Star de la Saint-Valentin, la rose que vous offrirez aujourd’hui est tout sauf écologique. Rencontre avec Cécile Alibart, porteuse à Clermont d’un projet éco-responsable, qui pourrait décoiffer vos idées autant que vos bouquets…
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Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?
Vous qui venez peut-être d’offrir à votre amoureux ou votre amoureuse un superbe bouquet de roses calibrées et identiques sur leurs tiges bien droites, vous êtes-vous demandé comment ce prodige est possible ? Savez-vous qu’il est extrêmement probable qu’elles soient arrivées du Kenya, d’Ethiopie ou d’encore plus loin par avion, avec un détour encore plus certain par les Pays-Bas et une fin de parcours en camion réfrigéré ? Et qu’il serait étonnant qu’elles n’aient pas été gavées d’intrants chimiques pour atteindre une telle perfection ?
Assurément, cette Saint-Valentin au cœur de l’hiver n’a rien d’une fête des amoureux de la planète. Et les fleurs fraîches que vous achetez le reste de l’année ne valent souvent guère mieux. Sauf à aller chercher les rares boutiques, horticulteurs et autres artistes du végétal qui se préoccupent de cette problématique trop énorme pour être visible. La plupart sont regroupés dans le collectif « La fleur française », qui garantit que votre fleuriste vend au moins 50% de fleurs produites dans l’Hexagone.
Ils sont à peine 8% en France. Et cinq dans le Puy-de-Dôme : deux horticultrices, deux fleuristes, et Cécile Alibart.
Premier déclic
De cette dernière, ne cherchez pas la devanture débordant de bouquets jusque sur le trottoir. C’est sous l’auvent de sa minuscule courette privée à Montferrand qu’elle compose ses tableaux floraux, ses décors pour mariage, ses couronnes et ce qu’elle appelle ses « planètes », suspensions végétales en forme de boule que les japonais nomment kokedama. Vous les trouverez sur des salons, festivals et marchés de créateurs. Ou en la sollicitant via son site internet.
“Je me dis artiste végétale. Et je trouve que ça me va bien. »
Elle ne crée pas de bouquets et ne se dit pas fleuriste car sa situation professionnelle ne le lui autorise pas. « Étant salariée à temps plein d’une entreprise publique, je ne peux prétendre parallèlement qu’à une activité artistique. Je me dis artiste végétale. Et je trouve que ça me va bien », explique cette souriante quinquagénaire qui, après des études de biologie du végétal, a travaillé dans tout autre chose, mais a traversé la vie en amoureuse de toutes formes de verdure.
Mais aussi en éco-sensible : « Mes grands-parents étaient agriculteurs ; ma mère avait un jardin. Et on pratiquait déjà le tri par souci d’économie. Le respect de l’environnement fait partie de mes valeurs », explique-t-elle.
En 2019, une situation conflictuelle dans son travail provoque le déclic. « J’ai réalisé que j’avais eu plusieurs opportunités de me réorienter vers ce qui me plaisait vraiment, mais que je n’avais pas franchi le pas, comme si je n’avais pas voulu les voir. J’ai fait un bilan de compétences. Je me suis dit que cette fois, quoi qu’il arrive, j’irais jusqu’au bout de la démarche afin de retrouver du sens dans mon activité. »
Parcours d’obstacles
Cécile ne se doutait pas à quel point cette volonté allait se transformer en parcours du combattant. D’abord avec son employeur : avec son statut de contractuelle dans un poste où le recrutement est tendu, elle ne parvient pas à obtenir une rupture conventionnelle, malgré déjà deux demandes et un dossier bien étayé autour d’un projet de création d’entreprise. « Dans le contexte actuel, ce serait beaucoup trop risqué de ma part d’engager le projet sans indemnités de chômage », se désole-t-elle, coincée dans ce qu’elle vit aujourd’hui comme un placard.
Autre difficulté : trouver un terrain de 3000 à 5000 m² pour cultiver ses végétaux. « J’ai même participé l’an dernier à un gros événement du réseau Hey les filles au château de la Bâtisse avec mon annonce accrochée dans le dos. Tout le monde s’en souvient encore… mais ça ne m’a pas apporté la solution. »
En attendant que les choses se débloquent, que les bonnes rencontres ou les signes positifs lui permettent de se lancer complètement, Cécile se forme. Elle passe pendant ses congés un CAP de fleuriste. Puis, faute de trouver une formation spécifique à la culture des fleurs, un brevet professionnel de production maraîchère. « Je suis de plus en plus légitime », constate-t-elle.
Trouver des fleurs
Et aussi de plus en plus précise sur son projet et notamment sur son volet éco-responsable, dans un secteur du végétal où paradoxalement, ces questions se posent très peu. « A l’école de fleuriste à Paris, j’ai été pénible dès le premier jour, en posant la question de savoir pourquoi on ne trie pas, pourquoi on utilise autant de plastique ou de mousses synthétiques, pourquoi il n’y a pas de compostage en accord avec le parc des Buttes Chaumont tout proche… C’est en train de changer un peu, mais en 2019, le CAP de fleuriste, c’était à l’ancienne… » Même chose avec la profession elle-même, avec laquelle Cécile se sent en décalage. Ses tentatives – infructueuses – d’effectuer des stages d’observation en boutique finissent de l’en convaincre.
« Je vise de travailler à 100 % avec du végétal français. »
Et de dessiner les contours de son projet. « J’aimerais créer un salon de thé avec des plantes, des compositions florales ; un endroit où je pourrai faire partager mon univers, vendre mais aussi transmettre dans des ateliers, sensibiliser… »
Autre obstacle : trouver les fleurs ! Les très rares floriculteurs dans notre région, comme Emma alias Punk à Fleurs à Montaigut-le-Blanc, préfèrent vendre elles-mêmes leur (petite) production. L’accès au foncier s’avère complexe. Et Cécile, avec son activité fragmentaire, se contente pour l’instant d’un bout de jardin à Chamalières qu’une amie consent à partager avec elle. Ajouté aux boutures dans des pots qui s’accumulent dans sa cour ou sur le toit de son garage en cours de végétalisation. Elle se sert aussi chez l’unique grossiste labellisé « La Fleur française ». Et va glaner directement dans la nature des branchages, lierres, mousses, lichens… « Je vise de travailler à 100% avec du végétal français », insiste-t-elle.
Suivre les saisons
Elle veut aussi aller plus loin dans l’éco-responsabilité. « Cultiver en France ne veut pas dire respectueux de l’environnement. Le label est assez ouvert et vu le peu que nous sommes et les fortes exigences du marché, on ne peut pas demander trop. » Pourtant, Cécile est persuadée qu’on peut réaliser des merveilles sans teindre les végétaux de couleurs synthétiques criardes, sans emballer des bouquets dans du plastique. Elle utilise des glycérines végétales écologiques pour stabiliser les mousses et lichens de ses tableaux et suspensions. Elle composte tout ce qu’elle peut.
Et elle développe sa créativité autour de ce qu’elle a sous la main : un peu comme pour les produits maraîchers, on peut penser sa décoration avec du végétal de saison. Les roses, ça ne commence pas avant mai. Au creux de l’hiver, on passe aux fleurs séchées et aux feuillages, en attendant les toutes premières fleurs fraîches qui ne vont pas tarder à pointer le bout de leurs corolles : giroflées, anémones, renoncules, jacinthes, mimosa du Var, puis les jonquilles… « Si vous achetez des tulipes maintenant, vous pouvez être sûrs qu’elles ont poussé en serres chauffées, ce qui n’est pas plus écologique que l’importation par avion ! »
« C’est comme pour les légumes moches ! On peut faire de très beaux bouquets avec des fleurs pas très belles individuellement. »
Être créatif et éco-responsable, c’est aussi changer le regard sur la façon de décorer. Cécile joue sur la récup’, transformant un ceintre métallique en armature pour une superbe couronne de fleurs, ou faisant, avec humour, surgir une verdure inattendue d’une paire de baskets usagées. Ou utilisant ce que des fleuristes « classiques » négligeraient. « C’est comme pour les légumes moches ! s’amuse-t-elle. On peut faire de très beaux bouquets avec des fleurs pas très belles individuellement. »
Bousculer Saint Valentin
En attendant de pouvoir donner pleine mesure à cette créativité, Cécile Alibart fait des apparitions éphémères, mais remarquées. Comme au festival Mondemain à Maringues au printemps dernier, qui lui a donné l’opportunité de se lancer et de donner une existence concrète à son activité, baptisée « Fleur’T avec les Sens ». « J’ai fait un stand grandiose, où on pouvait marcher pieds nus sur la mousse », dit-elle fièrement.
On a pu la rencontrer aussi au marché de Noël du quartier Delille à Clermont. Et elle propose sur commande ses alternatives pour la déco de mariages ou d’événements.
Et aussi, selon les occasions, elle adore partager son savoir-faire dans des ateliers pour adultes ou pour enfants. Par exemple, des séances avec des bénéficiaires de l’Association des Paralysés de France sont programmées pour très bientôt. Elle rêve d’intervenir dans les maisons de retraite. Ou de contribuer à végétaliser son quartier de Montferrand.
Bon mais pour la Saint-Valentin, alors ? Pas de roses ? « Même des fleuristes de notre réseau qui souhaitaient franchir ce pas n’y parviennent pas et les mettent encore à l’honneur d’après ce que j’ai constaté », regrette Cécile.
Pour sa part, libre de contrainte économique, elle cultive les alternatives : pourquoi pas un bon cadeau pour un atelier de création de bouquets, ou une délicate composition de fleurs séchées en forme de cœur ? En plus d’être bieeeeen plus écologique que votre bouquet de roses, ce sera aussi infiniment plus original !
Consulter le site internet de Cécile Alibart : Fleur’T avec les Sens |
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Reportage réalisé le jeudi 8 février 2023. Photo de Une : Cécile Alibart avec ses compositions de fleurs séchées, tableaux de mousses et de lichens – Crédit Marie-Pierre Demarty, Tikographie