A Cébazat, la sensibilisation au zéro déchet dans la joie et la difficulté à se faire entendre

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Chloé face au groupe pour le démarrage du jeu collaboratif

L’association Zéro Déchet Cébazat et Alentours s’échine à faire changer les habitudes. Mission ingrate mais portée par un groupe convaincu. Rencontre à l’occasion de son assemblée générale.


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Le pourquoi et le comment

Du 18 au 25 novembre, c’est la Semaine européenne de la réduction des déchets. L’occasion ou jamais de rencontrer les gens qui œuvrent sur ce sujet pas très attrayant a priori mais capital pour préserver un monde vivable.

Pourquoi central ? Si on dézoome beaucoup, on peut regarder l’humanité, depuis quelques décennies au moins, comme une immense entreprise à transformer tout ce qui se trouve sur notre brave planète en détritus inutilisables : monceaux d’appareils électriques ou électroniques obsolètes (ou même pas), milliards de vêtements à peine portés, plastique partout et jusque dans les nuages, les océans ou sur les pentes de l’Everest, objets manufacturés à ne plus savoir qu’en faire, déchets polluants aussi instables qu’inutiles, emballages, épluchures, mégots, canettes, chewing-gums…

Comment peut-on encore croire que ça peut durer ?

Voilà une problématique qui demande à ce qu’on change en profondeur nos habitudes à toutes les échelles, depuis les comportements individuels jusqu’à l’organisation des filières industrielles ou au volontarisme des institutions publiques.

S’attaquer à ce sujet peut paraître moins noble et glorieux que planter des arbres ou sauver les derniers éléphants – est-ce pour cela qu’on retrouve une écrasante majorité de femmes dans les groupes locaux de Zéro Waste comme dans son organigramme national ?

Raison de plus pour mettre en lumière ceux et surtout celles qui s’y attaquent.

Et ne se contentent plus de descendre la poubelle.

Marie-Pierre


Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?

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Un lundi soir de novembre, Maison des associations de Cébazat. Pendant que les bénévoles arrivent peu à peu et s’installent, Florence, Judith et Tania s’obstinent à essayer de faire fonctionner le vidéoprojecteur. Elles finissent par renoncer, car il est temps de commencer. Une quinzaine de personnes sont présentes – très majoritairement des femmes. L’assemblée générale de Zéro Déchet Cébazat et Alentours peut commencer.

« Nous étions vingt adhérents dans l’exercice précédent. Ce n’est pas énorme mais c’est bien pour une association qui ne propose pas de services. Et par ailleurs nous côtoyons beaucoup d’autres personnes sans qu’elles soient adhérentes », expose Florence Mondani, la présidente de l’association, en préambule de son rapport d’activité.

Puis elle commence à égrener les actions menées dans l’année. Rapport interrompu de temps en temps par un débat qui s’engage, une question, un complément d’information apporté par Judith, la trésorière, ou par Chloé.

Florence Mondani
Face aux adhérents et adhérentes, et sans le diaporama préparé, Florence Mondani anime l’assemblée générale. “Nous sommes vingt membres, mais c’est normal pour une association qui ne propose pas de service”, expose-t-elle. – Photo Marie-Pierre Demarty

Par tous les moyens

Chloé est venue tout spécialement de Paris, pour représenter l’association nationale Zéro Waste France dont elle est la responsable de la mobilisation citoyenne auprès des groupes locaux. Elle intervient, à la demande du groupe, sur divers sujets au fur et à mesure qu’ils arrivent dans les débats : la fast fashion, le bonus réparation qui vient d’être annoncé par l’Etat, des expériences inspirantes de partage d’objets. Il est aussi prévu qu’elle anime un jeu collaboratif, sur le principe des fresques, entre la fin de l’AG et le repas convivial pour lequel chacun a apporté un panier de victuailles.

“L’action individuelle est une porte d’entrée intéressante pour commencer à agir.”

Florence

Comme toutes les associations, celle-ci soigne la convivialité. Mais ici particulièrement, on sent qu’elle est nécessaire pour préserver l’élan. Car l’activité n’est pas facile. Elle est entièrement ou presque tournée vers la sensibilisation, sur un sujet qui n’a rien de glorieux mais concerne absolument tout le monde : la problématique des déchets.

Le message de Zéro Déchet est clair : éviter au maximum de produire des déchets, par tous les moyens possibles. Réduire la consommation, éviter les emballages inutiles ou les objets à usage unique, opter pour des matériaux durables, conserver les objets le plus longtemps possible, faire soi-même, réparer, réemployer, upcycler, trier, recycler… La réponse à cette problématique a de multiples facettes, dont beaucoup peuvent se pratiquer à l’échelle individuelle. Ce qui, comme me l’explique plus tard la présidente, « constitue une porte d’entrée intéressante pour commencer à agir ».

Le groupe Zéro Déchet Face à la présidente
Le groupe local de Cébazat pendant son assemblée générale : pas très nombreux, majoritairement féminin, mais très convivial. – Photo Marie-Pierre Demarty

Pères Noël et shampoing solide

Elle précise : « Notre conviction est que l’action individuelle est parfois décourageante mais qu’elle est utile, car la somme de toutes les actions individuelles peut faire beaucoup et donne l’envie d’avancer. Bien sûr elle ne suffit pas, mais c’est un premier pas qui permet déjà de se questionner sur plein de choses : comment on consomme, comment on s’habille, comment on mange, etc. » Un questionnement qui peut alors mener à l’action collective, comme Florence, Judith et Christine, les trois fondatrices de l’association Zéro Déchet Cébazat, l’ont vécu elles-mêmes.

“C’est un premier pas qui permet déjà de se questionner sur plein de choses : comment on consomme, comment on s’habille, comment on mange, etc. »

Florence

Jusqu’à créer l’association locale, en octobre 2020. « Nous nous connaissions toutes les trois et étions actives dans un autre collectif, Rêves Ayons, fondé cinq ou six ans auparavant pour proposer des animations dans l’espace public. Longtemps cette association a travaillé sans budget, sans même un compte en banque : on faisait tout à partir de récup’. Nous avons commencé à proposer des animations autour du zéro déchet. Puis nous avons eu envie de prendre notre indépendance, pour avoir plus d’impact, faire plus d’actions, et aussi pour pouvoir adhérer à Zéro Waste France, afin de bénéficier des conseils et échanges, des outils de communication ou des formations que propose l’association nationale. Car nous en avons besoin ! », retrace Florence.

Pour quoi faire ? Le rapport d’activité l’illustre bien : Florence et Judith mentionnent par exemple deux ateliers proposés au public, à Noël et au début de l’été, permettant d’apprendre à faire soi-même. Fabriquer des cosmétiques, du shampoing solide, des éponges à partir d’une chaussette, des pères Noël de décoration à partir de rouleaux de papier toilette, des sacs à vrac… Réparer des vêtements de façon visible pour leur donner un nouveau look…

Voir aussi le reportage : “CleanWalks : la chasse aux déchets est ouverte”

Exercice difficile

Cela vous paraît dérisoire ? C’est pourtant le premier pas d’un changement de comportement en profondeur que la société entière devrait adopter pour réduire la montagne de déchets que nous produisons. Un message que l’association de Cébazat cherche à faire passer aussi dans des actions de sensibilisation : sur des stands à l’occasion du forum des associations, d’une « matinée propre » à Sayat, de la journée écocitoyenne ou du salon de livre de Cébazat… Et même dans la rue, dans des opérations avec des commerçants partenaires ou sur le marché. « Mais c’est un peu désespérant ; c’est un exercice difficile d’aborder les passants qui ne sont pas déjà sensibilisés à ces sujets », souligne Florence.

Judith et Florence face aux adhérents de Zéro Déchet
Judith et Florence pendant l’assemblée générale : un bureau tout sourire en charge des tâches administratives, mais les décisions se prennent de façon collégiale. – Photo Marie-Pierre Demarty

« Le plaidoyer, c’est un métier ; ça demande beaucoup d’énergie », témoignait aussi Judith durant l’assemblée générale, en racontant l’action qu’elle a prise en charge de son côté, avec Tania : l’idée était de s’associer à la municipalité pour proposer à toutes les associations locales une charte de bonnes pratiques.

« Le plaidoyer, c’est un métier ; ça demande beaucoup d’énergie. »

Judith

Beaucoup de temps passé pour s’adapter à l’agenda des élus, beaucoup d’énergie consacrée, lors de deux forums des associations successifs, à tenter de convaincre les autres associations cébazatoises. Avec un résultat assez maigre pour l’instant : « nous avons essayé de les intéresser à l’idée de se prêter du matériel entre associations, sachant que le matériel a souvent été acheté grâce à des subventions municipales. Certaines ont refusé totalement. D’autres se sont montrées plus ouvertes. Une réunion est prévue prochainement en mairie pour mettre en place un fichier partagé. Mais c’est long », dit-elle.

Apprendre à résister

Autre action plus enthousiasmante : Zéro Déchet s’est associé à la Maison des Jeunes locale pour organiser une soirée de sensibilisation, autour de la projection d’un documentaire sur le sujet de la fast fashion. « Les jeunes de cette association se sont beaucoup investis. Ils ont pris l’initiative d’organiser un vide-dressing à cette occasion. Et leurs questions, leurs remarques étaient très pertinentes », ont témoigné les adhérents lors de l’assemblée générale de Zéro Déchet Cébazat et Alentours.

« Il n’y a pas de solution miracle. »

Chloé

Dans la foulée, Chloé intervient pour proposer d’autres pistes d’action expérimentées ailleurs. Elle mentionne le guide édité par Zéro Waste France pour « apprendre à résister » aux habitudes d’achat de vêtements ; y compris, précise-t-elle, en évitant la tentation d’acheter trop en seconde main, ce qui peut provoquer des effets rebond fâcheux. Elle évoque les solutions de location, d’emprunt, de réparation. Elle parle du « Défi rien de neuf » lancé pour créer des communautés de partage de bonnes pratiques, d’entraide et d’engagement, dans le but d’essayer de tendre vers l’idéal de n’acheter rien de neuf. Elle propose aussi de nombreuses ressources à partager. Mais conclut qu’« il n’y a pas de solution miracle ».

Chloé
Chloé intervient sur la fast fashion, pour proposer des pistes d’action et des ressources. – Photo Marie-Pierre Demarty

A l’instar de son initiative d’opération à la Maison des jeunes, l’association locale compte sur les partenariats, qui permettent de démultiplier l’effet des actions. « C’est l’intérêt d’être un groupe local sur un périmètre relativement restreint : nous sommes intégrés dans un tissu d’associations que nous connaissons bien, ce qui nous permet d’établir des synergies et de toucher un public plus large grâce au réseau de chacun », m’explique Florence Mondani.

« Les déchets, c’est une problématique qui est invisible mais pourtant très présente dans nos vies. »

Florence

Un écueil qui semble avoir contribué à la disparition de l’unique autre association Zéro Déchet présente – de 2017 à 2022 – sur notre territoire, Zéro Déchet Clermont Auvergne. Trop dispersés et très occupés par ailleurs, les membres fondateurs n’ont pas réussi à pérenniser le collectif.

Lire aussi le reportage : “A la ressourcerie d’Issoire, tout ce qu’on veut et tout ce qu’on ne veut plus”

Jouer pour mieux réfléchir

A Cébazat, malgré cette impression régulièrement ressentie de manquer de temps, de moyens, de bénévoles, et même de savoir-faire pour donner suffisamment de portée à leurs actions – « nous sommes aussi sollicités par des entreprises ou des écoles, mais comme c’est toujours en semaine, les bénévoles ne sont pas facilement disponibles », fait aussi remarquer la présidente – le collectif semble garder motivation et enthousiasme. Parce que le sujet mérite d’être porté : « Les déchets, c’est une problématique qui est invisible mais pourtant très présente dans nos vies », souligne Florence.

L’élan est aussi préservé grâce à une organisation collégiale : « Nous avons un bureau pour les tâches administratives, mais les décisions sont prises de façon collective par un groupe de sept personnes, qui se réunit une fois par mois et qui peut être ouvert à tout adhérent qui le souhaite », a rappelé la présidente lors de l’assemblée générale.

Jeu collaboratif de zéro Waste France, animé par Chloé
Jouer ensemble pour mieux réfléchir : Chloé a animé un jeu sérieux sur le modèle de la fresque du climat. – Photo Marie-Pierre Demarty

Le soutien de l’association nationale est également précieux. Témoin le souffle apporté à cette assemblée générale par le discours souriant, frais et enthousiaste de Chloé, et par le jeu collaboratif qui a permis aux adhérents de réfléchir ensemble, de façon active, tout en continuant à apprendre sur les réalités étudiées et chiffrées de notre peu viable société de surconsommation.

Un jeu qui commençait par cette proposition initiale lancée pour dérouler la réflexion : « Fermez les yeux et imaginez que vous vous préparez un plateau repas pour une soirée télé. Que vous faut-il ? Et que reste-t-il à la fin de la soirée ? »

Tiens, et vous, que répondriez-vous ? Et que feriez-vous de ce qui va rester ?

Pour en savoir plus, suivez la page Facebook du groupe local Zéro Déchet Cébazat et Alentours
Voir aussi le site de l’association nationale Zero Waste France


Reportage réalisé le lundi 13 novembre 2023. Photo de Une Marie-Pierre Demarty : Chloé, responsable de la mobilisation citoyenne auprès des groupes locaux, lance le jeu collaboratif pour les adhérents de Zéro Déchets Cébazat et Alentours

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