À Riom, La Marguerite nourrit chacun selon ses besoins et ses moyens

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Les bénévoles dans l'épicerie solidaire de Riom
Depuis quelques années, les épiceries solidaires renouvellent le modèle de la distribution alimentaire. Pour comprendre ce qu’elles apportent, j’ai poussé la porte de celle de Riom, et interrogé un responsable national bien de chez nous.

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

L’un des plus gros enjeux, pour garantir un territoire vivable, est de tendre le plus possible à une autonomie du territoire en matière d’alimentation. Cela tombe sous le sens. Avec l’air et l’eau, se nourrir est un besoin vital. Et tant qu’à faire, l’enjeu est aussi de se nourrir avec des aliments sains, qui ne bousillent ni notre santé, ni celle des sols et des écosystèmes où ils sont produits.

Bon, c’est déjà loin d’être le cas pour les gens qui ont les moyens de se nourrir correctement.

Mais c’est encore plus compliqué pour les personnes qui n’en ont pas les moyens. Et le système des distributions alimentaires semble peu satisfaisant, aussi bien pour ceux qui les organisent que pour ceux qui en bénéficient.

C’est pourquoi on entend de plus en plus parler de la notion de sécurité sociale alimentaire. Et que d’autres modèles s’inventent.

Comme vous le savez, nous défendons tout ce qui repose sur des valeurs de solidarité (presque aussi vitale que l’air, l’eau et l’alimentation !). Alors quand j’entends “épicerie solidaire”, il faut que j’aille voir…

Marie-Pierre

Trois infos express   [cliquer pour dérouler]

  • Par rapport aux systèmes de distribution alimentaire classiques, les épiceries solidaires permettent aux bénéficiaires de choisir ce qu’ils reçoivent et se sentent moins stigmatisés. La diversification des fournisseurs, y compris sous forme d’achats, permet aussi à des personnes en situation de précarité de se nourrir avec des produits sains et de qualité.
  • L’épicerie solidaire de Riom, La Marguerite, est une initiative du Secours catholique, entièrement gérée par des bénévoles. Elle a la particularité de fonctionner en mixité sociale. Les adhérents solidaires paient les prix du commerce ; les personnes en précarité bénéficient d’une réduction de 50 ou 90% selon leurs ressources. Mais les produits sont les mêmes pour tous.
  • L’Union nationale des Groupements des Épiceries Sociales et Solidaires, dont La Marguerite est membre, regroupe 110 initiatives du même type en France, avec une volonté de défendre le droit à la justice alimentaire. Son responsable du plaidoyer, Maxime Fritzen, rappelle que 16% des Français sont en situation de précarité et commencent souvent par sacrifier la qualité de leur alimentation. Il appelle l’État à reconnaître un droit à l’alimentation.

Une petite rue dans l’hyper centre de Riom. Une enseigne pimpante qui vous fait lever les yeux du pavé : « La Marguerite ». Le nom est engageant ; le sourire des épicières, une fois la porte franchie, l’est encore plus. La boutique est petite mais elle offre de tout ce qu’il faut pour préparer ses repas : l’îlot des fruits et légumes au centre ; les étagères et armoires frigorifiques bien garnies. Farine, œufs, sucre, confiture, viande, fromages… Rien de bien différent, au premier regard, d’une sympathique épicerie de quartier.

À y regarder de plus près, vous allez toutefois remarquer que chaque article affiche deux prix différents. Il va alors vous revenir que vous avez aperçu le logo du Secours catholique sur la devanture, et la mention « épicerie solidaire ». Les dames qui vous accueillent – ce matin-là : Florence, Laurette et Otilia – sont des bénévoles. Et les prix différenciés correspondent à ce que vous allez payer à la caisse en fonction de votre niveau de ressources.

Mixité et solidarité

Pour me l’expliquer en détail, la responsable de l’équipe riomoise du Secours catholique, Annie Boucharinc, me fait traverser les réserves – pas plus spacieuses que la boutique – pour m’accueillir autour de la grande table de la cuisine. « Cuisine » étant un terme un peu étriqué pour cette pièce lumineuse et chaleureuse qui sert aussi de bureau, d’atelier, de salon… Le temps de m’offrir un café dans un joli mug personnalisé (car le sens de l’accueil est primordial ici), et elle me détaille les principes de l’épicerie.

Annie Boucharinc dans la cuisine de l'épicerie solidaire
Annie Boucharinc, responsable d’équipe du Secours catholique à Riom, dans la cuisine-atelier de l’épicerie solidaire.

« Ils sont axés sur ceux du Secours catholique : accueil inconditionnel, mixité sociale, alimentation saine, durable, de qualité et si possible en circuit court », explique-t-elle. Dans la pratique, cela consiste à ouvrir la boutique à différentes catégories de personnes, qui ont au préalable payé leur adhésion, fixée à « un euro minimum tous les six mois, mais les solidaires donnent plus en général », précise-t-elle.

Les solidaires sont les personnes ayant suffisamment de ressources pour payer les produits au prix du commerce : l’un des deux prix affichés sur l’étiquette. L’autre prix affiché propose une réduction de 50%, et il existe encore un tarif non affiché offrant une réduction de 90%. Ces deux dernières possibilités étant réservées aux personnes en situation de précarité.

Protocole

Pour établir qui peut en bénéficier, un protocole très précis a été mis en place. Il passe d’abord, poursuit Annie, par un rendez-vous avec une assistante sociale, qui établit le « reste à vivre » du foyer, par jour et par personne. « Ce reste à vivre doit être de 1 à 3 euros pour bénéficier de la réduction de 90% et de 3 à 11 euros pour celle de 50%. Ensuite, les assistantes sociales nous transmettent le dossier et nous fonctionnons sur le principe de la rencontre. »

Rencontre avec Annie pour les habitants de la plupart des communes – car la délégation de Riom couvre un large territoire allant des Combrailles jusqu’à la grande Limagne. Rencontre collective pour les habitants de Riom, car une commission « Cébulon » (pour commission d’étude des besoins d’urgence et de long terme) a été créée par le CCAS dans la période du covid pour mieux orienter l’aide alimentaire ; elle permet de répartir les bénéficiaires entre l’épicerie solidaire et les distributions de colis du Secours populaire, réservées à ceux qui n’ont aucun moyen.

« Nous constatons qu’il existe une précarité structurelle, dont les gens ne peuvent pas sortir. »

« C’est le côté négatif, relève Annie. Il y a toute une frange de personnes qu’on pourrait accompagner mais qui ne viennent pas vers nous. » Car le Secours catholique ne se contente pas de vendre des légumes et de la farine. « On écoute leurs besoins, qui ne sont pas forcément ou pas seulement alimentaire », dit-elle. D’autres aides ou une orientation vers d’autres services peuvent être apportées. Sans parler des ateliers, ouverts à tous les adhérents, qui offrent des moments de convivialité en même temps que des savoir-faire : couture, cuisine, loisirs créatifs, jardinage, animations parents-enfants…

Cagettes de fruits et légumes dans l'épicerie solidaire
Dans l’épicerie La Marguerite, deux prix sont affichés pour chaque produit et l’adhérent paiera l’un ou l’autre en fonction de ses ressources. Seuls les légumes cultivés par les bénévoles, comme ces courgettes, sont à prix unique.

Autre précision notable dans le système mis en place : initialement les bénéficiaires ne devaient accéder aux prix réduits que sur une durée limitée, de dix-huit mois maximum. Certes, des bénéficiaires se sortent de leurs difficultés, trouvent du travail, obtiennent une allocation handicapé, règlent leur situation… « Mais nous avons absolument abandonné cette règle, car nous constatons qu’il existe une précarité structurelle, dont les gens ne peuvent pas sortir. Par exemple les retraités qui ont une très petite retraite. On apprécie au cas par cas », indique Annie.

Au total, l’épicerie accueille pour 2024, plus ou moins régulièrement, environ 150 foyers solidaires, 122 foyers au tarif 50% (soit 331 personnes) et 31 foyers au tarif 90% (soit 87 personnes). « Parmi les adhérents solidaires, nous en avons aussi pour qui c’est utile : des personnes isolées qui ont besoin de lien social, des personnes âgées pour qui c’est trop loin d’aller faire leurs courses au supermarché », soulignent les bénévoles qui nous ont rejointes le temps d’une pause entre deux clients.

Sur une autre initiative de lutte contre la précarité alimentaire, lire aussi le reportage : « Soli’doume veut engager le territoire dans la solidarité alimentaire »

Un système peu satisfaisant

Pour La Marguerite, l’aventure de cette boutique pas comme les autres commence il y a six ans environ, par la convergence de deux phénomènes. D’une part, le Secours catholique national – association unique et centralisée gérant toutes les antennes en France – décide de vendre le local, situé dans le faubourg de la Bade, où se faisaient les distributions alimentaires, et a poussé à l’ouverture d’une épicerie solidaire. « D’autre part, relate la responsable d’équipe, en local nous n’étions pas satisfaits de la façon dont se passaient les distributions. Les bénéficiaires n’avaient pas le choix de ce qu’ils recevaient. Et les approvisionnements venaient seulement de la Banque alimentaire. Elle fait un travail formidable, mais pour nous, c’était compliqué à gérer, surtout pour les produits frais. »

C’est un des bénévoles qui a repéré dans son quartier la boutique, fermée depuis une quinzaine d’années. Covid oblige, l’aménagement a un peu traîné ; les bénévoles ont réalisé l’essentiel des travaux ; le budget écologique citoyen du Conseil départemental et quelques subventions complémentaires ont financé la cuisine, les frigos, les véhicules. Et La Marguerite a pu ouvrir le 4 janvier 2021.

« En local nous n’étions pas satisfaits de la façon dont se passaient les distributions. »

Le local est d’autant plus commode que le Secours catholique s’est aussi installé juste en face pour l’accueil individuel des personnes accompagnées. Annie peut ainsi superviser les activités et venir trancher un problème, apporter son autorité lorsqu’un « client » ne se plie pas aux règles de cette épicerie particulière.

« C’est parfois difficile à gérer, par exemple si on a un produit en petite quantité ; car on demande aux personnes de se limiter pour que ce soit partagé entre plusieurs foyers. Certains le comprennent bien… d’autres pas », reconnaît-elle. Elle devra aussi, durant notre entretien, s’interrompre pour fixer des limites à un bénéficiaire qui veut trop systématiquement payer à crédit et à qui les bénévoles n’osent pas refuser.

Du local autant que possible

Car l’épicerie, toute solidaire qu’elle soit, doit tenir des équilibres. Son modèle s’appuie sur des approvisionnements en partie auprès de petits producteurs locaux, avec une attention sur la qualité et sur un prix décent pour les fournisseurs. Les œufs viennent d’un GAEC de Gelles, les légumineuses bio d’Ennezat, les pommes de terre de Saint-Beauzire, les légumes d’un maraîcher en insertion de Gerzat… Cela reste cependant compliqué et l’épicerie a dû resserrer le nombre de ces fournisseurs, chez qui des bénévoles doivent le plus souvent aller chercher les commandes.

Les réserve de l'épicerie solidaire
Dans l’arrière-boutique de La Marguerite, les réserves de produits secs. Certains viennent de producteurs locaux, d’autres, avec moins de choix, sont fournis par la Banque alimentaire ou en ramasse de supermarché.

L’approvisionnement est complété grâce à un mécénat du Biocoop de Riom, de ramasses au Leclerc, de produits secs de la Banque alimentaire… sans compter, parfois, des dons de légumes de particuliers. Et la production des parcelles de jardin cultivées par les bénévoles au Couriat et à Enval, les seules denrées à prix unique… mais très bas.

Les tarifs réduits sont compensés par une grosse subvention du Secours catholique national, complétée par des aides de certaines communes du secteur à proportion du nombre de foyers aidés de leur territoire.

Lire aussi le reportage sur une autre forme d'épicerie associative : « Épicerie associative de Loubeyrat : le plaisir de faire ses courses au village »

La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)

Financement, foncier, matériel roulant, voies… peut-on faire revivre les petites lignes de train ?

Rencontre Tikographie du jeudi 7 novembre à 17h (hôtel Océania) – tous publics, accès libre !

Merci pour votre temps de cerveau disponible ! Le cours de votre article peut reprendre.

Des retraités actifs

Le fait que la boutique soit gérée entièrement par des bénévoles aide aussi à pratiquer des prix adaptés à chaque bourse. Ils sont une quarantaine, retraités pour la plupart, venant de tous horizons. « Certains donnent jusqu’à 25 heures par semaine », salue Annie, qui ne doit pas être en reste.

Pour celles et ceux que je croiserai ce vendredi matin, ils sont motivés par la volonté de rester actifs en s’occupant utilement. « A un moment, j’ai été malade ; une amie m’a suggéré de venir “pour te sortir”, a-t-elle dit, parce qu’ils cherchaient des bénévoles pour démarrer l’épicerie », raconte Florence, qui donne aussi de son temps pour les ateliers d’apprentissage du français. Laurette a connu le projet en tant que bénévole d’une autre initiative également lauréate du budget citoyen du Département. La démarche d’Otilia doit moins au hasard : « Je suis arrivée à l’ouverture de l’épicerie ; je venais de prendre ma retraite et j’ai choisi de venir parce que j’ai toujours aimé le commerce. »

« Il faut juste être ouvert, tolérant, avoir le sens du partage… »

Pierre et Jean-Paul, les deux conducteurs du camion qui passent boire un café entre deux livraisons, sont, comme Annie, des piliers du groupe local, arrivés un peu avant. La responsable d’équipe met en avant sa motivation par ses convictions catholiques, mais précise : « On ne parle pas de religion. Nous avons même une bénévole musulmane. Il faut juste être ouvert, tolérant, avoir le sens du partage… Ce sont des valeurs universelles. »

La devanture de l'piceire solidaire avec son enseigne orange "La Marguerite"
La petite boutique de la rue Marivaux a été entièrement aménagée par les bénévoles, hormis la cuisine.

Se grouper pour s’épauler

La fraternité et la convivialité se pratiquent dans toutes les activités, que ce soit dans l’épicerie, les ateliers pour adultes même s’ils fonctionnent plus ou moins bien car l’engagement dans la durée est difficile à tenir.

Le sens du partage a aussi poussé l’équipe riomoise à s’affilier à un groupement d’épiceries solidaires, le GESRA (Groupement des Épiceries Sociales et Solidaires
Rhône-Alpes Auvergne
), lui-même affilié à l’UGESS (voir encadré).

« Et nous essayons de créer un réseau en Auvergne, sur l’incitation de celle de Vichy, la plus ancienne, dont nous nous sommes beaucoup inspirés », indique Annie. L’idée étant de tisser des liens, d’échanger sur les pratiques, pourquoi pas à terme aller jusqu’à des commandes groupées. Car en Auvergne comme ailleurs, les initiatives se multiplient : on recense aussi des épiceries solidaires à Billom, Montferrand, Saint-Eloy-les-Mines ou encore à Cournon, cette dernière initiative étant une création du CCAS local.

Quant aux structures régionale et nationale, elles apportent aussi un soutien, un outillage de connaissances, des formations… « Leur rôle de plaidoyer est important aussi », ajoute Annie.

Entretien : un point de vue national [cliquer ici pour y accéder]

Plaidoyer pour une justice alimentaire

Les Clermontois ont pu connaître Maxime Fritzen grâce à un beau projet qui leur a fourni des paniers de légumes chaque semaine, « Les marchés de Max et Lucie » (Max, c’était lui !). Il a également été (et est toujours) très impliqué dans le projet de consigne et réemploi du verre Pampa. Il est resté à Clermont et œuvre toujours sur les questions alimentaires, mais dans une fonction nationale : il est chargé du plaidoyer de l’UGESS, à laquelle La Marguerite est associée.

Il nous apporte un éclairage plus global sur cette nouvelle forme de solidarité.

Peux-tu nous présenter l’UGESS ?

L’Union Nationale des Groupements des Épiceries Sociales et Solidaires est née d’un regroupement d’épiceries solidaires, d’abord en Auvergne-Rhône-Alpes, puis dans d’autres régions. Elle résulte d’un regroupement de ces réseaux et c’est un des deux grands réseaux existant en France. L’UGESS rassemble aujourd’hui environ la moitié de ces initiatives, soit 110 épiceries aujourd’hui.

Notre particularité est de nous fonder sur des valeurs militantes, sur la volonté de faire de l’accès à l’alimentation une question politique.

En quoi les épiceries solidaires se distinguent-elles des modèles plus anciens de distribution alimentaire ?

Les systèmes classiques fonctionnent grâce aux dons. Ils fournissent des produits gratuits, qui ne sont pas librement choisis par les bénéficiaires et ne correspondent pas forcément à leurs goûts ou à leurs habitudes. Ils peuvent aussi se trouver loin de l’endroit où les gens vivent et ils peuvent être ressentis comme stigmatisants.

Le mouvement des épiceries solidaires est né il y a 5 ou 6 ans de la volonté de pallier ces inconvénients en fonctionnant différemment, au départ dans des initiatives locales. L’idée, à travers le système d’épicerie, est de donner accès à une alimentation choisie et saine, et de rendre les personnes autonomes et éclairées.

« Les systèmes classiques (…) peuvent être ressentis comme stigmatisants. »

Nous cherchons aussi à valoriser d’autres modèles d’approvisionnement que les dons de la grande distribution, qui reposent sur la défiscalisation et la règlementation sur le gaspillage. Car cela entraîne des dérives et la nourriture donnée est souvent de mauvaise qualité. Les nouveaux modèles, ce sont les circuits courts, l’approvisionnement local, la relocalisation des filières de transformation, les valeurs écologiques. La solidarité, selon notre mouvement, implique aussi de prendre en compte la précarité des agriculteurs.

En quoi les épiceries sont-elles moins stigmatisantes que les distributions ?

Pousser la porte d’un magasin et avoir à payer sa nourriture est plus facile que d’aller dans un point de distribution, qu’on peut ressentir comme un endroit où on fait la charité. Certaines de ces épiceries, comme celle de Riom, sont aussi ouvertes à tous les publics, avec simplement des prix différenciés selon la situation des personnes. Même s’il reste la nécessité de justifier de sa situation, c’est une démarche plus discrète.

Par ailleurs c’est moins problématique pour les citoyens de s’engager dans le bénévolat sur ce type d’initiatives, qui fonctionne un peu comme une épicerie de quartier. Cela crée du lien, lève des barrières et des préjugés, aide à rompre l’isolement.

Ce lien est aussi au bénéfice des personnes en précarité et a une influence sur leur réinsertion.

Toutes les épiceries affiliées à l’UGESS ne fonctionnent donc pas sur le même modèle ?

Nous laissons effectivement une grande souplesse de fonctionnement, du moment que les initiatives adhèrent à nos valeurs. Car elles naissent localement et s’adaptent au contexte local, aux ressources disponibles. Nous favorisons les échanges, les coopérations, la mise en réseau des initiatives locales, affiliées ou non à l’UGESS. Nous avons même la volonté de promouvoir cette diversité.

« L’Union nationale a pour fonction d’accompagner ces initiatives, mais aussi d’expérimenter des nouveaux modèles. »

Par exemple dans le Puy-de-Dôme, il existe une épicerie étudiante à Clermont, une épicerie associative à Billom, ou « Destin et Délices » à Montferrand émanant d’une association cultuelle. Il y a aussi des modèles hybridés avec une ressourcerie ou un restaurant solidaire, d’autres sont liées à une structure d’insertion…

Quel est le rôle de l’UGESS par rapport à ces initiatives ?

L’Union nationale a pour fonction d’accompagner ces initiatives, mais aussi d’expérimenter des nouveaux modèles ou des projets allant dans le sens d’une justice sociale alimentaire, notion qui va plus loin que le seul fait de ne pas avoir faim.

Nous avons par exemple lancé Carav’alim, en partenariat avec d’autres structures : une opération qui veut faire naître un mouvement citoyen d’éducation populaire pour un droit à l’alimentation et qui travaille à rendre plus visible l’injustice alimentaire.

En Auvergne, nous participons à l’initiative du Cisca et de l’ADML qui réfléchissent à une expérimentation de sécurité sociale alimentaire.

« Quand on a peu de moyens, on sacrifie en premier la santé et l’alimentation. »

Tu es responsable du plaidoyer : l’UGESS a donc aussi une fonction politique ?

Il faut se rappeler que 16% de la population française se trouve en situation de précarité et quand on a peu de moyens, on sacrifie en premier la santé et l’alimentation. Cela a des conséquences sanitaires graves, avec le développement de maladies comme l’obésité, les diabètes, etc.

Il y a un coût social, mais aussi financier pour l’État. Et nous plaidons pour que l’État prenne ses responsabilités pour aller vers une sécurité de l’alimentation.

Nous insistons sur la dignité et le droit des personnes, le pouvoir d’agir et les liens avec la notion de démocratie. En clair, nous revendiquons un droit à l’alimentation, qui devrait être l’équivalent du droit au logement.

Aller plus loin

Forte de son sentiment d’utilité et de ces soutiens, l’équipe riomoise ne se contente pas de faire tourner la boutique. Elle a aussi des projets.

Par exemple, celui de développer un volet éducation à une alimentation saine et équilibrée. « Nos ateliers cuisine sont dispensés par des bénévoles qui n’ont pas cette compétence ; ils ont plutôt une vocation de rencontre fraternelle. Mais ce serait utile pour beaucoup de nos bénéficiaires. Nous proposons dans la boutique des produits de qualité à des prix accessibles ; si on arrive à augmenter la part des fruits et légumes dans l’alimentation, c’est déjà bien. Mais il y a des freins, ne serait-ce que pour cuisiner des aliments qui demandent une cuisson longue. Car c’est moins coûteux de faire réchauffer des plats tout préparés qui peuvent être de moindre qualité », constate Annie Boucharinc.

« Les gens viennent souvent dans les activités en “consommateurs”. »

Autres intentions : recruter davantage de bénévoles, car le planning est parfois compliqué quand certains partent en voyage ou ont à garder leurs petits enfants durant les vacances ; proposer des sorties culturelles ; ou réorganiser et relancer les ateliers dont la fréquentation est peu satisfaisante. L’arrivée prochaine d’un service civique pourrait aider à aller plus loin.

Annie rêve aussi d’associer un jour les bénéficiaires à la gouvernance de l’épicerie, mais l’idée suscite l’appréhension de beaucoup de bénévoles et il faut qu’elle fasse son chemin.

Elle répondrait pourtant, comme beaucoup d’actions développées autour de l’épicerie, à un des grands principes du Secours catholique, que résume bien Annie : « Les gens viennent souvent dans les activités en “consommateurs”. Notre philosophie, c’est de les rendre acteurs. »

Reportage (texte et photos) Marie-Pierre Demarty, réalisé le vendredi 4 octobre 2024, et interview réalisée jeudi 12 septembre. A la une : de gauche à droite, Laurette, Annie, Florence et Otilia, dans l’épicerie solidaire La Marguerite.

Soutenez Tikographie, média engagé à but non lucratif

Tikographie est un média engagé localement, gratuit et sans publicité. Il est porté par une association dont l’objet social est à vocation d’intérêt général.

Pour continuer à vous proposer de l’information indépendante et de qualité sur les conséquences du dérèglement climatique, nous avons besoin de votre soutien : de l’adhésion à l’association à l’achat d’un recueil d’articles, il y a six façons d’aider à ce média à perdurer :

La Tikolettre : les infos de Tikographie dans votre mail

Envie de recevoir l’essentiel de Tikographie par mail ?

Vous pouvez vous inscrire gratuitement à notre newsletter en cliquant sur le bouton ci-dessous. Résumé des derniers articles publiés, événements à ne pas manquer, brèves exclusives (même pas publiées sur le site !) et aperçu des contenus à venir… la newsletter est une autre manière de lire Tikographie.