Nature & Progrès garantit une alimentation de qualité par la méthode participative

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Pain,légumes, savons et cosmétiques, boissons... des produits qu'on peut trouver sous la mention Nature & Progrès en Auvergnedes
Participative, exigeante, transparente, l’association Nature & Progrès garantit la qualité écologique et sociale de petites productions locales. Un système original qui implique des consommateurs et consommatrices dans sa démarche. Rencontre avec l’une d’elles.

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

On entend souvent dire que les consommateurs n’y comprennent plus rien dans la forêt des labels, mentions, promesses et autres sceaux qui estampillent les étiquettes des produits alimentaires. Très peu de ces étiquettes recèlent pourtant davantage que du greenwashing autoproclamé ou des critères d’attribution trop peu exigeants.

Pour qu’une garantie soit fiable, il faut regarder non seulement ses critères, mais la façon dont le respect du cahier des charges est contrôlé, et à quelle fréquence. Le contrôle par un organisme de certification externe, comme dans le label Agriculture Biologique, offre de solides garanties. Mais il n’est pas le seul.

La méthode du système participatif de garantie que pratique Nature & Progrès est moins connue mais particulièrement intéressante. Car elle ouvre la porte aux citoyens qui veulent s’engager, même en tant que « simples » consommateurs. Et ça me semble une belle approche.

Car après tout, nous sommes tous concernés par ce qui arrive dans nos assiettes…

Marie-Pierre

Trois infos express   [cliquer pour dérouler]

  • L’association Nature & Progrès, qui a fêté l’an dernier ses 60 ans, garantit par un label la qualité de produits alimentaires et cosmétiques respectant un cahier des charges exigeant en matière environnementale, sociale, éthique… Il est surtout adapté à des petits producteurs en agriculture paysanne et, au-delà des méthodes de production, tient compte du fonctionnement complet de la ferme ou de l’établissement.
  • L’originalité de la mention Nature et Progrès est d’être attribuée en interne, de façon collective et participative, par les adhérents que sont les producteurs détenant la mention, mais aussi des consommateurs. Ces derniers apportent un regard légitime, aussi précieux que celui des experts, posant des questions de « candides » dans un dialogue bienveillant et convivial.
  • Le groupe Auvergne compte 60 producteurs et 30 consommateurs. Les productions labellisées, qu’on peut trouver surtout en Amap, petits magasins locaux ou sur les marchés, représentent presque toutes les filières… en dehors des engrais, du sel et des huîtres.

Que peuvent avoir en commun la brasserie Gaïa à Picherande et celle du Valhalla à Pontaumur, la Savonnerie de Beaulieu à Sauxillanges ou celle des Mains Sales à Saurier, le vignoble de Gilles Persillier à Gergovie, quelques maraîchers, boulangers, éleveurs, apiculteurs ou cueilleurs de plantes, le laboratoire de cosmétiques Adanys, la restauratrice ambulante de la Popote Mobile… ?

Ils font partie de la cohorte puydômoise des producteurs affichant la mention « Nature & Progrès ». Tous sont adhérents de l’association du même nom, pionnière des méthodes et valeurs respectueuses de l’environnement. Et dans la famille des étiquettes qui vous permettent (ou devraient vous permettre) d’identifier les produits les plus sains, la mention Nature & Progrès est sans aucun doute l’une des plus fiables. À la fois par l’exigence de ce qui est requis pour l’obtenir, et par la façon dont la conformité à ces exigences est contrôlée.

Pour comprendre son fonctionnement, j’ai rencontré Anne Andrault, adhérente active dans le groupe Auvergne et à l’échelle fédérale de l’association. Elle n’est pourtant ni productrice, ni experte des questions agricoles, mais s’implique en tant que citoyenne et consommatrice : une des spécificités de Nature & Progrès.

Quel est le but de Nature & Progrès ?                                                                     

Anne Andrault : Le slogan d’origine était « pour notre santé et celle de la Terre ». Notre philosophie, c’est la préservation du vivant et une alimentation de qualité pour tous. Il s’agit de promouvoir l’agroécologique, mais nous n’employons plus tellement ce terme qui est devenu galvaudé. Nous commençons à parler de démocratie alimentaire.

Nous attribuons une mention aux producteurs en fonction de cahiers des charges définis par filières et contrôlés par les adhérents, dans un système participatif de garantie ou SPG, que nous avons été les premiers en France à mettre en place.

Anne Andrault
Anne Andrault, bénévole, participe à l’évaluation des producteurs en tant que consommatrice. « Dès les premières visites, on se rend vite compte que nous avons des choses à dire et que les producteurs n’attendent pas un regard d’expert », témoigne-t-elle.

Comment ce système participatif de garantie fonctionne-t-il concrètement ?

A.A. : Contrairement au label Bio qui est contrôlé par un organisme indépendant, pour Nature & Progrès il n’y a pas de contrôle externe. Nous n’avons pas eu envie de ce système de certification qui entre parfois dans une logique d’instrumentalisation.

Chaque année, les fermes et établissements adhérents reçoivent la visite d’un binôme de deux bénévoles – un producteur et un consommateur. Nous allons sur place, nous discutons avec la personne qui nous accueille, nous y passons trois ou quatre heures. Il ne s’agit pas seulement d’examiner les factures comme le ferait un organisme certificateur. Nous constatons les améliorations, les nouveaux fournisseurs, les nouveaux produits. Il faut potasser un peu, préparer des questions. Il s’agit d’une vraie enquête, et nous avons un formulaire à remplir.

« Chaque année, les fermes et établissements adhérents reçoivent la visite d’un binôme de deux bénévoles. »

Ensuite, la deuxième étape est la commission mixte d’agrément et de contrôle (ou Comac), qui se réunit pour examiner les dossiers et valider la mention. Le producteur doit être présent à la commission quand son dossier est examiné.

Comment ce système s’est-il mis en place ?

A.A. : Nature & Progrès a fêté l’an dernier ses 60 ans. Au départ, l’association réunissait des professionnels – ingénieurs agronomes, médecins – et quelques consommateurs, qui avaient déjà compris qu’on allait vers de gros problèmes, et qui cherchaient une alternative à la chimie dans l’agriculture. C’était presque de la recherche appliquée. Ensuite, dans les années 1970, se sont créés les premiers cahiers des charges : pour l’agriculture, puis rapidement pour l’élevage. Il n’y avait pas de labels à l’époque ; seule la biodynamie est plus ancienne.

« Nous ne nous sommes jamais dévoyés par rapport à nos valeurs initiales. »

Au début des années 1980, quand les agriculteurs et l’État ont décidé de reconnaître un label Agriculture Biologique, ils se sont d’abord appuyés sur nos cahiers des charges, puis ceux-ci ont été écartés au profit de critères moins contraignants. De notre côté, se sont développés des groupements d’agriculteurs biologiques, jusqu’à ce que le label d’Etat nous interdise d’utiliser ce terme. Mais nous sommes restés dans le paysage. Dans les années 1990, de nouveaux cahiers des charges se sont développés : pour la bière, le sel, le pain, les produits transformés, les engrais, les cosmétiques.

D’autres labels se sont créés entretemps, mais ils ont tous disparus. Nous avons réussi à perdurer, sans doute du fait de notre ancienneté, et parce que nous ne nous sommes jamais dévoyés par rapport à nos valeurs initiales.

Hormis le système d’évaluation, en quoi la mention Nature & Progrès est-elle différente du label Agriculture Biologique ?

A.A. : Nous allons au-delà d’un cahier des charges purement technique. Nous avons bien sûr des critères agronomiques qui incluent ceux de l’agriculture biologique et peuvent aller au-delà. Mais nous regardons d’autres aspects ; nous n’évaluons pas des produits, mais plutôt une ferme dans sa globalité, par exemple sur la gestion des déchets ou de l’eau, le respect des personnes, le bien-être animal, etc. Nos cahiers des charges s’appuient sur un outil, la « boussole NESO », pour « naturel, énergie, social, origine ».

Les adhérents doivent aussi respecter la charte de l’association qui expose nos valeurs. Par exemple, nous mettons en avant la transparence : tous nos documents, notamment nos cahiers des charges, sont considérés comme des biens communs et sont donc gratuitement accessibles à tout le monde. Il y a aussi des aspects éthiques, sociaux, environnementaux…

« Nous n’évaluons pas des produits, mais plutôt une ferme dans sa globalité. »

De manière générale, nos critères sont adaptés à des petits producteurs, des activités à taille humaine, des productions artisanales de proximité. Par exemple, certains transformateurs ont dû se retirer quand nous avons exclu l’huile de palme : même s’ils continuent par conviction à observer l’essentiel du cahier des charges, pour certains produits d’entretien c’est compliqué de faire sans.

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Comment sont élaborés les cahiers des charges ?

A.A. : Au début, ils étaient élaborés par des ingénieurs agronomes et des paysans. Aujourd’hui, c’est une commission technique nationale qui est chargée des nouveaux documents et de la mise à jour, nécessaire plus ou moins régulièrement selon les filières. La bière ou les cosmétiques évoluent assez rapidement.

Parmi les nouveaux produits qui ont postulé, on peut citer la spiruline, qui a été refusée deux fois : parce qu’il s’agit d’un complément alimentaire et nous considérons que si on se nourrit sainement, il n’y en a pas besoin.

La commission échange avec les services techniques de la fédération, qui peuvent procéder à des tests, des études, rechercher des remontées du terrain. Ensuite, le cahier des charges est approuvé en assemblée générale.

Mention Nature & Progrès sur des emballages de savons
Chaque filière de production a son cahier des charges spécifique, élaboré au sein de l’association, y compris pour les cosmétiques.

Les bénévoles peuvent donc y participer ?

A.A. : Nous avons une gouvernance et un fonctionnement très horizontaux : tous les bénévoles peuvent participer à la commission nationale et à l’assemblée générale. En fait, un adhérent peut participer, selon ce qui l’intéresse, aussi bien aux activités du groupe local ou aux activités fédérales – ou aux deux niveaux. À l’échelle nationale, il y a différents groupes de travail où on peut s’impliquer.

« Nous avons une gouvernance et un fonctionnement très horizontaux. »

Par exemple, je me suis beaucoup impliquée à une époque dans la gestion de la fédération. Puis je m’en suis éloignée pour m’impliquer à l’échelon local, aujourd’hui en Auvergne. Mais j’ai repris un rôle national quand on m’a sollicitée pour écrire dans la revue trimestrielle de l’association. Je me suis engagée à écrire un article par numéro, sur des thématiques liées à la vie des groupes locaux. Par exemple sur la solidarité et l’entraide, sur l’accueil des nouveaux adhérents, la transmission des fermes, etc.

Parlons du groupe local : à quoi ressemble-t-il ?

A.A. : Il recouvre les départements du Puy-de-Dôme, de l’Allier et du Cantal. C’est un territoire assez vaste, mais notre groupe fonctionne bien car nous sommes relativement nombreux : environ 60 producteurs ont la mention (pour 1200 à l’échelle nationale). Et nous sommes une trentaine de consommateurs, ce qui est bien par rapport à d’autres régions.

La Comac se réunit au moins six, voire sept fois par an. Les adhérents simples consommateurs ont en moyenne deux visites à effectuer dans l’année et nous essayons parfois de les regrouper sur la même journée pour faciliter la disponibilité.

Car cela demande un réel engagement. Même si nous sommes assez nombreux, nous peinons à renouveler les adhésions et le profil est surtout composé de retraités ou au moins de personnes de plus de 50 ans, et de free-lances qui peuvent plus facilement se libérer que des salariés. Donc… nous recrutons des volontaires !

Que pourrais-tu dire pour leur donner envie de s’engager ?

A.A. : D’abord, l’un des freins est de ne pas se sentir légitime pour enquêter sur des installations professionnelles. Mais dès les premières visites, on se rend vite compte que nous avons des choses à dire et que les producteurs n’attendent pas un regard d’expert. Ils trouvent même un intérêt à dialoguer, à entendre les questions que se posent les gens car ça les aide à comprendre leurs clients et à répondre à leurs attentes.

« Le dialogue est souvent d’une grande richesse, dans un climat de curiosité et de bienveillance. »

Le consommateur apparaît légitime à se poser des questions… y compris les plus naïves qui peuvent soulever des problématiques auxquelles les professionnels, ancrés dans leurs habitudes, n’auraient pas pensé. Je me souviens d’une question posée dans une autre région : pourquoi y a-t-il des savons bleus ? Cela nous a amenés à exclure des composants qui n’étaient pas naturels.

En retour, les bénévoles non professionnels, même quand ils ne comprennent pas tous les aspects techniques, apprennent beaucoup et découvrent des domaines incroyables. J’ai été marquée, quand je vivais dans le sud de la France, par la visite d’une rizière, ou ici par celle d’une brasserie artisanale.

Repas convivial à la ferme d'un producteur adhérent
Réunion conviviale des bénévoles du groupe Auvergne, chez un des producteurs adhérents. Un des avantages, souligne Anne, c’est qu’on y mange bien ! – Photo Nature & Progrès

Le dialogue est souvent d’une grande richesse, dans un climat de curiosité et de bienveillance, car nous partageons les mêmes valeurs que les producteurs que nous visitons. De plus, on essaie de faire en sorte que les bénévoles aillent chaque année voir des producteurs différents, pour ne pas installer de routine et pour conserver une distance, un œil neuf.

Enfin, un des plaisirs réside dans les réunions conviviales que nous organisons régulièrement : chacun amène quelque chose et… on mange bien !

La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)

Des produits alimentaires locaux, c’est bien. Sont-ils pour autant idéaux en termes de nutrition dans nos assiettes ? Retour sur la chaîne de valeur de plusieurs d’entre eux avec nos intervenants.

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Qu’en est-il des producteurs ?

A.A. : Notre groupe local représente des producteurs de presque toutes les catégories… sauf les engrais, le sel et les huîtres ! Curieusement, nous n’avons pas de producteurs de fromage.

« Ils n’arrêtent jamais d’innover ! »

Les professionnels sont représentatifs du profil Nature & Progrès : de petits producteurs, qui distribuent leurs produits essentiellement en circuits courts, dans les Amap, les marchés, les petits magasins locaux. Nous avons seulement deux producteurs un peu plus importants : le Biau Jardin à Gerzat en maraîchage, et la ferme de la Pereire à Chadrat en polyculture-élevage.

Lors des visites, je suis toujours émerveillée par leur créativité. Ils n’arrêtent jamais d’innover ! Je citerais par exemple un couple qui produit des fruits rouges et des confitures. Ils ont eu l’idée de recourir à un âne pour désherber les rangs dans leurs cultures.

Anne Andrault
L’envie d’agir en citoyen, l’esprit collectif, la curiosité… autant de motivations qui poussent les bénévoles simples consommateurs à s’engager dans l’association Nature & Progrès, explique Anne Andrault.

Quelles sont les motivations des producteurs qui rejoignent l’association ?

A.A. : Ce sont des professionnels qui s’engagent par conviction, par attrait du cahier des charges qui est en général déjà proche de leurs pratiques. Même si la mention Nature & Progrès n’est pas assez connue du grand public, elle leur apporte une visibilité auprès des consommateurs exigeants. Elle revient aussi moins cher que la certification du label Bio. Mais les contraintes imposées par le cahier des charges et par l’obligation de participer font que tous partagent les valeurs du mouvement.

« Ce sont des professionnels qui s’engagent par conviction, par attrait du cahier des charges. »

Certains n’iraient pour rien au monde vers le label AB, où les petits producteurs se retrouvent à côté de productions industrielles. Mais d’autres optent pour les deux mentions, ou s’y résolvent, car les conditions de production sont de plus en plus dures, surtout avec le changement climatique. Le label Agriculture Biologique est beaucoup plus connu et par ailleurs, il donne accès à des subventions.

Il permet aussi d’accéder à certaines formes de distribution, notamment les réseaux Biocoop ou Satoriz, qui ne vendent que des produits bio. La règle a quand même été assouplie pour les Biocoop : aujourd’hui, la décision d’accepter ou non les produits Nature & Progrès est laissée à l’appréciation de chaque magasin. Par exemple, le Biocoop d’Aurillac est très ouvert, dialogue avec nous et participe même à nos visites chez les producteurs.

Pour aller plus loin, quelles revendications porte le mouvement Nature & Progrès ?

A.A. : Nous aimerions que les mentions attribuées par système participatif de garantie soient reconnues comme fiables et puissent être homologuées pour ouvrir des droits aux mêmes subventions que la Bio, puisque nos cahiers des charges ne sont pas moins-disant.

« La terre est un bien commun. »

Plus généralement, nous plaidons pour généraliser l’agriculture biologique et l’agroécologie. La terre est un bien commun, qui ne devrait pas être soumis aux lois du marché !

Pour en savoir plus, on peut consulter le site de Nature & Progrès France ou celui du groupe local d’Auvergne.

Entretien Marie-Pierre Demarty, réalisé le mercredi 18 décembre 2024. Photos Marie-Pierre Demarty, sauf mention contraire. A la une : un petit assortiment (non exhaustif) de produits qu’on peut trouver sous le label Nature & Progrès dans notre région.

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