Pour Franck Raynaud, la “mobilité servicielle” favorise les alternatives à la voiture individuelle

Par

Damien Caillard

Le

Co-fondateur d’une des principales start-up françaises de “Mobility as a Service”, l’Auvergnat Franck Raynaud revient sur le déploiement progressif de solutions de calculs d’itinéraire privilégiant les transports en commun et les mobilités douces.


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Ressenti de l’auteur

J’ai le plaisir de connaître Franck depuis les débuts du Connecteur et même avant puisque nous avions travaillé en amont de la création du Bivouac, l’ancien accélérateur de start-ups clermontois – qui l’avait aidé à développé son offre, d’ailleurs. J’avais fait un premier entretien en 2018 avec lui, sur l’angle numérique et innovation, et il était temps de faire une petite mise à jour.

Aujourd’hui, c’est l’angle mobilité et numérique qui me semble intéressant. On critique souvent l’impact du digital et à juste titre mais, comme tout outil, ce dernier a des externalités positives comme négatives. Dans le cas qui nous intéresse, la fin de la voiture individuelle au quotidien en ville peut complexifier certains trajets (ou pas, si vous optez pour le vélo par exemple, mais c’est encore un autre sujet). Aller d’un point A à un point B en combinant covoiturage, tram, bus et marche n’est pas forcément évident.

Un calculateur d’itinéraire personnalisé est une grande aide. Surtout s’il permet d’acheter les billets ou de déverrouiller les véhicules en libre service. C’est le type d’application proposée par la société de Franck. Pourrait-on faire de même sans smartphone, voire sans numérique ? Oui, on peut. Au même titre qu’on peut faire le même trajet en vélo mécanique plutôt qu’en vélo électrique. La question est comme souvent celle du curseur : si l’appli numérique facilite l’intermodalité – donc l’abandon de la voiture individuelle – pour davantage de gens, cela peut compenser l’impact de son développement et de son utilisation (via les smartphones notamment). Je n’ai pas de réponse à cette question, mais je pense qu’il faut raisonner de cette manière quand on veut évaluer la pertinence d’une réponse au dérèglement climatique.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. A travers son entreprise Monkey Factory et la “mobilité servicielle” [MaaS, ou Mobility As A Service], Franck souhaite faciliter l’utilisation des réseaux de mobilité urbains en France. Cela passe par des applications numériques qu’il développe, comme des calculateurs d’itinéraire en intermodalité, des systèmes d’achat en ligne de titres de transport ou encore de la réservation à distance de véhicules en libre-service. Il revendique une approche de mobilité inclusive et décarbonée, qui facilite le non-recours à la voiture individuelle pour les déplacements contraints.
  2. La condition du succès de cette mobilité servicielle est la qualité du réseau de transport d’une agglomération. Cela passe, selon Franck, à la fois par la question de son étendue, de sa fréquence de desserte (en fonction des horaires bien sûr), mais aussi de la propreté, de la sécurité, et de la tarification. La mobilité servicielle doit intégrer tous ces paramètres et bien d’autres, comme les disponibilités de parkings, les bornes de recharge électrique ou les périmètres Zones à Faible Emissions. Les itinéraires proposés doivent aussi être adaptés aux contraintes personnelles de chaque usager.
  3. Franck se félicite de la prise de conscience de l’impact de la mobilité dans le dérèglement climatique, notamment concernant la voiture individuelle – qui reste parfois indispensable – et ce même si elle se fait tardivement. Néanmoins, il insiste sur le rôle politique des collectivités locales dans l’organisation et le renforcement des réseaux de mobilité. Il prend l’exemple de Mulhouse, une agglomération équipée par l’application en marque blanche de Monkey Factory, dont la collectivité a fortement insisté pour que tous les opérateurs concernés ouvrent l’accès leurs données numériques. C’est à cette condition qu’une solution de mobilité servicielle peut fonctionner et produire ses effets, selon Franck.
  4. En Auvergne, berceau de Monkey Factory, Franck fournit une mobilité servicielle partielle sur Clermont et le Puy à travers MyBus, son application générique. Il aimerait y mettre en place une solution numérique plus complète, qui intègrerait notamment la totalité des titres de transport disponibles. La gratuité du réseau clermontois le week-end comme les travaux d’Inspire ou la future zone à faible émissions ne sont pour lui pas des problèmes majeurs. Il espère en revanche progresser dans les échanges en cours avec les opérateurs de covoiturage comme avec la SNCF, afin d’intégrer leurs données (au niveau national) dans ses applications et mieux connecter le rural à l’urbain.

L’intervenant : Franck Raynaud

Co-fondateur, Chief Operating Officer de Monkey Factory

Originaire de l’Allier, Franck a suivi des études en gestion et en management RH à Clermont puis à Lyon. Il en est sorti diplômé en 1995. Il travaille ensuite à Paris dans le secteur du numérique pour un groupement de filiales d’EDF, puis s’oriente vers la communication digitale. De retour sur Clermont, il fonde l’agence Iris Interactive dans de domaine.

En parallèle, Franck souhaite favoriser la “transition numérique” des entreprises. Il participe d’abord à une association de sensibilisation de l’usage du numérique auprès des entreprises, puis rejoint Auvergne TIC – l’ancien cluster du numérique auvergnat – qu’il préside jusqu’à sa fusion avec Numélink en 2016 (cluster similaire à Saint-Etienne) – tout étant aujourd’hui rassemblé dans le cluster régional Digital League. Enfin, il a par ce biais contribué à la création du Bivouac, l’ancien accélérateur de start-ups clermontois.

Aujourd’hui, Franck est Chief Operating Officer de l’entreprise Monkey Factory, qu’il a cofondée avec son associé Frédéric Pacotte. Il travaille au développement d’applications et de solutions numériques de mobilité servicielle pour les réseaux de transports des agglomérations françaises, et souhaite ainsi contribuer fortement à la décarbonation de la mobilité individuelle.

Contacter Franck par e-mail : fraynaud [chez] monkeyfactory.fr
Crédit photo : Monkey Factory (DR)

La structure : Monkey Factory

Entreprise basée au Puy-en-Velay éditant des logiciels et applications de mobilité servicielle

Créée en 2016 par Franck Raynaud et Frédéric Pacotte, Monkey Factory édite plusieurs solutions logicielles destinées aux réseaux de mobilité (transports en commun, véhicules en libre service, parkings relais, etc) des villes et agglomérations françaises. Elle compte une trentaine de collaborateurs, principalement sur les sites du Puy-en-Velay et de Clermont-Ferrand.

Ses principaux produits sont l’application MyBus, présente sur 410 réseaux de mobilités comme Clermont mais aussi Limoges, Béziers, Nancy ou le Puy. L’autre offre en plein développement consiste à proposer des applications identifiées aux réseaux clients, comme pour Mulhouse où l’appli officielle, dénommée “Compte Mobilité“, a été réalisée par Monkey Factory en “marque blanche”. C’est, selon Franck Raynaud, la meilleure solution puisqu’elle intègre l’ensemble des services de mobilité de la ville, alors que l’offre dans l’appli partagée MyBus peut être partielle.

En mars 2023, l’entreprise recensait 8000 lignes et 100 000 points d’arrêt référencés sur les réseaux qu’elle couvre en France. Elle est en pourparlers avec les opérateurs de covoiturage et avec la SNCF pour intégrer ces moyens de transport et se développer dans une dimension extra-urbaine. Elle a d’ailleurs participé à un hackathon national en 2022 sur le “titre de transport unique”.

Son objectif est de proposer des solutions facilitant les mobilités douces, durables, décarbonées et inclusives. Et, par là, de faciliter le non-recours à la voiture individuelle pour les trajets “contraints” du quotidien.

Voir le site web de Monkey Factory
Crédit visuel : Monkey Factory (DR)

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

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Ta mission professionnelle est “d’optimiser les déplacements du quotidien”, et notamment leur impact. Pour quelle raison ?

Parce que beaucoup de gens se trouvent en situation de “galère” quand il s’agit de se déplacer. Il faut considérer, ici, les déplacements “contraints” – le travail, les rendez-vous impératifs comme pour amener les enfants à l’école, voir le médecin, etc. Ce sont ceux-là qui posent le plus de problèmes, et qui très souvent font appel à l’automobile.

Pourtant, je suis convaincu que la majorité de ces personnes choisiraient une alternative à la voiture… à condition d’avoir une offre de transports de qualité, notamment en amplitude géographique et en fréquence horaire. C’est ce que vise la “mobilité servicielle” [MaaS, ou Mobility As A Service, NDLR] : elle met l’accent sur la qualité du réseau de transport et facilite le calcul – et l’accessibilité – d’itinéraires potentiellement complexes.

Lire l’entretien : Claire Laignez et Raymond Collet orientent la Plateforme Mobilité vers l’animation de la mobilité solidaire

Mais les souhaits et les contraintes relatives à la mobilité sont très personnelles…

C’est vrai, même si on peut déterminer des critères partagés, partout en France. Pour les transports en commun, outre la taille du réseau et sa régularité, ce seront la propreté ou encore la sécurité. Mais nous avons tous nos besoins propres en mobilité, et certains d’entre nous sont handicapés, âgés, claustrophobes dans les transports bondés ou au contraire adeptes de la bicyclette. Sans parler des contraintes budgétaires.

“Je suis convaincu que la majorité de ces personnes choisiraient une alternative à la voiture… à condition d’avoir une offre de transports de qualité.”

La MaaS doit prendre tout cela en compte. Et le mettre en regard de la complexité des réseaux de transports : sur une même ligne de bus, le niveau de “qualité” de l’offre peut varier d’une heure à l’autre ! Ce qui fait que beaucoup de gens restent persuadés que “c’est plus simple de prendre la voiture pour [tel trajet]”… alors qu’il est probablement plus rapide et plus [facile] de laisser la voiture au parking-relais et de prendre le tram. A condition d’avoir un bon réseau de transport et une bonne information sur l’itinéraire.

Notre travail consiste donc à aller chercher ces gens qui priorisent la voiture, et de leur “pousser” le réseau de transports à un instant t, en prenant en compte leurs besoins et leurs contraintes.

Quelques captures d’écran de l’application de mobilité à Mulhouse, éditée par Monkey Factory. Les services vont du calcul d’itinéraire à l’achat de titres en passant par les places de parking et la location de vélo / Crédit visuel : Monkey Factory (DR)

Les usagers de la voiture sont-ils aujourd’hui conscients de leur impact écologique ?

Globalement, oui, de plus en plus. C’est majoritairement le cas pour les gaz d’échappement. Un peu pour l’usure des pneus, le recyclage des batteries, et le cycle de vie du véhicule. L’autosolisme – le fait d’être souvent seul dans sa voiture – est aussi de plus en plus présent dans l’esprit des gens.

Il y aussi un point qui peut freiner l’adoption des alternatives à la voiture : il s’agit de la voiture électrique. Beaucoup de gens se rachètent une conscience en achetant électrique et en poursuivant l’autosolisme. Ce qui ne règle presque rien, en tous cas pas les bouchons qui sont une vraie contrainte de mobilité. La voiture électrique n’aide donc pas forcément la réflexion sur les différents modes de transport.

Lire l’entretien : Pour Jean-Dominique Senard, « les grands groupes ont une meilleure conscience de leur impact »

Quelle est l’offre que tu déploies à travers Monkey Factory ?

C’est simple : nous mettons en avant tous les modes de transports possibles à un instant t, pour aller d’un point A à un point B sur une agglomération, une métropole, une région, voire d’une région à l’autre.. Cela inclut le train, la marche, le vélo, la trottinette, les voitures individuelles, les véhicules en libre service… mais aussi la disponibilité des parkings, l’intermodalité… jusqu’aux bornes de recharge électriques (à Mulhouse, dans les prochains mois) et à l’achat de titres de transport.

“L’autosolisme – le fait d’être souvent seul dans sa voiture – est aussi de plus en plus présent dans l’esprit des gens.”

Nous sommes donc accélérateurs de mobilités douces, durables, décarbonées et inclusives. Les usagers de la mobilité sont demandeurs de deux choses auxquelles nous répondons : la baisse de l’impact environnemental et la facilitation des déplacements du quotidien, si possible avec des alternatives à la voiture individuelle. C’est une prise de conscience qui se fait enfin – même si elle a vingt ans de retard, on ne peut que s’en féliciter.

L’équipe Monkey Factory, avec les deux co-fondateurs Frédéric Pacotte et Franck Raynaud au premier plan / Crédit photo : Monkey Factory (DR)

Tu évoquais Mulhouse, peux-tu nous détailler cet exemple ?

Nos clients sont les collectivités locales organisatrices des mobilités. Ce sont souvent elles qui font appel aux opérateurs de vélos en libre services, de transport à la demande, etc. Mulhouse est une agglomération que nous couvrons en MaaS, et qui est pour nous le plus bel exemple d’une mobilité servicielle.

Dans ce territoire alsacien, la communauté d’agglo a fait preuve d’une forte volonté politique pour favoriser les transports en commun et les mobilités douces. Elle avait compris que cette transition prendrait des années, peut-être des décennies, au-delà des mandats en cours… mais qu’il fallait absolument pousser les gens vers les alternatives à la voiture individuelle.

“Nos clients sont les collectivités locales organisatrices des mobilités.”

Nous avons donc été choisis pour déployer un système de MaaS en 2021, sur appel d’offres. Notre application numérique est opérationnelle depuis juin 2022. Dessus, il est possible de s’informer en théorie (fiches horaires) et en temps réel du passage des transports en commun, de géolocaliser les arrêts, d’acheter tous les types de titres de transports (dont familles, personnes à mobilité réduite, aides employeurs…). Mais aussi de réserver des véhicules en libre service, auprès de deux opérateurs de vélo et d’un de voitures. Enfin, les parkings sont connectés et l’on connaît leurs tarifs et leurs places disponibles. 

Explication en vidéo (par Monkey Factory) du fonctionnement d’un MaaS, avec l’exemple de Mulhouse

Cela est-il efficace pour mettre en avant les mobilités douces et l’intermodalité ?

En tous cas, on se sert de la technologie pour favoriser ces changements de comportement. On peut ainsi tout à fait mettre en place une tarification incitative très souple et adaptée, par exemple en indiquant que, si on utilise tel parking relais à tel créneau horaire, on a une forte réduction sur le ticket de tram. On peut même dire combien de places il reste dans le parking ! Tout cela facilite énormément le parcours utilisateur.

Quels sont les facteurs-clé de succès de la mobilité servicielle sur une agglomération ?

Notre expérience à Mulhouse montre que c’est d’abord la volonté politique, et la capacité à rassembler tous les acteurs de la mobilité… puis à les contraindre si besoin à ouvrir leurs données. L’agglo mulhousienne a fixé un cap : les opérateurs ont dû ouvrir l’accès à leurs API [modules informatiques permettant le transfert de données vers un tiers, NDLR] sur l’info voyageurs et les titres de transports.

“On se sert de la technologie pour favoriser ces changements de comportement.”

L’autre point réside dans la sensibilisation de l’ensemble des collectivités de l’EPCI, et de leurs techniciens concernés. Fermeté et clarté du projet font beaucoup pour cela. Notre rôle, ici, est d’être un catalyseur : nous ne faisons pas de sensibilisation. Mais des organismes comme le CEREMA, au niveau national, savent très bien s’y prendre.

Enfin, il faut mettre des moyens. Il n’y a pas de projet MaaS au rabais, et il faut aussi bien s’organiser en interne. Mais il est possible d’optimiser l’outil : une étude du CEREMA datant de 2022 a montré que 91% des collectivités en France veulent accélérer leur transition dans les mobilités en enrichissant leurs services numériques (notamment de type MaaS). Pour nous, c’est une incroyable opportunité pour déployer notre solution en marque blanche, qui s’agrémente chaque trimestre de fonctionnalités nouvelles.

Lire l’entretien : Pour Nicolas Debaisieux, « le rail a déjà fait ses preuves » sur la transition écologique

Pouvez-vous équiper des petites agglomérations ?

Oui, et nous le faisons déjà – nous sommes présents sur 410 réseaux de transports locaux en France avec certains de nos produits. Notre produit “historique” MyBus couvre à ce jour 100 000 points d’arrêt et 8000 lignes y compris en outre-mer ! Cela dit, la complexité d’un outil de MaaS est surtout liée à la variété des modes de transports concernés, plus qu’à l’étendue du réseau.

Nous mettons en avant Mulhouse car c’est l’appli la plus complète et aboutie à ce jour. Et c’est ce qui nous a crédibilisé. Mais des “petits” réseaux de transports peuvent nous commander un MaaS à leur dimension. Le travail reste en partie de l’ordre du sur-mesure, même si nous avons d’ores et déjà développé et déployé un socle fonctionnel important.

Le tramway de Mulhouse, comme à Clermont, est un élément structurant de la mobilité dans l’agglomération alsacienne / Crédit photo : Pline sur Wikimedia Commons, CC BY SA 3

Il y a aussi une réflexion nationale sur le “titre de transport unique”…

En effet, nous avons participé en 2023 à un hackathon organisé par l’Agence de l’Innovation pour les Transports, avec 70 acteurs du secteur de la mobilité des personnes. Il y avait des collectivités, des billetticiens, des exploitants type Keolis, Transdev, RATP, des éditeurs de logiciels comme nous, etc. Le but : imaginer le titre de transport de demain.

Il faut savoir qu’en Suisse (avec le Swiss Travel Pass) ou dans certaines régions de l’Allemagne, on peut acheter un titre “unique” en ligne, qui servira sur plusieurs réseaux de transports pour un déplacement. Parfois, cela revient à acheter plusieurs titres coordonnées, mais via un seul acte d’achat. Bref, cela simplifie énormément le parcours.

“C’est d’abord la volonté politique, et la capacité à rassembler tous les acteurs de la mobilité [qui font la réussite d’un projet MaaS]”

Ce sujet est un serpent de mer depuis longtemps. Mais on sent que la volonté politique arrive, et d’ailleurs le ministre Clément Beaune était président du jury de ce hackathon. Il y a – enfin ! – une vraie sensibilité à ouvrir les données. Pour nous, c’est une belle opportunité puisque nous gérons une application mobile, MyBus, qui couvre 410 réseaux de transports, et que nous pourrions interconnecter de cette manière.

MyBus est notamment fonctionnel sur Clermont. Quels sont tes projets ici ?

L’appli MyBus fournit, sur Clermont Métropole, les horaires de transports en commun en temps réel, la disponibilité des C-Vélos, et une partie des titres de transports locaux en vente. Cela représente plusieurs milliers d’achats tous les mois. C’est la même appli générique que pour les autres 410 agglomérations que je citais – dont l’appli en “marque blanche” utilisée, par exemple, à Mulhouse ou à Nancy.

Frédéric Pacotte, mon associé, et moi-même sommes auvergnats : nous aimerions beaucoup développer l’appli “officielle” de mobilité de Clermont, en MaaS. Mais cela dépend de la volonté politique au niveau de la Métropole, comme ce qu’on a vu dans les autres territoires.

L’offre C-Vélo à Clermont est reconnue comme étant une réussite, mais elle doit s’inscrire dans un “système vélo” plus large … et peut-être faire partie d’une offre de mobilité servicielle / Crédit photo : Agence d’Urbanisme Clermont-Métropole (DR)

La gratuité des transports en commun clermontois le week-end impacte-t-elle la MaaS ?

Techniquement, non, c’est juste un paramètre de tarification. Mais il est certain que la gratuité ne résout pas le problème de la fréquentation, il peut même avoir tendance à l’aggraver. Plus généralement, la gratuité est intéressante seulement si l’offre de transports est à la hauteur. Cela pour absorber le regain d’intérêt qui sera engendré. 

“[Mon associé et moi-même] aimerions beaucoup développer l’appli “officielle” de mobilité de Clermont, en MaaS.”

Le risque est donc réel d’accentuer les problèmes, et surtout le degré d’insatisfaction des gens qui prenaient déjà les transports en commun. Sans oublier le manque à gagner : à Clermont, une gratuité totale représenterait un manque à gagner de 16 à 17 millions d’euros qui seraient à trouver ailleurs, dans la fiscalité des particuliers ou des entreprises. Il faut donc bien peser le pour et le contre de la gratuité dans les transports.

Les grands projets structurants comme Inspire ou la ZFE [Zone à Faible Émissions] sont-ils une aubaine pour ton offre ?

Inspire, ce sont des travaux sur le long terme. La question est : que peut-on faire à court terme pour améliorer l’impact des mobilités ? Bien sûr, nous pensons que la mise en place d’une MaaS est utile, mais on peut aussi développer des solutions relativement légères comme le transport à la demande, le covoiturage – bien présent à l’esprit des gens, désormais – ou encore les réseaux de vélos électriques en libre service.

La ZFE, quant à elle, va clairement dans notre sens quand on parle décarbonation. Mais c’est la loi, on n’y est pour rien ! Côté utilisateur, ce sera une contrainte supplémentaire, mais à nous de lui faciliter la vie en l’intégrant dans le calcul d’itinéraire. Ce n’est pas encore actif sur toutes les villes que nous couvrons, mais il n’y aura pas de problème technique. Un peu comme pour les parkings-relais déjà intégrés au MaaS : la question sera comment terminer le trajet sans la voiture.

En zone rurale comme pour la majeure partie du Puy-de-Dôme, la voiture est la solution principale. Mais le train, le vélo dans certains cas, et le covoiturage de plus en plus, ont un rôle à jouer / Crédit photo : Plateforme Mobilité 63 (DR)

Enfin, le Puy-de-Dôme est un territoire assez rural. Comment vois-tu l’apport de la MaaS hors de la ville ?

Les zones rurales représentent bien sûr des problématiques différentes de celles de Clermont et de la Métropole. Le sujet principal y est l’éloignement, mais aussi l’absence de transports en communs. Avec l’exception du train, pour les villes et arrêts qu’il dessert : cela peut être une très bonne solution. On le voit par exemple avec la ligne Issoire-Clermont, où le TER est tout à fait concurrentiel de la voiture pour arriver en centre-ville clermontois. Mais cela ne concerne que peu de communes du département.

La voiture est donc souvent nécessaire en zone rurale. Se pose néanmoins la question de l’interconnexion moyenne ou longue distance. Nous travaillons en ce moment sur ce sujet avec la SNCF : le processus est long et complexe. Il faut parvenir à récupérer les informations voyageurs, horaires, retards éventuels, et avoir accès aux titres de transports. Sans oublier qu’il y a des réseaux différents, entre le TER, Inoui, Intercités… et l’impact des limites régionales.

L’autre moyen d’interconnexion hors voiture individuelle est le covoiturage. Je l’ai dit, les gens y sont de plus en plus sensibles, et la technologie suit cela de près. Là aussi, nous nous sommes rapprochés des opérateurs nationaux de covoiturage. Les collectivités souhaitent connecter leurs MaaS à leurs données. Ce sera un moyen supplémentaire de connecter le rural à l’urbain, en évitant l’autosolisme.

Ressources complémentaires proposées par Franck :
Comprendre – Les ressources documentaires du CEREMA sur la mobilité, “intéressantes et objectives car elles n’ont pas de parti pris, et elles sont co-construites par les acteurs de l’écosystème” selon Franck

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Propos recueillis le 23 février 2023, mis en forme pour plus de clarté et relus et corrigés par Franck Raynaud. Merci à Thibault Bertrand. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie