Dernier ouvrage qui est aussi le premier : le livre “Si on ne le fait pas, qui le fera ?” publié par votre média préféré, décrypté par ses trois auteurs Marie-Pierre Demarty, Virginie Rossigneux et Damien Caillard.
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Mon ressenti
Une auto-interview avec dédoublement de la personnalité sur un livre qui est miroir d’un média que j’ai lancé (le média) (mais le livre aussi) : voici ce que je vous propose ce samedi. L’exercice était intéressant, pas si difficile au final, et a permis une prise de recul somme toute pertinente par rapport au travail de conception et de rédaction de l’ouvrage.
En guise de ressenti… celui-ci portera principalement sur le fait de s’atteler à un livre quand mon travail principal est en ligne. Temporalité, narration, formatage, budget et logistique : tous ces points ne se traitent pas de la même manière, que l’on écrive sur papier ou sur internet. Le livre permet une mise en perspective différente des entretiens qui sont sans doute moins “isolés” que ceux que je vous propose en ligne (déjà, parce qu’ils sont publiés d’un bloc et non au fil d’une année). Et c’est, je pense, cette mise en perspective qui apporte l’intérêt éditorial le plus notable : on y voit mieux ce qui relie, ce qui oppose, et quels sont les fils conducteurs qui se dégagent de l’ensemble.
Bien sûr, Marie-Pierre, Virginie et moi avons été félicités de la sortie de l’ouvrage début septembre. Pourtant, ce n’était que le milieu du gué : disons que ce n’est pas fondamentalement difficile d’écrire un livre – il faut du temps, de l’organisation, de la technique bien sûr, et un peu de budget, mais ça se gère. Le plus incertain commence maintenant : est-ce que le public, les lecteurs, seront intéressés ? Suffisamment pour investir 19 € dans l’ouvrage ? Pour l’instant, l’accueil des libraires (très majoritairement indépendants à ce stade) est positif, et je les remercie de leur confiance. Les médias locaux aussi semblent s’intéresser à l’ouvrage et nous sollicitent peu à peu. En parallèle, ce dernier étant auto-édité, je m’occupe de sa distribution logistique, des envois postaux, des réassorts de librairies… Nécessaire mais chronophage. Ce serait à refaire, nous nous orienterions probablement vers un éditeur professionnel. Peut-être pour la prochaine fois ?
En attendant, si l’ouvrage vous intéresse, la liste des entretiens, des extraits, les points de vente en ligne ou en Auvergne et l’agenda des rencontres avec les auteurs sont détaillées sur la page www.livretransitionauvergne.fr. Et, bien sûr, merci mille fois à Virginie, Marie-Pierre, Bas, Anne-Marie, Olivier, Serge, et toutes les personnes qui nous ont conseillées et soutenues pour la préparation de ce premier livre.
Damien
Les principaux points à retenir
- Le livre “Si on ne le fait pas, qui le fera ?” rassemble des interviews de 37 acteurs engagés du territoire Auvergnat (ici, Puy-de-Dôme, Allier, Haute-Loire). Elus, militants associatifs, chercheurs, entrepreneurs s’expriment sur leur vision de la transition écologique et de la résilience territoriale, et sur les initiatives lancées ou espérées.
- L’apport des trois auteurs permet une lecture différente selon les sections (collectivités, monde économique, société civile) avec un regard complémentaire. Damien (journaliste) a initié et porté le projet, réalisant la majorité des entretiens avec Virginie (coach et psychothérapeute), tandis que Marie-Pierre (actrice de la vie associative) a rejoint le projet en 2022 pour la structuration finale et la mise en forme. Leurs visions se croisent dans les “interstices“, textes courts qui relient les interviews et donne de la cohérence à l’ensemble, insiste Marie-Pierre.
- Virginie souligne, elle, l’importance capitale de l’audace et de l’émotion. C’est ce qu’elle cherchait à capter durant les entretiens : face à l’urgence écologique, ce sont des femmes et des hommes qui portent, non sans de nombreuses difficultés, les initiatives de résilience territoriale. L’émotion, c’est l’énergie en mouvement, bien souvent le facteur déclenchant de la prise d’initiative. Les entretiens mettent en avant ce facteur-clé d’engagement territorial et d’incarnation.
- Au final, la raison d’être du livre est de donner envie d’agir. De par son titre, de par l’angle humain (l’ouvrage étant articulé autour des entretiens), et de par la force comme la fragilité que l’on ressent en parcourant les échanges. Changer de système, rendre le territoire résilient face à un futur encore incertain, c’est se heurter à de nombreuses résistances. Avec ce livre, nous comprenons mieux comment des acteurs locaux vivent cet engagement. En tous cas, ce qui est certain, c’est qu’il n’est pas difficile de faire le premier pas : les opportunités offertes par les collectivités, les entreprises et surtout la société civile sont très nombreuses du moment que l’on a fait le choix de l’action.
- D’un autre côté, quels sont les freins personnels à l’engagement ? Marie-Pierre précise qu’on ne pense pas toujours à agir, même si l’on est conscient des enjeux et des problèmes environnementaux… peut-être parce qu’on ne connait pas les initiatives locales, tout simplement. Virginie, elle, insiste sur le déni généralisé dans la société, malgré la certitude scientifique. Au niveau neurologique, il semblerait que notre cerveau a besoin d’être rassuré sur le futur pour se mettre en mouvement : dans une période de forte incertitude, cela expliquerait les blocages. Enfin, il y a l’inertie du système socio-économique actuel, qui donne l’apparence du fonctionnement et qui porte des valeurs encore très différentes de celles de la résilience.
- Pour aller plus loin dans les initiatives locales – qui sont nombreuses – il manque de la “reliance“, insistent les auteurs. Autrement dit, de l’interconnaissance de ces engagements différents, du décloisonnement entre les univers (public, privé, associatif…). De même, certains changements ne peuvent se faire qu’à grande échelle pour être efficaces, comme sur les schémas territoriaux de mobilité. Pour cela, il est nécessaire d’avoir une vision systémique, de tout remettre à plat.
L’intervenante : Marie-Pierre Demarty
Rédactrice de contenu en indépendante ; engagée dans la vie associative auvergnate (Le Damier, la Baie des Singes, Trois Gouttes d’Eau) ; membre de l’équipe éditoriale TEDxClermont
Marie-Pierre a été journaliste en presse quotidienne locale ou régionale dans une première vie, a géré des projets culturels dans une seconde, et s’occupe aujourd’hui en free-lance de communication écrite, au service d’entreprises, collectivités et collectifs en Auvergne.
Parallèlement, elle s’engage bénévolement auprès de nombreuses initiatives culturelles, citoyennes, environnementales ou collaboratives… Entre autres, elle a été cofondatrice (et dernière présidente) d’Épicentre Factory, tiers-lieu emblématique de Clermont-Ferrand qui a grouillé de vie et de projets de 2013 à 2020. Elle siège dans divers bureaux et conseils d’administration, dont : la Baie des Singes, l’une des rares salles de spectacle associatives de la région ; l’association Trois Gouttes d’eau qui s’attache à préserver lien social et environnement dans son village surplombant la Limagne, à flanc de volcan ; un groupement d’employeurs réunissant une centaine de TPE du Puy-de-Dôme, une association d’éducation aux médias… Elle est également active dans le Damier, cluster local des entreprises créatives et culturelles, et dans la recherche d’idées et de conférenciers pour TEDxClermont.
Le lien entre tout ça ? Un besoin frénétique de transmettre, de faire partager de la connaissance et de la réflexion, pour contribuer à construire un monde où chacun trouve sa place en bonne intelligence avec le reste de la planète et du vivant.
Texte issu de la section de présentation des auteurs dans le livre “Si on ne le fait pas, qui le fera ?” paru en septembre 2022
Crédit photo : Marie-Pierre Demarty (DR)
L’intervenante : Virginie Rossigneux
Coach professionnelle en entreprises ; psychothérapeute ; animatrice du Club Open Innovation Auvergne ; collaboratrice à Sens9
Virginie, exploratrice des potentialités humaines, a commencé en 2000 l’accompagnement des personnes par la danse-thérapie puis a évolué très rapidement dans le monde des entreprises en devenant coach professionnel Gestalt pour les grands groupes, PME et TPE.
Née et évoluant jusqu’à l’âge de 30 ans à Paris, son coup de foudre pour l’Auvergne fut la conséquence de sa rencontre en 2002 avec les Amérindiens d’Amérique du Nord, les Algonkins auprès desquels elle apprit leurs pratiques spirituelles et leurs modes de vie. A partir de 2004 et pendant 7 ans, elle s’installa dans les Combrailles où elle apprit à vivre de peu, à observer les pratiques paysannes, à cultiver la terre, à couper du bois tout en continuant les accompagnements d’équipes professionnelles. Loin des bruits et de l’accélération de Paris, elle s’engagea dans de nombreuses initiatives et associations pour mettre en place des circuits courts d’entraide, de coopération, comme entre autres la monnaie le SEL.
Aujourd’hui, elle allie ses expériences passées rurales à sa compétence de coach et de thérapeute pour accompagner les dirigeants et les managers à oser leurs rêves de changement et à développer leurs ressources vers une économie respectueuse voire gardienne de notre environnement. De plus, elle anime depuis quatre ans le club Open Innovation d’Auvergne et collabore au projet Sens9, en qualité de facilitatrice d’intelligence collective et de cohésion de groupe. Elle est également spécialisée dans les phénomènes de conflit et de violence interpersonnelle et groupale.
Texte issu de la section de présentation des auteurs dans le livre “Si on ne le fait pas, qui le fera ?” paru en septembre 2022
Crédit photo : Virginie Rossigneux (DR)
L’intervenant : Damien Caillard
Créateur et éditeur de Tikographie ; administrateur de Par Ici la Résilience et animateur de tables rondes ; collaborateur au TEDxClermont et à Sens9 ; Vénérable du Sommet au Connecteur
Navigant dans l’univers média/communication/numérique depuis les années 1990, Damien a été successivement entrepreneur d’une petite société de production vidéo puis collaborateur au journal La Montagne sur les sujets du numérique et de l’innovation. En 2016, il bascule dans un autre univers, celui de la « société civile » en Auvergne : économie sociale et solidaire, associations, tiers-lieux… Il est co-fondateur puis animateur, jusqu’en 2019, du média en ligne Le Connecteur, traitant de l’innovation territoriale. Il est aussi participant actif (jusqu’à en devenir, quelques mois, vice-président) du tiers-lieu Épicentre Factory – fermé en 2020.
À l’automne 2018, après la démission retentissante de Nicolas Hulot, alors ministre de l’écologie, il décide de se focaliser sur les enjeux de transition écologique dans le Puy-de-Dôme. Il crée ainsi le média numérique Tikographie, lancé en avril 2020, qu’il anime toujours par de nombreux interviews et reportages. En parallèle, il participe à Par Ici la Résilience, une jeune association organisant des tables rondes mensuelles avec des acteurs locaux de la transition – ces événements sont depuis mai 2022 animés dans le cadre de la programmation TEDxClermont.
Enfin, il collabore au projet associatif Sens9, lancé début 2022 et destiné à sensibiliser les entreprises auvergnates aux enjeux de résilience territoriale, notamment par des clubs d’entrepreneurs et des animations thématiques.
Texte issu de la section de présentation des auteurs dans le livre “Si on ne le fait pas, qui le fera ?” paru en septembre 2022
Crédit photo : Fanny Reynaud (DR)
Accès direct aux questions
- DC2 : “Si on ne le fait pas, qui le fera ?” est un livre d’entretiens écrit par trois auteurs. Comment vous êtes-vous réparti les rôles ?
- DC2 : quand on traite de l’engagement en faveur de la transition et de la résilience territoriale, qu’apporte la dimension émotionnelle ?
- DC2 : l’humain est donc central, non seulement parce qu’il s’agit d’entretiens, mais aussi pour faire bouger les lignes…
- DC2 : donc, la morale, c’est que tout le monde peut s’engager pour le territoire ?
- DC2 : quels sont les freins à l’engagement que vous avez relevés ?
- DC2 : le livre est divisé en trois sections : collectivités, entreprises, société civile. Pourquoi avoir réparti ainsi les entretiens ?
- DC2 : et que faudrait-il faire pour remédier à ce problème de cloisonnement ?
- DC2 : pour finir, quel est votre état d’esprit maintenant que le livre est publié ?
Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…
Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?
Entretien à trois voix … y compris l’animateur de ce média. Les initiales en début de chaque réponse sont donc MPD pour Marie-Pierre Demarty, VR pour Virginie Rossigneux, et DC pour Damien Caillard. Pour les questions, je n’allais quand même pas me les poser à moi-même, j’ai donc sollicité mon jumeau diabolique caché, dont les initiales sont DC2, pour mener l’interview. Bonne lecture.
Damien
DC2 : “Si on ne le fait pas, qui le fera ?” est un livre d’entretiens écrit par trois auteurs. Comment vous êtes-vous réparti les rôles ?
DC : J’ai initié et porté le projet avec Tikographie. J’avais l’habitude de faire des entretiens d’acteurs du territoire, depuis le Connecteur en 2016, notamment. C’est un exercice qui me plaît beaucoup, il met en avant des personnes qui font des choses souvent remarquables, et il permet de “creuser” autour des initiatives qu’elles portent : ce qui les motive, ce qui leur manque, comment elles voient les enjeux locaux…
MPD : Je suis intervenue plus tard, en 2022. J’ai travaillé sur la structuration du livre, la mise en forme et la présentation des entretiens, la relecture, puis sur la forme en dialogue avec notre “compositeur” Bas [Dekker] : choix des typos, liens entre les textes souvent différents par les “interstices”… Mon rôle devait être mineur à l’origine, puis je me suis appropriée le sujet et je suis devenue co-autrice. J’y ai pris beaucoup de plaisir !
“Nos choix d’interstices paraissent des petits détails, mais ils donnent sa cohérence à l’ensemble.”
Marie-Pierre Demarty
J’insiste cependant sur la question de l’enchaînement des entretiens et de la logique globale : dans un tel recueil d’entretiens, elle est très vite apparue comme majeure. Nos choix d’interstices, d’organisation, paraissent des petits détails, mais ils donnent sa cohérence à l’ensemble.
VR : En tant que coach, je travaille beaucoup dans l’univers de l’entreprise. Par ce livre, j’ai souhaité soutenir et mettre en valeur les personnalités, les initiatives, et même les “audaces”. Mais comment formaliser ce qui est audacieux dans un propos ? Je suis allée chercher la dimension émotionnelle de chaque personne : en les écoutant, j’allais creuser quand de l’émotion apparaissait, quand l’imaginaire personnel se dévoilait.
DC2 : quand on traite de l’engagement en faveur de la transition et de la résilience territoriale, qu’apporte la dimension émotionnelle ?
VR : C’est un levier capital de mise en mouvement. Emotion, e-motion en anglais, c’est l’énergie en mouvement, là où les gens vibrent. J’ai tenté de le capter et de faire en sorte que les gens s’expriment plus en profondeur. C’est sans doute le travail du coach que d’écouter surtout ces vibrations, quand le journaliste se penchera davantage sur le contenu.
“La dimension émotionnelle est un levier capital de mise en mouvement.”
Virginie Rossigneux
MPD : Le côté émotionnel d’un entretien n’est pas non plus évacué du travail de journaliste. Quand j’interviewe quelqu’un, je vais chercher ce qui fait sens pour la personne. Et ça se ressent par l’émotion exprimée. Je peux demander, sur une idée, comment c’est venu, d’où ça vient … et ça peut aller très loin !
D’ailleurs, on a surtout repris des éléments sur les facteurs déclenchant émotionnels. C’est indiqué en introduction du livre : certains interviewés se mettent à agir parce qu’ils sont dans telle fonction à tel moment, et d’autres le feront en lien avec des motivations personnelles.
DC2 : l’humain est donc central, non seulement parce qu’il s’agit d’entretiens, mais aussi pour faire bouger les lignes…
MPD : Tout à fait. Une chose m’a beaucoup intéressée dans la proposition de ce livre, c’est d’entrer dans le sujet de la transition écologique par l’humain, ce qui est plutôt rare. Les gens sont leaders, portent des projets, rassemblent autour d’eux… mais il faut chercher à comprendre comment ces individus prennent leur place. Et comment ils parviennent – ou non – à embarquer d’autres personnes.
Entrer dans le sujet de la transition écologique par l’humain (…) est plutôt rare.
Marie-Pierre Demarty
DC : L’incarnation d’une initiative, d’une dynamique, dans une personne, est une dimension capitale. Je l’avais compris au fil de mes entretiens dans Tikographie. Je dirais que les gens qui agissent avec sincérité dans le sens de la transition écologique et de la résilience territoriale vivent souvent des moments difficiles. Parce qu’il faut “changer le système”, prouver que notre approche est pérenne, enviable, utile. Il y a beaucoup de résistance du monde que nous quittons, c’est normal. Comprendre comment les acteurs engagés le vivent est un point clé des entretiens.
VR : Pour moi, la raison d’être du livre est justement qu’il soit positif, qu’il donne envie d’agir, tout en étant incarné, subjectif, personnalisé. C’est pourquoi je posais en début d’entretien des questions personnelles, par exemple “si vous étiez une image…” . Elles n’ont pas été forcément reprises dans le texte mais elles sont intéressantes pour mettre la personne en condition.
DC2 : donc, la morale, c’est que tout le monde peut s’engager pour le territoire ?
MPD : Oui, et je pense que l’approche humaine est la bonne : les entretiens montrent que n’importe qui peut pousser la porte d’une association ou d’une initiative locale, pour donner ne serait-ce que deux heures par an. Ça suffit pour se mettre en mouvement ! On n’a pas à être élu ou en entreprise. D’où qu’on soit, on a la possibilité d’agir.
“La raison d’être du livre est (…) qu’il soit positif, qu’il donne envie d’agir.”
Virginie Rossigneux
DC : Avec Marie-Pierre et un autre camarade journaliste, Imco, nous travaillons sur cet automne 2022 à faire évoluer la formule éditoriale de Tikographie [d’ailleurs vous pouvez nous aider en répondant à un petit questionnaire et/ou en participant aux séances ouvertes de réflexion, NDLR]. Le principe selon lequel tout le monde peut – et doit – agir, même a minima, est ce qui nous motive. Nous espérons que le média pourra s’orienter dans ce sens : faciliter la participation ou la création d’initiatives locales en faveur de la résilience du territoire.
DC2 : quels sont les freins à l’engagement que vous avez relevés ?
MPD : Je connais beaucoup de gens qui sont inquiets des problèmes environnementaux ou sociétaux, mais qui ne s’engagent pas… parce qu’ils n’en ont pas l’idée ! En fait, on se rend compte que l’engagement est lié à ce qu’on sait faire, là où on est à l’aise. Personnellement, je suis très peu manuelle, je suis mal à l’aise dans une manif, mais je suis plutôt utile en vision stratégique, en organisation et en communication. C’est ce que j’essaye d’apporter aux structures auxquelles je participe. La morale, c’est que chacun peut trouver sa place pour agir.
VR : Pour ma part, j’observe que la société a du déni … et ne le reconnaît pas ! On peut même être dans le “déni du déni”, quand on refuse de voir qu’on ne veut pas changer. Mais, en parallèle, on sait – au niveau sociétal – qu’il y a urgence à agir, par la science, le GIEC, etc. Et pourtant on continue d’être dans ce déni ! C’est assez unique en termes de civilisation.
A ce sujet, j’aime beaucoup l’approche de Sébastien Bohler, qui dit que le cortex cingulaire [une partie de notre cerveau] a besoin de prévoir le futur pour se mettre en mouvement. Or, la situation actuelle nous empêche d’anticiper : cela participe du sur-place généralisé.
“J’observe que la société a du déni … et ne le reconnaît pas !”
Virginie Rossigneux
DC : Je suis d’accord avec ce constat du déni. Mais je l’élargirais à une absence de recul, de remise en question, sur nos habitudes et nos activités. Parce qu’on est né dans ce système, parce qu’il a “l’air” de fonctionner au quotidien, parce que beaucoup de valorisation est encore donnée à la richesse financière, aux postes prestigieux, à la maîtrise de la nature, aux moteurs qui font vroum… c’est tout une vision de la société qu’il faudrait faire évoluer, du micro au macro. Et ça commence par s’arrêter deux minutes et se poser des questions sur notre impact.
DC2 : le livre est divisé en trois sections : collectivités, entreprises, société civile. Pourquoi avoir réparti ainsi les entretiens ?
VR : Notre découpage relève d’un diagnostic de société. Acteurs publics, entreprises, associations, c’est à l’image du terrain… et de son cloisonnement relatif ! Car se pose ici la question du maillage, dans le sens des intersections entre les projets. Il y a trop de silotage, les associations parlent peu aux entreprises, les chercheurs aux élus, etc. On trouve bien sûr quelques passerelles, mais elles sont rares et pas forcément explicites.
MPD : Aucun de nous n’avait choisi ce découpage-ci au départ. Nous envisagions plutôt des thématiques transverses. Mais, en travaillant, on s’est rendu compte que la division en types d’acteurs fonctionnait le mieux.
VR : Je suis, au fond, optimiste en voyant tout ce qui se fait en Auvergne. Là où je suis plus en questionnement, c’est qu’il est difficile d’avoir des acteurs “chapeau” qui pourraient articuler des vrais projets de territoire, reliant entreprises, collectivités, associations… Au fond, on attend que quelqu’un agisse pour nous, alors qu’on pourrait se retrousser les manches, et mener des pilotes à grande échelle. Même si la situation s’améliore doucement, on est encore loin du compte.
DC2 : et que faudrait-il faire pour remédier à ce problème de cloisonnement ?
MPD : Ce qu’il manque, c’est une vision systémique, une révolution complète dans nos modes de vie. On a l’impression qu’en changeant un tout petit peu, ça suffira. Pourtant, non.
Exemple pour la mobilité, tout le monde dit qu’il faut mettre du train partout, ce qui serait une initiative d’ampleur. En Espagne, tous les trains sont gratuits ! Mais, entre Clermont et chez moi à Vic-le-Comte, ça me coûte trois fois plus cher de prendre les transports en commun que la route. Il n’y a aucune réflexion sur l’intermodal. Résultat : tout le monde reprend peu à peu sa voiture. Il faut donc repenser la totalité d’un système, sauf qu’on n’y est pas du tout.
“Ce qu’il manque, c’est une vision systémique, une révolution complète dans nos modes de vie.”
Marie-Pierre Demarty
DC : Faire connaître de manière plus systématique, et systémique – car tous les sujets sont liés – les initiatives locales. Réaliser davantage de reportages sur le terrain, pour montrer des images de ces projets, raconter comment ils fonctionnent. Pourquoi pas proposer des “visites fertiles”, des voyages organisés courts afin d’aller à la rencontre de ces gens. Qu’ils soient associatifs, entreprises ou élus, peu importe ! Ce qui compte c’est de créer cette reliance… et c’est le rôle d’un média que d’être médiateur.
DC2 : pour finir, quel est votre état d’esprit maintenant que le livre est publié ?
DC : Comme il est auto-édité, je m’occupe de la diffusion. Je contacte des librairies (en Auvergne surtout), j’apporte des cartons de livres en dépôt, je fais la promotion dans les médias intéressés, je réponds aux commandes en ligne… c’est un gros boulot, forcément différent du média numérique (qui continue en parallèle) mais c’est très intéressant. On verra d’ici Noël si l’ouvrage a trouvé son public. Mais je sens une vraie marque d’intérêt au lancement. J’espère qu’elle durera !
“Je sens une vraie marque d’intérêt au lancement.”
Damien Caillard
MPD : On a fini de rédiger le texte début juin 2022, avant l’été des incendies en France, et de la plus grave sécheresse à date. Dans la conscience collective, il y a un pas qui me semble avoir été fait. Mais je suis curieuse de voir comment cela peut embrayer. En tous cas, la perception des enjeux est différente entre juin et septembre 2022. Ce qui peut donner plus d’écho aux thématiques du livre.
VR : Est-ce que la résilience territoriale deviendra plus concrète pour les gens ? Avec ce livre bien sûr, mais aussi dans l’actualité, avec le président Macron qui en parle, etc. ? J’espère que ça fera évoluer les perceptions et enclencher du passage à l’action. En tous cas, on a réussi à ne pas faire peur : la peur fait réagir, mais pas agir.
Pour aller plus loin … forcément … voir la page dédiée au livre “Si on ne le fait pas, qui le fera ?” |
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Propos recueillis le 2 septembre 2022, mis en forme pour plus de clarté et relu et corrigé par les interlocuteurs. Crédit photo de Une : Fanny Reynaud (DR)