Sommaire
Les intervenants
- Jessica Pommier, influenceuse et blogueuse puydômoise pour “Mes p’tits bouts du monde“, directrice du Salon des Voyages à Polydôme
- Annie Sauvat, vigneronne à Boudes (domaines Sauvat), actrice de l’œnotourisme
- Luc Stelly, directeur de l’Office de Tourisme du Sancy
Le podcast
Vous pouvez accéder à un enregistrement “nettoyé” – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :
La synthèse : Y aura-t-il du vin à Noël ?
Il est bien fini, le temps où le tourisme en Auvergne signifiait « vacances à la neige à Super-Besse » ou « week-end de ski au Mont-Dore ». La neige fond, les touristes fuyant la canicule en été ont découvert la rando dans le Sancy, l’authenticité du Livradois-Forez et le petit train du Puy-de-Dôme.
Les participants de la Rencontre Tikographie ont confirmé l’évolution des tendances, qui tiennent peut-être à l’évolution des habitudes post-covid et du pouvoir d’achat, mais surtout au changement climatique. Dans un département qui a accueilli l’an dernier 5,3 millions de visiteurs, Luc Stelly expérimente chaque année que la neige est incertaine, que « la météo fait le yoyo » avec des épisodes climatiques brutaux et des changements de temps très rapides. Exemple parlant : « il y a 15 à 20 ans, vous aviez des vents à plus de 100 km/heure une dizaine de jours par an ; aujourd’hui, c’est cent jours par an. »
« Les loueurs de matériel, avant, rangeaient les VTT en hiver pour louer des skis. »
Annie Sauvat, vigneronne à Boudes qui accueille depuis longtemps les touristes pour leur faire partager sa passion de la vigne, ne cache pas à ses visiteurs que les viticulteurs ressentent durement l’évolution du climat depuis une dizaine d’années. « Sur le millésime 2022 marqué par la sécheresse, on a perdu à Boudes 70% de la récolte et depuis 2018 nous n’avons pas eu une seule récolte normale », résume-t-elle.
Face à ces problématique existentielle, les professionnels du tourisme n’ont pas d’autre choix que s’adapter, avec plus ou moins de pertinence, avec des mesures sur le court ou le long terme.
Luc Stelly décrit les stratégies qui se sont mises en place. « Les loueurs de matériel, avant, rangeaient les VTT en hiver pour louer des skis. Aujourd’hui ils gardent toujours des VTT à portée de la main pour pouvoir en louer quand il n’y a pas de neige. » Les randos en racket peuvent permuter avec des balades plus classiques et l’office de tourisme du Sancy a dédié une page spéciale à la « randonnée hivernale », indiquant en mode « marmotte futée » quels sentiers sont conseillés ou non selon la saison et la météo.
« La difficulté, c’est qu’on tâtonne, on cherche. »
Sur le plus long terme, il décrit l’inventivité du secteur touristique pour développer un « tourisme quatre saisons », avec la fierté d’être en ce domaine en avance sur les Alpes. « La difficulté, c’est qu’on tâtonne, on cherche. Il y a des choses qui fonctionnent bien, d’autres moins bien », dit-il. Il cite parmi les premières l’ouverture des tyroliennes à l’année, le remplacement de la patinoire par un lieu multi-activités ou l’adaptation des télésièges pour pouvoir embarquer les piétons.
« Il y a 30 ans, on faisait tout pour les skieurs et si ça pouvait servir pour les autres, c’était bien. Maintenant c’est l’inverse », constate-t-il, tout en rappelant que le ski est toujours nécessaire pour financer cette transformation : « on ne sait pas faire autrement », indique-t-il, rappelant que si 70% de la fréquentation est estivale, les sports d’hiver ont encore une place prépondérante dans le chiffre d’affaires.
Sur les adaptations et maladaptations des stations de ski, voir aussi les précédentes rencontres : « Le Sancy face au dérèglement climatique » et « Neige artificielle : sauver le ski au détriment de la montagne ? » |
La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)
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La réactivité est donc d’autant plus nécessaire qu’elle est dictée, souligne Luc Stelly, à la fois par l’impératif économique et par le besoin de satisfaire les clients.
Car les clients évoluent à peu près aussi vite que le changement climatique, témoigne Jessica Pommier, qui dit représenter « le point de vue du touriste », s’excusant de son bilan carbone d’influenceuse, mais assurant « essayer de faire [sa] part » en promouvant aussi le train, le vélo, le slow tourisme et la découverte de « petits paradis » proches de chez soi. Parce qu’elle met en valeur « l’expérience extraordinaire » du voyage, elle se dit « plus écoutée sur l’intérêt du tourisme en proximité ».
« Travailler le hors-saison, c’est travailler la proximité. »
Lequel se développe, dit-elle, pour le grand bénéfice de la planète (moins de voyages en avion) mais aussi des professionnels du tourisme, car cette clientèle locale permet de prolonger la saison touristique hors vacances scolaires. « Travailler le hors-saison, c’est travailler la proximité », souligne-t-elle.
Elle donne l’exemple des hébergements insolites – cabanes, yourtes ou même chalets lacustres permettant d’« être dépaysé sans partir loin ». « Ils explosent en Auvergne » et correspondent à une clientèle de proximité qui recherchent des « endroits où on ne fait rien ». Une pratique très slow tourisme, qui aspire à « prendre son temps, ne plus courir après les choses à voir absolument » et à « rester plus longtemps sur place pour profiter des gens et du territoire. »
Sur les évolutions du tourisme, lire aussi l’entretien : « Jean Pinard plaide pour un tourisme durable, social et… ferroviaire » |
L’œnotourisme en est une belle illustration, que l’influenceuse se réjouit de voir arriver en Auvergne, où dit-elle, « tout est à inventer », alors que les grands vignobles s’en sont emparés depuis longtemps, dans le créneau du tourisme de luxe.
« Ce que je pratique n’est pas un tourisme de luxe. »
Cependant on ne part pas exactement de zéro, car Annie Sauvat, certes pionnière, pratique l’accueil de visiteurs depuis bien longtemps. Mais en se démarquant totalement du positionnement adopté en Bourgogne ou dans le Bordelais. « Ce que je pratique n’est pas un tourisme de luxe mais un œnotourisme d’expérience et de transmission » qui présente « ce qu’on vit dans les exploitations et pas seulement le côté clean », explique-t-elle.
Son discours aux touristes n’occulte pas les difficultés, les aléas climatiques, les interrogations sur l’adaptation qui devrait, selon elle, passer par une agroforesterie inspirée de la Toscane, par les essais en cours de plantation plus en altitude ou sur les versants nord ou d’introduction de nouveaux cépages, mais qui se heurtent à l’évolution très lente du cahier des charges de l’appellation.
Elle comprend aussi la difficulté de ses confrères et consœurs à s’emparer des opportunités de l’accueil touristique pour compléter des revenus devenus plus aléatoires : « Le tourisme est un vrai métier et les vignerons ne savent pas faire », surtout que les vignobles en Auvergne sont constitués de petits domaines, qui n’ont pas les moyens de développer cette activité chronophage.
« Le tourisme est un vrai métier et les vignerons ne savent pas faire. »
C’est là aussi qu’Annie peut se démarquer, car elle a revendu il y a trois ans la presque totalité de son domaine et a beaucoup plus de temps pour faire partager sa passion du vin, autour de visites-dégustations dans lesquels elle fait aussi découvrir les vins de ses voisins en pleine activité. Elle peut aussi laisser libre cours à sa créativité et propose des expériences originales en s’associant à des partenaires locaux : pique-nique dans le vignoble avec de bons produits du terroir, yoga dans les vignes, excursions en trottinettes, balades contées ou musicales…, énumère-t-elle.
Lire aussi le reportage dans le domaine d’Annie Sauvat : « Valorisation, adaptation, transmission… Vus de Boudes, les défis du vignoble auvergnat » |
À la ferme ou à la montagne, en proximité hors saison ou en masse avec des efforts d’aménagement pour réguler et protéger les espaces naturels, le tourisme se transforme, s’adapte au climat, constitue lui-même une forme d’adaptation dans un contexte de plus en plus incertain. D’où mon titre légèrement provoquant : l’activité viticole est toujours plus aléatoire, mais pour le ski, l’aléa est déjà intégré, comme le conclut Lux Stelly : « s’il y a de la neige à Noël, on sera prêts ; s’il n’y a pas de neige, on sera prêts aussi. »
Synthèse par Marie-Pierre Demarty
Prochaine Rencontre Tikographie :
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Interview de Henri Landès
Président de Landestini
Interview de Patricia Flodrops et de Vincent Vidal
Propriétaires du domaine du Coq en Pat (Augerolles)
Les crédits
Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour son accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres Tikographie pour cette saison, et en particulier à Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.
Merci à nos invités, aux participants et à l’équipe de l’association Tikographie qui porte et organise les Rencontres.
Pour cette Rencontre spécifique ont œuvré :
- Emmanuel à la préparation éditoriale et à l’animation ;
- Patrick à la prise de son ;
- Marie-Pierre aux photos et au compte rendu.
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