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Le pourquoi et le comment [cliquer pour dérouler]
Ce n’est pas souvent que nous mobilisons notre catégorie “se préparer au pire”. Et pourtant, elle est fondamentale quand on pense résilience d’un territoire. Redisons-le, la vocation de Tikographie, qui a fait de la résilience du territoire son sujet central, résulte d’une vision des choses (appuyée sur les constats partagés de tous les chercheurs et spécialistes, on n’invente rien !) qui consiste à dire qu’on n’échappera pas aux crises majeures que nous avons préparées en abusant des bienfaits de notre planète jusqu’à l’épuiser et à provoquer des ruptures dans le fonctionnement de notre environnement.
Tout en nous efforçant d’atténuer au maximum ces chocs à venir, il convient aussi de se préparer à les affronter, à les surmonter et à en tirer les leçons pour éviter qu’ils se reproduisent.
Donc, se préparer au pire. On peut avoir dans le Puy-de-Dôme la sensation qu’on est à l’abri un peu plus qu’ailleurs, mais sans doute les habitants de la Loire ou du Pas-de-Calais se sentaient-ils eux aussi en sécurité jusqu’à des dates très récentes où le ciel leur est littéralement tombé sur la tête.
La culture du risque est donc à développer autant que possible. Elle passe par la conscience des dangers potentiels, la connaissance des gestes qui sauvent, l’acquisition des bons réflexes… Mais aussi par la mobilisation de bénévoles formés à intervenir.
La Croix-Rouge s’y emploie depuis un siècle et demi. Elle a forcément des tas de choses à nous apprendre.
Marie-Pierre
Trois infos express [cliquer pour dérouler]
- Les bénévoles de la Croix-Rouge sont préparés à intervenir sur les catastrophes, chocs et situations d’urgence. Leur rôle principal consiste alors à prendre en charge des populations mises hors de danger mais dans l’impossibilité de rentrer à leur domicile. S’ils ont eu jusqu’à présent peu d’interventions très lourdes dans le Puy-de-Dôme, ils sont parfois appelés en renfort dans d’autres départements, sur les inondations et les méga-feux notamment.
- La Croix-Rouge intervient aussi à la demande d’organisateurs d’événements rassemblant un public nombreux, tels que les fêtes, festivals, manifestations sportives… Dans le Puy-de-Dôme, cela représente 130 à 150 postes de secours par an, pour soigner les petits bobos ou effectuer les premiers gestes en attendant les secours pour les cas plus graves.
- La Croix-Rouge assume aussi une importante mission de formation, y compris du grand public. Elle enseigne les gestes qui sauvent, les premiers secours, la culture du risque, les bons réflexes à avoir en cas de catastrophe, ou la préparation du sac de secours, permettant de ne pas oublier l’indispensable en cas d’évacuation d’urgence.
« Nous sommes un département plutôt protégé des grandes catastrophes mais il y a tout de même des risques », reconnaît Benoît de la Torre Capitan, responsable de la formation et de la délégation territoriale de la Croix-Rouge dans le Puy-de-Dôme, ainsi que des équipes de secours.
Quand il recense les interventions d’urgence récentes dans le département, il n’en trouve que deux pour l’année 2024 : un incendie à Issoire et un épisode neigeux où les camions étaient interdits de circulation. « Ce n’est pas drôle pour les chauffeurs quand ils sont bloqués sur les parkings ou les aires d’autoroutes ; on va être présent, même si en général ils sont équipés pour ces situations », dit-il. En cherchant bien, il cite aussi une petite assistance auprès des enfants d’un bus scolaire lors d’un accident léger – « plutôt pour les écouter et les rassurer, car il n’y a pas eu de blessé et le bus a même pu repartir », tempère-t-il.
Et il croise les doigts pour que cela reste à ce niveau, en regardant avec inquiétude vers les régions qui ont subi inondations et méga-feux ces derniers temps.
Pour autant, les équipes de volontaires sont prêts en permanence à faire face à tous types d’urgences. Ils sont deux cents dans le Puy-de-Dôme à être formés, bien sûr pas tous disponibles en permanence. « C’est en fonction de leurs disponibilités, car ils sont bénévoles. Mais nous avons en permanence un cadre d’astreinte joignable par un numéro que peuvent appeler les pouvoirs publics ou les structures avec lesquelles nous avons un partenariat, comme la SNCF, les sociétés d’autoroute… »
En toutes circonstances
Le cadre d’astreinte va alors déclencher les opérations, selon un « plan territorial de l’urgence » que la Croix-Rouge tient à jour en interne. Il peut facilement mobiliser les volontaires – qui sont formés pour savoir ce qu’ils ont à faire – et le matériel : « Nous avons des lots normés avec boissons, percolateurs, couvertures, etc., pour accueillir jusqu’à 1000 personnes, par exemple si elles ont dû être évacuées et accueillies dans un gymnase. Nous disposons aussi d’un lot permettant d’héberger 50 personnes, avec des lits pliants et même douze tentes pour procurer un peu d’intimité. »
Chacune des trois unités locales dépendant de la délégation du Puy-de-Dôme – Riom, Clermont-Ferrand et Issoire – a identifié avec les autorités les gymnases qu’elle peut transformer en centre d’hébergement d’urgence, par exemple pour accueillir les sans-abris pendant une vague de froid. Et peut s’adapter très vite à une situation inédite. « Pendant la crise covid, un site de distribution alimentaire a été fermé du jour au lendemain ; nous sommes intervenus pour le réorganiser car on ne peut pas laisser les gens sans nourriture… »
« Notre rôle est simple à anticiper, car il est identique quel que soit l’événement. »
Comme on le comprend, le rôle principal de la Croix-Rouge n’est pas d’intervenir directement sur les lieux d’un sinistre ou d’une catastrophe, comme le font les pompiers, les médecins urgentistes, les autorités publiques. « On va agir en zone sécurisée, pour accueillir les personnes, précise Benoît de la Torre Capitan. C’est pourquoi notre rôle est simple à anticiper, car il est identique quel que soit l’événement. »
La place de la Croix-Rouge est bien définie, et elle est importante, intégrée aux dispositifs de prévention des risques mis en place par les pouvoirs publics. De ce fait, la Croix-Rouge est intégrée aux exercices du plan Orsec (ou Organisation Secours), qui ont lieu chaque année sous l’autorité du préfet, à l’échelle du département.
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Interventions extérieures
Les bénévoles du Puy-de-Dôme peuvent aussi être appelés en renfort dans d’autres régions de France (et inversement) en fonction des besoins et des capacités des délégations. Des équipes clermontoises se sont ainsi déplacées ce printemps dans le Pas-de-Calais au moment des inondations, sur les incendies forestiers en Gironde à l’été 2022, ou encore sur une rave-party en Lozère.
Les bénévoles sont évidemment formés aux gestes de premier secours. « On peut éventuellement aider dans le cas d’événements graves avec beaucoup de blessés. Ce que nous ferons sera alors de l’ordre de ce que nous pratiquons dans les événements comme les concerts et autres manifestations… sauf que ce sera de l’imprévu. Et nous avons des personnes dédiées au soutien psychologique de nos bénévoles pour les entourer quand ils ont été confrontés à des situations difficiles. Non seulement on ne les met pas en danger, mais on ne les laisse pas seuls. »
« On peut éventuellement aider dans le cas d’événements graves avec beaucoup de blessés. »
Et sur le site même d’un événement dramatique, les bénévoles peuvent enfin jouer un rôle après coup, dans ce qu’ils appellent les « coups de main coups de cœur », pour aider à remettre en état des maisons ou des bâtiments publics. Ils ont par exemple mobilisé leurs bottes, leurs pelles et leur énergie pour aider à nettoyer les dégâts, en 2021, après la coulée de boue qui a dévasté le village de Sauvagnat-Sainte-Marthe.
Vous avez peut-être en tête aussi les images d’interventions marquées du drapeau très reconnaissable de la Croix-Rouge sur des théâtres de guerre ou des catastrophes spectaculaires sur d’autres continents. Mais dans ces situations, « ce sont plutôt des personnes ayant des compétences professionnelles qui sont envoyées : médecins, logisticiens, etc. », précise le responsable local. Il puise tout de même dans son expérience personnelle la conscience d’œuvrer dans cette ONG humanitaire d’envergure mondiale née il y a 160 ans : « en partant en renfort d’intervention dans l’arrière-pays niçois, j’ai eu l’occasion de travailler avec des bénévoles de la Croix-Rouge monégasque. Cela m’a apporté le sentiment réel d’appartenir à un mouvement international. »
Sur l'anticipation des risques, lire aussi le compte rendu de la Rencontre Tikographie : « Quand la Tiretaine s’éveillera… et autres menaces extrêmes »
En marge des fêtes
Le rôle des délégations locales comme celle du Puy-de-Dôme ne s’arrête pas à ces situations d’urgence. Les bénévoles pratiquent aussi le secourisme dans les événements programmés, pour soigner les petits malaises ou blessures, ou procurer les premiers soins sur des personnes plus grièvement blessées, en attendant les médecins et pompiers. Ici, cela peut aller des matchs de l’ASM aux Jeudis du Pressoir à Billom, en passant par les festivals et rassemblements divers, voire un mariage comme c’est déjà arrivé.
« Nous répondons aux demandes des organisateurs, qui nous indemnisent à hauteur de ce que nous mobilisons, en termes de véhicules, de matériel, de formation de bénévoles… Nous avons un ratio d’environ un secouriste pour mille personnes, voire plus selon la nature de l’événement », poursuit Benoît. Le plus mobilisateur pour la délégation étant la Volvic Volcanic Expérience, un événement festif et sportif autour du trail où les blessures sont nombreuses et où la Croix-Rouge mobilise près de 50 volontaires à chaque édition.
Au total dans le Puy-de-Dôme, cette activité représente 130 à 150 postes de secours par an, pour 766 prises en charge l’an dernier.
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Former tout le monde
Question risques, c’est bien de soigner, mais c’est encore mieux de prévenir et d’anticiper. La Croix-Rouge en a conscience et a développé une importante activité de formation. Elle forme bien évidemment ses propres bénévoles avec régularité pour qu’ils soient efficaces et opérationnels. « Nous leur apportons la culture d’une opération d’urgence, la connaissance de la place de la Croix-Rouge dans les dispositifs, ce qu’on attend d’eux… Car cela demande de l’anticipation : ce n’est pas au moment où l’urgence arrive qu’on doit se demander comment on s’organise », fait observer Benoît.
Au-delà de ce public interne, la Croix-Rouge s’est donné aussi pour mission de former le grand public, avec deux axes de sensibilisation : l’apprentissage des gestes de premier secours et la prise de conscience, l’anticipation des risques.
Sur le premier axe, il existe une formation de base en 2 heures aux « gestes qui sauvent ». Elle permet de pouvoir identifier le problème et réagir face à une personne en arrêt cardiaque ou inconsciente : les situations d’urgence les plus courantes.
« Ce n’est pas au moment où l’urgence arrive qu’on doit se demander comment on s’organise. »
Un deuxième niveau, le PSC1 (pour « Prévention et secours civiques de niveau 1 ») élargit le propos et est dispensé sur une journée. On y apprend d’autres gestes qui sauvent et on se prépare à réagir vite et efficacement : comment alerter les secours, ne pas paniquer, savoir réagir dans l’attente des professionnels de santé face à un malaise, un étouffement, une plaie…
Les bons réflexes
Ces formations sensibilisent plus généralement à la culture du risque, nécessaire pour se préparer à tous types d’urgences. Parce que « ça ne s’improvise pas », insiste Benoît de la Torre Capitan, il est toujours utile d’avoir appris les bons réflexes – rester chez soi ou sortir à l’extérieur selon le type de sinistres, ne pas courir chercher ses enfants à l’école (car ils sont pris en charge et vous pourriez surtout aggraver les choses en encombrant les routes), écouter les radios locales pour vous tenir informés…
Anticiper consiste aussi à s’informer sur les risques identifiés sur sa commune, en mairie par le DICRIM ou sur les documents d’un acte de vente. Ou à avoir préparé un sac d’urgence ou « cata-kit » (comme on dit à la Croix-Rouge) incluant des affaires indispensables pour quitter son domicile très vite sans avoir à se demander ce qu’il est important ou utile d’emmener. « En Gironde, certains habitants ont eu un quart d’heure pour évacuer », se souvient Benoît.
Exagéré ? Les victimes des récentes inondations ne le pensent sans doute plus. Les perspectives annoncées au regard du changement climatique confirment l’amplification des risques. Et la Croix-Rouge expérimente et analyse que ce n’est plus un luxe pour personne.
« En Gironde, certains habitants ont eu un quart d’heure pour évacuer. »
À l’échelle du Puy-de-Dôme, le responsable de la formation indique que la Croix-Rouge, qui n’est pas le seul organisme à former le public, a formé 800 personnes en 2023 et déjà 780 cette année. « Ça progresse mais ce n’est pas encore suffisant », dit-il, en soulignant que ces connaissances peuvent sauver des vies.
Sur l'autre volet d'action de la Croix-Rouge, lire aussi le reportage : « A la Croix Rouge d’Issoire, l’aide aux précaires comble les vides de l’accompagnement institutionnel »
Devenir volontaire
La Croix-Rouge propose ces stages aux particuliers volontaires et intervient aussi dans le cadre scolaire ou extra-scolaire. « Y compris auprès d’enfants de maternelle : pour leur apprendre à savoir donner l’alerte, à donner leur nom, leur adresse… », poursuit Benoît, qui cite encore les formations dans la prison de Riom, « toujours sur la base du volontariat, mais c’est intéressant à faire valoir pour la réinsertion. »
La formation aux gestes qui sauvent et le PSC1 peuvent être suivis dès l’âge de 10 ans au tarif affiché, respectivement, de 15 et 60 euros. L’étape suivante, si vous prenez goût au secourisme, sera de devenir équipier bénévole de la Croix-Rouge. On peut se porter volontaire à partir de 16 ans mais on ne vous enverra sur les situations d’urgence qu’à votre majorité.
« Les volontaires sont les bienvenus, ne serait-ce que pour avoir plus de latitude pour les roulements, les mobilisations, les renforts… »
« D’après une enquête nationale, nos volontaires sont motivés surtout par l’envie d’aider les autres, le sentiment d’être utile », précise encore Benoît. Il souligne que, même si les effectifs sont déjà bons et de toutes les tranches d’âge, « ce serait toujours mieux d’être plus nombreux et les volontaires sont les bienvenus, ne serait-ce que pour avoir plus de latitude pour les roulements, les mobilisations, les renforts pour d’autres régions… »
Et encore la partie secourisme et urgence ne couvre qu’une partie de l’activité de la Croix-Rouge en France et dans le Puy-de-Dôme. Aider les autres, c’est aussi lutter contre la précarité. La Croix-Rouge a aussi tout un volet d’accompagnement social, d’aide alimentaire et vestimentaire, de soutien aux plus démunis. Ce qui est aussi une forme de secours, qui participe tout autant à la résilience d’un territoire, en s’efforçant d’inclure toutes les personnes dans la chaîne de la solidarité.
Reportage Marie-Pierre Demarty, réalisé le mardi 15 octobre 2024. Photo à la une Benoît de la Torre Capitan, Croix-Rouge du Puy-de-Dôme : une équipe de bénévoles de la Croix-Rouge en renfort à Sauvagnat-Sainte-Marthe, pour déblayer les rues du village après la coulée de boue de juin 2021.
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