Trois-Rivières 1/2 : comment fonctionne la station d’épuration de la Métropole ?

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Un des bassins de traitement biologique
Après les poubelles, les eaux usées. On poursuit l'exploration des grosses infrastructures qui traitent nos déchets et rejets, en visitant la station d'épuration des Trois-Rivières, le principal équipement d'assainissement de la Métropole. Bâtards, boues et bactéries au menu !

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

C’est vrai, je vous gâte ces temps-ci !

Enchaîner un (double) sujet sur la valorisation du contenu de nos poubelles avec un autre (double) sujet sur le traitement de nos “poubelles liquides”, c’est un peu un hasard du calendrier de mes opportunités de reportage.

Mais ça tombe plutôt pas mal : c’est bien d’insister sur ces sujets un peu rebutants au premier abord, mais tellement importants, autant en termes de volumes qu’en termes d’enjeux.

C’est sans doute un des gros défis de notre humanité égarée : on ne va pas pouvoir continuer à rendre inutilisable, inerte voire dangereux tout ce qui nous passe entre les mains.

La poussière que nous mettons sous le tapis commence à faire des bosses bien bien visibles.

Et donc, une bonne plongée dans l’univers de tout ce qui est mis en place, en aval de nos poubelles et de nos toilettes, peut contribuer à nous faire prendre conscience de l’ampleur du problème et à nous rendre tous un peu plus respectueux des consignes…

Marie-Pierre

Au moment où vous lisez cet article, vous venez peut-être de prendre une douche, de tirer la chasse d’eau, de lancer une machine à laver… Voilà : vous avez créé des « eaux usées ». Vous êtes-vous demandé ce qu’elles deviennent ?

Si votre habitation est raccordée au système d’assainissement collectif dans la métropole de Clermont, vous devez avoir dans l’idée qu’elles s’acheminent par un vaste réseau de canalisations vers la station d’épuration des Trois-Rivières. C’est vrai pour une grande majorité du territoire de la Métropole : seules les eaux usées de Pont-du-Château, Lempdes et une partie de Cournon sont drainées vers une autre station, de même que celles d’Orcines et Saint-Genès-Champanelle. “Pour les zones situées sur le plateau, ce ne serait pas logique de faire remonter les eaux jusqu’en bordure de faille de Limagne puis traverser tout Clermont. A l’inverse, nous traitons l’assainissement de la commune de Sayat, qui ne fait pas partie de la Métropole, et celui de la Biopole de Saint-Beauzire”, explique Muriel Burguière, directrice du Cycle de l’eau à Clermont Auvergne Métropole, qui m’accueille sur le site avec Alexandre Moussy, responsable de l’exploitation de la station d’épuration.

Muriel Burguière et Alexandre Moussy, devant un des clarificateurs de la station d'épuration
Muriel Burguière et Alexandre Moussy au cours de la visite, devant un des bassins de clarification, dernière étape de traitement avant le rejet des eaux dans l’Artière.

Cet équipement de grosse capacité absorbe pour les traiter les eaux usées de 19 communes, soit l’équivalent des rejets de 425 000 habitants. En réalité, cela inclut 300 000 habitants. S’y ajoutent les eaux provenant des cuisines et toilettes des entreprises – mais pas celles des installations industrielles souillées d’autres types pollutions, que le site des Trois-Rivières n’est pas équipé pour traiter.

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20 millions de m3

Les eaux usées s’acheminent donc à travers des conduites souterraines de plus en plus grosses, le plus possible en gravitaire, par écoulement naturel, et grâce à des postes de relèvement là où c’est nécessaire. Ce réseau est en partie « séparatif », mais sur l’autre partie – relativement importante – « unitaire », c’est-à-dire qu’il mélange ces eaux venant de nos robinets aux eaux de pluie. L’ensemble des canalisations aligne un total de 1250 km.

Puis tout cela déferle par une unique « porte d’entrée » dans la station d’épuration, ce vaste site au nord-est de l’agglomération que tous les Clermontois ont au moins aperçu depuis l’autoroute A71.

Annuellement, cela représente 20 millions de m3 d’eaux transportées et traitées. Au quotidien, on retiendra que la capacité des bassins de traitement biologique est de 80 000 m3 et que les eaux parcourent le circuit entre l’entrée et la sortie de la station en deux jours environ. 

Que leur arrive-t-il dans ce parcours ? Suivons-les…

Le bâtiment des pré-traitements

L’eau entre avec une belle couleur marron foncé et environnée d’une forte et peu agréable odeur. Elle va peu à peu se dépouiller de tout ce dont nous l’avons souillée, en passant par différents traitements : les odeurs, les matières solides les plus grossières qu’on appelle ici « bâtards », les sables, les graisses, les pollutions…

Entrée des eaux usées sur la station
Cette rivière aux couleurs sombres et à l’odeur prégnante, au fond de son canal de béton, c’est l’entrée de toutes les eaux usées sur la station d’épuration. Début du parcours…
Camion d'assainissement à l'entrée du bâtiment
En fait, une toute petite partie du volume arrive par camions, apporté par des entreprises d’assainissement privées. Les premières opérations se font dans ce grand bâtiment, dont les rideaux métalliques, en dehors de ces livraisons, sont tenus soigneusement clos pour tenir les odeurs autant que possible enfermées.
Le dégrillage
Première opération : le dégrillage. Il s’agit de retirer les plus gros déchets à l’aide d’une grille, sorte de grande passoire qui brasse le flux et déverse dans cette gouttière ces matières grossières, qui seront emportées par camion vers le centre d’enfouissement de Puy Long.
bassins de dégraissage et déssablage
Dans le même bâtiment, juste de l’autre côté de la coursive, les eaux toujours très sales sont réparties dans ces trois bassins de décantation. Ici, c’est du deux-en-un. Grâce à des bulles d’air, une séparation se fait naturellement entre le sable, lourd, qui tombe au fond, les graisses qui remontent, et l’eau. Le sable – 700 tonnes par an – est récupéré pour servir de remblai dans des tranchées, pour des travaux sur la voirie. Quant aux graisses, elles sont raclées en surface et traitées sur le site. L’eau, déjà un peu allégée, va continuer son parcours.
Le traitement des odeurs
Mais avant d’être autorisée à sortir de ce premier bâtiment, l’eau doit passer par une dernière formalité : ici on la débarrasse de ses odeurs nauséabondes. Ces deux cylindres beaucoup trop haut pour que mon objectif puisse les capturer en entier lui font subir un traitement physico-chimique, par réaction acido-basique.

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Au grand air

Les eaux sont maintenant prêtes à sortir à l’air libre… mais encore très loin d’être propres. Elles sont dirigées vers les deux plus grands bassins pour être débarrassées de ce qui constitue les principales pollutions des rivières : carbone, azote et phosphore.

Ici, c’est un traitement biologique qui les attend. Car les éléments indésirables sont littéralement dévorés par les bactéries présentes dans ces bassins. Le processus est favorisé par le passage successif de l’eau dans des zones aérobie où de l’air est impulsé par des aérateurs, et anaérobie. Zones qui forment trois bassins concentriques dans lesquels l’eau circule successivement.

bassin de traitement biologique
L’un des deux vastes bassins de traitement biologique de l’eau, avec ses trois zones concentriques. Chacun de ces deux bassins a une capacité de 40 000 m3.
Clarificateur, dernière étape de l'eau dans la station d'épuration
En sortie de traitement biologique, l’eau est répartie dans les quatre clarificateurs, des bassins plus petits qui constituent la dernière étape. Les boues formées par les bactéries et par les pollutions qu’elles ont ingérées tombent au fond du bassin où elles sont récupérées . En surface, l’eau est devenue beaucoup plus claire.
Traitement des boues d'épuration
Une partie des boues va être utilisée pour réensemencer les bassins de traitement biologique en bactéries. Le reste est traité dans une autre zone du site pour être transformé en compost ou directement en épandage. Le traitement consiste en assèchement et en chaulage de ces matières. Ici, on découvre les nouvelles machines permettant ce traitement. “Elles fonctionnent un peu comme un panier à salade pour retirer l’eau, sauf qu’ici, le panier est un gros cylindre où les boues circulent en continu”, explique Alexandre Moussy.
Le flux d'eau en sortie du clarificateur
Pendant que la boue est récupérée par le fond du clarificateur, l’eau est exfiltrée du bassin à hauteur de la surface, là où elle est la plus claire.
Equipement de contrôle de la qualité de l'eau à la sortie de la station d'épuration
Elle est alors dirigée vers la sortie, non sans être analysée grâce à cet équipement et au laboratoire de la station. “Etant donné la taille de la station des Trois-Rivières, nous sommes tenus à contrôler la qualité de l’eau à la sortie toutes les 24 heures”, précise Alexandre Moussy.
canal de sortie de l'eau de la station d'épuration
Nos eaux souillées sont enfin redevenues aptes à revenir dans le milieu naturel. La “porte de sortie” se trouve au fond de ce court canal…

Où va l’eau ?

Comment est-elle restituée ? De deux façons. Pour partie, elle repart directement dans l’Artière.

Mais pour une autre partie, elle est dirigée vers les lagunes de l’ancienne sucrerie Bourdon, qui se trouvent juste de l’autre côté de la route. Elles permettent ainsi de prolonger un usage qui avait cours depuis longtemps avec la sucrerie fermée depuis fin 2019 : la réutilisation de ces eaux usées pour l’irrigation agricole. Car l’ASA Limagne Noire, qui regroupe 55 agriculteurs, fait figure de pionnière d’une pratique récemment mise en avant pour lutter contre les menaces de pénurie d’eau : la réutilisation ou “réut”. Ici, entre les eaux usées domestiques de l’agglomération clermontoise et l’eau de lavage des betteraves, la “réut” est pratiquée depuis 1996.

“L’état de l’Artière n’est pas bon, mais il n’est pas différent de celui du Bédat ou de la Tiretaine.”

Muriel Burguière

Reste la question de savoir dans quel état sort l’eau à l’issue de son parcours dans la station des Trois-Rivières. “Elle respecte les normes qui nous sont imposées dans le but d’atteindre les objectifs de la Directive européenne sur l’état des rivières, indique Muriel Burguière. L’état de l’Artière n’est pas bon, mais il n’est pas différent de celui du Bédat ou de la Tiretaine. Sans surprise, les trois cours d’eau sont classés en bon état dans leur partie amont, puis en mauvais état à partir de leur traversée de l’agglomération.”

L’effort de la Métropole pour améliorer la situation et la qualité de l’assainissement est cependant constant. Il se traduit notamment par d’importants travaux actuellement en cours à la station des Trois-Rivières. Voyons ça de plus près dans le prochain article.

Reportage (texte et photos) Marie-Pierre Demarty, réalisé le 22 avril 2024. A la une : au premier plan, l’un des deux bassins de traitement biologique des eaux usées, où elles sont débarrassées des principaux polluants par l’action des bactéries.

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