Chaque vendredi dans la coopérative maraîchère et entreprise d’insertion de Gerzat, quatre généreuses retraitées se relaient pour cuisiner les invendus et préparer un repas pris en commun. Conversation devant les fourneaux avec deux d’entre elles.
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Mon ressenti
J’ai eu l’occasion de visiter le Biau Jardin à l’automne dernier, avec un groupe de citoyens-consommateurs participant à la démarche du Projet alimentaire territorial que j’ai racontée ici. C’est à ce moment que j’avais appris l’existence de ce groupe de cuisinières bénévoles.
Elles m’ont paru être significatives de deux notions que j’aime particulièrement mettre en avant quand on parle d’engagement citoyen.
La première est l’idée que chacun peut trouver sa place dans les collectifs qui œuvrent en faveur de l’environnement, de la résilience, de la réponse aux urgences et aux dérèglements. Il y a suffisamment à faire pour que chaque tempérament, chaque appétence, chaque bonne volonté trouve une occupation où il trouvera du plaisir en même temps qu’il se sentira utile… y compris si votre plaisir est de cuisiner!
La deuxième tient au sens qu’on trouve à agir. Les projets les plus enthousiasmants sont ceux où plusieurs sortes de bénéfices s’additionnent en une même action. Ici, on ne saurait pas dire s’il s’agit de solidarité, de lutte contre le gaspillage, d’éducation à l’alimentation… parce que c’est tout cela à la fois. Et ces dames démontrent merveilleusement que ces croisements ne se trouvent pas que dans les grands projets.
En plus, vous savez quoi ? ça sent drôlement bon dans leur cuisine !
Marie-Pierre
Les principaux points à retenir
- Le Biau Jardin est une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) dédiée au maraîchage bio à Gerzat, aux portes de la métropole clermontoise. Elle a la particularité d’être aussi une entreprise d’insertion, permettant le retour à l’emploi de personnes en situation de précarité, avec un accompagnement dans leur parcours, pendant deux ans.
- Le statut de SCIC permet aux clients-consommateurs de devenir associés et même bénévoles pour certaines tâches. Des retraitées impliquées dans la SCIC ont ainsi développé une activité aussi utile que généreuse : chaque vendredi, elles se relaient pour cuisiner les invendus et préparer un repas proposé à toute l’équipe à un tarif symbolique.
- Eliane et Evelyne, deux de ces cuisinières, expliquent les nombreuses vertus de ce “petit geste” : offrir un bon repas à des personnes en insertion, leur montrer qu’on peut cuisiner simplement, lutter contre le gaspillage, favoriser la convivialité dans l’équipe…
- Le croisement de ces différents bénéfices permet de trouver du sens à une action toute simple.
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Ce vendredi-là au menu, c’est carottes râpées, purée de pommes de terre et saucisses au four, salade de fruit maison. Quantité suffisante pour 25 personnes. En fin de matinée, d’alléchantes odeurs s’échappent de la petite cuisine.
Ici, ce n’est pas vraiment un restaurant d’entreprise même si ça s’en rapproche. Il n’est ouvert que le vendredi. Tout est cuisiné sur place et surtout… bénévolement.
Nous sommes au Biau Jardin, à Gerzat. Une ferme de maraîchage bio un peu spéciale en bordure de la métropole clermontoise, car elle est aussi une entreprise d’insertion et une SCIC, le genre de coopératives où toutes les parties prenantes peuvent devenir associées. Y compris les consommateurs et toutes les personnes qui veulent participer au projet.
Comme Evelyne et Eliane, qui ce matin-là font la popote sur place. La petite équipe des cuisinières bénévoles – Michèle et Catherine prendront le relais la semaine suivante – ajoute quelques facettes supplémentaires à cette décidément drôle d’entreprise : convivialité, générosité, anti-gaspillage. Car à tour de rôle, elles viennent cuisiner ce qu’il reste après la distribution des paniers aux abonnés des jeudis et vendredis, pour un repas partagé entre salariés et personnes en insertion. Le principe : repas à 1 euro s’il n’y a pas de viande et à 2 euros si les invendus de la boutique permettent d’y ajouter de la viande. Seules les cuisinières ont droit au repas gratuit, « en compensation de notre huile de coude ! », s’amuse Eliane, couteau en main pour hacher la ciboulette.
Cuisine paysanne
« Nous arrivons vers dix heures et nous regardons ce qui se trouve dans la réserve : des légumes en surplus ou qui n’ont pas été distribués parce qu’ils sont un peu abimés ou pas beaux, des invendus de la boutique. Nous faisons en fonction de ce que nous trouvons : des soupes, des purées, des potées, des plats au four… », explique Evelyne. « Ce sont des recettes basiques et paysannes, mais quand même une cuisine goûteuse ! », complète Eliane.
“Nous regardons ce qui se trouve dans la réserve : des légumes en surplus ou qui n’ont pas été distribués parce qu’ils sont un peu abimés ou pas beaux. »
Evelyne
Alors qu’Evelyne a rejoint l’équipe il y a quelques mois, Eliane est une engagée de la première heure ou presque. Associée depuis 2005, membre du conseil d’administration, elle se souvient des débuts de cette cuisine hebdomadaire : « D’abord, en tant que bénévoles, on nous sollicitait quelquefois pour la préparation des paniers à distribuer, quand il manquait de monde. Puis de temps en temps on s’est mis à faire une soupe avec ce qui restait. C’est comme cela qu’est née l’idée de faire la cuisine régulièrement. »
Evelyne a entrepris d’éplucher des pommes pour la salade de fruit. Eliane se retourne pour surveiller la cuisson des pommes de terre. Et cherche le presse-purée qu’a apporté Evelyne – petit complément aux ustensiles dont la cuisine est équipée. Pas question, tout en discutant, de se laisser détourner de la mission du moment, car elle savent que les premiers membres de l’équipe – ceux qui doivent repartir pour la tournée de distribution des paniers, arriveront vers midi.
Les jardiniers, eux, se rapprocheront un peu plus tard. Aujourd’hui, vu les bourrasques de vent et la pluie qui menace, la table sera dressée dans la serre, mais dès que le temps s’y prête, c’est à l’extérieur que la tablée s’installe.
L’envie d’aider
Ce qui motive ces dames ? Plein de raisons, et peut-être justement le fait que leur petit geste hebdomadaire ait autant de vertus cumulées. « L’envie d’aider des personnes qui ont été cabossées par la vie, en leur proposant un bon repas chaud, indique d’emblée Eliane. En même temps on leur montre qu’il est facile de préparer des bonnes choses avec des recettes simples. Parfois, certains nous les demandent. » Evelyne ajoute la dimension du gaspillage évité : un peu moins de déchets partent au compost. Les deux femmes ont aussi conscience que les maraîchers ont « des métiers pénibles, où ils travaillent par tous les temps”. Et à toutes ces raisons, elles ajoutent encore la convivialité du repas pris en commun. « Ce sont des moments chaleureux où on peut discuter, faire un peu mieux connaissance. »
« C’est toute la démarche qui est intéressante », conclut Evelyne, confiant qu’elle a rejoint le groupe des cuisinières après avoir été longtemps une simple abonnée aux paniers de légumes du Biau Jardin. « Un jour en venant chercher mon panier, raconte-elle, j’ai discuté avec Eliane et… » « Je l’ai harponnée ! », complète celle-ci dans un sourire malicieux.
« Ce sont des moments chaleureux où on peut discuter, faire un peu mieux connaissance. »
Eliane
En plus de l’ordinaire, elles ne rechignent pas à mettre les petits plats dans les grands lorsqu’une occasion se présente, redoublant d’ingéniosité pour composer avec des produits de la boutique des buffets alléchants pour une visite d’élus, de belles tartes aux poires pour l’anniversaire du président, ou un pique-nique à emporter lors d’une visite que l’équipe des maraîchers a effectuée en janvier au fournisseur de plants, dans les Monts du Lyonnais.
Les vertus de la coopérative
Dans la bonne odeur des pommes de terre qu’elle s’apprête à assaisonner et à faire gratiner, la plus ancienne poursuit avec une grande simplicité sur le sens qu’elle voit, plus généralement, à s’engager dans une coopérative comme le Biau Jardin, avec « son approche collective, ses bénéfices qui sont réintégrés en investissement pour l’activité, la possibilité de participer au conseil d’administration mais aussi de donner des coups de main si besoin ». Par exemple, poursuit-elle, les bénévoles animent les stands d’information sur des événements où ils peuvent faire connaître les services de livraison, la boutique, les principes de la coopérative.
« On s’engage progressivement, une chose après l’autre. » Mais une fois qu’on a trouvé sa place dans cette organisation, cela semble difficile de s’en détacher : même maintenant qu’elle vit à Aydat, elle fait régulièrement la route pour venir aider. « J’en profite pour faire des courses à Clermont, pour récupérer mon panier. » Puisque ça a du sens, ça ne semble pas être un effort pour elle.
Pendant que nous discutons, la réserve, juste à côté, s’est vidée de ses paniers étiquetés au nom des abonnés qui sont venus les récupérer les uns après les autres.
Des membres de l’équipe commencent à entrer et sortir. Certains avec leur gamelle car ils n’ont pas toujours tous envie de participer au repas commun. Ce qu’Evelyne et Eliane admettent naturellement : « Quand on a été cabossé par la vie… »
Une bonne occasion de découvrir le site : marché aux plants bio le 6 mai, avec visite de la ferme, conférence, etc. Voir le programme complet. |
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Reportage réalisé le vendredi 31 mars 2023. Photo de Une Marie-Pierre Demarty