En balade thermique pour traquer les défauts de l’isolation

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

En balade thermique

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

En ce début d’année, les règles du jeu en matière d’aides à l’isolation thermique des habitations changent. Il a été annoncé que les incitations iraient davantage aux rénovations globales et moins en faveur du simple remplacement d’une chaudière ou autres petits bouts de rénovation.

Si vous aviez ce genre de petits gestes en projet et que vous êtes furieux ou furieuse de cette modification, profitez de l’hiver pour vous inscrire à une des vivifiantes balades thermiques proposées par le dispositif Rénov’actions 63. Vous comprendrez peut-être mieux pourquoi il est vain de vous équiper d’une sémillante pompe à chaleur si votre cocon (peu douillet) n’est revêtu que d’un simple appareil de parpaing. A moins que vous ne souhaitiez généreusement réchauffer les petits oiseaux et – un peu moins généreusement – balancer un excès de carbone dans notre pauvre atmosphère.

Et puisqu’il n’y a pas forcément une balade près de chez vous bientôt, mais qu’il y en avait une très récemment près de chez moi, j’ai testé pour vous ! Et franchement, c’est convaincant.

Dans la catégorie efficacité énergétique, voici une suggestion de bonne résolution pour 2024… au cas où vous en auriez marre des régimes que vous ne suivrez pas, des sevrages tabagiques avortés, des abonnements de salle de sport non rentabilisés.

Sur ce, je vous souhaite une excellente année, avec hiver bien au chaud, été un peu frais, automne pluvieux et air respirable !

Marie-Pierre

Il fait à peine quelques degrés au-dessus de zéro en ce samedi matin et le jour se lève à peine. Sigfrid se réjouit : avec ce brouillard, même en fin de balade, le soleil ne nous dérangera pas. Une quinzaine de courageux ont rejoint le point de ralliement et les élus municipaux offrent café et brioche : de quoi se motiver pour une grosse heure de balade dans le village, bien emmitouflés.

Notre but ? Mieux comprendre ce qui cloche dans les habitations et pourquoi nos factures de chauffage sont parfois plus élevées qu’elles ne pourraient. Sous la conduite de Sigfrid Saffrey, nous allons apprendre à déceler les déperditions de chaleur et leurs causes.

Le mieux, c’est quand la température extérieure est négative. »

Le conseiller Rénov’actions63 de la zone Mond’Arverne s’est muni d’une caméra thermique et en distribue une ou deux autres au groupe d’habitants volontaires pour cette découverte. « Nous faisons ces sorties pendant la période où on chauffe et de préférence tôt le matin, car même un petit rayon de soleil peut venir fausser l’expérience, explique notre guide. Le mieux, c’est quand la température extérieure est négative. »

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Les couleurs du petit écran

Le principe général est simple. Ces petits appareils de la taille d’un téléphone portable captent les rayons infrarouges renvoyés par chaque objet, et affiche des coloris plus ou moins foncés selon le degré de chaleur – et donc d’infrarouge – renvoyé par ce qui se trouve dans son viseur. Face à une maison par exemple, les murs froids vont apparaître en violet ou rose foncé, mais les zones par lesquelles la chaleur du chauffage s’échappe seront plus proches du jaune. Dès les premières maisons, l’effet est magique.

Presque trop. Il nous faut un moment pour comprendre que le spectre des couleurs affichées ne varie pas ; il convient donc, pour chaque image renvoyée, de bien observer l’échelle des valeurs qui s’affiche sur le côté de l’écran. Si cette maison s’affiche en jaune vif,  c’est simplement qu’aucune zone plus chaude n’est décelée, mais l’écart avec l’extérieur est finalement minime. Non, ceci n’est pas une passoire thermique !

L'écran de la caméra face à une maison au cours de la balade thermique
Cette maison apparaît tout en jaune sur l’écran de la caméra. Passoire thermique ? Pas vraiment ! L’échelle des valeurs sur le côté gauche nous indique que les écarts de température ne sont pas trop importants.

Tout de même, dès les premières maisons devant lesquelles nous faisons halte, une anomalie apparaît. « Un cas typique de maison isolée par l’intérieur », relève Sigfrid. D’où le beau trait jaune horizontal apparaissant à la hauteur de la séparation entre le rez-de-chaussée et l’étage : signe que la chaleur trouve un passage pour s’échapper par la dalle de béton. En une matinée, la notion de pont thermique va nous devenir familière… Notre guide se veut rassurant : la déperdition n’est tout de même pas très importante.

Vieux village et lotissement pavillonnaire

Et il va décrypter ainsi chaque image, chaque cas de figure. Ici un pavillon récemment rénové, là une maison en attente de travaux de rénovation, plus loin une autre fraîchement construite. On saute de l’architecture des années 1970 ou 1980 à du très ancien, de la pierre au béton ou au parpaing. En passant dans les petites ruelles du village bas, puis dans un lotissement pavillonnaire, avant de revenir vers le bourg centre, de multiples cas de figure sont abordés, d’autant plus facilement que l’adjoint au maire en charge des travaux a pris soin de sélectionner quelques cas intéressants.

L’un des participants nous entraîne dans la cour de sa maison, au-delà d’une porte cochère. Vieilles pierres, double vitrage, rénovation récente. Verdict : ouf ! pas d’erreur majeure, diagnostique Sigfrid après avoir promené le pointeur de son appareil sur la belle façade.

Les participants à la balade thermique dvant le portail d'un pavillon
Face au groupe rassemblé devant le portail d’un pavillon, Sigfrid commente les anomalies de l’isolation visibles sur la caméra.

Plus loin, un propriétaire de pavillon fait taire son chien pour échanger avec le groupe, tandis que Sigfrid analyse le bâti depuis le portail d’entrée. Les murs sont plutôt bien isolés, mais on décèle une déperdition vers le bas du toit, à la hauteur de la génoise : « c’est un cas typique de combles perdus où on a mis une couche d’isolant mais sans aller jusqu’au fond », souligne Sigfrid.

« Un cas typique de combles perdus où on a mis une couche d’isolant mais sans aller jusqu’au fond. »

Le propriétaire rassure : travaux prévus pour très bientôt. De même nature que sur la maison d’à côté où nous pouvons vérifier l’efficacité de la rénovation.

Ailleurs, nous observons d’autres phénomènes intéressants : le contraste entre un étage habitable bien isolé et un rez-de-chaussée non chauffé – garage ou ancien cuvage selon l’âge de la demeure. Ou bien un linteau de fenêtre en béton, défaut dans la cuirasse d’une façade par ailleurs efficace.

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Anomalies… et solutions

Nous sommes vite fascinés par la précision des observations du professionnel : il repère un chauffage par le sol, le « raté » d’une porte pourtant récente, la différence de traitement d’une extension, le coffre d’un volet roulant…

Le groupe invité à s'approcher par les occupants d'un pavillon
Des échanges avec les habitants s’engagent quand ils sont présents.

Chacun dans le groupe, évidemment, s’interroge sur sa propre habitation et coche mentalement les bonnes ou les mauvaises cases. Ou pose les questions qui pourront l’amener à contrôler ce qui pourrait pêcher, à modifier telle installation ou à se rassurer sur les aménagements entrepris.

Parmi les dernières haltes, une maison nous offre un bel exemple de bâtisse ancienne dont l’étage a été isolé par l’extérieur, accusant un débord caractéristique au-dessus d’un garage. Le pont thermique de la dalle en béton a été évité grâce à cette solution. Mais il se retrouve pourtant sur l’autre pignon, à hauteur du balcon. « La seule solution serait d’isoler aussi le balcon, nous dit Sigfrid. Mais personne ne le fait ! »

« La seule solution serait d’isoler aussi le balcon. Mais personne ne le fait ! »

Nous apercevant depuis la porte-fenêtre du balcon en question, la propriétaire se précipite pour venir s’enquérir de ce qui est commenté. Elle confirme que l’isolant est un polystyrène de 20 cm d’épaisseur et rentre même nous en chercher un morceau. Francis, l’adjoint au maire, nous fait part des questionnements des élus : « Ici l’isolant est placé suffisamment haut, mais parfois nous hésitons à accorder l’autorisation de travaux pour une isolation par l’extérieur dans les petites rues, car la largeur de la chaussée rétrécit et rend le passage plus difficile pour les véhicules, notamment le camion des éboueurs. » Sigfrid confirme : “il n’y a pas toujours de solution idéale…”

Les caméras de la balade thermique face à une maison isolée par l'extérieur
Cette maison a été isolée par l’extérieur, hormis le garage du rez-de-chaussée. On peut le repérer par le décrochage du premier étage, et par la différence de coloris entre les deux étages sur la caméra thermique…
La propriétaire montre l'isolant utilisée
La propriétaire nous montre l’isolant utilisé : 20 cm de polystyrène.

Un dernier arrêt nous emmène dans la cour de l’école, où se situent aussi la bibliothèque et la salle du club des anciens. Presque une bonne surprise pour les élus. « Je pensais que ce serait pire », commente Francis.

Débrief au chaud

Fin de la balade. La douce chaleur de la salle des fêtes et le café resté au chaud dans les thermos nous accueillent. Le temps d’installer le vidéoprojecteur et Sigfrid Saffrey, avec sa collègue Aurélie Bonafos plus spécialisée dans les aides financières, va compléter les enseignements de la visite et prolonger la discussion. Un diaporama rappelle les points à prendre en compte, et ajoute les cas de figure que nous n’avons pu examiner car on ne peut les déceler que depuis l’intérieur d’une maison : tuyaux de chauffage non isolés courant dans un sous-sol froid, déperdition par une prise électrique, par la porte de séparation entre le garage et l’habitation, etc.

« Dans la rénovation, chaque cas est différent. »

Les questions continuent à affluer. Un audit est-il nécessaire dans tous les cas ? Fermer des volets anciens aide-t-il à préserver la chaleur ? Une pompe à chaleur est-elle toujours une bonne solution ?… Le technicien précise, nuance, corrige des idées reçues, alerte sur les erreurs les plus courantes ou les plus irréparables, cite des exemples, suggère des solutions… tout en soulignant que « dans la rénovation, chaque cas est différent. »

Les participants face au diaporama, lors du débrief de la balade thermique
Un temps de débrief avec diaporama permet de reprendre les notions découvertes dans la balade et d’aborder des cas de figure qui n’ont pas été rencontrés dans la balade, notamment ceux qu’on ne perçoit qu’à l’intérieur des habitations.

Lorsque les habitants le questionnent sur les systèmes de chauffage, il interpelle en expliquant qu’« on prend trop souvent le problème à l’envers : il faut d’abord penser isolation, puis ventilation et huisseries ; ensuite, en fonction de tout ça, on peut réfléchir au chauffage le plus adapté. »

« On prend trop souvent le problème à l’envers : il faut d’abord penser isolation.”

A la dernière diapo, Aurélie et Sigfrid concluent sur les possibilités de bénéficier individuellement des services de Rénov’actions 63. Avec ce tout dernier conseil d’Aurélie : « Les modalités d’aide en 2024 vont être modifiées et sont encore très floues. Pour des renseignements à ce sujet, il vaut mieux prendre contact à partir de fin janvier. »

Il est déjà 11 heures passé quand nous nous dispersons. Chacun rentre profiter comme jamais de l’agréable chaleur de ses radiateurs ou du poêle à bois. Et passera sans doute le week-end à cogiter en regardant de travers cette encoignure de porte suspecte, cette méchante cloison posée antérieurement à l’isolation par l’intérieur, cette trappe vers la cave qui laisse sournoisement passer l’air…

Dans la pratique :
La balade thermique de Rénov’actions 63 est proposée aux municipalités, à l’intention de leurs habitants (mais les habitants ou associations peuvent toujours inciter leur mairie à s’emparer de l’idée !).
Consulter ici le calendrier des prochaines balades thermiques
Pour le service (gratuit) de conseils personnalisés : demande à adresser sur le site internet ou au 04 73 42 30 72


Reportage Marie-Pierre Demarty – texte et photos – réalisé samedi 16 décembre 2023. Photo de Une : Sigfrid Saffrey commente l’image de la caméra thermique pour le groupe des participants.

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