Le potentiel social et écologique des mini-forêts urbaines vu par My Forêt

Par

Damien Caillard

Le

Rencontre avec l’équipe au coeur de cette jeune entreprise fondée dans le Puy-de-Dôme et qui propose, en partenariat avec un réseau national d’experts forestiers, de multiplier les petites implantations forestières.


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Ressenti de l’auteur

Un des aspects positifs du changement climatique (oui, il y en a quelques uns malgré tout) est qu’il concerne de plus en plus de monde, et qu’on a donc des chances de tomber sur des personnes engagées. J’ai notamment eu une belle surprise en réalisant l’implication personnelle d’Anthony, un de mes camarades de route de ma période La Montagne, qui m’avait présenté les chouettes aménagements que l’on peut faire dans une maison en bord d’Allier à Cournon. Je ne m’étends pas là-dessus, mais de fil en aiguille j’ai rencontré son frère Julien, fondateur d’une très belle boîte dans le sport indoor, et aussi sensible qu’Anthony.

Fin 2022, le contact était pris pour s’intéresser au nouveau projet de Julien, My Forêt, qui commençait à bien se développer. A titre personnel, je m’intéressais depuis quelques temps au sujet du foncier forestier et de l’intérêt d’investir – des sous mais aussi du coeur et de l’intérêt – dans les forêts de notre région. J’ai d’ailleurs pris une petite participation dans un autre beau projet de groupement forestier dont j’espère vous parler à l’automne.

En attendant, l’initiative que Julien, Céline et Sylvestre vont vous présenter, est plutôt dédiée aux professionnels. Mais elle a le mérite de pouvoir s’immiscer un peu partout en ville. Il est probable que, avec les canicules que nous allons subir de plus en plus régulièrement (soyons lucides), leur offre soit vue comme une solution très pertinente. Je reste cependant vigilant sur la question de la durée de pousse (des années, voire des décennies pour aboutir à une forêt digne de ce nom) face au dérèglement du climat et aux agressions urbaines, mais l’assurance de Sylvestre sur ce point et le changement progressif de perception de la part des acteurs locaux peut sans doute nous rassurer.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. Les mini-forêts urbaines sont vues par les fondateurs de My Forêt comme une réponse pratique au dérèglement climatique et surtout aux îlots de chaleur urbains. Il s’agit d’implanter des forêts sur des petites parcelles en zone urbaine, à partir de 200 mètres carrés. Reprenant le modèle de la forêt naturelle, notamment en termes de densité et de diversité d’essences d’arbres, la mini-forêt est perçue comme suffisamment résistante aux agressions urbaines pour tenir et, à terme, tempérer les effets des canicules – à condition d’être sélectionnée dans la perspective du changement climatique.
  2. L’avantage social principal est lié à la proximité des forêts urbaines et des habitants des villes. Selon les fondateurs de l’entreprise, la demande de naturalité de la part des citadins est bien plus forte depuis la pandémie de Covid-19. La mini-forêt permet de répondre en partie à cette attente, d’autant plus qu’elles sont aménagées avec des espaces utilisables par les habitants, selon plusieurs thématiques (jardin, école, sports, jeux…)
  3. Quelques exemples d’aménagements en cours sont détaillés par My Forêt : un espace connexe à l’hypermarché Leclerc de la Pardieu pensé pour ses 500 salariés, un square transformé au Cendre avec les habitants, notamment les personnes âgées et les jeunes scolaires… Il est de toute façon capital de travailler le projet avec le client et les utilisateurs qui sont invités à y participer dès les premières plantations. De même, la projection dans le temps, avec un suivi régulier et des points d’étape, permet une forme d’appropriation par les acteurs impliqués et donc de donner plus de sens au projet, un point capital pour les fondateurs de My Forêt.
  4. L’association de My Forêt avec le club d’experts forestiers Forestry Club de France permet, en amont des projets développés, une sélection des essences, une planification des plantations (notamment en termes de strates forestières) et une bonne préparation des sols dont la qualité initiale peut être variable. Mais aussi, une adaptation au fil du temps de la forêt aux conditions climatiques évolutives, le club d’experts disposant de ressources de recherche et développement sur ce point.
  5. My Forêt compte une dizaine de projets de 1000 mètres carrés en moyenne. Leur analyse globale du sujet de la forêt urbaine est qu’il devient de plus en plus audible, pour les acteurs de l’environnement mais aussi pour les collectivités comme à Clermont Métropole : ce serait en effet un levier de sensibilisation majeur pour les populations. Plus largement, les fondateurs estiment que la forêt puydômoise est, comme partout, menacée par le dérèglement climatique, et qu’une forme d’accompagnement par l’homme est utile, sinon nécessaire. La filière forestière commence d’ailleurs à s’organiser en fonction, avec plus de réactivité et davantage d’outils tels que le numérique.

L’intervenant : Julien Falgoux

Entrepreneur, fondateur et dirigeant de My Forêt

Issu d’une famille basée dans le Sancy et notamment connue à Super-Besse, Julien a suivi un master en management du sport à Paris Saclay en 2000. Entrepreneur dans l’âme et dans les faits, il se lance dans la création d’une franchise de football indoor, Urban Soccer, qui connaît un vrai succès.

En parallèle, il est de plus en plus sensible au réchauffement climatique, ayant “grandi à Chaudefour” , une réserve naturelle du Sancy, et constatant la raréfaction de la neige chaque année. Il s’intéresse aux avantages écosystémiques des arbres, et découvre en 2019 le concept de mini-forêt à travers l’œuvre du botaniste japonais Miyawaki.

En 2020, souhaitant lancer une entreprise pour développer des mini-forêts, il rencontre l’expert forestier Sylvestre Coudert. Ils sont ensuite rejoints par Céline Coinchon pour l’opérationnel et quelques autres collaborateurs. Ils lancent donc My Forêt, entreprise que dirige Julien en parallèle de ses autres activités dans l’événementiel et le sport.

Crédit photo : My Forêt (DR)

L’intervenante : Céline Coinchon

Responsable développement de My Forêt

Née dans le Forez, venant d’une famille de forestiers, Céline a été sensibilisée jeune à la valeur patrimoniale de la forêt, mais aussi à son inscription dans le temps et à une forme de “sagesse”.

Elle travaille jusqu’en 2020 sur de l’accompagnement administratif de start-ups à Clermont. Maman d’un petit garçon, elle cherche alors un projet de développement davantage porteur de sens. Ayant connu auparavant Julien Falgoux dans son entreprise d’événementiel, elle rejoint My Forêt pour prendre en charge l’opérationnel de l’entreprise.

Aujourd’hui, elle coordonne les relations avec les clients, prépare les opérations de boisement avec le Forestry Club de France – dans l’évaluation des terrains, l’étude de besoins, la sélection des essences. Elle coordonne également les études paysagères, les animations autour des temps de mise en place (notamment avec le public) et les points d’étape.

Contacter Céline par courrier électronique : celine [chez] myforet.fr
Contacter Céline par téléphone : 06 88 88 62 75
Crédit photo : Céline Coinchon (DR)

L’intervenant : Sylvestre Coudert

Expert forestier ; PDG de Forestry Club de France ; associé au sein de My Forêt

Basé à Royat, Sylvestre est expert forestier via son propre cabinet Forestry Club de France.

En 2020, il se rapproche de Julien Falgoux qui souhaitait monter une entreprise pour promouvoir les mini-forêts urbaines. Sylvestre apprécie notamment la sincérité de l’engagement qu’il perçoit chez Julien, couplée à une vraie logique entrepreneuriale. Ensemble, ils créent My Forêt pour porter ce projet.

La structure : My Forêt

Entreprise auvergnate proposant d’implanter des “mini-forêts” sur des parcelles d’entreprises ou de collectivités en zone urbaine

Fondée en 2021 suite à la rencontre de Julien Falgoux – fondateur d’entreprises dans le domaine des loisirs et du marketing – et de Sylvestre Coudert – président du Forestry Club de France, réseau d’experts forestiers – My Forêt est aujourd’hui basée à Clermont-Ferrand et rayonne sur l’ensemble du Massif Central.

Elle propose à ses clients l’implantation de mini-forêts (concept inspiré du botaniste japonais Miyawoki) sur des parcelles à partir de 200 mètres carrés, avec un suivi sur la durée – dans le cadre notamment de l’adaptation au dérèglement climatique – mais aussi des aménités utilisables immédiatement, comme des espaces détente.

Les avantages attendus vont de la sensibilisation des salariés et des utilisateurs aux enjeux environnementaux (les familles étant notamment invitées à participer à la plantation), à la lutte contre les îlots de chaleur ou à la préservation de la biodiversité.

Les équipes de My Forêt prennent en charge l’étude foncière et paysagère amont, la sélection des essences, les étapes de plantation puis d’entretien et d’aménagement, ainsi que les rapports et le suivi régulier. Elles le font en partenariat notamment avec les experts forestiers du Forestry Club de France.

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Crédit visuel : My Forêt
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Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

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Pourquoi ce choix des mini-forêts urbaines ? Est-ce un enjeu important comparé à celui de la forêt en général ?

Julien : Je pense que nous pouvons agir face au dérèglement climatique. L’idée de créer des mini-forêts urbaines est née lors de mes nombreux déplacements professionnels. J’ai compris qu’il y a partout, en ville, en banlieue, en zone d’activité, des surfaces disponibles et inutilisées. J’ai découvert en parallèle, au fil de mes lectures, les extraordinaires pouvoirs des arbres. 

D’où cette question : pourquoi ne pas implanter des écosystèmes forestiers partout où cela est possible ? On constate tous les jours les effets du changement climatique, on subit les îlots de chaleur, et on sait aujourd’hui combien les arbres peuvent participer à la résilience des villes. 

En quoi consiste alors votre offre, en deux mots ?

Julien : notre méthodologie s’attache ainsi à développer des mini-forêts dans un environnement urbain ou péri-urbain, à partir de surfaces de 200m2. Sur le modèle de la forêt naturelle – solution “fondée sur la nature” – c’est par l’association de différentes essences, de différentes strates et dans une densité relativement importante que les bénéfices des arbres sont maximisés.

“Pourquoi ne pas implanter des écosystèmes forestiers partout où cela est possible ?”

Julien Falgoux

Sylvestre : je pense qu’il faut raisonner en “activation” d’espaces précédemment passifs. C’est vrai que l’on voit beaucoup de ces délaissés en ville, des espaces verts jouxtant un bâtiment où l’on passe un coup de tondeuse entre 6 à 10 fois par an. Il y a parfois quelques arbres, mais jamais de forêt en tant que tel. 

A nous de voir comment on peut transformer ces surfaces en espaces boisés intégrant également des aménagements et des lieux d’activités pour les résidents urbains. 

Selon vous, l’arbre en ville est-il suffisamment résistant face au dérèglement climatique ?

Sylvestre : en tous cas, l’arbre est un warrior ! En milieu urbain, il est constamment agressé par le bruit, la pollution, la chaleur, les matériaux de revêtement, les travaux en sous-sol… et en général ils parviennent à tenir le coup, sur des générations. Même si les conditions sont en train de changer, ce sont des témoins très efficaces sur le temps long. 

Julien : pour nous, le bénéfice premier – mais pas le seul – des mini-forêts urbaines est la lutte contre les îlots de chaleur. D’autant plus qu’ils vont s’accentuer, autant via les sécheresses que via les canicules. Il faut passer d’une vision de l’arbre plutôt isolé en ville à une vraie densification dans des mini-forêts. 

La mini-forêt du Cendre, au sud-est de Clermont, est une des réalisations urbaines mises en avant par My Forêt – il s’agit de la requalification d’un square en y apportant plusieurs “fonctionnalités” autour des arbres. Ici, photo des travaux préparatoires / Crédit photo : My Forêt (DR)

Quels sont les besoins des habitants des villes et des acteurs économiques ?

Sylvestre : il y a une vraie prise de conscience aujourd’hui. Autrefois, on ne se posait pas la question de la valeur de l’arbre, et ils pouvaient même poser des problèmes. Quand on a compris la multifonctionnalité de l’arbre en ville, on a enfin mis une valeur – donc une reconnaissance – dessus. 

“Il faut raisonner en “activation” d’espaces précédemment passifs. “

Sylvestre Coudert

Dans les grandes villes, les habitants sont souvent déconnectés de leur environnement. La pandémie de Covid-19 a changé beaucoup de choses dans la perception, avec une vraie réaction, un besoin de se rapprocher de la nature. 

Julien : on comprend enfin tous les apports de l’arbre, en termes de climat, de biodiversité, de paysage mais aussi en termes politiques et sociaux. L’arbre en ville représente beaucoup de bienfaits “serviciels”, que nous déclinons dans des mini-forêts à thème : jardin, école, sportive, ludique… 

Lire l’entretien (2020) : Pour le collectif Arbres Citoyens, « l’arbre en ville est tout bonus ! »

Comment s’est créée votre entreprise ?

Julien : j’ai mis à profit la période de confinement liée à la pandémie pour conceptualiser ce projet de création de mini-forêts urbaines. Mais je n’avais aucune expertise sur les arbres… et j’ai eu la chance de rencontrer Sylvestre. 

Sylvestre : j’ai beaucoup aimé la démarche “industrielle” de Julien [dans le sens de concentration/densification, NDLR], tout comme son véritable engagement. Il est jeune papa, il se projette dans l’avenir mais garde les pieds sur terre. 

“Une forêt, c’est un patrimoine intergénérationnel, intimement lié aux notions de temps, de respect, de gratitude et de sagesse… “

Céline Coinchon

Céline : pour ma part,  j’ai rejoint le projet en octobre 2020. Je travaillais dans l’accompagnement administratif de startups, mais j’avais à cœur de développer un projet qui faisait sens à mes racines forestières. Je suis native d’une famille de scieurs ancrée dans les Monts du Forez depuis plus de quatre générations ! Pour les grandes occasions, je recevais en cadeau de mon grand-père et parrain, des parcelles forestières… 

Selon moi, une forêt, c’est un patrimoine intergénérationnel, intimement lié aux notions de temps, de respect, de gratitude et de sagesse… Il faut laisser la nature faire son œuvre et l’accompagner, mais aussi l’aider, travailler, surveiller pour faire grandir cette forêt, tout en restant humble.

Et quelle est la manière dont vous préparez l’implantation d’une mini-forêt ?

Julien : déjà, nous travaillons avec des entreprises ou des collectivités qui disposent de parcelles “passives”. Mais le projet doit impérativement se faire en raisonnant avec les collaborateurs et/ou les habitants.

Par exemple, lors de nos premières démarches, nous avons rencontré Matthieu Buchard, dirigeant du centre Leclerc de la Pardieu à Clermont. Il a très rapidement été séduit par la démarche et a souhaité aménager un espace détente sur une surface classée en zone inondable pour ses collaborateurs – plus de 500 sur ce site. On a donc proposé des aménagements complémentaires autour d’un îlot boisé très dense, comme un carré potager, des tables de repas et des arbres fruitiers. 

Voici la projection graphique de la mini-forêt plantée sur le site du Leclerc Pardieu. A termes, la densité sera celle d’une forêt, même sur une parcelle de quelques centaines de mètres carrés, avec des aménagements style pergolas et tables. Reste à voir l’adaptation au dérèglement climatique / Crédit photo : My Forêt (DR)

Sylvestre : attention, nous ne construisons pas des parcs ! La densité d’arbres intégrés dans notre méthodologie est bien plus forte, selon les attentes des clients nous pouvons intégrer des aménagements complémentaires : sportifs, ludiques, pédagogiques, relaxants, des « bulles » de travail nomade…

Céline : on construit le projet avec le client, c’est essentiel pour le faire adhérer. Je m’occupe ensuite de l’opérationnel, l’ingénierie forestière étant confiée aux ingénieurs et experts du cabinet Forestry Club de France notamment pour le choix des essences, la préparation du sol, et bien sûr l’encadrement des plantations et le suivi annuel des boisements.

Lire l’entretien avec Charles-Etienne Dupont (2020) : « travailler la forêt, injecter de la naturalité »

Quelles sont les contraintes auxquelles vous faites face ?

Julien : il faut bien identifier le foncier disponible et le mettre en regard du besoin client. Il y a toujours une étude technique du sol, sur sa composition – que l’on peut amender au besoin – mais aussi sur les canalisations et les autres contraintes liées au contexte très urbain des projets.  

“Le projet doit impérativement se faire en raisonnant avec les collaborateurs et/ou les habitants.”

Julien Falgoux

Sylvestre : on peut avoir des sols très contraints et perturbés, tassés, avec des “horizons” de terres mélangés. Sans parler de la présence de divers réseaux, ou de la pollution. C’est alors à nous de trouver les arbres qui seront les plus adaptés et résistants à ces contraintes. Et, bien sûr, le client peut avoir des demandes de compatibilité avec d’autres développements de photovoltaïque ou de stationnement, par exemple. C’est pourquoi il est important d’avoir une vue globale de l’emprise foncière et des aménagements futurs du site.

Céline : par ailleurs, pour les collectivités notamment, il existe de nombreux dispositifs d’aide à la renaturation des villes et espaces urbains tels que le Fonds Vert ou le Plan de Relance.

Avec le ministre de l’agriculture Marc Fesneau (à gauche) et le secrétaire général du Crédit Agricole Centre France Vincent Supiot (au centre) – Céline étant à droite, lors du sommet de l’élevage en octobre 2022 à Clermont / Crédit photo : My Forêt (DR)

Pourtant, une forêt met des décennies à pousser…

Céline : la projection des boisements dans le temps est en effet capitale. On la modélise dans l’étude paysagère et la simulation virtuelle de la croissance des arbres au fil des années. Souvent, des aménagements utilisables dès leur installation permettent de temporiser, et de s’approprier ces nouveaux lieux de vie extérieurs très rapidement. 

Julien : néanmoins, il faut laisser le temps à la nature de pousser. Comme le dit Sylvestre, on ne plante pas des arbres de 10 mètres de haut ! On sélectionne des essences et on accompagne le processus naturel grâce à une gestion appropriée de la plantation. Sur le site du Leclerc à la Pardieu, il faudra de 5 à 10 ans pour que les arbres offrent un ombrage à 2 à 3 mètres de hauteur selon les essences.

Lire l’entretien : Au CEN Auvergne, Pierre Mossant favorise les « solutions fondées sur la nature »

Quelle est alors la bonne stratégie face au dérèglement climatique ?

Sylvestre : on crée des forêts de toute pièce, pour installer de véritables écosystèmes forestiers. L’important est d’inscrire ce patrimoine arboré dans un schéma durable, compte tenu du changement climatique. C’est pourquoi on privilégie des espèces robustes, élevées en pépinières locales, a priori mieux adaptées. Pour guider nos choix, nous nous appuyons notamment sur les travaux menés en recherche forestière et suivis par l’équipe du Cabinet Forestry Club de France.

“C’est (…) à nous de trouver les arbres qui seront les plus adaptés et résistants à ces contraintes.”

Sylvestre Coudert

Céline : pour offrir un environnement végétal dans un terme plus court que la croissance d’une canopée, nous proposons la mise en place de pergolas ou des tunnels végétalisés en osier tressé vivant par exemple offrant une ombre et donc une capacité de rafraîchissement. 

Sylvestre : les plantations aménagées par My Forêt sont développées dans un esprit de “bon sens de terrain », très pragmatique. Lorsqu’on crée une forêt, nous ne sommes pas dans le one shot, dans le coup d’éclat – on ne recherche pas seulement une finalité esthétique ou paysagère. L’objectif est bien d’installer un patrimoine arboré résilient. Pour ce faire, il faut avoir une démarche à la fois sobre et durable, qui s’inscrit dans le très long terme, une projection de plusieurs décennies. 

Vous parliez d’implication des collaborateurs et des citoyens. Comment se traduit-elle ?

Céline : par exemple, sur la mini-forêt réalisée sur le terrain de l’Office Notarial d’Aubière, une séance de plantation a été organisée en semaine un mercredi midi où l’ensemble des collaborateurs et leurs familles ont été conviés pour participer. C’était un moment de convivialité chaleureux et très apprécié de tous, agrémenté le temps du déjeuner par la présence d’un food truck spécialement venu pour l’occasion. 

En fait, mettre « les mains dans la terre » donne du sens, c’est une action concrète qui symbolise également un engagement collectif. En complément, chaque année, un bilan annuel du boisement permettra de mettre en avant les bénéfices écosystémiques du boisement (activité de la biodiversité, indice de rafraîchissement, filtration des particules fines, captation carbone…). Ce sera aussi l’occasion d’organiser un temps d’échange autour d’un pique-nique pour communiquer les valeurs de l’entreprise en termes de RSE.

Les enfants des familles des salariés Leclerc la Pardieu à Clermont ont participé aux plantations de la mini-forêt. Pour Sylvestre, il est capital de favoriser l’appropriation du lieu par les futurs utilisateurs / Crédit photo : My Forêt (DR)

Julien : les mini-forêts participent ainsi de façon transversale à l’engagement RSE des entreprises privées mais également des collectivités publiques. Elles offrent à la fois des bénéfices en termes de développement durable et contribuent à l’amélioration du bien-être des salariés et des administrés.  

Sylvestre : c’est une réelle récompense lorsque l’on voit les gens s’approprier le projet ! Quand ils viennent planter des arbres, on voit combien ce type de réalisation parle au cœur des gens. C’est très émouvant, et je sais à ce moment-là, que nous sommes dans le vrai, car au-delà d’une plantation, on a vendu un engagement. 

“Lorsqu’on crée une forêt, nous ne sommes pas dans le one shot, dans le coup d’éclat.”

Sylvestre Coudert

Et de voir chacun qui essaye d’aider, en apportant son aide, ses conseils, proposant par exemple des solutions de récupération d’eau des gouttières pour arroser les arbres, ou la possibilité d’apporter du compost…Cela crée une très belle énergie pour permettre la réussite des projets, un maillage fort et de plus en plus solide. 

Lire l’entretien : Pour Géraud Dorchies, « quand la RSE n’est pas sincère, elle finit par se retourner contre l’entreprise. »

Combien de projets de mini-forêts avez-vous mené depuis le lancement ?

Julien : l’entreprise a débuté son action en 2021. Nous comptons à ce jour une dizaine de projets dans le Puy-de-Dôme, la Corrèze et l’Allier. Ils font en moyenne 1000 mètres carrés, certains allant jusqu’à 1 hectare. 

Sylvestre : on a mené une logique de laboratoires, en variant les typologies de forêts, les contextes et les thématiques. C’est un sujet relativement nouveau, qui intéresse beaucoup de monde – notamment l’INRA et l’ADEME. Même si la forêt urbaine a bien moins d’impact que la forêt naturelle de par sa taille réduite, elle est en revanche beaucoup plus visible car au contact des habitants. C’est un levier capital pour la prise de conscience écologique. 

Quelle est votre analyse du potentiel d’une agglomération comme Clermont ?

Julien : il y a une volonté politique de faire bouger les lignes sur ce sujet. Un inventaire des délaissés urbains est en cours sur la Métropole, et certains projets [comme la réouverture de la Tiretaine vers Fontgiève, NDLR] sont en préparation. Olivier Bianchi s’était même engagé à ce que chaque habitant soit à moins de 7 minutes à pied d’un espace vert.

“Mettre « les mains dans la terre » donne du sens, c’est une action concrète qui symbolise également un engagement collectif.”

Céline Coinchon

Céline : au sein de la Métropole clermontoise, nous avons créé un aménagement au Cendre, dans le cadre d’un projet financé par le Budget Ecologique Citoyen [du Conseil Départemental, NDLR]. Il s’agit de la requalification d’un square engazonné de 1000 mètres carrés, au coeur d’une zone pavillonnaire, que nous avons converti en mini-forêt aménagée articulé autour de quatre zones :  un îlot forestier sur 500 mètres carrés, une zone de classe extérieure formé d’un cercle réalisé en osier tressé vivant par un artisan vannier et la participation des enfants de l’école primaire, un carré potager intergénérationnel pour les résidents âgés qui souhaitaient que cet espace accueille également de jeunes enfants et enfin, un espace bien-être avec des tables échiquiers dont les plateau ont été confectionnés par l’artiste sculpteur Thierry Courtadon

Avec l’équipe clermontoise de l’accélérateur de startup Village by CA, à Toulon-sur-Allier (Sylvestre et Julien tout à gauche, Céline tout à droite). Le Crédit Agricole Centre-France est un des principaux clients de My Forêt / Crédit photo : My Forêt (DR)

Comment se porte la forêt dans le Puy-de-Dôme ?

Sylvestre : elle est impactée de plus en plus, comme partout. Dessèchements, maladies, espèces invasives comme les scolytes mettent à mal les résineux mais aussi les chênes – on le voit notamment en bordure de la forêt de Tronçais [qui est dans l’Allier, NDLR]. 

Cela dit, on a en général le temps de réagir. Un arbre touché n’est pas comme un animal blessé, et la nature est globalement résiliente – j’ai 20 ans d’expérience comme expert forestier, je m’en suis rendu compte ! Malgré tout, je constate aussi l’évolution rapide de la faune, et une “agression” de plus en plus marquée par la météo – grêle, gel tardif, sécheresse. C’est la manifestation d’un dérèglement évident. 

Je pense que l’accompagnement de l’homme pour aider la forêt à s’adapter a du sens. On a pris conscience de la fragilité du modèle monocultural de l’après-guerre, et nous conduit à une autre réflexion avant de reboiser à l’avenir. En forêt, l’homme peut aider à ce que les espèces dominantes ne prennent pas le dessus, mais aussi réduire le risque d’incendie. L’entretien, selon moi, fait partie du modèle. 

Lire l’entretien : Guillaume David et les Communes Forestières, pour la valorisation des forêts et de la filière bois locale

La filière forestière est-elle prête pour cette évolution ?

Céline : la forêt a toujours eu une vocation productive. Il faut donc produire du bois d’œuvre qui permet également d’optimiser la captation de carbone.

Sylvestre : cet accompagnement de la filière est possible, c’est ce que fait le Forestry Club de France depuis 120 ans. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de profils de qualité qui veulent nous rejoindre – chercheurs, ingénieurs en matériaux ou généralistes, personnes en réorientation professionnelle… le plus délicat reste la main d’œuvre, car on ne pourra pas tout mécaniser. Il faudrait plus mettre en avant les métiers de la forêt. 

En revanche, la réactivité de la filière se développe petit à petit. On avait des plans de gestion réglementaires à 10-15 ans, mais on devra rapidement s’organiser à plus court terme.  

My Forêt a été lauréat du salon Végépolys novembre 2022. L’entreprise tient à présenter son approche comme une innovation, et à se positionner parmi les start-up de l’économie verte / Crédit photo : My Forêt (DR)

Céline : les outils connectés peuvent aussi se mettre au service de la forêt – drones, satellites, capteurs au sol ou dans les arbres. On peut mesurer finement la température, le bruit, la qualité de l’air. Ce sont des sujets en cours de développement sur lesquels nous travaillons conjointement avec les experts et ingénieurs forestiers de Forestry Club de France. 

Sylvestre : pour finir, la question de l’impact de l’homme sur la forêt se posera de plus en plus. Aujourd’hui, les gens acceptent mal que l’on coupe des arbres, même en cas de dépérissement. On le voit avec les manifestations pour protéger un alignement de 200 arbres sur le trajet de l’A69 [dans le Sud-Ouest, NDLR] : l’arbre est un symbole de la nature, et les débats peuvent devenir extrêmes. Le premier contact des gens avec la nature, c’est le paysage. Même au sujet des mini-forêts, il faut faire très attention à cela. 

Ressources complémentaires proposées par Céline et Sylvestre :
Comprendre – Une belle histoire de reboisement avec “L’homme qui plantait des arbres“, de Jean Giono, mis en animation graphique et lu par la belle voix de Philippe Noiret. Selon Sylvestre, cette histoire montre que l'”on peut régénérer intelligemment et sans être spectaculaire, avec les moyens qu’on a”
Agir – Pour Céline, il s’agit de “sensibiliser les enfants, en forêt bien sûr” mais aussi de “suivre les initiatives des écoles ou des communes forestières”

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Propos recueillis le 24 avril 2023, mis en forme pour plus de clarté et relus et corrigés par Céline Coinchon, Julien Falgoux et Sylvestre Coudert. Merci à Anthony Falgoux (invité sur la photo 🙂 et à Julie Hochard. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie