En tant que chargée de mission Transition territoriale à la Communauté de Communes du Massif du Sancy, Marie travaille à sensibiliser les élus locaux mais aussi à tisser des liens avec la population et les autres territoires, aussi bien sur l’alimentation que sur l’habitat.
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Ressenti de l’auteur
J’ai connu Marie dans le cadre de son travail auprès du CISCA, le Centre d’Innovation Sociale Clermont-Auvergne qu’elle évoque dans cet entretien. Sa fonction peut surprendre, mais en même temps elle est diablement nécessaire : aider les élus à sortir la tête du guidon sur un territoire précis et durement impacté, en ce moment-même, par le changement climatique : le massif du Sancy.
Avantage, si l’on peut dire : la réalité de ce changement, avec la raréfaction de la couche neigeuse, saute aux yeux de tout le monde, élus comme habitants. Ainsi, les gens sont conscients du problème et sans doute davantage prêts à changer. Mais dans quelle direction ? C’est tout l’enjeu du rôle de Marie, de les faire travailler ensemble, de les inspirer avec des exemples provenant d’autres territoires, et de les faire réfléchir sur des scenari élaborés sur des bases scientifiques et correspondant à un système plus en accord avec les limites planétaires.
Il faut du cran mais aussi beaucoup de diplomatie et d’empathie pour mener cette mission. Le dernier paragraphe nous éclaire sur l’approche “interpersonnelle” de Marie, “chronophage mais efficace” pour la paraphraser. Arpenter les territoires, être au contact de ses habitants et de leurs réalités, et tenter de se mettre à leur place, c’est bien la seule bonne méthode pour penser ensemble le monde de demain.
Damien
Les principaux points à retenir
- Les élus locaux, surtout sur un territoire rural, sont accaparés par les problèmes du quotidien. La mission de Marie, au sein de la Communauté de Communes du Massif du Sancy, est de les aider à prendre du recul et à envisager les enjeux de transition nécessaires – un problème réel mais qui peut paraître “moins immédiat” que les sujets de voirie ou d’assainissement. Pour y parvenir, Marie les confronte avec les réflexions sur le réchauffement climatique à l’horizon 2050 et ses conséquences prévisibles. Cela passe par des vidéos suivies de séances de discussion, qu’elle anime durant 1 heure pendant chaque conseil communautaire. La clé, selon elle, est d’initier le débat. Elle est en cela aidée par les outils du CISCA, centre de recherche et de transfert en innovation sociale basé à Clermont.
- Selon Marie, les élus du Sancy sont à la fois conscients du réchauffement climatique mais très attachés à l’économie du tourisme sur laquelle la majorité du territoire est basée. Néanmoins, l’impact de la raréfaction de la neige a des conséquences directes, même si une “bonne saison”, bien que ponctuelle, peut retarder les changements nécessaires. Cependant, Marie accompagne la réflexion à long terme sur le modèle touristique de demain, prenant en compte la relative “captivité” des publics visiteurs mais aussi la difficulté de remplacer les ressources provenant de l’économie du ski.
- En 2022, Marie a travaillé sur le premier forum public lié au Projet Alimentaire Territorial du Sancy, autre dimension qui lui tient à coeur. Ce dernier porte sur la question de la résilience alimentaire, avec des sous-thématiques comme la diversification de la production agricole, la question de l’installation et de la transmission des exploitants, mais aussi la précarité alimentaire et la raréfaction des ressources. Avec 80 participants et des élus mobilisés, ainsi que l’aide de deux structures dédiées, Marie ressort du forum plus optimiste. Elle insiste sur les idées qui ont émergé de la part des habitants, et sur le nécessaire rôle de facilitateur mais aussi d’accompagnant que doit prendre la collectivité : aider à faire grandir les initiatives de la société civile.
- Elle souhaite aussi conserver le principe de spécialisation territoriale, qui est une réalité, tout en travaillant de concert avec d’autres territoires auvergnats qui mènent leur propre Projet Alimentaire Territorial. Ainsi, dans une logique de collaboration et d’ouverture, mais aussi de partage de bonnes pratiques, Marie a l’espoir qu’un tel dispositif puisse porter ses fruits dans les années à venir.
- L’autre projet mené par Marie est celui des Petites Villes de Demain, un dispositif national portant sur l’habitat et le numérique, en lien avec le plan de relance de Bercy. Pour Marie, c’est un bon moyen de travailler de manière collaborative – là aussi – avec d’autres territoires, au niveau national. Mais certaines logiques voulues par l’Etat, comme le “tout numérique”, ne lui semblent pas réalistes sur les territoires ruraux comme celui du Sancy. Et elle regrette qu’il laisse peu de place à la créativité.
- Enfin, Marie nous livre sa manière de faire pour mobiliser la population sur des ateliers et des événements de ce type : elle passe beaucoup de temps à aller à la rencontre des habitants, à leur parler, à comprendre leurs problématiques. C’est, selon elle, le seul moyen de créer de la confiance et de faire en sorte que les gens deviennent des ambassadeurs. Une méthode chronophage mais très utile sur le long terme.
L’intervenante : Marie Fernandez Madrid
Chargée de mission Transition territoriale et cheffe de projet Petites Villes de Demain à la Communauté de communes du Massif du Sancy
Marie a grandi au Mont-Dore. Fille de médecin, elle pensait d’abord faire carrière loin de son pays d’origine, mais avoue “une attache viscérale” au Sancy. Après des études de droit public à Clermont, elle suit une formation en droit, économie et gestion des collectivités territoriales à l’IADT jusqu’en 2018.
Elle retourne – donc – dans le Sancy avec un premier poste auprès de la ville de la Bourboule en tant que responsable juridique. “Quand tu commences dans une commune comme celle-là, tu vois tout ! C’est très formateur”, concède-t-elle. Elle enchaîne au Mont-Dore jusqu’à devenir directrice générale des services. En octobre 2020, elle rentre à la Communauté de communes du Massif du Sancy, où elle prend en charge la dimension Transition territoriale, sous l’autorité du président Lionel Gay.
Elle participe ainsi à la labellisation Projet Alimentaire Territorial en 2021 puis à l’inscription au dispositif Petites Villes de Demain, dont elle est cheffe de projet.
Enfin, Marie est agent référente de Flavia Lana Faria Da Veiga, doctorante au CISCA [Centre d’Innovation Sociale Clermont-Auvergne], en thèse CIFRE auprès de la Communauté de communes du Massif du Sancy. Flavia et Marie travaillent ensemble sur la question : “Comment la transition récréative alimente la résilience d’un territoire de moyenne montagne, dans un contexte de dérèglement climatique ?“
Contacter Marie par mail : m.fernandezmadrid [chez] cc-massifdusancy.fr |
Crédit photo : Marie Fernandez Madrid (DR)
Accès direct aux questions
- Pourquoi travailles-tu à sensibiliser les élus de la communauté de communes du Massif du Sancy [CCMS] à la transition ?
- Et comment procèdes-tu ?
- Quelle est l’approche des élus du Massif du Sancy face au dérèglement environnemental, aujourd’hui ?
- Que représente l’économie du ski pour les communes du Sancy ?
- Quelle est alors la solution envisagée pour faire face au manque de neige ?
- Partages-tu cet axe de développement ?
- Tu portes plus d’espoir, cependant, sur les attentes des habitants…
- Que retires-tu de ce forum ?
- En aval de ce type d’événements, quel peut alors être le rôle de la collectivité dans la transition ?
- Plus largement, comment se présente le PAT du Massif du Sancy ?
- Quelles sont les solutions envisagées par les agriculteurs locaux pour s’adapter à ce besoin de résilience alimentaire ?
- Mais un territoire comme le Massif du Sancy peut-il vraiment subvenir à ses besoins alimentaires ?
- Enfin, tu animes le dispositif “Petites Villes de Demain” [PVD] sur le Sancy. De quoi s’agit-il ?
- Quelle est la traduction du PVD sur ton territoire ?
- Ta manière de faire réside dans l’interpersonnalité “directe”…
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
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Pourquoi travailles-tu à sensibiliser les élus de la communauté de communes du Massif du Sancy [CCMS] à la transition ?
Pour les aider à prendre du recul. C’est une volonté de son président, Lionel Gay : la communauté de communes doit amorcer sa transition et aider ses communes membres à entamer la leur. Mais les élus qui la composent, comme tous les élus locaux, ont la “tête dans le guidon”. Leur charge est énorme : ils doivent traiter des problèmes quotidiens comme l’assainissement, la voirie, les conflits de voisinage…
C’est ma mission : aider [les élus] à se projeter sur le long terme.
Pourtant, il faut faire de la prospective, envisager notre devenir en tant que collectivité, s’interroger sur le projet sociétal. Mais ce n’est, par définition, pas un problème immédiat… et les élus n’ont a priori pas de temps pour cela. C’est donc ma mission : les aider à prendre ce recul, à se projeter sur le long terme.
Et comment procèdes-tu ?
En général, je dois leur faire “un peu peur”, tout en montrant la réalité : c’est nécessaire pour susciter la prise de conscience. Depuis peu, on projette des vidéos : au dernier conseil communautaire, elles traitaient du réchauffement climatique à l’horizon 2050 et des différents scénarios élaborés par l’ADEME. A minima, ça fait débattre ! Et, dès que le débat s’installe, c’est gagné.
Dans ces conseils, il y a toujours des échanges bien sûr, mais le fond est peu abordé, car le cadre n’est pas idéal – les sessions sont longues, l’ordre du jour est dense… la nouvelle approche du président consiste à dédier une heure [au “temps long”] : 30 minutes de vidéo, 30 minutes de discussion. Cependant, on ne cherche pas à braquer les gens, il faut que la discussion se déroule naturellement et sereinement.
On ne cherche pas à braquer les gens.
Les dispositifs de transfert du CISCA [Centre d’Innovation Sociale Clermont-Auvergne], sont également utiles : ils permettent de faire passer clairement les principaux concepts de la transition et de la résilience territoriale aux élus. Le CISCA développe notamment des outils de design interactif qui facilitent l’intelligence collective et donc la compréhension.
Quelle est l’approche des élus du Massif du Sancy face au dérèglement environnemental, aujourd’hui ?
Nos 35 élus représentent 9700 habitants sur 20 communes, dont les plus grosses (Besse, la Bourboule, le Mont-Dore) constituent 50% de la population. Je pense que ces élus ont une vision systémique des choses, sans le savoir. Pour eux, l’économie – et donc le tourisme, principalement – prime : elle génère des emplois et des richesses. Mais cela a nécessairement des impacts sur l’environnement ou sur le social.
Cela dit, les élus sont également conscients de l’évolution du climat. Mais ça dépend de la qualité de chaque saison. En général, la réflexion porte sur le court terme : si l’année précédente a été bonne, avec beaucoup de neige, on peut avoir l’impression de faire un pas en arrière dans la prise de conscience et dans l’action ! Même si tout le monde est d’accord sur le fait que la couche neigeuse diminue et que la dépendance à l’aléa climatique augmente.
Que représente l’économie du ski pour les communes du Sancy ?
C’est simple : les remontées mécaniques des stations, petites ou grandes, appartiennent à la commune. Elles sont souvent gérées par des Sociétés d’Économie Mixte [SEM] via une délégation de service public, et une partie du chiffre d’affaires est alors reversé à la commune. Cela peut représenter une somme considérable pour une collectivité.
Les élus sont conscients de l’évolution du climat. Mais ça dépend de la qualité de chaque saison.
C’est pourquoi l’impact du dérèglement climatique touche d’abord ces SEM et les communes. Pourtant, la fréquentation est remontée en flèche depuis la pandémie de Covid-19. Notre public cœur de cible est représenté par les familles, avec les curistes pour la Bourboule et le Mont-Dore. Ce ne sont généralement pas des grands sportifs, et ils sont “captifs”, dans le sens où ils restent sur place, qu’il y ait de la neige ou pas. Ils viennent profiter de la montagne.
Quelle est alors la solution envisagée pour faire face au manque de neige ?
L’axe partagé par les élus porte sur le “quatre saisons”, à savoir le développement d’activités touristiques qui ne soient pas toutes dépendantes de la neige. Cependant, le problème reste la capacité d’investissement, car en général cette approche implique des infrastructures, qu’il faut construire… et entretenir !
Mais, attention, rien ne remplacera financièrement l’industrie du ski, avec ses forfaits, ses locations de ski, ses nuitées, ses tablées…
Partages-tu cet axe de développement ?
Personnellement, je trouve que la stratégie des “quatre saisons” est bonne mais pas suffisante pour faire face aux enjeux à venir. D’un côté, ça ne règle pas forcément le problème énergétique [parmi d’autres], car on voit que c’est aujourd’hui un des plus gros postes de dépenses d’une station, via les remontées mécaniques.
Rien ne remplacera financièrement l’industrie du ski.
D’autre part… cela pourrait être, selon moi, plus ambitieux en termes de résilience territoriale. Mais la question n’est évidemment pas simple. Certes, il faut maintenir une attractivité touristique, c’est notre point fort. Mais quelle est la vision économique derrière ? Ce modèle est-il tenable ?
Tu portes plus d’espoir, cependant, sur les attentes des habitants…
C’est vrai que les habitants ont une approche plus radicale de la transition ! Je le vois principalement à travers le Projet Alimentaire Territorial [PAT] que nous mettons en place, et pour lequel la CCMS a organisé un forum public le 19 octobre 2022.
Là, les thématiques abordées étaient larges et ambitieuses : installation et transmission des exploitations agricoles, diversification de la production, (…) changement climatique… Avec ma collègue, Marlène Gautier, animatrice du PAT, on a mis en place ce dispositif avec les Greniers d’Abondance et le BASIC [Bureau d’Analyse Sociétale d’Intérêt Citoyen].
Que retires-tu de ce forum ?
Il y avait 80 participants, ce qui est une vraie marque d’intérêt de la part de la population. J’y ai animé deux ateliers, l’un sur la précarité alimentaire et l’autre sur la raréfaction des ressources, et on a vu que l’intelligence collective a très bien fonctionné du moment que l’on mélangeait les élus, les agriculteurs et les habitants.
Les habitants ont une approche plus radicale de la transition !
Pour moi, ça prouve la puissance du collectif. On dit que les gens se désintéressent du fait politique, mais pas du tout ! Certes, ils vont moins voter, mais restent très engagés dans la vie de la cité, dans la dimension citoyenne de la politique.
La preuve : le forum a fait émerger plein de belles idées, avec du “bon sens paysan”. Autrement dit, des choses qui sont logiques, peu coûteuses, peu impactantes d’un point de vue environnemental et qui créent du lien social. En fait, j’ai vu que les gens étaient curieux de voir ce que font les autres. Ce forum m’a redonné de l’espoir.
En aval de ce type d’événements, quel peut alors être le rôle de la collectivité dans la transition ?
Je pense qu’il faut faciliter l’émergence d’initiatives privées, et surtout les aider à se concrétiser. Le forum a servi à générer des idées, mais peu deviennent des projets structurés. Ou alors ça se fait de manière marginale, comme avec la mutualisation de matériel agricole sur Besse – ce qui, sans accompagnement spécifique, ne touche que peu de monde. Donc, je pense que la collectivité doit “créer l’événement” avec le forum, porter certaines initiatives, et en laisser d’autres à la société civile. A condition de proposer une forme d’aide, voire d’accompagnement.
Il faut faciliter l’émergence d’initiatives privées, et surtout les aider à se concrétiser.
Pour autant, il ne fait pas imposer les méthodes du secteur public, qui sont souvent trop rigides, trop silotées. Là-dessus, je suis complètement la pensée d’Arthur Keller : la société civile doit être libre d’agir, et porter le maximum d’initiatives terrains. Évitons de frustrer ou d’amputer la créativité des habitants pour leur territoire.
Plus largement, comment se présente le PAT du Massif du Sancy ?
Le territoire est labellisé PAT depuis juin 2021, par le Ministère de l’Agriculture. Nous avons trois ans pour produire des “fiches action”, sur la base du diagnostic réalisé par les deux associations qui ont préparé le Forum. Nous bénéficions même d’un outil numérique, le SISTA, sur la transition alimentaire, développé par le BASIC pour nous !
Le PAT permet ainsi d’avoir une approche systémique et ouverte sur les enjeux alimentaires du territoire face au dérèglement climatique. Il prend en compte toute la chaîne alimentaire, de la production jusqu’au déchet – au-delà de l’assiette. La candidature de la CCMS a d’ailleurs porté sur la notion spécifique de résilience alimentaire. Si on ne cherche pas l’autonomie, on veut développer cette résilience tout en améliorant nos pratiques à long terme et notre coopération avec les territoires voisins.
Quelles sont les solutions envisagées par les agriculteurs locaux pour s’adapter à ce besoin de résilience alimentaire ?
Ils ne s’orientent pas forcément vers la production bio – trop contraignante – mais davantage sur une agriculture raisonnée ou paysanne, et bien sûr extensive. Ils cherchent aussi à se diversifier, notamment vers le maraîchage – ce qui est une bonne manière de renforcer notre résilience.
Le PAT permet d’avoir une approche systémique et ouverte sur les enjeux alimentaires du territoire face au dérèglement climatique.
Historiquement, il y a eu de l’exploitation maraîchère, derrière les thermes du Mont-Dore, à Besse ou sur les Pailhats de Courgoul (à proximité du territoire de la CCMS). Mais la configuration du terrain fait que la mécanisation y était malaisée, et cette exploitation a été abandonnée. Aujourd’hui, on souhaiterait les remettre en valeur dans une approche low tech. Certains habitants étaient même prêts à revenir au cheval de trait !
Mais un territoire comme le Massif du Sancy peut-il vraiment subvenir à ses besoins alimentaires ?
C’est toute la question du “potentiel nourricier” que l’on étudie à travers le PAT. Sur le Saint-Nectaire et la viande, nous avons tout ce qu’il faut… mais, pour le reste, il faut des partenariats. Heureusement, les territoires voisins peuvent nous aider : Limagne, Combrailles sont complémentaires, et même tout le “Sud Auvergne”.
D’ailleurs, de nombreux PAT fonctionnent sur le principe partenarial. Dans le Puy-de-Dôme, nous avons – outre celui du Massif du Sancy – le PAT du Grand Clermont-Livradois-Forez, celui du SMAD des Combrailles, et celui d’Issoire, en cours d’élaboration. Ensemble, nous nous voyons tous les trois mois pour tisser nos liens, et mieux nous connaître. Par exemple, les Combrailles vont se spécialiser dans les vergers, ce qui est très complémentaire de nos productions dans le Sancy.
On garde le principe de spécialités territoriales, ce qui est une réalité de fait.
Et j’insiste : on garde le principe de spécialités territoriales, ce qui est une réalité de fait. Mais on peut aussi se diversifier suffisamment pour devenir résilients ! Les agriculteurs sont d’ailleurs conscients qu’ils n’ont pas intérêt à être trop dépendants d’une ressource ou d’une production unique. On l’a vu cet été [2022] avec les producteurs de Salers.
Enfin, tu animes le dispositif “Petites Villes de Demain” [PVD] sur le Sancy. De quoi s’agit-il ?
C’est un dispositif national, une “territorialisation” du plan de relance de Bercy dédié aux villes de moins de 20 000 habitants. L’objectif est d’y travailler sur l’habitat, la revitalisation des centre-villes et le numérique.
Le problème est qu’il s’agit de la vision gouvernementale sur ce que doit être un territoire résilient… mais elle me semble déconnectée des réalités du monde rural. Par exemple, avec cette volonté nationale d’aller vers le “tout numérique” : comment faire quand il y a 36% des habitants du territoire qui ont plus de 70 ans ?
En revanche, les PVD ont le mérite d’instaurer une méthodologie collaborative entre les lauréats. Nous sommes en effet intégrés dans un réseau national, avec une réunion annuelle des chefs de projet dont je fais partie. 1000 communes sont lauréates désormais, avec la plupart du temps les intercommunalités comme chefs de file.
Quelle est la traduction du PVD sur ton territoire ?
Le gros du programme porte sur [la question du logement], à travers une “opération programmée d’amélioration de l’habitat” avec l’Etat. Concrètement, on va voir des propriétaires occupants et des bailleurs, pour leur dire qu’on va les aider à rénover – cela se fera à partir du printemps 2023.
Les communes concernées sont Besse, le Mont-Dore et la Bourboule. Les PVD permettent également de financer une partie de mon salaire en tant que cheffe de projet, et de réaliser des études dédiées. La clé, d’ailleurs, est une bonne animation. Au final, le dispositif peut être porteur d’améliorations concrètes, mais il est cependant difficile d’être créatif et de sortir du cadre.
Ta manière de faire réside dans l’interpersonnalité “directe”…
Sur un territoire comme le Sancy, le fait de connaître directement les habitants, d’aller leur parler avec un discours personnalisé, fonctionne bien. Derrière, tu crées de bonnes relations, de la confiance, et les gens relaient mieux ton message. Mais c’est chronophage !
Je travaille sur le Massif du Sancy depuis six ans, d’abord à la Bourboule, puis au Mont-Dore et enfin à l’intercommunalité. Je suis originaire du Mont-Dore, je connais les gens et leurs habitudes. Ça ouvre des portes pour discuter ! Tu as peut-être l’impression de perdre du temps au début, mais c’est super utile par la suite.
Pour aller plus loin (ressources proposées par Marie) : Comprendre – le premier rapport produit par les Greniers d’Abondance, “qui met en avant les risques systémiques” Agir – “s’informer ! En allant au-delà des contenus de type institutionnels. C’est important notamment pour les agents des collectivités.” |
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Propos recueillis le 15 novembre 2022, mis en forme pour plus de clarté et relus et corrigés par Marie. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie