« Trente ans pour prendre conscience » par Florian Da Silva

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Paysage du Sancy avec au premier plan des panneaux indicateurs pour randonneurs
Carte blanche – Formateur en transition écologique, Florian nous raconte sa conversion, sa prise de conscience des enjeux écologiques, et comment celle-ci se rappelle à lui dans son rôle de formateur.

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

De temps en temps, nous ouvrons nos colonnes à des personnalités locales qui ont des choses à dire sur ce que nous défendons : les enjeux écologiques, la résilience, le territoire…

C’est l’occasion d’entendre des voix différentes, des témoignages sensibles et personnels, écrits à la première personne qui pour une fois… n’est pas moi. Ce qui peut vous faire du bien, à vous lecteurs, mais aussi à moi !

Nous connaissons Florian surtout en tant que l’un des tout premiers (ou même le premier ?) fresqueur en Auvergne, celui qui nous a fait découvrir la Fresque du climat, avant que celle-ci et bien d’autres ne déferlent comme un raz-de-marée pour contribuer avec une belle efficacité à la prise de conscience d’innombrables citoyens.

Je me souviens aussi avoir entendu Florian, dans une table ronde, utiliser une image intéressante pour expliquer que +2°C de réchauffement climatique, ce n’est pas rien : il suffisait de le comparer à ce que faisait au corps humain une hausse de température de +2°C. Je l’ai souvent réutilisée depuis tant la comparaison m’a semblé parlante.

On comprend mieux avec ce texte pourquoi il est si pédagogue sur le sujet.

Et on pourra se dire que si lui revient d’aussi loin, tout n’est pas perdu pour ceux qui ont encore du chemin à faire. Gardons espoir !

Marie-Pierre

Comment prendre conscience alors que j’ai moi-même longtemps été inconscient… ?

Passionné de montagne, de trek, de trail et de grands espaces, j’ai eu la chance de naître dans un petit village auvergnat à 1000 m d’altitude à proximité du Sancy. Depuis tout jeune, j’ai baigné dans l’ambiance « nature et montagne » : hameau de 20 habitants entouré de nature et mon père travaillant dans une station de ski.

J’étais imprégné au quotidien de cet univers : rando et vélo en nature le week-end, cabanes dans les arbres, construction de barrages dans les ruisseaux. Depuis toujours, j’étais « éduqué » à ne pas jeter mes déchets dans la nature, à ne pas marcher en dehors des sentiers, à ne pas cueillir certaines fleurs, à respecter la nature. Et pourtant…

Ingénieur motoriste

Malgré cette « sensibilité » à la nature, malgré le fait d’avoir baigné dans cet univers, il m’aura fallu près de 30 ans pour « comprendre et prendre conscience ». En effet, j’ai avancé mes études jusqu’au poste d’ingénieur en mécanique. C’était en 2009. Pas pour travailler dans la transition, mais pour devenir ingénieur motoriste et fabriquer des moteurs de camion… puis pour fabriquer des machines destinées à l’industrie du bois…

Et surtout, chaque jour, je prenais la voiture, je mangeais de la viande, je faisais souvent « les boutiques », je partais en vacances aux quatre coins de l’Europe. Et même si je continuais à aller régulièrement en montagne et en nature, mon idéal de vie était de faire carrière, une jolie maison, une jolie voiture…

« Personne dans mon entourage ne mettait le doigt sur ce sujet. » 

Pas une seule seconde je ne faisais le lien entre ce que je mettais dans mon assiette et le réchauffement climatique. Pas une seconde je ne faisais le lien entre un achat et la limitation des ressources sur la planète. Je profitais et j’utilisais, cela faisait partie du décor, et la connexion ne se faisait pas dans ma tête. Et pourtant, alors que j’adorais être en montagne et en nature, chaque tonne de gaz à effet de serre ou prédation de ressources liées à mon mode de vie venait dégrader directement ou indirectement cette nature et cet environnement.

Personne dans mon entourage, famille ou ami, ne mettait le doigt sur ce sujet ou le faisait ressortir dans les discussions du quotidien.

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Point de bascule

Comment agir pour quelque chose que l’on ne voit pas, ou que l’on ne veut pas voir ? Que la société (ou plutôt le mode de vie dans lequel j’étais) invisibilise… ?

Aujourd’hui, j’ai changé de métier ; je suis formateur en transition écologique. J’ai fortement réduit mon impact environnemental, le souci de réduire mon empreinte environnementale est présent dans la majorité de mes décisions, je suis investi dans des associations pour protéger le vivant.

« Cette transformation intérieure m’a apporté quelque chose : plus de sensibilité. »

Quel a été le point de bascule ? Une période de vie. Sans rentrer dans le détail, des soucis de santé sérieux, une perte d’emploi, tout qui s’accélère sur une pente descendante, les projets de vie qui vacillent ou se délitent, les certitudes qui volent en éclat… Un moment de pause « forcée » dans son quotidien, des heures à « penser », à être dans le néant parfois, dans le vague et dans le doute en regardant le plafond de sa chambre des journées entières en étant cloué à son lit.

A la sortie d’une telle période, on est changé, profondément, on sait que la vie ne sera plus jamais pareille… On accepte et on avance, ou bien on sombre dans la colère, la dépression ou le déni. Cette transformation intérieure m’a apporté quelque chose : plus de sensibilité. J’avais déjà une sensibilité pour beaucoup de choses, mais elle était diluée dans le bruit du quotidien, l’image qu’un homme doit « présenter » en société. Aujourd’hui j’ai appris à écouter ma sensibilité, et elle m’apparaît naturellement comme beaucoup plus présente.

Une chance

J’étais mûr, le fruit prêt à être cueilli. Ajoutons à cela plusieurs films et documentaires sur les sujets environnementaux qui se sont présentés sur ma route ; cette sensibilité m’a permis d’écouter et laisser entrer ces informations nouvelles dans ma vie. La connexion s’est faite, comme par magie.

C’est toute la difficulté que je rencontre au quotidien dans mon nouveau métier : comment amener les personnes que je rencontre à ce moment… à cette bascule… Les informations, les chiffres, bien que nécessaires, ne suffisent clairement pas. Les périodes de vie, l’ouverture et l’écoute de chacun est différente en fonction du moment où je les croise.

« Les informations, les chiffres, bien que nécessaires, ne suffisent clairement pas. »

Tout le monde n’a pas eu « la chance » d’avoir cette période de vie où tout est remis en question. Car oui, je considère aujourd’hui cela comme une chance. Je suis une personne différente, mais sans doute meilleure. Et pour mon métier, j’essaie de contribuer positivement à enrayer cette grande machine infernale, bien conscient que le changement ne provient pas que d’un seul facteur, mais aussi souvent d’un moment de vie où les personnes sont prêtes à « écouter » ce que j’ai à leur raconter.

Texte Florian Da Silva. Photo Marie-Pierre Demarty : paysage au col de la Croix Saint-Robert dans le Massif du Sancy, où Florian a grandi, a été sensibilisé à la nature et où il pratique les sports de plein air.

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