Projet photovoltaïque de Nohanent : le dossier qui embrase les débats autour des Côtes de Clermont

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

L'ancienne carrière de basalte de Nohanent sur les Côtes de Clermont

Le projet de parc solaire sur l’ancienne carrière de basalte de Nohanent, sur la partie nord-ouest des Côtes de Clermont, fait polémique comme rarement sur un dossier photovoltaïque. Histoire, points de vue, arguments… Alors que le permis de construire a été accordé mais fait l’objet de deux recours, nous décortiquons cette controverse complexe.


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Ressenti de l’auteur

Certaines problématiques sont simples : selon qu’on a une conscience écologique ou pas trop, n’importe qui peut dire facilement s’il est pour ou contre. Mais parfois c’est plus complexe.

C’est le cas pour le projet de centrale photovoltaïque de Nohanent. Les avis sont très tranchés, les oppositions sont frontales et pourtant… ici personne ne se dit anti-écologie (en tout cas dans ceux qui ont pris ouvertement position). Le photovoltaïque ? Tous ceux que nous avons interrogés y sont favorables ! D’ailleurs ce type de projets, en général, fait plutôt consensus.

Alors pourquoi ça coince ici ?

Etonnamment, chacun a des arguments sensés et d’autres un peu plus contestables, reposant sur des craintes, des convictions ou des suppositions. Peut-être y a-t-il aussi du moins avouable dans les prises de position : qu’elles soient politiques ou qu’elles glissent sans le dire sur la pente du NIMBY – entendez : l’effet « not in my backyard » ou en meilleur français : « c’est un beau projet mais je préférerais qu’il se fasse ailleurs que sous mes fenêtres », que l’on rencontre plus souvent autour de projets d’éoliennes ou de méthaniseurs.

Mais le site des Côtes de Clermont cristallise des conflits d’usage anciens, d’autant plus que sa situation dans le périmètre d’une métropole démultiplie sa fréquentation. Espace incroyable de par la richesse de sa biodiversité et de ses paysages, ce lieu charme, dans tous les sens du verbe. Pour en avoir fait mon terrain de balade favori durant les quinze années où j’ai vécu juste en dessous, je pourrais raconter une multitude d’anecdotes et de surprises, bonnes ou mauvaises, drôles ou déplorables, que j’y ai vécues au détour de ses chemins. Dès qu’on en devient familier, on y projette des tas de choses et on a envie de se l’approprier.

Pour couronner le tout, il y a l’Ascot ! On sent bien que cette association fait figure d’empêcheur de tourner en rond, avec son ADN contestataire, son historique, la personnalité de son porte-parole. L’Ascot agace. Mais si l’Ascot perdure depuis plus de trente ans, si elle a la capacité de faire déposer dans une enquête publique 73 avis se référant au sien et une pétition de 347 signatures, c’est bien que l’Ascot ne se résume pas à la seule ténacité de Jean-Louis Amblard.

Et que dire de la position du Conservatoire des espaces naturels, réputé moins vindicatif et moins agaçant que l’Ascot ?

Pour résumer, ce dossier réunit tous les ingrédients de ce que les urgences écologiques nous imposent : les choix parfois cornéliens que nous avons à faire, avec les contraintes du moment et celles du futur, avec des enjeux contradictoires, des dilemmes, des contraintes, la complexité des aspects juridiques et règlementaires, le difficile exercice de la démocratie…

Dans ce dossier, nous avons pris le parti… de ne pas prendre parti. Nous vous exposons, avec la plus grande honnêteté possible, les faits et les avis des différentes parties prenantes. Nous multiplions les liens vers les documents et sources sur lesquels nous nous sommes appuyés. Nous nous efforçons de faire ressortir toutes les nuances d’argumentation.

Le dossier est dense, mais vous pouvez prendre votre temps pour le lire : il devrait être d’actualité pour encore pas mal de temps.

Chaque lecteur se fera son opinion… si ce n’est déjà fait.

J’espère en tout cas que cette lecture vous donnera des fourmis dans les jambes : habitants de la métropole ou d’un peu plus loin, sautez dans vos chaussures de rando et montez là-haut. Ça peut être un peu sportif, mais on est largement récompensé.

Marie-Pierre

Les principaux points à retenir

Chère lectrice, cher lecteur, pas de “points à retenir” aujourd’hui encore… puisque vous les trouverez en tête de chaque chapitre ci-dessous. Je vous invite donc à lire le dossier avec trois niveaux d’entrées, selon vos centres d’intérêt :

  • Le sommaire dans l’accordéon qui suit, pour accéder directement aux chapitres
  • Le petit texte introductif par chapitre, résumant le profil et la position des personnes sollicitées
  • Le détail de l’interview, juste après le texte introductif, dans un accordéon

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Dans ce premier dossier de notre rubrique “Controverse”, vous trouverez un tour d’horizon du contexte et du sujet, puis un historique. Et enfin les points de vue des différentes parties prenantes.

Dossier réalisé par Marie-Pierre Demarty avec Imco Lanting

Plantons le décor

Quand on veut comparer les atouts de la ville de Clermont avec d’autres métropoles, on évoque immanquablement le fait de pouvoir s’extraire de la ville en un rien de temps pour s’abreuver d’un bon bol d’air et de nature. Pour cela, on a deux options principales : soit plein ouest sur les pentes de la faille de Limagne, soit les Côtes de Clermont, au nord.
Les Côtes de Clermont ? Jardins, broussailles, bois, encore quelques arpents de vigne, des vestiges remontant à l’Antiquité et une imposante antenne-relais surmontant le tout. Au total 880 hectares de verdure (ou 400 ou 1 400, selon le périmètre considéré et la personne qui en parle) intégrée à l’aire urbaine et dominant la cuvette de Clermont, à 500 mètres d’altitude. On peut même s’y rendre à pied. On goûte la balade, le panorama, les mûres. On déambule dans les ruines d’un oppidum gaulois. On observe la faune et la flore particulières des « coteaux secs » typiques de ces promontoires volcaniques surplombant la Limagne.
Nous sommes ici sur une coulée basaltique de 15 millions d’années, qui s’étale sur cinq communes. La zone a été identifiée comme un cœur de nature à protéger dans le SCOT du Grand Clermont et comme un réservoir de biodiversité à préserver pour le Schéma Régional de Cohérence Ecologique. Tout le versant sud, soit les 267 ha inclus dans le territoire de la ville de Clermont, est classé en Espace naturel sensible. Le reste se partage entre les communes de Durtol, Nohanent, Blanzat et Cébazat.
Une sorte de petit paradis… Mais pas tout à fait quand même.

Une terre à polémiques
Les Côtes de Clermont, autrefois recouvertes de vignes et de vergers, semblent douées pour attirer les querelles et controverses. Il y eut la fameuse « deuxième bataille de Gergovie », pas complètement apaisée d’ailleurs, depuis que les fouilles archéologiques de Paul Eychart ont laissé penser à certains qu’il s’agissait du site authentique de la (première) bataille de Gergovie et que d’éminents historiens, archéologues et autres chercheurs professionnels et amateurs se sont quasiment étripés à ce sujet. Il y a toujours des conflits d’usage entre promeneurs, chasseurs, amateurs de motocross ou de quad, dépôts sauvages, activités nocturnes licites ou pas… et activité de l’unique agriculteur encore présent. Ça fait beaucoup pour un paradis.
Ce n’est pas encore assez.

L’énergie de 6 500 habitants
Nous nous penchons aujourd’hui sur une autre controverse, encore bien actuelle, qui intéresse plus directement notre sujet de prédilection. Un parc photovoltaïque est en projet sur le flanc nord-ouest du site, là où une carrière de basalte, exploitée de 1955 à 2004, a grignoté le coteau et la nature qui l’occupait.
Ce projet est porté par Valeco, une entreprise dont le siège est à Montpellier, spécialisée dans la création et l’exploitation de ce type d’installations. Tel qu’il est présenté aujourd’hui, le projet consiste à implanter 26.006 panneaux solaires sur une surface de 10,4 hectares, soit l’équivalent, affirme le projet, de 1,2 % de la surface totale du site. Ce parc est prévu pour une production moyenne de 13,5 GWh/an d’électricité, soit la consommation de 6 500 habitants. Il est présenté comme pouvant éviter les émissions de 3 600 tonnes de CO2. L’équipement aurait une durée de vie prévisionnelle de 40 ans. Dernière précision : Valeco prévoit d’investir 9,12 millions d’euros dans cette opération, qui seraient complétés par un financement participatif.

Quelques jalons chronologiques

Juin 2011 : lors de la révision du Plan local d’urbanisme (PLU), la municipalité de Nohanent, alors menée par Roland Labrandine, classe le site de l’ancienne carrière en zone AUs sur 14 ha (classification « zone à urbaniser » à vocation solaire).

En 2011 puis en 2016, deux projets de parc photovoltaïque voient successivement le jour puis sont abandonnés, respectivement portés par la société Noveo et par l’association Combrailles Durables.

2017 : Valeco, porteur d’un projet pour le site, signe une promesse de bail emphytéotique avec le carrier propriétaire du site.

Décembre 2019 : Clermont Auvergne Métropole vote la demande de rétrocession de la zone de la carrière pour 1 euro symbolique, comme le carrier s’y était engagé.

14 janvier 2021 : demande de permis de construire d’une centrale solaire par Valeco.

Le projet déposé alors présentait une superficie de 11,7 ha clôturés, pour une production de 14,64 GWh/an. Cela représente, selon l’entreprise, l’équivalent de la consommation de 7 035 habitants.

11 mai 2021 : Avis de la MRAe (mission régionale d’autorité environnementale), qui demande un complément d’étude, notamment sur la biodiversité et les continuités écologiques d’une part, sur le paysage et la visibilité du site depuis les points hauts environnants, en particulier ceux situés dans le périmètre du secteur patrimoine mondial par l’Unesco, d’autre part (avis complet consultable ici).

Vue de Clermont et du Puy de Dôme
Site de biodiversité au cœur de la Métropole, activités de loisirs et conflits d’usage, ancienne terre agricole avec vues panoramiques spectaculaires… “Une zone de contact”, résume pudiquement ce panneau. Photo Damien Caillard

28 mai 2021 : Clermont Auvergne Métropole reporte le vote d’un avis sur le sujet, demandé par le Préfet dans le cadre de la demande du permis de construire, après un débat houleux (source La Montagne). La Métropole peut avoir un intérêt du fait de son ambition déclarée de devenir territoire à énergie positive en 2050. Mais l’opposition de gauche réclame une stratégie de l’énergie plus lisible, cohérente et ambitieuse, tandis qu’à droite, on déplore l’impact sur les paysages et on réclame une priorité aux installations sur les toitures des bâtiments publics.

Lire l’article “La transition énergétique à Clermont est-elle réalisable ?”

31 janvier au 1er mars 2022 : enquête publique, après la révision du dossier par Valeco (consultable ici) faisant suite à l’avis de la MRAe. 223 observations sont recueillies. Alain Néron, le commissaire-enquêteur, relève dans son rapport « une forte participation » et « un nombre inhabituel d’observations » ; il comptabilise 62 avis favorables au projet et 161 avis opposés, ainsi qu’une pétition à l’initiative de l’ASCOT de 347 signatures. Parmi les avis défavorables, on relève ceux de l’Association pour la sauvegarde des Côtes de Clermont-Chanturgue (Ascot) et de particuliers se référant aux arguments de l’association, mais aussi les avis du Conservatoire des espaces naturels (CEN) et de France Nature Environnement (FNE). et de Puy-de-Dôme Nature Environnement.

Europe écologie-Les Verts apporte un avis nuancé mais soutient le projet.

10 mars 2022 : la municipalité de Nohanent rend un avis défavorable (source La Montagne). L’équipe municipale, emmenée depuis 2014 par Laurent Ganet, disent craindre que le projet aille à l’encontre des démarches d’extension de l’Espace naturel sensible. En outre le maire estime que « ce projet est incohérent avec le Projet d’aménagement et de développement durable de la commune (PADD) où la zone est classée “espace vert naturel et à caractère récréatif” et pourrait être incompatible avec le Plan local d’urbanisme intercommunal qui est en cours d’élaboration par Clermont Auvergne Métropole ».

12 avril 2022 : le commissaire enquêteur rend un avis favorable à la demande de permis de construire du groupe Valeco. Dans ses conclusions, il constate notamment que « le projet est cohérent avec les règles d’urbanisme et les différents schémas », que « les enjeux sur la biodiversité sont faibles » et il estime « que les atteintes au paysage et au classement Unesco ne sont pas démontrées ». Pour finir, il affirme que « l’étude d’impact, les différents avis et les visites effectuées confirment le bien-fondé du projet et son intérêt collectif pour un site trop longtemps délaissé par les collectivités, c’est une véritable opportunité quant aux enjeux climatiques et à l’indépendance énergétique du territoire. »

Dans ses conclusions, il appuie « le bien-fondé du projet et son intérêt collectif pour un site trop longtemps délaissé par les collectivités », estimant qu’il s’agit d’« une véritable opportunité quant aux enjeux climatiques et à l’indépendance énergétique du territoire ». Il réfute les arguments avancés par les opposants, précisant que « le projet est cohérent avec les règles d’urbanisme et les différents schémas ». Selon lui, « les possibilités de randonnée et les sites archéologiques ne sont pas affectés. Les enjeux sur la biodiversité sont faibles ». Il estime aussi que « les atteintes aux paysages et au classement Unesco ne sont pas démontrées ».

Vue de l'ancienne carrière de basalte sur les Côtes de Clermont
Broussailles et traces de passage des motos… La question est au cœur de la controverse : jusqu’à quel point la nature a-t-elle repris ses droits sur l’ancienne carrière ? – Photo Damien Caillard

3 juin 2022 : le permis de construire est accordé par la préfecture du Puy-de-Dôme.

30 septembre 2022 : Clermont Auvergne Métropole vote le principe d’une demande officielle de labellisation Espace naturel sensible de l’ensemble du site des Côtes auprès du Conseil départemental.

Octobre 2022 : l’ASCOT d’une part et la municipalité de Nohanent d’autre part déposent chacune un recours auprès du tribunal administratif sur la validité du permis de construire, après échec d’un recours gracieux.

Une diversité de points de vue…

Pour ou contre, sensible à tel ou tel argument, à telle ou telle facette du dossier… Nous avons recueilli les avis des principales parties prenantes du dossier. Dans le souci de ne pas favoriser l’un ou l’autre des “camps” en présence, nous avons opté pour la plus classique des méthodes neutres : l’ordre alphabétique.

Ne manquez pas de cliquer sur les bandeaux noirs pour dérouler “en accordéon” le point de vue de chaque protagoniste.

Jean-Louis Amblard (Association de sauvegarde des Côtes de Clermont)

L’ASCOT, acteur majeur du dossier, est l’opposant historique par excellence. Cette association s’était constituée en 1990 dans l’intention de s’opposer à la carrière de basalte et à ses nuisances et qu’elle en a obtenu la fermeture en 2004. Elle a également joué un rôle dans la demande faite par la Métropole de récupérer les terrains de l’ancienne carrière. L’ASCOT a largement contribué à l’enquête publique sur le projet, et a élaboré un « contre-projet » visant à valoriser le site en aménageant cette zone de l’ancienne carrière en espace d’accueil, de parking, d’arrêt de bus.
Fin octobre, un recours a été déposé par l’association, conjoint avec deux propriétaires de parcelles proches du site.
Jean-Louis Amblard, membre du comité de direction et secrétaire de l’association, détaille ses arguments.

Le point de vue de Jean-Louis Amblard

« Nous sommes conscients que le contexte actuel de forte demande d’énergies renouvelables ne nous est pas favorable et de fait, nous ne sommes pas opposés au principe du photovoltaïque, mais nous sommes convaincus que ce projet se situe au mauvais endroit et que la décision d’accorder le permis de construire relève d’une erreur manifeste d’appréciation de la part du préfet », argumente Jean-Louis Amblard. « La création de ce projet photovoltaïque signerait la fin d’un projet de zone récréative profitant à tous dans de bonnes conditions, car il n’y a pas d’autre emplacement possible pour aménager une entrée de site. De plus, il nous prive d’un atout majeur pour l’extension de l’Espace naturel sensible souhaité par tous, à savoir la possibilité d’inclure une zone humide, adjacente aux coteaux secs. Cette zone est d’autant plus intéressante qu’elle se situe sur un zone aquifère et que les sols ne sont pas pollués : nous sommes seulement en présence de dépôts sauvages de surface, que le propriétaire a laissé faire », poursuit-il.

Sur les ambitions d’énergie renouvelable de la Métropole et du Département :

L’Ascot ne conteste pas la pertinence de ces ambitions mais pour autant, elle ne doit pas se développer n’importe où et à tout prix. D’où la nécessité de mettre sur le papier les critères permettant de cibler les zones favorables à l’implantation de centrale solaire au sol. Jean-Louis Amblard se réfère notamment à la charte de développement du photovoltaïque dans le Puy-de-Dôme, élaborée par la Direction départementale des Territoires et présentée cette année, « que le Préfet lui-même ne respecte pas ».
Selon l’Ascot en effet, le site de Nohanent ne correspond pas à la qualification des « terrains fortement dégradés ou pollués » et « dont la remise en état écologique est temporairement impossible, où il n’y a pas d’obligation de réhabilitation agricole, naturelle et/ou paysagère ou de reconversion pour un nouvel usage urbain », que la charte entend privilégier pour les implantations, l’ancienne carrière ayant été remise en état par le carrier et connaissant, affirme Jean-Louis Amblard, « une forte dynamique de renaturation, hormis les zones soumises aux engins motorisés et dépôts plus ou moins sauvages ».

Implantation sur l’ancienne carrière :

« Les 10,5 ha représentent tout de même plus de 50 % du carreau de l’ancienne carrière, laquelle a été remise en état et rendue à la nature depuis 2004. Le site redevient de fait un espace naturel et il ne s’agit pas d’une friche industrielle. La dynamique de renaturation est facilitée par l’existence d’un aquifère sur la totalité de la carrière et de zones humides associées dont deux étangs et deux bassins d’orage créés par l’exploitant de la carrière. »

« La totalité du massif des Côtes représente un peu plus de 800 ha d’espaces non urbanisés (agricoles et naturels), et non 1 400 ha comme l’affirme Valeco. Pour être précis, la surface du plateau proprement dit est de 160 ha et donc la surface artificialisée par la centrale solaire représente en réalité 6,6 %. L’appréciation de la faible superficie n’est pas un élément déterminant au vu du contexte particulier de la carrière en termes de configuration, de biodiversité, mais aussi de proximité avec de nombreux atouts patrimoniaux : citons l’aire d’influence paysagère du bien UNESCO, du fanum gallo-romain de Blanzat, et co-visibilité avec les nombreux sentiers de randonnée, dont certains inscrits au Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée).

Impact sur les milieux naturels et la biodiversité :

Les études d’impact présentées par Valeco minimisent les impacts sur la biodiversité, comme c’était relevé dans l’avis de la MRAe, et sur les continuités écologiques. L’espace de la carrière est reconnu comme un « réservoir de biodiversité à préserver » avec « corridors écologiques à renforcer » dans le PADD du PLUi. Une bien curieuse façon de préserver et de renforcer qui interpelle… et devrait interpeller au-delà de la MRAe, de FNE63, PDDNE, du CEN !
Il est certain est que parmi les espèces à enjeu – crapaud calamite et alyte accoucheur notamment, seront dérangés par la destruction d’une grande partie de leur territoire d’évolution, tout comme les salamandres et tritons ainsi que, pour l’avifaune, le râle d’eau, potentiel nicheur sur le site. On peut noter l’importance d’espèces liées aux zones humides, ce qui est normal puisque la totalité du carreau de la carrière est une zone humide potentielle du fait de la présence d’un aquifère suspendu, repéré par le BRGM, dans le niveau affleurant des sables feldspathiques, d’une épaisseur de 30 à 40 m d’épaisseur.

Nicolas Bonnet (Clermont Auvergne Métropole et EELV)

Nicolas Bonnet

Nicolas Bonnet est conseiller communautaire à Clermont Auvergne Métropole, délégué aux Énergies renouvelables et récupération, à l’Économie circulaire et à la Gestion des Déchets Organiques, et par ailleurs membre d’Europe Ecologie Les Verts (EELV).
Il connaît donc bien le dossier tel qu’il est suivi par les institutions métropolitaines, dont la majorité est a priori favorable au projet, même si elle n’a pas pris position officiellement.
Il nous éclaire aussi sur la position des Verts : favorable au projet photovoltaïque, mais avec quelques réserves.

Le point de vue de Nicolas Bonnet

« Je ne parlerai pas au nom de Clermont Auvergne Métropole puisqu’elle n’a pas émis d’avis officiel, la délibération ayant été suspendue – même si une absence d’avis vaut avis positif. En tant que conseiller communautaire, je peux préciser que la Métropole n’est toujours pas propriétaire du site : des démarches sont engagées pour la rétrocession mais à ce jour, elles n’ont pas encore abouti. La Métropole a donc un rôle mineur dans ce dossier. Même si elle parvient à se rendre propriétaire du foncier, il ne sera juridiquement pas possible d’aller à l’encontre de la promesse de bail emphytéotique accordée à Valeco.
Par ailleurs, concernant le projet d’expansion de l’Espace naturel sensible à l’ensemble du site des Côtes de Clermont, nos services travaillent actuellement au dossier en vue de déposer la demande auprès du Conseil départemental. »

« Au nom d’EELV, notre position est plutôt favorable au projet, car la métropole clermontoise a besoin de ce type d’outils et le photovoltaïque constitue notre principal potentiel d’énergies renouvelables. Ce qui avait été identifié comme potentiel sur les toitures de l’agglomération s’avère compliqué dans la mise en œuvre : la Métropole ne maîtrise qu’une partie de ce potentiel, le reste étant constitué de toitures privées – et il serait nécessaire à ce sujet que le gouvernement prenne des mesures plus incitatives ; et même sur les toits des bâtiments publics, ce n’est pas possible partout, certains toits étant anciens, mal exposés, etc. En résumé, comme on n’avance pas assez vite là-dessus, le projet de Nohanent doit voir le jour… d’autant plus qu’il est réversible. Si dans l’avenir on n’en a plus besoin, il sera très facile de le démonter. »

Sur la biodiversité :
« J’attends qu’on me démontre que ce projet aura un impact. Il évite la zone humide, l’enceinte sera un simple grillage. Il y aura de l’ombre en plus mais la nature pourra vivre sa vie, d’autant plus qu’elle sera protégée des motos ou des dépôts sauvages. Il existe même des sites de ce type où on a constaté un impact positif.
« Il conviendra cependant de rester attentif à l’évolution du site. Il serait souhaitable, si l’ENS est étendu aux cinq communes, que le Conservatoire des espaces naturels qui gère déjà la partie clermontoise travaille avec Valeco notamment pour veiller à ce que la faune puisse traverser le site. »

Sur l’aspect paysager :
« Cet aspect ne doit pas être confondu avec la question de la biodiversité et il ne me semble pas poser problème non plus, car le site est peu visible. Même depuis les points hauts dans la chaîne des Puys, l’impact est limité du fait que le site se situe dans un creux et par ailleurs, que cette zone de la métropole est déjà largement anthropisée. »

Une vision pour le site des Côtes de Clermont :
« Il est souhaitable d’étendre le périmètre de l’Espace naturel sensible à l’ensemble de la zone – et donc d’étendre aussi son plan de gestion, dans le même esprit que ce qui est fait sur la partie clermontoise. L’idée serait d’y réinstaller des activités agricoles : élevage, arboriculture, éventuellement des cultures. Le volet touristique est plus complexe car certains chemins de randonnée passent dans des propriétés privées, ce qui ne facilite pas leur entretien. Il y a également besoin de réguler certains usages, comme la chasse ou les décharges sauvages.
« Si le site du parc photovoltaïque devient propriété de Clermont Auvergne Métropole, les revenus du loyer pourraient être investis dans la gestion du site naturel, ce qui en serait un bon usage. »

France Nature environnement

France Nature Environnement Puy-de-Dôme a également déposé un avis défavorable sur les registres de l’enquête publique. Par la voix de son vice-président René Boyer, l’association nous indique que sa position n’a pas varié depuis, l’avis étant consultable sur le site de FNE63.
L’association y souligne notamment son inquiétude quant à l’impact sur l’environnement de différents types de terrains, ainsi que la proximité avec cinq sites remarquables. Elle estime que « le dossier présenté par le pétitionnaire en minimise les effets délétères ».
Selon FNE, « ce projet bloquerait, pour 30 ans, toute autre forme d’aménagement dans le cadre d’un projet global de territoire autour des volets Espace Naturel Sensible et Chaîne des Puys-faille de Limagne UNESCO, et entre par ailleurs en contradiction avec le Schéma régional de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), le Schéma de cohérence territoriale (Scot) du Grand Clermont et le Projet d’aménagement et de développement durable du Plan local d’urbanisme de Nohanent.

Laurent Ganet (maire de Nohanent)

Nohanent, place de la Farge

La totalité de l’emprise du futur projet se situe sur la commune de Nohanent, 2 200 habitants, située au nord-ouest de Clermont-Ferrand et incluse dans Clermont Auvergne Métropole.

Son maire Laurent Ganet s’oppose au projet photovoltaïque et a déposé un recours sur la validité du permis de construire.

Le point de vue de Laurent Ganet

« La partie du plateau située sur notre commune est principalement constituée d’une multitude de petites parcelles privées. La grande majorité d’entre elles n’ont pas été entretenues depuis de nombreuses années, et dans certains cas les propriétaires exacts ne sont pas connus. En conséquence, la nature fait son œuvre. La même chose est arrivée sur l’ancienne carrière de basalte, l’exploitant ayant renaturé le site à sa fermeture en 2004. Il s’était également engagé à l’époque auprès de Monsieur Le Préfet à céder aux collectivités de Durtol et de Nohanent à l’euro symbolique les parcelles lui appartenant. Et c’est ainsi que la nature a repris ses droits au fil des années.
« Pendant des années, les municipalités concernées n’ont pas su quoi faire de ces terrains. Après que la Ville de Clermont-Ferrand a obtenu le statut d’Espace Naturel Sensible pour les coteaux situés sur son territoire, il était évident que ce statut devait s’étendre sur l’ensemble du site des Côtes.
« Cette réflexion a débuté en 2017 au sein de Clermont Communauté et reste toujours d’actualité pour Clermont Auvergne Métropole. Après tout, il est clair qu’il s’agit d’un endroit unique, en termes de biodiversité, de faune et de flore unique, et de loisirs, une orientation déjà actée dans le Scott du Grand Clermont. C’est d’ailleurs au regard de cette orientation toujours d’actualité que la Préfecture avait invalidé en 2011 la demande du conseil municipal de Nohanent pour une révision du PLU sur le site de l’ancienne carrière. Une fois que l’ensemble du site aura le statut d’Espace naturel sensible, nous pourrons enfin réfléchir tous ensemble aux aménagements futurs.”

Pas informé
“J’ai entendu parler du projet Valeco pour la première fois en 2018. C’est Clermont Auvergne Métropole qui m’a informé en 2020 qu’un bail aurait été signé plusieurs années avant entre le propriétaire de l’ancienne carrière et la société Valeco. Malheureusement, le propriétaire de l’ancienne carrière n’en a jamais informé les élus de la commune de Nohanent. Pas un seul appel, mail ou courrier.

“Ce projet conclu sur notre commune sans consultation du conseil municipal est tout à fait inacceptable. C’est une ligne de conduite que nous ne pouvons pas accepter et qui va à l’encontre de ce que nous voulons atteindre ici : un avenir du plateau déterminé conjointement et en consultation avec toutes les personnes et structures directement concernées.”

Appel à la responsabilité partagée
« Mi-octobre, l’exploitant de la carrière m’a contacté pour la toute première fois, cinq ans après le début de ce projet ! Est-ce le recours que nous avons déposé en tant que municipalité auprès du tribunal administratif qui motive cette prise de contact soudaine ? 

“Soyons clairs : nous sommes en faveur de l’énergie solaire. J’ai moi-même des panneaux solaires sur mon toit et il y aura bientôt des panneaux solaires sur le toit de la mairie. Mais nous ne les voulons pas à cet endroit, au milieu du plateau, dans une zone vulnérable, qui obtiendra bientôt, je l’espère, un statut d’Espace naturel sensible. J’en appelle à l’esprit communautaire, à la responsabilité partagée que nous avons pour un avenir vert du site des Côtes. C’est tout aussi simple comme ça. »

Lucie Le Corguillé (Conservatoire d’espaces naturel)

Le Conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne (CEN) a pour vocation de constituer et de gérer un réseau de sites préservés, en concertation avec tous les acteurs locaux.

De formation universitaire en sciences naturelles et environnementales, Lucie travaille depuis 19 ans au CEN. Ses actions portent sur plusieurs axes : les zones humides, mais aussi les sujets environnementaux sur le territoire proche de Clermont et enfin la valorisation du patrimoine géologique local.

L’association a déposé un avis défavorable au projet lors de l’enquête publique.

Le point de vue de Lucie Le Corguillé

Lucie Le Corguillé rappelle la richesse de la biodiversité sur les Côtes de Clermont, notamment sur la zone ENS gérée par le CEN : 355 espèces floristiques y sont recensées, dont 80% dans les zones ouvertes. Une trentaine d’espèces de plantes remarquables sont présentes, dont plusieurs orchidées, la vesce de Bithynie, le liseron des monts cantabriques et la guimauve faux-chanvre. Parmi les espèces animales présentes sur les Côtes de Clermont : la laineuse du prunellier (papillon et espèce menacée), la thécla de l’orme (papillon) et la lucane cerf-volant (coléoptère). « Ce qui est original sur le plateau de Clermont, c’est qu’il y a ici un climat presque méditerranéen. Il est rempli d’herbes, d’arbustes, de plantes qui prospèrent dans cette sécheresse relative. Ce n’est pas pour rien que ce site a été le verger de la ville pendant longtemps. »

Impact et plan d’ensemble

Lucie indique que l’emplacement du champ de panneaux solaires aura certainement un impact sur les corridors écologiques du plateau.

« Depuis la fermeture de la carrière, il y a deux décennies, de nouveaux habitats naturels se sont installés. Ainsi, des couches d’argile ont été mises à jour. La pluie rencontre une couche imperméable, de sorte que, pendant une partie de l’année, une zone aquatique humide s’est développée. Un écosystème à part entière, avec plusieurs espèces d’amphibiens (grenouille et triton), animaux protégés au niveau national. »

« Le projet Valeco positionne ses panneaux solaires en dehors de ces zones humides, mais on ne sait pas l’impact qu’il aura sur le déplacement des espèces (en période de migration par exemple). Nous trouvons surtout dommage qu’il n’y ait pas eu d’abord un projet global d’aménagement des Côtes. Là, un probable aménagement du massif devra faire avec la centrale, d’autant plus qu’elle sera installée à un endroit stratégique qui aurait fait une belle entrée de site. »

« Le CEN n’est pas contre les énergies renouvelables, mais nous estimons que ce projet est allé trop vite et qu’il aurait été certainement moins impactant ailleurs, par exemple sur le rebord de la carrière. Il est dommage de ne pas avoir étudié un aménagement de l’ensemble du plateau pour voir éventuellement la place du photovoltaïque dans ce plan. Le plateau a une importante fonction de loisirs – avec 40 kilomètres de sentiers pédestres – en plus de sa nature de proximité. Il est facile à atteindre depuis la ville, même sans voiture, ce qui est important dans l’optique d’un avenir durable. »

Flavien Neuvy (maire de Cébazat, conseiller départemental)

Le maire de Cébazat est doublement concerné par le projet. D’une part, sa commune est l’une des quatre qui sont concernées par le projet d’extension de l’espace naturel sensible. D’autre part, le canton dont il est l’élu départemental en binôme avec Colette Béthune, couvre précisément ces quatre communes, dont celle de Nohanent (complétées par celle de Sayat).
Il a pris position contre le projet.

Le point de vue de Flavien Neuvy

« Je suis hostile à ce projet car cela n’a pas de sens d’installer un parc photovoltaïque dans un site où la nature a repris ses droits, où l’on a un projet d’extension de l’Espace naturel sensible, et si proche du site Unesco. A mon sens, il ne faut rien faire sur ce site, sinon le protéger.
« Certes on peut reconnaître que le projet photovoltaïque protègera ces 11 hectares des motos et des dépôts sauvages, mais cela ne résoudra pas la question sur le reste des Côtes de Clermont, un site exceptionnel qu’il convient de protéger dans son ensemble. Pour cela, il vaut mieux mettre des barrières à l’entrée des chemins et un peu de surveillance. Ce qui rend le problème complexe, c’est que le site s’étend sur plusieurs communes et que de plus, sa gestion ne pourra pas se faire sans les services de l’Etat. Il faut donc réunir toutes les parties prenantes – nous sommes pour partie en zone police et pour partie en zone gendarmerie – pour se coordonner et assurer une surveillance qui peut peut-être s’imaginer par des opérations ponctuelles mais régulières, plutôt que par une surveillance continue. La demande d’extension de l’ENS est en tout cas une première étape vers une gestion concertée.

Règlementation à revoir pour le solaire sur toitures
« En tant que conseiller départemental, je constate que ce dossier est complexe et suscite des prises de position très tranchées. Pour ma part, je suis favorable au développement du solaire, mais de préférence sur les bâtiments avant d’aller vers du photovoltaïque au sol. Cependant la règlementation sur la comptabilité est complexe pour de tels projets, imposant notamment un budget annexe et des procédures que beaucoup de communes n’ont pas les moyens de mettre en œuvre. Ce qui fait qu’on abandonne ces projets. Je le déplore et j’ai d’ailleurs interpellé le ministre de la Transition écologique à ce sujet : il faut que comptablement, ce soit simple de mettre du photovoltaïque sur les bâtiments publics. »

Valerie SOL (combrailles durables)

Combrailles Durables n’est pas – ou n’est plus – une partie prenante du dossier. Mais le regard de cette société coopérative d’intérêt collectif, qui développe des projets d’énergie renouvelable dans un esprit citoyen, nous a intéressé à double titre : une expérience de 14 ans dans la réflexion et le passage à l’action sur le photovoltaïque, et son éphémère intérêt pour le site de Nohanent.

Valérie Sol, chargée d’animation et de développement de la SCIC, nous éclaire, sans entrer dans les arguments spécifiques à Nohanent, sur les enjeux de citoyenneté et d’acceptabilité.

Le point de vue de Valérie Sol

« Nous nous sommes effectivement intéressés au site de Nohanent en 2016. Nous souhaitions développer un projet photovoltaïque au sol, mais nous avons abandonné celui-ci en raison de la présence d’une opposition très déterminée, notamment de l’Ascot. Notre vocation étant de développer des projets éco-citoyens au service du territoire, notre charte sociétale nous impose d’aller uniquement là où existe une démarche citoyenne largement approuvée, qui fait consensus.

« L’intérêt de nos projets par rapport à un projet classique, c’est que les citoyens gardent la maîtrise du projet : c’est toute la différence entre une simple participation financière et une participation des citoyens à la gouvernance. Nous sommes aussi très attentifs au respect de l’environnement et à l’écoute d’institutions comme le CEN Auvergne (Conservatoire d’Espaces Naturels). »

Kevin Verot (Valeco)

La société montpellieraine Valeco, spécialiste de la création et de l’exploitation de sites de production d’énergies renouvelables, exploite aujourd’hui, d’après son site internet, 194 éoliennes et 23 centrales solaires. Elle a obtenu le permis de construire pour développer la centrale photovoltaïque de Nohanent (rappelons que deux recours ont été déposés en octobre dernier sur la validité de ce permis de construire). Kevin Verot est chef de projet pour le dossier de Nohanent depuis 2017. Inutile de préciser que son point de vue est favorable.

Le point de vue de Kevin Verot

« Pour Valeco, le site de Nohanent comporte différents points forts. Le premier est qu’il se situe sur une ancienne carrière, un type de sites qui fait partie des priorités de l’Etat français pour des installations d’énergie renouvelable ; c’est d’autant plus intéressant que ces délaissés – de carrières, décharges, chantiers d’autoroutes… – sont de plus en plus rares car les projets éoliens et solaires se sont multipliés. Le deuxième atout est sa grande proximité avec une zone de grosse consommation – l’agglomération clermontoise – et avec un point de raccordement au réseau, le plus proche étant à peine à trois kilomètres. Enfin, nous avons vu un intérêt certain dans le fait que la zone était déjà classée en zone ‘‘à urbaniser solaire’’, ce qui témoignait d’une volonté déjà présente de valoriser par les énergies renouvelables un site très dégradé , et par ailleurs, cela nous épargnait la phase de démarches à faire par les élus de modifier le zonage, ce qui peut prendre beaucoup de temps. On peut aussi ajouter le fait que le site, certes visible depuis les points hauts, ne l’est pas depuis les habitations de ce secteur, qui sont en contrebas, du fait que l’exploitation de la carrière a formé un creux. »

La partie la plus dégradée

Sur les arguments apportés par les différentes oppositions au projet, Kevin Verot estime que Valeco s’est montré à l’écoute et a fait son possible pour adapter le projet.
« Concernant la municipalité de Nohanent, à l’époque où nous nous sommes intéressés au site, elle ne souhaitait pas prendre parti. Depuis, nous sommes toujours restés en dialogue, dit-il. Quant à l’Ascot, nous nous sommes efforcés d’ouvrir le dialogue et le projet que porte l’association ne semble pas incompatible avec le projet photovoltaïque ; nous avons proposé de laisser un passage pour l’arrivée du public et il restera suffisamment de place sur la carrière pour aménager un parking et un site d’accueil. L’idée de faire des Côtes de Clermont un poumon vert de la Métropole est intéressante et peut largement se déployer sur les 250 ha de la partie la plus intéressante, alors que nous allons occuper la partie la plus dégradée, où rien n’a vraiment repoussé. Mais nous constatons que l’Ascot a une position fermée et nous le déplorons. »
Sur les inquiétudes quant à la biodiversité, Kevin Verot reprend l’argument du choix de la partie la plus dégradée du site. Il estime aussi que la révision du projet après les observations de la MRAe y répond : « Nous avons suivi les recommandations et revu l’implantation pour supprimer du projet toutes les zones à enjeu fort. »

Une chance pour le territoire

Aujourd’hui, indique le chef de projet, Valeco s’attache à travailler son argumentaire en réponse aux arguments qui lui ont été opposés, dans la perspective des recours déposés auprès du tribunal administratif. « Ces recours vont un peu retarder l’avancement du projet mais nous sommes jusqu’à présent sur des temps de montage qui sont dans la moyenne, conclut-il. Une opposition aussi forte est inhabituelle pour nous car dans la plupart des projets, la proposition de valoriser des sites dégradés est plutôt bien accueillie. Selon moi, ce projet est une chance pour ce territoire, qui a peu d’autres possibilités d’implantation d’un site de cette ampleur. »

Des riverains favorables

Le rapport du commissaire enquêteur fait état d’avis favorables émanant de particuliers, non affiliés à une structure particulière. Il recense deux arguments principaux, qui semblent émaner d’usagers ou d’habitants de ce secteur. Le premier expose que le site des Côtes de Clermont est propice au développement de plusieurs types d’activités, dont la centrale photovoltaïque. Le second traduit l’espoir que ce projet aura pour effet de réduire les nuisances, cet espace clos de 10 ha pouvant ainsi être préservé des dépôts sauvages et des motos ou quads.

Conclusion : l’avenir et le tribunal pour départager

“Choisis ton camp, camarade”, disait-on autrefois dans les luttes politiques ou syndicales… Mais ce n’est pas toujours si simple de choisir, surtout quand c’est l’avenir – pas forcément radieux – qui sera peut-être un jour en capacité de trancher. Et encore… Donc, selon que vous voyez le verre à moitié plein ou à moitié vide, selon que vous voyez l’ancienne carrière à moitié dénaturée ou à moitié renaturée, selon que vous vous inquiétez pour le futur des lucanes cerfs-volants ou celui de votre éclairage, selon que vous vivez à plus ou moins grande distance de l’antenne-relais et de l’ancien oppidum… On pourrait ainsi emboîter toute la chaîne des argumentaires.

Et on finira par admettre au moins une constatation déjà énoncée, démontrée, martelée, que ce soit dans ces colonnes ou ailleurs : nos problématiques sont systémiques, donc extrêmement complexes. Chaque pion manipulé sur l’échiquier de nos crises bouscule les autres pions. Et ceux qui agissent s’exposent à faire des erreurs ou à partir dans la mauvaise direction. Mais y a-t-il une unique bonne direction ? Est-ce une raison suffisante pour ne pas agir ? Décidément, nous ne conclurons pas. D’ailleurs l’histoire n’est pas close : le prochain chapitre est entre les mains du tribunal administratif.

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Propos recueillis entre le 7 et le 30 novembre 2022. Crédit photo de une : Damien Caillard. Les photos des personnes interviewées ont été fournies par celles-ci ou sont de Damien Caillard. Photo de Nohanent : Tabl Trai par Wikimedia (Creative Commons)