Le Puy-de-Dôme vers une autonomie alimentaire locale ?

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Rencontres autonomie alimentaire
Compte-rendu de la Rencontre de la Résilience du mercredi 14 juin en présence d'Alizée Marceau, Gérard Veneault, Antoine Meneghin et Jérémy Alves, animée par Roxana Triboi au sujet des projets alimentaires territoriaux et du maraîchage de proximité.

Sommaire

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !

Les intervenants

Le podcast

Vous pouvez accéder à un enregistrement “nettoyé” – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :

La synthèse : Maraîchage, questions foncières et autres urgences

Aujourd’hui, l’autonomie alimentaire de notre territoire puydômois est d’environ 3 à 4%. Peut mieux faire ? Les invités des dernières Rencontres de la Résilience de la saison ont avancé des pistes pour transformer notre département, spécialisé aujourd’hui principalement dans les céréales et l’élevage. Au centre du débat : la nécessité de réintroduire dans la production agricole des fruits et légumes, et en conséquence, la difficulté pour les maraîchers qui souhaitent s’installer à accéder au foncier nécessaire.

Antoine Meneghin
Antoine Meneghin, sous le regard d’Alizée Marceau et de Jérémy Alvès : “On ne voit pas forcément le maraîchage comme une profession mais plutôt comme un projet de vie.” – Photo Marie-Pierre Demarty

D’autant plus que la jeune génération d’aspirants maraîchers, à l’instar d’Antoine Meneghin, est exigeante sur les terres recherchées. « On ne voit pas forcément le maraîchage comme une profession mais plutôt comme un projet de vie, donc on a envie de se sentir bien et, en plus, on a besoin de terres fertiles, pas de n’importe quoi », explique-t-il.

On a besoin de terres fertiles, pas de n’importe quoi. »

Antoine Meneghin

Issu d’un milieu pas du tout agricole et avec un cursus qui a débuté par des études de lettres, il explique avoir un premier grief : sur la qualité de l’enseignement agricole. « Beaucoup, comme moi, en sortent dégoutés et n’ont plus envie de travailler dans le maraîchage », témoigne-t-il, tout en expliquant aussi avoir des difficultés à trouver des partenaires avec qui s’associer, ce qu’il souhaite car « le travail est ingrat, difficile », souligne-t-il.

Un des leviers pour développer le maraîchage serait donc de mieux former les futurs agriculteurs, avec une vision plus agroécologique. Mais aussi, ensuite, de mieux les accompagner, « pas seulement leur mettre du terrain à disposition ».

Jérémy Alvès
Jérémy Alvès : “Des structures comme la nôtre peuvent apporter la garantie d’un projet viable.” – Photo Marie-Pierre Demarty

C’est un rôle que souhaite jouer la SCIC La Ceinture Verte Pays d’Auvergne, dont le directeur Jérémy Alvès était également présent. Ne serait-ce que pour accéder au foncier : « Quand une parcelle est disponible, les candidats à la reprise ont quinze jours pour déposer auprès de la SAFER un dossier viable. Les jeunes qui cherchent à s’installer n’ont pas la possibilité de le faire en un temps si court alors que c’est plus facile pour un agriculteur en place qui souhaite s’agrandir. Face à cela, des structures comme la nôtre ou Terre de Liens peuvent apporter la garantie d’un projet viable, bien accompagné, et ensuite chercher le projet le mieux adapté », explique-t-il.

“Aujourd’hui on doit travailler en stratégie foncière à l’échelle d’un territoire. »

Jérémy Alvès

Mais La ceinture Verte, qui travaille avec les intercommunalités de Clermont et de Riom, a aussi une vision plus large : non seulement aider les jeunes agriculteurs, mais aussi développer l’autonomie alimentaire du territoire. « Jusqu’ici on a beaucoup fonctionné en fonction des opportunités, car les élus ont une méconnaissance des terres disponibles, de leurs potentialités. Mais aujourd’hui on doit travailler en stratégie foncière à l’échelle d’un territoire », prône le directeur de la SCIC. « On a beaucoup de porteurs de projets, la relève est là », se réjouit-il, la difficulté étant effectivement « l’accès à un foncier de qualité, dans un contexte de forte pression foncière » exercé par le modèle en place.

Gérard Veneault
Gérard Veneault : “tirer tout le monde vers les mêmes envies ». – Photo Marie-Pierre Demarty

Décloisonner, poser une vision stratégique, c’est aussi le rôle des plans alimentaires territoriaux (PAT), qui ont l’ambition de réunir et mobiliser tous les acteurs concernés dans le territoire. Le Puy-de-Dôme en compte quatre, dont un porté par le SMAD des Combrailles. Gérard Veneault, vice-président du SMAD en charge de ce PAT, a témoigné de l’action entreprise dans ce « territoire très hétérogène, pour tirer tout le monde vers les mêmes envies » tout en maintenant des exploitations viables. Réinstaller du maraîchage, restaurer les vieux vergers, favoriser une activité de transformation de la viande, mais aussi, insiste-t-il, lutter pour une meilleure accessibilité et contre la précarité alimentaire, dans un contexte rural où ces questions, dit-il, sont « beaucoup plus difficiles à gérer qu’en ville » mais concernent plusieurs milliers de personnes.

« Éveiller les esprits, c’est mon combat. »

Gérard Veneault

Ce PAT a pour atout d’avoir renversé la logique du schéma de cohérence territoriale en cours de révision, en plaçant l’alimentation, avec la santé, la mobilité et le bien-être, au centre du dispositif, en lieu et place du développement économique et de l’attractivité. « Ça inverse tout », se réjouit-il.

La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)

Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

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Mais il constate aussi les freins, venant notamment d’élus, encore nombreux à ne pas prendre la mesure des urgences climatiques : « Éveiller les esprits, c’est mon combat ».

Autre PAT important dans notre région, celui qui réunit le Grand Clermont et le parc Livradois-Forez a pour ambition d’amener le territoire à 50% d’autonomie en légumes d’ici à 2050. « On a du chemin à parcourir », constate Alizée Marceau, qui a contribué à ce dispositif.

« La politique nationale s’est cantonnée à faire de l’information aux consommateurs, mais ça ne marche pas.”

Alizée Marceau

Elle se réjouit du parti-pris adopté par le PAT, qui a « adopté une vision systémique et de long terme, et se positionne dans un rôle de facilitateur et non de faiseur ». Car la question alimentaire, souligne-t-elle, est l’affaire de tous les acteurs du territoire et surtout, consiste en une accumulation de problématiques, qui dépassent la seule question foncière : « Cela concerne aussi les questions de précarité alimentaire, de logement des producteurs dans certaines régions en tension, de comportement alimentaire… » Ou encore celle de la restauration hors domicile, de plus en plus fréquente mais très peu prise en compte dans les programmes de transition. « La politique nationale s’est cantonnée à faire de l’information aux consommateurs, mais ça ne marche pas, dit-elle. Les problèmes sont hyper complexes et hyper connectés, et tout le monde a un levier d’action, un rôle à jouer. »

Alizée Marceau et Antoine Meneghin
Alizée Marceau, avec Antoine Meneghin : “Les problèmes sont hyper complexes et hyper connectés.” – Photo Marie-Pierre Demarty

Y compris les trop oubliés jardins familiaux, comme ceux des Vergnes qu’elle a contribué à ressusciter avec la Ville de Clermont. « Ça paraît dérisoire par rapport aux ambitions d’autonomie alimentaire, mais ça contribue à recréer du lien, à faire évoluer les comportements alimentaires », explique-t-elle.

Travailler en concertation, accompagner les maraîchers, accélérer les prises de conscience, mettre en adéquation le foncier avec les besoins du territoire… Ce sont les vœux exprimés par les quatre invités au moment où Roxana Triboï, animatrice du débat, leur a tendu en conclusion une « baguette magique » imaginaire. Avec une proposition supplémentaire : celle de mettre en place une sécurité sociale alimentaire.

Autrement dit, si on veut pouvoir demain manger bien et localement, il va réellement falloir qu’on se mette tous en tête que l’alimentation est l’affaire de tous, en concertation, en toute humilité et avec beaucoup de bon sens.

Synthèse par Marie-Pierre Demarty

***photo de la Rencontre ou du Tikomité à la fin (avec légende explicative)***

Les vidéos diffusées

Interview sur le Projet Alimentaire Territorial

Avec Moïra Ango, chargée de mission “projet alimentaire territorial” au Grand Clermont

Les crédits

Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour son accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres Tikographie pour cette saison, et en particulier à Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.

Merci à nos invités, aux participants et à l’équipe de l’association Tikographie qui porte et organise les Rencontres.

Pour cette Rencontre spécifique ont œuvré :

  • Roxana à la préparation éditoriale et à l’animation;
  • Damien à la prise de son;
  • Marie-Pierre aux photos et au compte-rendu.
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