« Les collectivités locales doivent doubler leur effort sur le climat », constate François Thomazeau

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Portrait de François Thomazeau
Le think tank national I4CE sort un rapport national sur le financement des investissements climat des collectivités locales. On l’analyse avec son coordonnateur (clermontois), qui a aussi initié notre cycle de Rencontres « Clermont sous 50°C ».

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

Ce n’est pas tous les jours qu’on a un expert d’envergure nationale sous la main à Clermont-Ferrand. Alors quand on a un voisin de bureau qui publie un rapport sur le sujet du climat destiné aux ministres, aux présidents des régions et des métropoles et aux maires des très grandes comme des minuscules communes, nous avons trop envie de passer des heures à discuter avec lui.

Il y avait ce deuxième sujet : François nous a suggéré la thématique “Clermont sous 50°C” des Rencontres Tikographie du premier semestre et a contribué à les animer. Et c’était bien de le refermer avec lui… même si sa conclusion est plutôt une ouverture qu’une clôture…

Tout ça pour dire que cet entretien est un peu long, et pourtant je l’ai bien condensé (avec une relecture-validation de l’intéressé car j’ai eu la sensation de jouer de l’emporte-pièce).

Mais ça me semble important de pouvoir mettre en lumière ce rapport, ne serait-ce que pour en faire profiter les élus du coin (et leurs électeurs), y compris ceux des tout petits patelins.

D’autant plus que François est très pédagogue pour parler de ces questions complexes de finances publiques.

Marie-Pierre

Trois infos express   [cliquer pour dérouler]

  • Le rapport de I4CE étudie dans sa globalité l’évolution des investissements des collectivités pour lutter contre le changement climatique. Il montre que ces dépenses ont augmenté de 44% de 2012 à 2017 et qu’elles continuent d’augmenter. Néanmoins il faudrait encore les multiplier par deux pour s’aligner avec la stratégie nationale bas carbone fixée par l’État. Mais cette trajectoire apparaît incompatible avec l’autre trajectoire gouvernementale de réduction du déficit public.
  • Le rapport dit également qu’il est possible de financer cet écart, en jouant sur quatre leviers : l’emprunt (auquel beaucoup de petites communes n’ont pas assez recours), la réorientation d’autres dépenses, les taxes et tarifs, et l’aide de l’État. Chaque collectivité est libre de choisir son chemin, mais François Thomazeau estime qu’à terme, elles devront jouer sur les quatre options.
  • Quant aux investissements, ils sont principalement de deux ordres : la rénovation massive des bâtiments et le développement des infrastructures de mobilité, autour du vélo et des transports publics. Sur ce dernier point, les collectivités des différents échelons doivent se coordonner pour dessiner un schéma cohérent incluant le ferroviaire.

La liste des questions [cliquer pour dérouler]

François Thomazeau est directeur de programme à I4CE (Institute for Climate Economics), un think tank dédié aux questions de financement de la transition écologique liée en particulier au sujet du climat. À ce titre, il a coordonné un rapport intitulé « Panorama des financements climat des collectivités locales », paru mi-septembre.

Parallèlement à son activité professionnelle, ce Clermontois d’adoption est engagé dans l’association qui porte notre média. À cet autre titre, il est à l’initiative du cycle des Rencontres Tikographie sur le thème « Clermont sous 50°C » que nous avons proposé au premier semestre de cette année, et qu’il a contribué à animer.

Effet de miroir sur un même sujet, observé par une même personne, mais avec deux angles différents. Un sujet complexe, mais il nous concerne tous, en tant que citoyens, contribuables et habitants de la planète.

Peux-tu présenter le rapport que vous venez de produire ?

François Thomazeau : I4CE a pour vocation de produire de la recherche à portée économique sur le climat, et de s’assurer qu’elle soit portée à la connaissance des décideurs et adaptée à leurs besoins sur ce sujet. En l’occurrence, l’étude que nous venons de publier porte sur l’action des collectivités locales, en France métropolitaine. Elle repose sur trois piliers.

Le premier, c’est ce que font les collectivités et comment cela a évolué. Sur ce volet, le grand message est qu’elles investissent de plus en plus pour le climat : elles ont accéléré de 44% entre 2012 et 2017.

« Financer ce différentiel est possible, mais cela nécessite des choix difficiles. »

Le deuxième pilier porte sur ce qu’elles devraient faire demain pour être alignées sur la stratégie nationale bas carbone (SNBC), que l’État a posée pour atteindre la neutralité carbone. Cela nécessite beaucoup d’investissements, y compris des collectivités locales. La conclusion sur ce point, c’est que même si les collectivités ont beaucoup accéléré, il faudrait encore qu’elles doublent leur effort pour qu’on atteigne les objectifs de 2030, puis de 2050.

Le troisième pilier de l’étude est sur comment financer la différence entre ce qui est fait et ce qu’on devrait fait. C’est le plus dur. La conclusion sur ce troisième volet, c’est que financer ce différentiel est possible, mais cela nécessite des choix difficiles. En tout cas, nous montrons qu’on ne peut pas rester dans le business as usual. Il faut nécessairement changer la façon de penser le financement des collectivités.

L’étude porte sur les collectivités : c’est à dire de la plus petite commune jusqu’aux régions ?

F.T. : Exactement. Nous distinguons seulement les différents échelons – communes et intercommunalités, départements, régions – car leurs compétences sont très différentes.

On n’a pas fait de distinction au sein du bloc des communes et intercommunalités, bien qu’elles soient d’une grande diversité, des plus petites qui ont quelques poignées d’habitants jusqu’aux grandes métropoles. Notre travail propose un outillage pour que toutes puissent faire leurs choix, y compris celles qui n’ont pas les moyens d’engager les études nécessaires.

La mairie de Beaumont
Du petit village à la grande métropole en passant par les villes moyennes ou péri-urbaines, l’étude a analysé en un seul bloc l’ensemble des communes et intercommunalités de France : malgré leurs disparités, elles ont en partage des compétences communes.

Comment calcule-t-on ces données ? Sont-elles faciles à trouver ?

F.T. : C’est un sujet essentiel : la donnée n’existe pas. Il faut la reconstituer et c’est là qu’interviennent les experts de notre équipe. Ils travaillent avec les fédérations du bâtiment, des travaux publics ou d’autres acteurs économiques, des producteurs de données économiques comme l’Insee, etc., pour reconstituer les coûts. Cela donne au moins des ordres de grandeur.

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Tu l’as dit, les grosses collectivités peuvent faire des analyses en interne pour guider leurs choix d’investissements. Quelles sont les difficultés pour les plus petites ?

F.T. : Une petite commune n’a souvent aucun moyen ni aucune équipe pour mener cette réflexion… sinon les élus. Dans un sens, le choix des actions à mener est simple : rénovation et chauffage des quelques bâtiments municipaux, éclairage… C’est faisable, mais il faut pouvoir évaluer l’état du patrimoine, le positionnement d’aménagements cyclables, etc. Il y a une approche technique, à croiser avec un peu de pensée budgétaire.

Ensuite, tout l’enjeu est de décider comment on finance ces investissements. Les maires sont souvent rétifs à prendre des risques. Si les banquiers le leur disent, ils se méfient. Ils vont avoir besoin d’une expertise tierce qu’ils n’ont pas toujours.

Les communes ont donc des leviers importants pour engager ces investissements ?

F.T. : La grande majorité des petites communes sont très peu endettées. Il y a une culture économique en France qui pousse les maires à se dire « bons gestionnaires » en ne faisant aucun emprunt. Cela implique souvent qu’on préfère garder son patrimoine en mauvais état plutôt que s’endetter pour le rénover. Ce n’est pas un bon calcul. Ils ont des marges pour investir plus, d’autant qu’il y a sur ces sujets des subventions permettant d’amortir le niveau de l’emprunt.

François Thomazeau
François Thomazeau voisine avec une partie de l’équipe de Tikographie dans l’espace de coworking Cowork’it où je l’ai rencontré pour cet entretien. Depuis Clermont, il observe les choix de politique publique des collectivités locales de la France entière.

L’emprunt est donc un levier. Quels seraient les autres ?

F.T. : Nous avons dessiné quatre familles de leviers, dont l’emprunt.

Il y a ensuite la réorientation des dépenses : je fais un peu moins d’autre chose pour faire un peu plus pour le climat. C’est en cours : sur les 44% d’investissements réalisés en plus depuis 2012, une partie vient de la réorientation des choix. On le voit à Clermont : dans son interview à Tikographie, Olivier Bianchi le sous-entend quand il déclare qu’il « fait bouger des curseurs ».

« Il y a une culture économique en France qui pousse les maires à se dire bons gestionnaires en ne faisant aucun emprunt. »

Le troisième levier, ce sont les ressources propres : fiscalité et tarifs divers, que les collectivités ont cependant de moins en moins le pouvoir de modifier, mais cela reste envisageable.

Enfin le quatrième levier est le soutien de l’État. C’est un des gros sujets de cette fin d’année de savoir à quel point les collectivités locales vont être concernées par les mesures de réduction de la dépense. Cela pourrait avoir un double effet de contraction de l’investissement et de signal sur le fait que le sujet du climat n’est plus prioritaire.

Entre ces quatre leviers, le rapport fait-il des préconisations ?

F.T. : Non, car c’est une affaire de curseur et de choix démocratique : des équipes municipales vont avoir pour principe de ne pas toucher aux impôts ; d’autres vont même décider de sacrifier des recettes pour rendre un service public gratuit. À chaque collectivité sa propre réalité politique.

Mais le climat fait bouger des lignes. À moyen terme, toutes les collectivités devront se poser la question sur tous les leviers.

Il y a aussi des priorités à établir sur les investissements à réaliser. Qu’en dit le rapport ?

F.T. : Plusieurs visions sont possibles sur la façon d’atteindre la neutralité carbone en 2050, selon qu’on mise plus sur les technologies ou sur la sobriété des sociétés.

I4CE a pris le parti de travailler sur le chemin dessiné par l’État. Pour les collectivités, la SNBC repose principalement sur la rénovation rapide et massive du patrimoine bâti, et la mobilité. Ce deuxième levier implique de développer à fond le vélo, en créant des infrastructures.

piste cyclable et bus à Clermont
La mobilité est l’un des deux gros axes d’investissement que doivent développer les collectivités pour atteindre la neutralité carbone, avec le développement des infrastructures pour le vélo et des transports publics. C’est tout l’enjeu du projet Inspire à Clermont.

Il faut aussi des transports collectifs, pour lesquels il y a besoin d’un dialogue territorial entre toutes les collectivités, des communes aux régions, pour créer une cohérence. C’est le sujet des « RER métropolitains »… mais rien n’est annoncé sur leur financement, alors que les besoins sont bien identifiés.

« À moyen terme, toutes les collectivités devront se poser la question sur tous les leviers. »

Cela reste une équation économique difficile parce que les investissements d’infrastructures se répercutent soit sur le prix des billets, soit sur les impôts. C’est complexe dans toutes les régions, même celles qui sont très en avance sur le sujet du ferroviaire.

Il existe d’autres chantiers : le renouvellement de la flotte des véhicules des collectivités, la rénovation des systèmes d’éclairage public, les réseaux de chaleur urbains… Mais les « gros morceaux » sont les bâtiments et les mobilités.

Un TER de la région Aura en gare à Vic-le-Comte
Sur les transports en commun, “il y a besoin d’un dialogue territorial entre toutes les collectivités, des communes aux régions, pour créer une cohérence”, dit François Thomazeau. Ici un TER de la région Aura à Vic-le-Comte, sur une des lignes qui irriguent le bassin de vie de Clermont-Ferrand.

Comment fait-on pour que ce rapport ne soit pas le énième qui finisse dans un tiroir ?

F.T. : C’est un point important : on ne se contente pas de le mettre sur notre site internet ! Nous nous appliquons à mettre ces chiffres en mouvement. Nous les portons à la connaissance des bonnes personnes et nous leur proposons d’en discuter. Que ce soient des ministres, des membres d’un cabinet ministériel, des parlementaires, des élus de toute la France via les associations d’élus.

Nous présentons le rapport, nos certitudes, nos doutes. Nous écoutons aussi ce qu’ils ont à en dire. C’est un très gros travail mais c’est la richesse de notre métier. Venant du monde des collectivités, j’ai énormément de passion à travailler avec les personnes de tous les échelons, à parler de choses concrètes.

Quel est ton ressenti sur ce travail et sur sa réception ?

F.T. : Il y a un appétit très fort, d’un nombre croissant de personnes, pour savoir comment avancer. Il s’agit de nourrir ce questionnement avec des travaux cohérents et crédibles. Le défaut, c’est que comme on présente toujours ça sous l’angle « il faut faire plus et ça va être difficile », ça peut paraître décourageant.

Cependant la société est en mouvement vers une meilleure appropriation des sujets climatiques. Les discours politiques dominants peuvent faire penser le contraire, mais je crois que la société évolue par cliquets.

« Entre ces phases de prise de conscience, il y a des phases de recul. »

Par exemple à Clermont, j’ai été frappé qu’en 2018, au moment de la démission de Nicolas Hulot, 1500 personnes défilent dans la rue, dans la première marche pour le climat. Huit jours plus tôt, personne ne l’aurait cru.

Autre exemple à l’été 2022, qui a été très sombre, avec notamment des méga-feux jusqu’en Bretagne. Après cet épisode, l’appareil d’État s’est structuré pour faire face aux chocs et aller sur les sujets d’adaptation.

Entre ces phases de prise de conscience, il y a des phases de recul : le projet de loi de finances pour 2025 montre que c’est hélas un de ces moments que nous traversons.

Qu’est-ce que votre rapport a amené d’inattendu ?

F.T. : Pour nous, rien n’était inattendu car il s’inscrit dans la continuité de nos travaux précédents. Mais on a quand même ajouté quelque chose de nouveau.

Grâce à notre partenariat avec la Banque Postale, nous avons pu développer une analyse des disparités des collectivités. Certaines ont de la marge pour investir, même sans aide. Mais nous montrons que pour environ 15%, c’est un mur, et pour 1% (388), c’est complètement impossible. Ça a été une surprise pour moi qu’elles soient aussi nombreuses.  

« C’est comme si l’État avait deux hémisphères dans son cerveau avec un barrage étanche entre les deux. »

Mais le message le plus abrasif du rapport, c’est qu’avec la trajectoire 2023-2027 décidée par l’État pour les finances locales, on ne peut pas financer la stratégie nationale bas carbone. C’est comme si l’État avait deux hémisphères dans son cerveau avec un barrage étanche entre les deux. Il a décidé de deux trajectoires incompatibles entre elles : l’une vers la neutralité carbone en 2050, l’autre vers la réduction du déficit à 3% en 2027 !

Sur le cas d'une petite collectivité ayant très peu de marge de manoeuvre, lire aussi l'entretien : « Maire d’une commune surendettée, Cécile Gilbertas mise sur les petits pas et la solidarité »

Et encore, le rapport ne s’est intéressé qu’aux investissements. Mais il y aurait en plus des aspects de fonctionnement à prendre en compte. Comment évalues-tu les limites de ce travail ?

F.T. : Effectivement, aucune de ces dépenses d’investissement ne peut se dérouler sans du fonctionnement en amont, pour concevoir et conduire les projets, et en aval pour les faire vivre. C’est un des angles morts de nos travaux.

Il y en a d’autres. Par exemple, nous n’avons travaillé que les questions d’atténuation, car pour l’adaptation, on n’a pas de trajectoire nationale claire, sur le bon niveau de végétalisation, d’investissement pour les infrastructures d’eau, etc. Donc on a du mal à chiffrer. Mais il est évident qu’il y a des dépenses additionnelles à engager, et des choix à faire en fonction du climat futur. Encore aujourd’hui, la plupart des choix politiques, sur tous les sujets, sont pensés en fonction de référentiels du climat présent ou passé, alors qu’on sait que ça va changer.

Les palissades qui présentent le futur parc urbain du quartier Saint-Jean
“On n’a pas de trajectoire nationale claire sur le bon niveau de végétalisation”, reconnaît François Thomazeau. Ce qui n’empêche pas les collectivités d’investir aussi pour cette forme d’adaptation. Ici, le futur parc urbain du quartier Saint-Jean à Clermont, un îlot de fraîcheur en cours d’aménagement.

Enfin, nous ne traitons que le financement des politiques climatiques, parce que c’est notre compétence, mais cela ne veut pas dire qu’elles doivent être prioritaires sur d’autres questions environnementales. Je pense que la question de l’effondrement du vivant est au même niveau de gravité.

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En tant qu’adhérent de Tikographie, tu nous as suggéré l’idée du cycle de rencontres « Clermont sous 50°C ». En quoi est-ce lié à ton travail au sein de I4CE ?

F.T. : Ce n’est pas lié directement, mais le professionnel et le citoyen sont bien la même personne ! Parallèlement à mon travail à l’échelle nationale, j’ai besoin de me sentir impliqué localement. J’ai eu l’idée de proposer ce cycle en m’inspirant du cycle « Paris sous 50 degrés », qui était porté par la mairie. Ici, c’était totalement différent, car porté par un média indépendant. Je percevais que le sujet du climat futur n’est pas très bien saisi par la société, à Clermont comme ailleurs. Il s’agissait d’essayer de faire bouger cela, en faisant vivre cette discussion.

On s’est aperçu que des gens avaient des niveaux de réflexion très avancés et ils ont pu en faire bénéficier les autres. Je crois qu’on a fait œuvre utile pour clarifier et rendre visibles ces questions.

Table ronde sur les événements climatiques extrêmes animée par François Thomazeau
Initiateur du cycle de Rencontres Tikographie “Clermont sous 50°C”, François Thomazeau a animé deux d’entre elles. Ici celle sur les événements climatiques extrêmes, avec Jean-Michel Delaveau et Anne-Laure Stanislas.

Quel regard portes-tu sur la situation de Clermont telle qu’elle est apparue dans ces débats ?

F.T. : D’autres métropoles sont plus avancées – comme Rennes, ma ville d’origine, sur les mobilités par exemple. Mais ce n’est pas un jugement dévalorisant sur les Clermontois ou la municipalité. Chaque territoire a son propre chemin.

Tout de même, ça bouge. J’ai été directeur des finances de la Ville de 2015 à 2017. Et je vois un vrai changement entre le premier et le deuxième mandat de la municipalité actuelle sur la place de ces enjeux. Le covid, la crise de 2022 ont dû créer des petits électrochocs. Cela tient aussi à une maturité du corps social.

Le risque aujourd’hui me semble être celui de l’autosatisfaction après ce premier mouvement, alors qu’il reste tant et tant à faire pour préparer l’avenir de Clermont et de ses habitants.

Quel bilan tires-tu de ces rencontres ?

F.T. : La leçon numéro 1, c’est un fort décalage entre le local et le national sur l’articulation du couple atténuation-adaptation, c’est-à-dire le poids respectif de la lutte contre le réchauffement climatique et de la préparation à ses conséquences. Au national, longtemps tout a été concentré sur la première, dans la foulée de l’accord de Paris sur le climat. L’adaptation, c’était le parent pauvre.

Ce qui m’a frappé à Clermont et ailleurs, c’est à quel point pour un acteur local, il y a un sujet climatique global. Nos intervenants étaient toujours de qualité, pourtant ils arrivaient rarement à dissocier l’adaptation du reste. Ils parlaient globalement de transition. Dans les débats nationaux, on parle décarbonation d’un côté, adaptation de l’autre.

La bonne échelle des politiques d’adaptation est effectivement l’échelle locale et Clermont a des enjeux spécifiques, que les tables rondes ont mis en avant : les îlots de chaleur, le risque d’inondations…

D’autres aspects ou d’autres interventions t’ont interpellé ?

F.T. : L’intervention courte du responsable des risques climatiques chez Michelin m’a frappé. Il a expliqué que chez Michelin, on considère le risque climatique comme étant le premier qui peut avoir un effet sur leur business dans les années à venir. C’était percutant dans le sens où aucune entité publique, collectivité locale ou État, ne l’identifie à ce niveau de priorité.

« Il faut continuer à avoir ce réflexe de penser l’avenir en fonction de ce qui va se passer et non de ce qu’on a déjà connu. »

J’ai aussi découvert en préparant les tables rondes des outils précis et accessibles sur notre avenir climatique – notamment Climadiag qui informe sur les différentes hypothèses de climat local futur. J’étais très surpris de voir que personne ne les citait. Si j’étais en position de responsabilité, je passerais mon temps à rappeler les chiffres basiques, par exemple sur le nombre de vagues de chaleur à 35°C en journée, qui explose par facteur 8 en 2050 !

Et ton ressenti global sur ce cycle ?

F.T. : Il a trouvé son public. Néanmoins, j’avais espéré que d’autres prennent le relais, peut-être le monde scientifique ou les institutions. Pour l’instant ce n’est pas le cas. Mais il faut continuer à avoir ce réflexe de penser l’avenir en fonction de ce qui va se passer et non de ce qu’on a déjà connu, et d’apprendre à vivre dans un contexte d’incertitude climatique. Il ne faudrait pas que le soufflé retombe.

Entretien Marie-Pierre Demarty, réalisé vendredi 4 octobre 2024. Photos Marie-Pierre Demarty. A la une : François Thomazeau, devant l’espace de coworking qu’il partage, entre autres, avec une partie de l’équipe de Tikographie.

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