Au Brézet, près de Clermont, Julien Berland a créé un site visant à faciliter le recyclage du plastique sous de nombreuses formes. Une approche volontairement plus artisanale qu’industrielle répondant aussi à un besoin de sensibilisation.
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Les Français font partie des plus gros consommateurs de plastique en Europe. Près de 5 millions de tonnes de plastique sont produites en France chaque année, soit 70 kilos par habitant. Environ un quart d’entre eux sont recyclés, principalement par des entreprises industrielles. Le Clermontois Julien Berland (32 ans) a une approche différente. Par ses propres moyens, il a créé Jurassik’Plastik au Brézet l’année dernière, où il traite chaque semaine des centaines de kilos de jouets en plastique et de pochettes de CD.
Donner une seconde vie au plastique
Malgré le froid de décembre, les portes du hangar sont grandes ouvertes : les fumées dégagées par la fonte du plastique ne sont pas vraiment savoureuses, et encore moins saines. Nous visitons l’atelier de Jurassik’Plastik, dans la zone industrielle du Brézet. La salle de plusieurs mètres de hauteur est quasiment impossible à chauffer. Mais apparemment, Julien ne se soucie pas des basses températures dans l’atelier. L’image lorsque nous entrons dans le hall : une batterie de machines lourdes à gauche et un coin salon avec des canapés à l’avant à droite. Derrière eux, de grands bacs de plastique : des pochettes de CD et DVD transparentes, des paniers à linge en plastique, des supports à vaisselle, des chaises de jardin, des seaux et des jouets pour enfants aux couleurs vives. Julien montre une table sur laquelle sont exposés des sous-verres, des tasses et des bols gris foncé, verts et orange : “Ce sont les résultats des premiers tests. En fait, je suis toujours dans la phase pilote. Il n’y a pas encore de produits recyclés de Jurassik’Plastik dans les magasins.“
Julien est avant tout un artiste (l’une de ses plus grandes œuvres trône un peu négligemment dans un coin au fond de l’atelier, mais il voulait, selon ses propres mots, “faire aussi quelque chose pour le recyclage“. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé au magasin de recyclage Jerecycle Parc à Clermont-Ferrand il y a huit ans, dont il a été le président pendant trois ans et est toujours membre du conseil collégial.
Une très grande partie des articles livrés à JeRecycle Parc sont en plastique. L’expérience a montré qu’un bon pourcentage de ces derniers étaient à nouveau cassés ou invendables – et finissaient à la poubelle. Julien a vu combien de plastique a fini sur le tas d’ordures à cause de cela, malgré les bonnes intentions des donateurs et de la ressourcerie. Il a pensé que cela devait changer : l’idée de Jurassik’Plastik était née. Julien explique : “Le nom est lié à JeRecycle Parc, qui est basé sur le film Jurassic Park. En outre, il est également lié à la matière première fossile qu’est le pétrole, utilisé pour produire du plastique.“
Un projet complexe à mettre en place
Le recyclage du plastique implique beaucoup de choses. C’est bien plus que de simplement faire fondre du plastique dans une casserole, le verser dans un moule et le laisser durcir. En réalité, rien que les machines pour ce processus coûtent des dizaines de milliers d’euros. De l’argent que Julien n’a pas pu sortir de sa propre poche. Donc, une fois qu’il a eu l’idée, il a demandé en 2020 au département du Puy-de-Dôme une aide financière dans le cadre du Budget Écologique Citoyen. L’initiative a été approuvée et honorée avec pas moins de 55 000 €. Une somme importante qui a été presque entièrement dépensée pour un broyeur de plastique, une extrudeuse (pour verser du plastique fondu dans des moules) et un compresseur, entre autres choses. “Et ce ne sont même pas les machines les plus récentes, qui sont beaucoup plus chères” poursuit Julien. “Mais sans la contribution du département, je n’aurais jamais pu mettre cela en place.”
Maintenant qu’il a installé l’équipement, Julien peut commencer les premières expériences. Au moins, depuis le début, il n’y a pas eu de pénurie de matières premières à recycler. Rien qu’à Jerecycle Park, entre 500 et 600 kilos de produits en plastique arrivent chaque mois. En outre, le magasin de recyclage Les P’tites Pépites à Billom livre chaque mois à Jurassik’Plastik 150 autres kilos de matières plastiques invendables. Après le tri, sur ces quelque 700 kilos, il reste environ 150 kilos (soit 20 %) de matériaux appropriés pour le recyclage. En effet, le recyclage de certains types de plastique est trop compliqué ou n’est tout simplement pas possible avec les technologies actuelles. Et l’incinération du PVC libère du chlore, donc il est à éliminer aussi. Le type de plastique est marqué sur tous les produits. Le premier travail consiste donc logiquement à faire le tri dans ce qui arrive à l’atelier de Jurassik’Plastik.
Julien peut encore s’occuper seul de la plupart des travaux dans cette phase initiale. Il travaille cinq demi-journées par semaine. De temps en temps, deux bénévoles viennent l’aider pendant quelques heures. Il précise : “Les tasses et les bols que j’ai fabriqués jusqu’à présent sont le prélude à ce que Jurassik’Plastik devrait finalement devenir. Je ne veux pas commercialiser des produits qui finissent ensuite aussi rapidement à la poubelle. Mon objectif est de fabriquer avec tout ce plastique des objets qui dureront ensuite de nombreuses années, voire des décennies. Regarde ces dessous de verre, par exemple. Si je les agrandis, ils pourraient parfaitement servir de carreaux muraux de salle de bain ou de cuisine ; une alternative fantastique et durable à la céramique.”
Un prototype de serre sphérique
Julien est également occupé à concevoir et à construire un prototype de serre sphérique en plastique recyclé. “Jurassik’Plastik est affilié à l’organisation Precious Plastic, qui encourage la création d’initiatives de recyclage comme la nôtre depuis les Pays-Bas. En même temps, des idées sont échangées dans le monde entier grâce à ce réseau qui compte maintenant des centaines de projets sur presque tous les continents. C’est comme ça que j’ai découvert la mini-serre.” indique Julien. Le modèle existant utilise des vitres en verre, mais Julien n’aime pas cela. “Je préférerais que la serre soit fabriquée de matériaux recyclés à 100 %. Je suis encore au milieu de la phase de recherche et je ne suis pas sûr de réussir à développer des vitres transparentes en plastique recyclé, mais ce serait génial si j’y parvenais.”
Nous ne pouvons pas partir sans une brève démonstration de ses capacités. Julien remplit l’injecteur de gravillons de plastique provenant de jouets d’enfants, et branche le moule d’une tasse sous la machine. Il faut sept minutes jusqu’à ce que le plastique soit fondu. Julien presse le matériau à travers un levier dans le moule, le dévisse (avec des gants de cuisine !) et le pose sur la table de travail pour le faire sécher. Quinze minutes plus tard, il fait sortir du moule une tasse parfaitement formée. D’ailleurs, en raison des directives sanitaires, ces gobelets ne feront pas partie de la gamme de Jurassik’Plastik. Mais c’est un excellent exemple du potentiel des produits en plastique jetés de la région qui ont jusqu’à présent fini dans les déchets résiduels. Et en dehors de l’objectif (réduire la montagne de déchets), ce sera bien sûr très amusant, dans quelques années, de faire pousser des herbes et des légumes sous des chaises de jardin recyclées et de carreler la salle de bain avec ce qui était autrefois des supports de lave-vaisselle.
Julien a pour objectif de présenter les premiers produits commercialisables d’ici à la fin de l’année.
Pour aller plus loin : la page Facebook de Jurassik’Plastik |
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Reportage réalisé le 15 décembre 2022 par Imco Lanting, relu par Marie-Pierre Demarty. Crédit photo de Une : Imco Lanting, Tikographie