs publics, sans association [comme le club de foot]. Pourtant, si l’on veut faire société face à la crise, il faut travailler avec les acteurs de l’intérêt général. Quelle articulation imaginer pour que nous soyons partout, chacun jouant son rôle mais sur le même pont, ensemble ?”

Durant le festival la Constellation Imaginaire animé par Culture Commune, la population est invitée à prendre possession des lieux totems comme la Base 11/19, de manière festive et décalée (ici en 2017) / Crédit photo : Antoine Repessé (DR)

Dynamisme des actions mais petite taille : trop vite, trop fort ?

Et en interne ? Francis Maréchal résume l’historique du changement, appliqué au fonctionnement de la mairie de Loos-en-Gohelle, au sein de laquelle il travaille depuis 2008 : “la transition passe au-dessus de tout ! Mais il a fallu d’abord convaincre les autres conseillers municipaux du bien fondé de ce principe. (…) Ensuite, il faut expérimenter puis massifier. Mais nous sommes une petite commune minière, avec peu de revenus : nous devons être imaginatifs.” D’où le mode projet et la coopération, qui se sont imposés dans tous les services municipaux. “Ici, nous avons des ‘portes’ entre les services, avec des réunions partagées et une approche collective pour chaque projet.” résume-t-il. “Enfin, nous pratiquons beaucoup d’idéation avec les habitants, en début de mandat. Et nous établissons avec eux une feuille de route pour 6 ans, complétée de rencontres et de séminaires au fil de l’eau.

Si la petite taille de Loos-en-Gohelle (pour rappel, 6500 habitants) signifie proximité, elle présente aussi le risque de l’entre-soi et donc de favoritisme. Au détriment de porteurs de projets qui se disent “moins docile”, comme Marie Forquet du Porte Mine. “L’écosystème n’est pas si évident, ici. Il y a une forme de copinage.” regrette-t-elle. Ce qui la pousse à “prouver que des projets indépendants peuvent marcher” et à chercher un modèle d’affaire le plus autonome possible. 

L’autre pendant de la petite taille est le manque de moyens. Combinés avec une stratégie très ambitieuse, une position de pionnier (donc plutôt isolé, en tous cas explorateur) – sous le feu des projecteurs depuis la labellisation ADEME, le résultat peut se traduire en charge de travail intense pour les élus et les agents. “Il y a une très forte pression sur les équipes de la mairie”, estime Marjorie Duchêne du CERDD, “en lien avec le besoin d’être exemplaire sur la transition.” Et, plus largement, une inévitable éco-anxiété inhérente à une meilleure conscience des enjeux écologiques planétaires.

Si la mairie peut optimiser son fonctionnement et sa gouvernance pour les adapter à la transition, elle est aussi dépendante d’autres collectivités plus larges et de réglementations nationales contraignantes. Pour des acteurs de la société civile souvent bien plus agiles, cela peut générer de l’incompréhension. C’est ce que craint Dominique Hays : “comment s’en sortir dans complexités administratives croissantes, pas forcément liées à la ville, mais qui tuent l’innovation sociale ?” se demande-t-il. “Par exemple pour les cantines scolaires : souvent, l’acheteur n’a pas le même patron que le cuisinier, et la planification administrative et les normes réglementaires requises sont incompatibles avec les disponibilités des produits de saison.” Je vous passe l’expression qui a suivi, mais Dominique était passablement énervé de cette situation kafkaïenne qui pénalise fortement l’alimentation locale et de saison dans la restauration scolaire.

Des jeunes examinent un hôtel à insectes en bordure du Jardin des Achillées, animé par Loos N’Gourma / Crédit photo : Loos N’Gourma (DR)

Conserver la lisibilité de la transition

Enfin, cette multiplicité d’initiatives dans une approche systémique risque de rendre très compliquée la lecture de la transition. Tous les projets sont-ils bien compris par la population ? “D’un côté, il y a le discours sur la mémoire minière et ses difficultés, et de l’autre côté, la transformation.” résume Marie Forquet. “Mais, au fond, qu’est-ce cela veut dire pour les gens d’ici ? Ils peuvent la voir comme une contrainte.” On retombe sur le débat désormais classique de l’écologie “punitive”, ou qualifiée comme telle. Plus il y aura d’actions engagées et d’enjeux adressés, plus le besoin d’explication et de clarification sera nécessaire.

D’autant plus qu’il y a parfois des initiatives de la mairie qui semblent à certains en contradiction avec la transition. Ou qui sont incomprises parce qu’elles font appel à une stratégie non partagée. Béatrice Bouquet, de Loos NGourma, était élue pendant 20 ans à Loos, conseillère municipale sous Marcel Caron puis (brièvement) adjointe à l’environnement et au cadre de vie sous Jean-François. Elle assume une approche personnelle plus basée sur la sobriété et l’adaptation. Du coup, elle souhaiterait “plus d’arbres en ville, plutôt que de multiplier les panneaux solaires”. Et, plus largement, une cohérence d’actions qu’elle ne perçoit pas : “quand la place de la mairie est refaite en urgence avec du macadam, ça m’interpelle”, confesse-t-elle.

Le tiraillement entre les stratégies de transition est un classique. Faut-il miser sur l’innovation, sur la décroissance, sur les infrastructures ? Le court-terme doit-il l’emporter sur le long-terme pour favoriser l’acceptabilité ? Souvent, il est difficile (mais pas impossible !) de combiner ces approches. Un dilemme écologique parmi plusieurs, bien connu des militants depuis les premiers temps du développement durable. “Au sommet de Rio [en 1992], la conscience planétaire est née mais elle a vite été contrebalancée par de nombreux peuples qui disaient ‘on meurt de faim !’” se souvient Jean-François Caron.

Le maire : forces et faiblesses d’un porteur de la transition

L’image de Jean-François Caron

Terminons par un petit focus sur la personnalité de Jean-François Caron. Il est clairement la clé de voûte du dispositif, même s’il est soutenu et relayé par de nombreux acteurs – des élus et agents de la mairie aux structures qu’il a créées, transformées ou soutenues, jusqu’à la Fabrique des Transitions qui déploie sa méthode au niveau national. Si son rôle pionnier et son dynamisme sont reconnus par toutes les personnes que j’ai pu rencontrer, il est également soumis aux pressions et aléas que peuvent connaître tous les porteurs de projets innovants, ce qu’est – en somme – la conduite de la transition à Loos-en-Gohelle.

Lire l’entretien : Avec Jean-François Caron, la transition des collectivités se construit ensemble

Jean-François Caron est une personnalité connue, en local bien sûr mais désormais au national. Il convient donc de l’aborder par l’image qu’il donne : “C’est un maire qui a ‘fait’ la transition tout seul, ou en tous cas avec une équipe très resserrée et des moyens minimes.” commente Nicolas Duracka, du CISCA. “Pas comme les maires des grandes comme Eric Piolle à Grenoble. Et ça, ça force le respect.” Si l’apport de Marcel Caron, son père et ancien maire, est indéniable, c’est apparemment avec Jean-François que la transition a vraiment décollé à Loos. Pour preuve, les nombreuses structures-clé qu’il a créées ou présidé, des années 80 à aujourd’hui : Gohelliades, Chaîne des Terrils, CERDD, CD2E … mais aussi, indirectement, Mine de Soleil ou l’Archipel Nourricier des Anges Gardins.

Au vu de la petite taille de la ville, le nombre de structures de portée régionale ou plus est assez impressionnant. Outre celles de la Base 11/19, voici par exemple le centre d’apprentissage de la Fondation d’Auteuil / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Une personnalité visionnaire et encapacitante

Cette image dynamique est bien sûr renforcée par son caractère charismatique, reconnu là aussi par à peu près tous mes interlocuteurs : “C’est une sacrée personnalité. Les gens accrochent bien, et il sait emporter l’adhésion.” poursuit Nicolas Duracka. “Le discours de transition de Jean-François Caron est convaincant.” estime Alice Salamon du CD2E. “Il y a eu une vraie volonté du maire, avec d’autres acteurs, de créer l’écopole [de la base 11/19]”, selon Marjorie Duchêne du CERDD. “Je suis devenu ‘monsieur capacitation’ des acteurs.” reconnaît l’intéressé. “Mais il faut comprendre les problématiques en les étudiant, en échangeant, pendant deux ou trois ans pour que ça “mature”. C’est ensuite que l’on est en mesure de créer les bonnes structures pour faire levier.”

Je suis devenu ‘monsieur capacitation’ des acteurs.

Jean-François Caron

Créer est sans doute facile, mais tenir dans la durée n’est pas donné à tout le monde. Reconnaissons la combativité de Jean-François Caron sur le long terme, ce que certains appellent de l’obstination. Mais il en faut probablement pour tenir la barque de la transition quand elle quitte le port. “Au début des années 90, c’était très dur pour la population de se projeter.” se rappelle le maire. “Mais ça nous a donné une forme d’énergie du désespoir. (…) La population s’est transformée dans ce processus.” Et de donner l’exemple de décisions difficiles, d’adaptations du cap : “nous travaillions alors sur le Plan d’Occupation des Sols [en 1995-1996]. Mais j’ai interrompu les travaux techniques en disant que ce n’était pas possible de penser une construction d’avenir si on n’était pas au clair sur qui on est, ce qui nous fonde, quelles sont nos valeurs.” Jean-François Caron conclut ainsi : “La vision d’un territoire n’apparaît pas d’un seul coup. C’est un travail collectif et progressif.”

Connaître ses racines pour se projeter vers l’avenir, un leitmotiv de Jean-François Caron. Ici, le site mémoriel de la “cote 70”, qui a fait l’objet d’une terrible bataille durant la première guerre mondiale, concernant notamment les soldats Canadiens / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Exigence et réseau

La combativité s’est souvent transformée en exigence, ce qui peut être dur pour les équipes comme pour les partenaires et la population. Tout y est affaire de curseur. “Je préfère parler de ‘développement soutenable’ plutôt que durable.” confesse Jean-François Caron. “Mon travail porte sur les enjeux de développement du bassin minier à condition qu’ils soient compatibles avec les limites planétaires.” C’est le cadre de son action, celui d’une quête d’un nouveau modèle de développement qui ne présuppose pas des ressources infinies. “Mais il ne faut pas juste ‘moins d’impact’, il faut réviser l’imaginaire du développement !” insiste-t-il. De là le travail sur le narratif – peut-être le plus difficile à réaliser – mais aussi la prise en compte esthétique et symbolique des terrils, les projets purement fédérateurs comme la confection de l’écharpe, les spectacles collaboratifs des Gohelliades … cette ambition de Jean-François Caron percole dans toute la transition locale, mais peut aussi en dérouter certains, nous l’avons vu.

Il ne faut pas juste ‘moins d’impact’, il faut réviser l’imaginaire du développement !

Jean-François Caron

Quelle indépendance du jeu politique ?

Et comment se positionner dans le jeu politique quand on porte la transition de sa ville ? Si le maire est étiqueté, officiellement, Europe Ecologie Les Verts [EELV], il décrit son engagement comme plutôt “apolitique”: “Tout le monde sait que je suis écolo” reconnaît-il. “Mais je me méfie de l’entrée idéologique : à Loos, on a pris nos problèmes à bras-le-corps, et on a essayé de les régler. Progressivement, ça a structuré une vision de l’écologie en marche.” (sans jeu de mots, promis). Cette approche pragmatique le fait, semble-t-il, voir comme un élu “incontrôlable” par les appareils politiques traditionnels. “Le député socialiste avait parlé de ‘cordon sanitaire’ autour de Loos, il y a 10 ans !” s’amuse-t-il. Peine perdue pour ce député : Jean-François Caron est maire depuis 2001, régulièrement élu avec “des scores staliniens” selon ses propres termes … du fait de l’absence de liste concurrente. A quelques kilomètres de Hénin-Beaumont, gouvernée par l’extrême-droite, la situation est plutôt remarquable. 

Jean-François Caron en plein échange avec Jérémy Rifkin, essayiste et prospectiviste mondialement connu, lors de sa visite en 2013 / Crédit photo : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)

Mais là où ça fait un carton, c’est avec les acteurs hors territoire”, de tous bords politiques s’entend. En effet, Jean-François Caron est aussi très dynamique dans son relationnel et sa mission de prêcheur. “Il est bien inscrit dans les réseaux d’élus locaux” à travers la France, comme le souligne Nicolas Duracka, le maire de Loos-en-Gohelle passe beaucoup de temps à porter la bonne parole, via la Fabrique des Transitions et surtout en personne. Dans le Puy-de-Dôme, dont le Conseil Départemental a été le premier à adhérer à la Fabrique, Jean-François Caron s’est déplacé à plusieurs reprises pour rencontrer les élus locaux et lancer une “Fabrique Départementale des Transitions”. Plus largement, il est sollicité (via la Fabrique) par des structures aussi diverses que la région Centre, la ville de Lyon, l’ANCT [Agence Nationale de la Cohésion des Territoires], le Cerema … Peut-être un signe que la transition ‘prend’ petit à petit au niveau national.

Lire l’entretien : “Le département est la bonne échelle pour la transition écologique” selon Jean-Yves Gouttebel
(ancien président du Conseil Départemental du Puy-de-Dôme)

Conclusion : vers un retour du sensible

Jean-François Caron va bientôt quitter son poste. Sans doute à mi-mandat, soit … l’année prochaine. La transition est-elle suffisamment implantée à Loos-en-Gohelle pour lui survivre ? Que se passe-t-il quand le porteur d’un tel projet passe la main ? Cette question hante toutes les petites entreprises ou les associations dynamiques qui avancent par la volonté d’un fondateur, ou même d’un groupe très restreint de personnes.

Le maire de Loos a, semble-t-il, “assuré ses arrières” en transversalisant sa gouvernance en local, et en déployant la Fabrique des Transitions au national. Il parie sur la bonne personne, en l’occurrence Geoffrey Mathon, son directeur des services : ce dernier aura beaucoup de pain sur la planche, à commencer par se montrer au moins aussi combatif, charismatique et ambitieux. Et par se faire accepter des acteurs en place.

En complément : Antoine Raynaud, directeur de cabinet, sur la transmission du mandat

Antoine Raynaud a en charge plusieurs fonctions à la ville de Loos-en-Gohelle. En tant que directeur de cabinet du maire, il doit notamment s’assurer que la transmission des fonctions de Jean-François Caron à son successeur se passe de façon optimale. Mieux : c’est un véritable “projet” qui a été mûri et préparé depuis les premiers temps de ce mandat.

Jean-François Caron avait annoncé dès 2020 son départ à mi-mandat, en mars 2023. Il a donc été transparent sur ce point avec les Loossois. La campagne municipale a d’ailleurs été menée en tandem avec son successeur, Geoffrey Mathon, qui avait commencé au sein de la mairie comme contrat aidé chargé de la vie associative, jusqu’à devenir Directeur Général des Services. Il a aussi un engagement associatif, personnel, de longue date.

Cette transmission se prépare donc depuis l’amont des élections. L’équipe a travaillé d’abord sur ce qui faisait les qualités d’un bon maire pour Loos, puis sur qui pourrait l’incarner au mieux dans l’équipe municipale. La clé étant à la fois d’assurer la pérennité du projet de transition, et de garantir la légitimité du nouveau maire en interne. Cela a donc été fait via une ‘élection sans candidat’ en interne, où Geoffrey Mathon a été choisi à l’unanimité au sein de l’équipe politique.

Ensuite, au-delà de l’élection, il s’agissait de travailler sur d’autres points comme la gouvernance en interne, la préparation de projets spécifiques à son mandat et une réflexion autour de sa vision politique et de ses priorités en tant que maire.

Il y a aussi un enjeu à faire ‘apparaître’ Geoffrey Mathon dans l’écosystème local et même national – sachant qu’il est par ailleurs chargé de mission numérique à l’agglomération de Lens. Ainsi, Geoffrey Mathon a pris à son compte une partie importante du travail de représentation et notamment la présence aux manifestations communales, ainsi que les rendez-vous individuels avec les habitants, de façon à ce qu’il puisse se rapprocher du quotidien des Loossois et que ceux-ci l’identifient professivement comme le futur maire.

Beaeucoup de choses ont été travaillées en commun et en interne. Des ‘espaces de transmission’ ont ainsi été mis en place avec Jean-François Caron pour bénéficier de son retour d’expérience sur des sujets précis – problématiques individuelles d’habitants, relation aux élus du territoire, éléments de vision politique. Ils se sont faits sous la forme de simples temps de travail à trois (Jean-François Caron, Geoffrey Mathon et moi), ou avec la Direction générale et politique (réunion du maire, du premier adjoint, de la Direction Générale, du Directeur de cabinet, du Directeur des Services Techniques et de l’assistante de direction), notamment pour ce qui touche aux projets et à la gouvernance interne.

Pour conclure, il y a également la question du passage de relais en 2023, à commencer par les derniers voeux de Jean-François Caron aux Loossois, jusqu’à un événement de transmission au printemps suivi du conseil municipal qui entérinera la nomination du nouveau maire.”

En attendant, Jean-François Caron se contente de choses simples, signaux modestes mais prometteurs des effets positifs de la transition à Loos. A la fin de notre entretien, il me liste des résultats sociaux ou économiques tous positifs, mais je sens son regard s’allumer quand l’ornithologue amateur prend la parole : “Un grand duc a été aperçu, nichant à Loos. Sans parler des hirondelles de rivages, qui reviennent nous voir. Pour moi, ce sont des vrais signes, au moment où je vais tourner la page. C’est très symbolique.

Pour aller plus loin :
– le site de la ville de Loos-en-Gohelle qui propose des documents complémentaires sur la transition
la Fabrique des Transitions, née de l’expérience loosoise, et qui propose un accompagnement de territoires

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Texte basé sur des visites sur place et des entretiens, réalisés entre le 16 mai et le 14 juin 2022. Les citations ont été relues et éventuellement corrigées par les personnes concernées. Merci à Antoine Raynaud, Nadine Dupire, Marine Fourneau, Nathalie Tellart pour leur aide précieuse, et à Manuella et sa famille pour le déjeuner salvateur 🙂 Crédit photo de Une : Ville de Loos-en-Gohelle (DR)