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Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !
Les intervenants
- Sofiane Amzane, professeur du département de génie civil à Polytech Clermont, école d’ingénieurs de l’Université Clermont Auvergne,
- Gaël Malacher, directeur habitat d’Assemblia, Entreprise Publique Locale dédiée à la construction et à la gestion de logements sociaux en Auvergne,
- Lucile Wenger, fondatrice de la société Hutt’ô Paille qui accompagne et réalise des projets en éco-construction.
Le podcast
Voici un enregistrement “nettoyé” de l’intégralité de la Rencontre, en format audio :
La synthèse : En route vers la maison organique
Si le terme de « matériaux biosourcés » ne vous évoque rien, cette rencontre va vous faire sortir de votre cocon de béton. Le béton, vous voyez ce que c’est : ces murs gris et moches qui vous entourent, qui ont coûté presque rien en argent mais énoooormément en émission de carbone. Et qui en plus, sont voués à être démolis dans quelques années ou décennies tout au plus.
Car, comme l’a rappelé Sofiane Amzane, « dans le Clermont médiéval qu’on aime bien, il n’y a pas un gramme de béton armé ; celui qu’on n’aime pas est tout en béton armé », soulignant qu’on a déjà détruit la Muraille de Chine (celle de Clermont) alors que la cathédrale quasi millénaire est encore debout.
« Dans le Clermont médiéval qu’on aime bien, il n’y a pas un gramme de béton armé. »
Ces formules suggèrent que l’alternative d’avant-pétrole était constituée de pierre et de terre avec lesquelles, poursuit le professeur de Polytech, « on a construit les plus belles villes du monde ». Notre époque (presque) post-béton y ajoute les matériaux biosourcés, issus, nous rappelle l’animateur de la table ronde Eric Perrot, de la matière organique, animale ou végétale, du monde du vivant – forêt, agriculture, recyclage – utilisés dans la construction. Bois, paille, chanvre, miscanthus, ouate de cellulose issue du papier… Ces matériaux s’invitent dans nos murs et nos systèmes d’isolation.
Ils semblent, comme le souligne Lucile Wenger, « cocher un peu toutes les cases » : ils préservent les ressources, contribuent à la décarbonation du très polluant secteur du BTP, peuvent stocker du carbone et même offrir un cadre de vie plus sain. Et pourtant, ils ne représentent aujourd’hui qu’un modeste 11% des matériaux utilisés en construction.
Freins et motivations
Ce qui freine ? « Le pognon et la démographie », répond Sofiane Amzane, expliquant que le béton n’est pas cher, que le monde est de plus en plus peuplé et demande de plus en plus de logements : « dans les 25 ans, on va émettre 30% de CO2 en plus », prédit-il. D’où la nécessité de trouver des alternatives… et d’en répandre la culture, ce qui n’est pas forcément le plus facile. Mais voilà, complète Gaël Malacher, « aujourd’hui il n’est pas démontré que ces matériaux biosourcés apportent un gain financier à celui qui les achète. »
Lucile Wenger nuance : selon elle, les métiers de l’ingénierie et les collectivités freinent, mais les architectes et les artisans sont davantage perméables à essayer d’autres manières de faire. Peut-être parce qu’ils sont au contact direct de clients qui peuvent « se poser la question de savoir s’ils doivent construire et comment le faire avec le moins d’impact possible sur l’environnement » – motivation complétée par celle de souhaiter un environnement sain.
« Aujourd’hui il n’est pas démontré que ces matériaux biosourcés apportent un gain financier à celui qui les achète. »
Elle confirme aussi la démarche globale de ses clients orientés vers l’écoconstruction, comprenant un aspect social et convivial de leur démarche. Et une appropriation personnelle de ces matériaux « souvent agréables à travailler », une satisfaction d’avoir participé au chantier qui « donne tout de suite une âme au projet ».
La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)
Pas assez de neige, pas assez d’eau, trop de chaleur… comment les acteurs touristiques locaux s’adaptent-ils aux conséquences du dérèglement climatique ?
Rencontre Tikographie du lundi 2 décembre à 17h (librairie des Volcans) – tous publics, accès libre !
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Prise de conscience
Mais les groupes immobiliers tels qu’Assemblia se tournent aujourd’hui eux aussi vers ces matériaux, à la fois par volonté de mieux faire et par la contrainte règlementaire, témoigne Gaël Malacher. Il explique que la nouvelle règlementation impose, en plus de la réduction de consommation d’énergie, « une nouvelle contrainte sur le rejet de CO2, dans la construction, dans le fonctionnement et dans la fin de vie du bâtiment. »
Assemblia a également pris conscience du gaspillage de matériaux au moment de la démolition de la Muraille de Chine, avec la nécessité d’évacuer d’importants volumes de béton, raconte-t-il. « La démarche s’est amorcée en disant que le biosourcé est une réponse. »
Sofiane Amzane distingue « la façon de faire pionnière, ultra importante » décrite par Lucile Wenger, et « la seconde problématique où il faut loger les gens et sortir chaque année 200 à 400 logements à Clermont-Ferrand, tout cela en pensant au futur. » Avec des habitants qui rêvent, pour l’instant, de maisons confortables plutôt que saines, de grandes baies vitrées plutôt que d’isolants naturels.
Il souligne aussi le problème de la disponibilité des matériaux, de l’éducation, de la formation d’ingénieurs autrefois nommés « ingénieurs béton », qu’il faut muter en « ingénieurs environnement »… mais « on n’y est pas encore ». Et encore moins chez les habitants.
Imbattable
Le professeur annonce aussi que « l’acceptation sociale viendra par la performance », par la prise de conscience que le biosourcé est plus sain.
La performance apparaît notamment évidente dans l’isolation thermique et la régulation de l’humidité. « Certes il faut renouveler l’air – en ouvrant les fenêtres – mais ça fonctionne comme la peau humaine : ça régule. » Le biosourcé apparaît « imbattable » pour l’humidité, l’acoustique, la légèreté, donc la résistance et la durabilité.
Lucile Wenger révèle n’avoir découvert que tardivement la notion fondamentale du déphasage thermique, qui n’était pas enseignée dans son cursus d’ingénieur : la paille, la chaux, la laine de bois, etc., vont permettre depréserver la chaleur ou la fraîcheur d’une pièce, permettant de contenir beaucoup plus longtemps que le béton ou la pierre l’intrusion de la canicule comme du froid hivernal.
Quant à la question du prix de ces matériaux, Gaël Malacher « ne (s)’attend pas à ce que ce soit moins cher… mais il faut qu’on en passe par là ; on n’a pas le choix. » Et il assume d’« essuyer les plâtres » pour que ces pratiques deviennent un jour un standard adopté par tout le monde. Cependant, la fin de vie de bâtiments tels que la Muraille de Chine fait prendre conscience aux promoteurs de la nécessité de raisonner sur tout le cycle de vie des bâtiments et sous cet angle, reconnaît-il, « il y aura certainement un gain pour ceux qui nous succèderont. »
Le coût d’un bâtiment biosourcé ne sera de toute façon plus un problème dès lors qu’on l’aura rendu désirable, « par la performance, le service et le design », comme cela a été le cas pour les smartphones, prédit Sofiane Amzane.
Du champ à la ville
Cela viendra avec le temps, quand on aura formé les professionnels à raisonner différemment et industrialisé les filières, dit-il.
« Il faudra aussi revoir la façon de concevoir les projets, en intégrant le choix du matériau dès le début », ajoute Lucile Wenger. Et encore, selon les intervenants, faudra-t-il étudier ces matériaux pour garantir leur durabilité et leur respect des normes, et donc aussi leur assurabilité.
Ce qui ne devrait pas poser trop de problème, c’est la production agricole de ces matériaux, explique encore le chercheur de Polytech. Car malgré la « frilosité au changement » des agriculteurs comme de toute la société, « le système agricole va s’adapter si la demande devient forte. » D’autant plus que dans ce domaine aussi, le chanvre, la paille et tout autre produit issu de l’agriculture pour le bâtiment est un sous-produit des cultures nourricières ; et présente l’avantage d’être annuel, renouvelable et utilisable presque sans transformation, contrairement au béton.
« Il faudra aussi revoir la façon de concevoir les projets, en intégrant le choix du matériau dès le début. »
Sans compter qu’il peut facilement être local, ajoute Lucile Wenger, malgré « des contradictions dans les marchés publics ». Gaël Malacher les explique par la règlementation des appels d’offres, qui interdit aujourd’hui de prendre en compte le critère de proximité, et omet le transport dans le calcul de l’empreinte carbone.
Il n’empêche : les matériaux biosourcés semblent aller dans le sens de l’histoire, que ce soit pour leur durée de vie, pour leur pouvoir isolant été comme hiver, leur bilan carbone. Et peut-être le plus important : pour la santé des habitants.
Synthèse par Marie-Pierre Demarty
Prochaine Rencontre Tikographie :
Les crédits
Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour son accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres Tikographie pour cette saison, et en particulier à Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.
Merci à nos invités, aux participants et à l’équipe de l’association Tikographie qui porte et organise les Rencontres.
Pour cette Rencontre spécifique ont œuvré :
- Eric à la préparation éditoriale et à l’animation ;
- Damien à la prise de son et aux photos ;
- Marie-Pierre au compte rendu.
Crédit illustration : djedj sur Pixabay
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