Le pourquoi et le comment [cliquer pour dérouler]
Nous avons choisi à Tikographie, pour des raisons de sobriété énergétique notamment, de parler d’environnement par la voie du texte écrit et un peu aussi des podcasts.
Mais parfois, un petit film vaut mieux qu’un texte fleuve. Alors pour une fois, parlons cinéma. C’est le moment ou jamais…
Bon festival !
Marie-Pierre
Trois infos express [cliquer pour dérouler]
- « Das Rad » nous raconte en 8 minutes toute l’histoire de l’humanité vue par deux êtres plus durables que nous. Spoiler : ça finit bien pour eux, beaucoup plus mal pour nous.
- Un documentaire dont je n’ai pas retenu les références nous raconte l’origine cruelle de la fourrure d’astrakan. Une vraie pub pour L214.
- Que devient la tomate récoltée dans le sud du Brésil par M. Suzuki ? Qu’est-ce qu’un être humain ? Réponses dans « L’île aux fleurs ». Comme on dit trop communément (mais pas là) : attention, chef-d’œuvre.
J’ai eu la chance – ou l’intuition ? – de faire partie des tout premiers spectateurs du Festival du court métrage. Alors que s’ouvre la 47e édition (Ah, ça ne nous rajeunit pas, hein !), je me suis replongée dans mes souvenirs de spectatrice irrégulière, n’ayant pas assisté à toutes les éditions, loin s’en faut, mais ayant visionné tout de même en près de cinquante ans un nombre incalculable, ou en tout cas incalculé, de films courts.
Petits chefs-d’œuvre ou grandes déceptions, sur tous les sujets, tous les angles, tous les partis-pris, toutes les techniques, arrivant du monde entier pour illuminer le temps d’une grosse semaine l’hiver clermontois. C’est vertigineux… Mais qu’en reste-t-il ?
En me posant la question des films vus au festival qui m’avaient marquée au point de rester vivants dans ma mémoire quelques décennies plus tard, je me rends compte qu’ils ne sont pas très nombreux. Et que parmi la poignée qui me restent en tête, trois sont liés aux sujets environnementaux, cris d’alerte plutôt désabusés… mais vrais chocs pour renforcer – ou communiquer – nos prises de conscience. Ça m’a donné envie de partager avec vous le souvenir que j’en ai.
1. L’histoire humaine en 8 minutes
C’est un film d’animation allemand dont je n’ai pas retrouvé la version française, qui s’intitulait « Caillasses » dans la section internationale de 2002. Mais on trouve en ligne la version allemande, sous-titrée en anglais – et comme il n’y a pas beaucoup de paroles c’est facilement accessible.
« Das Rad » (la roue) de Chris Stenner, Heidi Wittlinger et Arvid Uibel, fait défiler sous les yeux de deux tas de cailloux impassibles toute l’histoire de l’humanité. Au début c’est lent et paisible. Puis ça s’accélère, notamment à partir de l’apparition de la roue (d’où le titre). En accéléré, on voit sortir les premières constructions en dur, les buildings de plus en plus hauts, les autoroutes et autres ouvrages de béton, dans un univers de plus en plus inquiétant et agressif… avant de le voir s’effondrer. Y compris le panneau publicitaire annonçant ironiquement « Build to last »1.
Surtout, je me souviens de la conclusion des deux tas de cailloux face aux ruines.
À la fin, il ne reste plus rien, sauf les deux tas de pierre épargnés de justesse par l’invasion de la civilisation.
L’esthétique est un peu balourde, mais j’avais apprécié l’humour et la vision prophétique que l’on devrait garder à l’esprit pour tenter d’éviter cet épilogue. Surtout, je me souviens de la conclusion des deux tas de cailloux face aux ruines, qui rend nettement moins bien dans le sous-titre anglais que dans les versions allemande ou française, qui disait quelque chose comme : « Finalement ça ne s’est pas trop mal passé cette fois-ci. »
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2. Petit mouton deviendra fourrure
Ce deuxième souvenir est plus flou, car je n’ai pas retrouvé de traces de ce documentaire choc, ni dans les catalogues que j’ai conservés (je ne l’ai pas eu chaque année), ni sur internet, d’autant plus que j’ai oublié son titre exact, celui de son auteur ou même sa provenance.
Pourtant, je vous assure que je m’en souviens bien et qu’il me remonte en mémoire chaque fois que j’ai sous les yeux – heureusement c’est de plus en plus rare – de l’astrakan, cette drôle de fourrure à bouclettes que je n’ai jamais trouvée spécialement jolie et encore moins attrayante.
Car le film racontait à partir de quel « matériau » l’astrakan, originaire d’Asie centrale, était fabriqué : les agneaux de race karakul nouveau-nés, voire mort-nés. Charmant.
Cette drôle de fourrure à bouclettes que je n’ai jamais trouvée spécialement jolie.
Je ne suis pas extrêmement sensible à la cause du bien-être animal (nobody’s perfect2…) mais si l’association L214 avait existé à cette époque, je crois que j’aurais adhéré directement en sortant de la séance. Je ne sais pas si les pratiques ont évolué, mais à l’époque (sans doute dans les années 1990), on nous expliquait que la peau à bouclettes s’extrayait sur les agneaux de un à trois jours. Pour la plus précieuse, on faisait « mieux » : à la dernière portée que pouvait produire une mère, elle était abattue un peu avant le terme pour pouvoir récupérer le petit agneau à naître, dont la toison est encore plus fine.
Le film avait la particularité de s’attarder sur le point de vue des moutons. Et l’image forte finale qui me reste en tête, peut-être un peu manipulatrice, montrait une maman brebis courant derrière la bétaillère qui emmenait les petits agneaux à l’abattoir. L’histoire ne dit pas si j’ai versé une larme, mais me connaissant, c’est très probable.
Quelques éléments a priori un peu plus récents sur le sujet dans cet article de Courrier international. Et si quelqu’un connaît les références de ce film, n’hésitez pas à m’en faire part…
3. Qu’est-ce qu’une tomate ?
Je sais que je ne suis pas la seule à avoir été bouleversée par ce dernier exemple. Car il a obtenu en 1991 le prix du public et le prix de la presse, et a été rediffusé pendant le festival 2004, en séance d’ouverture et en rétrospective Brésil.
« L’île aux fleurs » (Ilha das flores) est en effet un court-métrage brésilien, de Jorge Furtado. Est-ce un documentaire (comme présenté dans le programme du festival… alors en noir et blanc !) ? Ou une parodie de documentaire ? Ou plus exactement un pamphlet ?
Je ne vous raconte pas par quelles horreurs passent les images et le récit.
Durant ces 15 minutes au ton pédagogique et à l’humour terriblement grinçant, le narrateur explique ce qu’une certaine tomate récoltée dans une plantation au sud du Brésil va devenir, après avoir été jugée pourrie, donc immangeable, par la dame qui l’a achetée. Chemin faisant, il s’attache à définir chaque terme qu’il utilise, y compris les plus évidents en apparence, comme la tomate, le porc, le parfum, les ordures ou… l’être humain, définition qui revient avec insistance comme pour nous la faire entrer dans le crâne, ou pour mieux la démonter par les images et par le fil du récit. « Les êtres humains sont des mammifères, bipèdes, qui se distinguent des autres mammifères par le télencéphale hautement développé et le pouce préhenseur », dit la docte voix. Tu parles…
Car je ne vous raconte pas par quelles horreurs passent les images et le récit, contredisant le prétendu « hautement développé ». Je préfère laisser ceux qui n’ont pas encore vu ce chef-d’œuvre (si, si) le visionner, puisqu’on le trouve aussi en ligne. Sans quoi il leur manquerait quelque chose.
Et vous ?
Avez-vous des souvenirs de courts métrages chocs, pédagogiques, drôles, tragiques ou un peu tout ça à la fois, qui ont contribué à déclencher ou renforcer votre sensibilité aux problèmes environnementaux ?
Ou en découvrirez-vous cette semaine ?
Peut-être pourriez-vous nous en faire part3 et nous raconter comment ils vous ont troublé.e.s, enchanté.e.s, enthousiasmé.e.s…
Qui sait. Nous ferons peut-être quelque chose de vos témoignages……
1 Construit pour durer.
2 Personne n’est parfait.
3 Ecrivez-nous à l’adresse contact @ tikographie.fr (en enlevant les espaces bien sûr, sauf si vous êtes un robot).
Texte Marie-Pierre Demarty. Photo à la une : Quelques programmes que j’ai gardés, des éditions auxquelles j’ai assistées depuis 47 ans.
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