Comment se porte l’agriculture biologique dans le département ? Ça a donné quoi, la campagne agricole de 2023 ? Où en sommes-nous localement avec la bio ? Faut-il être inquiet ?
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Le pourquoi et le comment
La résilience d’un territoire passe obligatoirement par sa capacité à développer son autonomie pour pourvoir aux besoins de base de sa population, à commencer par le besoin de se nourrir. Et tant qu’à faire, de se nourrir sainement.
C’est pourquoi il nous semble intéressant de s’intéresser aux productions locales des agriculteurs bio et à la façon dont ils parviennent – ou pas – à faire face aux fluctuations du climat et à celles de la consommation.
L’idée était d’aller prendre la température… au propre comme au figuré !
Marie-Pierre
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
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J’ai rencontré deux techniciennes de Bio63, association qui regroupe un tiers des producteurs bio du Puy-de-Dôme (ainsi que, plus minoritairement, des associations, magasins bio, transformateurs, porteurs de projet d’installation, citoyens…). Hélène Cadiou est chargée de la communication et de la sensibilisation (entre autres) ; Romane Mondor accompagne les producteurs de grandes cultures sur les aspects techniques.
De notre conversation, voici huit points que j’ai eu envie de partager.
1. La part du bio
L’agriculture bio représente dans le Puy-de-Dôme 7,7% de la surface agricole utile et 10,7% des fermes, soit 639 fermes engagées en bio en 2022. « Ces chiffres sont en augmentation constante, même pour les grandes cultures céréalières », précise Hélène Cadiou.
Notre département est tout de même en dessous de la situation nationale, où les fermes bio représentent 14% du total et 10,7% de la surface agricole.
“Les grains ont pu se développer correctement et la moisson a été bonne. »
Romane Mondor
Pour les grandes cultures, la région Auvergne-Rhône-Alpes dans son ensemble atteint 9% des surfaces, soit plus de 2% de plus que leur part à l’échelle nationale. Mais le Puy-de-Dôme est plutôt à la traîne… « Le fait que la principale coopérative, Limagrain, ne collecte pas les céréales bio constitue un frein », reconnaît Romane Mondor. Mais on trouve quand même une cinquantaine de céréaliers qui ont franchi ce pas.
2. Céréales : plutôt une bonne année
En bio, les grandes cultures céréalières fonctionnent sur des cycles de rotations longues, où le blé (quand même majoritaire) alterne avec d’autres céréales telles que l’épeautre, le seigle, l’orge, le tritical…, explique Romane Mondor. « Cette année, indique-t-elle, les rendements et la qualité ont été bons car en bio, on sème plus tard et les cultures ont bénéficié d’un automne doux. L’hiver sec a posé davantage de problème, mais mars a bien rattrapé le manque d’eau. L’échaudage en juin a été moindre que l’an dernier, de sorte que les grains ont pu se développer correctement et la moisson a été bonne. »
3. Ça se gâte en fin d’été
Romane est plus pessimiste pour les cultures plus tardives, même si le bilan n’est pas clos. Les cultures d’août, telles que le tournesol, le soja ou le maïs, ont beaucoup souffert de la chaleur intense et du manque d’eau.
En septembre, c’est la période des couverts végétaux. Ils sont semés entre deux cultures en agriculture biologique pour laisser le sol à couvert et l’amender. « Les fortes chaleurs inhabituelles les auront sans doute empêchés de s’implanter suffisamment. Cela semble moins grave que pour des cultures destinées à la vente, mais les légumineuses apportent de l’azote, qui risque de faire défaut pour les prochaines cultures. »
4. Maraîchage et cultures fourragères s’en sortent aussi
La production maraîchère s’en est assez bien sortie en termes de production. Les maraîchers ont bénéficié d’un été moins sec que l’année précédente avec, notamment, moins de restrictions de l’usage de l’eau, ce qui est crucial pour les légumes.
« Avec ces conditions de plus en plus aléatoires, le travail des maraîchers devient très complexe.”
Hélène Cadiou
Pour le foin, récolté en début d’été, le constat est le même que pour les céréales à destination de l’alimentation humaine. Les troupeaux ont ensuite pu pâturer sur des prairies de repousse bien plus vertes que l’an dernier. « Le Livradois et le Sancy ont été bien arrosés dans l’été », rapporte Hélène.
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5. Des années de plus en plus atypiques
Les années se suivent et ne ressemblent plus. Sécheresse, chaleurs intenses, redoux et orages semblent pouvoir survenir n’importe quand et les agriculteurs s’en inquiètent. « Chaque année est atypique ; il est donc difficile de s’adapter. Les producteurs bio ont déjà mis en place beaucoup de leviers : rotations longues, couverts végétaux, mesures pour éviter l’irrigation… Mais ce qu’ils essaient pour contrer les aléas survenus une année n’est plus valable l’année suivante », explique Romane Mondor. D’autant plus déroutant que les situations sont disparates. « Les pluies tombent de plus en plus sous forme d’orages, qui sont non seulement violents, mais aussi disparates : ils vont arroser les champs d’une ferme et pas du tout celle d’à côté », ajoute-t-elle.
Hélène Cadiou complète : « Avec ces conditions de plus en plus aléatoires, le travail des maraîchers devient très complexe. On sent qu’ils appréhendent beaucoup les années qui arrivent et en fin de saison cette année, ils ont poussé un ouf de soulagement. »
6. La vente directe marche mieux
A l’autre bout de la chaîne, les cultivateurs guettent aussi le comportement des consommateurs. « Ceux qui pratiquent la vente directe n’ont pas ressenti d’impact, parce qu’ils sont clairement identifiés par leur clientèle, affirme Hélène Cadiou. C’est plus compliqué pour les filières plus longues, notamment en raison de l’inflation. » Celle-ci a semble-t-il impacté même les légumes en conventionnel, mais encore plus les légumes bio parce que les consommateurs ont l’image d’une bio aux prix élevés. « C’est une impression fausse », poursuit Hélène, d’autant plus que le prix des légumes bio a moins augmenté que le conventionnel : ils ne subissent pas la hausse des coûts des carburants, de l’énergie, des intrants issus de la pétrochimie…
La bonne nouvelle, c’est que plus de la moitié des fermes bio vendent en direct et le plus possible en local. Une bonne parade à ces problématiques.
7. Baisse des prix inédite pour les céréales
Contrairement au blé issu de l’agriculture conventionnelle, le bio ne dépend pas des fluctuations des prix sur le marché international. Mais depuis l’an dernier, la production augmentant et la consommation baissant, l’offre et la demande en France se sont stabilisées à l’équilibre et l’on n’est pas loin d’une surproduction. « Les meuneries ont moins de capacité à absorber de nouveaux volumes et pour la première fois, les prix baissent », dit Romane. Une situation qui pourrait se redresser grâce à l’export, mais cela prend du temps à organiser.
« Les meuneries ont moins de capacité à absorber de nouveaux volumes.”
Romane Mondor
8. Manger bio, c’est bien… et ça va être encore mieux
Par rapport à d’autres démarches et labels, le label Agriculture Biologique est un des mieux disant, ne serait-ce que parce qu’il est contrôlé par des audits externes indépendants. Mais il peut faire encore mieux, notamment en matière de bien-être des agriculteurs et même de respect de la biodiversité. C’est ce à quoi s’emploie une nouvelle démarche de la Fédération nationale de l’Agriculture biologie (FNAB) à laquelle Bio63 est affiliée. L’association puydomoise est d’ailleurs partie prenante de ce projet, avec la participation de quatre agriculteurs adhérents. Promis, on vous en reparle bientôt.
Propos recueillis mercredi 27 septembre 2023. Photo de Une : Bio 63
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