Graines volcaniques, collectif de pros qui partagent leurs valeurs

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Une partie du groupe, lors de leur dernière réunion plénière
Une vingtaine de consultants en transition écologique installés en Auvergne se sont regroupés dans le collectif Graines volcaniques. Leurs atouts : la complémentarité, la solidarité, les valeurs partagées et le plaisir de collaborer.

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

Ça donne un peu le vertige. Quand on découvre la rosace des compétences que ce nouveau collectif a réunies et recensées, on mesure l’étendue du chantier que nous avons à entreprendre pour aligner notre société, dans toutes ses dimensions, à des perspectives d’habitabilité durable de notre planète.

J’ai trouvé intéressante aussi la façon dont cette poignée de professionnels a construit son collectif : posément, lentement, en laissant infuser, en prenant le temps de se connaître et de trouver un mode de fonctionnement. J’en sais quelque chose : cela fait environ un an que ce projet d’article est dans mes cartons et que j’attendais le moment où ils se sentiraient prêts à me répondre ! Dans le monde très « business » des consultants, ils forment vraiment une bande à part.

C’est dû bien sûr aux sujets qu’ils portent, mais sans doute aussi à leurs parcours respectifs. Ce n’est pas dit dans l’article, mais un certain nombre d’entre eux sont des reconvertis, qui ont quitté de belles carrières en entreprise pour porter leurs convictions et faire partager les valeurs qu’ils portent.

Comment je le sais ? Mais parce que je les croise, dans ou autour de mes reportages, dans les réseaux engagés, dans les associations où ils sont bénévoles. Et jusque dans les rangs des adhérents de Tikographie !

Il faut croire qu’il n’y a pas de hasard…

Marie-Pierre

Trois infos express   [cliquer pour dérouler]

  • Le collectif Graines volcaniques regroupe une vingtaine de consultants, indépendants ou très petites entreprises, spécialisés dans l’accompagnement des entreprises, collectivités et associations sur les questions environnementales. Grâce à la diversité de leurs compétences, ils peuvent répondre à toutes sortes de demandes en lien avec ces problématiques, dans une région où il n’existe pas de grosses agences dans ce domaine.
  • Leur association (informelle) repose sur les valeurs qu’ils partagent : celles de l’engagement au service de leur territoire. Ils sont aussi, pour la plupart, bénévoles dans des associations ou animateurs d’ateliers tels que la fresque du climat.
  • Pour être en mesure de collaborer, se recommander mutuellement, monter en compétence ensemble et travailler en confiance, ils ont pris le temps d’apprendre à se connaître et de construire leur projet, leur gouvernance, leur fonctionnement, leur identité. Presque deux ans après leurs premières réunions, ils forment aujourd’hui un collectif solide, professionnel… et joyeux.

C’est un métier qui se développe à grande vitesse. Les consultants se multiplient pour accompagner les entreprises, collectivités et autres structures qui ont besoin d’évoluer sur les questions environnementales.

Les besoins sont multiples et répondent à diverses motivations : prise de conscience, exigences des appels d’offres ou des marchés publics, évolution des règlementations, besoin de répondre aux aspirations des clients ou même des collaborateurs… Les sujets aussi sont multiples : politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE), relocalisation des filières, budget carbone et compensation, traitement des déchets, plans de déplacement, rénovation énergétique et pléthores d’autres. Enfin, les approches ont, elles aussi, différentes facettes potentielles : coaching, formation, sensibilisation des équipes, recherche de financement, plans stratégiques, accompagnement dans une labellisation, mise en place d’une nouvelle organisation…

Ce n’est donc pas une, mais de nombreuses compétences qui s’ouvrent. Et les structures en demande ne savent pas forcément comment les choisir ni où les trouver. Surtout dans une région comme l’Auvergne où aucune grosse agence proposant un panel complet de ces services n’a posé ses valises.

Se rencontrer

Pourtant, les compétences y sont bien présentes. Mais dispersées… sauf quand elles décident de se rapprocher.

C’est l’objet du collectif Graines volcaniques : une petite vingtaine de professionnels – indépendants et très petites entreprises – y sont actifs, entourés d’autant de membres moins actifs mais pouvant constituer des ressources complémentaires, ainsi que d’une petite nébuleuse de sympathisants à l’écoute, prêts à faire circuler des informations, à recommander, à faire connaître.

« Ce sont des sujets complexes et qui évoluent très vite. »

« L’initiative est toute simple : elle part du constat que la transition écologique, ce sont des sujets complexes et qui évoluent très vite, donc on ne peut pas y arriver seul. L’idée était de se rencontrer pour pouvoir mieux accompagner les structures, les amener à comprendre les enjeux et à passer à l’action », explique Georgiana Nica, l’une des trois personnes à l’origine du collectif, avec Florian Da Silva et un autre aujourd’hui parti vers le salariat.

Alors qu’elle fondait son propre cabinet d’accompagnement à la RSE, elle a eu l’idée d’observer ce qui était déjà proposé dans la région – « à cette époque, il y a deux ans, on était 20 sur les questions de stratégie et de déploiement de la RSE dans tout Auvergne-Rhône-Alpes. Aujourd’hui nous sommes dix fois plus ! » – et de prendre contact avec Florian, formateur sur ces questions.

Engagement et compétences

Je la rencontre avec deux autres membres du collectif : Jennifer Simonet, qui a rejoint les fondateurs dès juillet 2023, et Monika Gosgnach, plus récemment arrivée. « Mais il y a aussi des hommes dans le collectif », précise cette dernière, d’autant plus sensible à la question que sa spécialité est l’aspect social de la RSE : inclusion et diversité. « Je suis l’anomalie dans le groupe ! » plaisante-t-elle, tout en soulignant la parenté et la complémentarité des sujets… qui ont parfois besoin d’être traités ensemble, d’où l’intérêt d’inclure cette compétence.

« Nous nous sommes connus au travers de nos engagements bénévoles. »

Quant à Jennifer, elle est davantage spécialisée dans l’engagement des salariés et des citoyens, par la sensibilisation, la formation, voire la motivation de groupes de type « ambassadeurs » en entreprise.

Jennifer, Giorgiana et Monika
De gauche à droite : Jennifer, Georgiana et Monika, mes trois interlocutrices aux compétences multiples, pour présenter Graines volcaniques.

Se regrouper, oui, mais pas avec n’importe qui. Outre la complémentarité des compétences, le collectif s’est fondé sur le constat de valeurs et de postures communes. « Pour la plupart, nous nous sommes connus au travers de nos engagements bénévoles, notamment dans l’animation d’ateliers comme la fresque du climat et dans le tissu associatif », explique Jennifer. D’où la présence de membres au profil un peu décalé, comme Stéphane, qui n’est pas consultant mais est très actif localement comme fresqueur.

« Les premières réunions ont été consacrées à nous connaître et à bien comprendre ce qui nous relie », expliquent les trois représentantes du collectif, qui soulignent l’importance de ces valeurs d’engagement dans leur rapprochement. « Nous ne sommes pas un club business comme il en existe plein, souligne Jennifer. Nous avons la volonté sincère d’apporter quelque chose au territoire en lien avec nos convictions. »

Sur l’engagement et la prise de conscience de l’un des fondateurs du collectif, lire aussi la carte blanche : « Trente ans pour prendre conscience » par Florian Da Silva »

« L’année tiko 2024 », 16 portraits et reportages sur des initiatives puydômoises inspirantes. Disponible à partir du 12 décembre auprès de notre association (lien ci-dessous) ou à la librairie des Volcans au prix de 19 €

Construire le collectif

Et de fait, les adhérents n’ont pas compté leur temps en « bénévolat, sans garantie de retour sur investissement » : depuis le début de l’initiative en avril 2023, à raison d’une réunion par mois alternant présentiel et visioconférences, le collectif a mis presque deux ans à s’estimer prêt à se révéler publiquement. Comprendre ce que faisait et souhaitait chacun, ce qui pouvait être construit ensemble, comment fonctionner, puis se trouver une identité et préciser la raison d’être ne s’est pas fait en un claquement de doigt.

« Nous fonctionnons par groupes de travail et par élans. »

Y compris pour prendre la décision même de créer le collectif : « Nous avons commencé par cartographier les initiatives existantes pour voir si ça valait la peine d’en ajouter une et nous nous sommes rendu compte que les valeurs et les réponses que nous voulions proposer n’étaient portées nulle part en Auvergne de la façon dont nous le souhaitons », dit Georgiana. Les valeurs et réponses étant celles définies ensemble dans la raison d’être du collectif : « Agir en faveur de la transition environnementale, sociétale, économique et écologique, auprès des citoyens, acteurs économiques et collectivités. »

Ensuite, enchaîne Jennifer, « nous avons passé beaucoup de temps à savoir comment fonctionner, avec quelle gouvernance, car nous sommes très différents les uns des autres. Il en résulte que nous fonctionnons de façon organique, sans ‘autorité supérieure’. Ce sont les présents à un instant t qui décident des orientations discutées à ce moment. Et à partir de là, nous fonctionnons par groupes de travail et par élans. »

Cartographier le groupe

Des élans qui ont permis de tracer les contours de ce qu’ils et elles avaient à faire ensemble. « L’idée est de pouvoir monter en compétence ensemble et grandir dans nos réflexions pour aider le territoire, en s’appuyant les uns sur les autres avec bienveillance. Nous voulons pouvoir recommander l’un ou l’autre du groupe pour telle mission ou telle demande, orienter les clients potentiels, en nous connaissant suffisamment pour pouvoir le faire en toute confiance », disent-elles à trois voix.

D’où le temps passé, mais aussi le premier travail réalisé : une cartographie de toutes les compétences présentes dans le groupe. Une rosace impressionnante de savoir-faire et d’approches réparties en huit grandes familles, qui vont des questions énergétiques à celles de biodiversité, de la RSE à l’innovation sociale ou à la transformation des modèles…

La rosace des compétences et le logo de Graines volcaniques
Portrait du collectif en deux visuels : la rosace multicolore des compétences multiples, et un logo qui ancre le collectif dans le territoire. – Crédit : Graines volcaniques.

Des compétences qui peuvent s’agréger sous forme de collaborations entre les membres, y compris pour répondre à plusieurs à des appels d’offres en rassemblant les spécialités les plus ajustées à la demande. Ces associations seront d’autant plus naturelles et faciles que tous ont pris l’habitude d’œuvrer ensemble dans les groupes de travail et les réunions plénières.

En famille

Sans compter qu’ils et elles partagent aussi le besoin – et le plaisir – de se retrouver. « Entre nous, on se sent en famille, à sa place. On peut parler de sujets compliqués mais c’est aussi un plaisir de se retrouver… et en plus on mange bien ! », dit Georgiana. « On se sent moins seuls à se poser la question du monde dans lequel on vit, ajoute Monika. Alors que dans les clubs business, j’ai l’impression d’être un bisounours chevauchant une licorne ! »

« On se sent moins seuls à se poser la question du monde dans lequel on vit. »

Ce club d’un nouveau genre n’a pas cependant la vocation à résoudre des problèmes de conflits intérieurs – nécessité économique versus valeurs à défendre, solitude de l’entrepreneur, poids de travailler sur des sujets graves… et de se trouver parfois face à des demandes relevant du greenwashing – mais toutes reconnaissent que cela fait du bien d’intégrer un collectif soudé et sécurisant où « on sait qu’on peut en parler », dit Jennifer, où « on peut compter sur le soutien et l’entraide », complète Georgiana.

Membres de Graines volcaniques posant à l'intérieur d'une yourte
Preuve que le collectif n’est pas un club d’entreprises comme un autre : il choisit des lieux de réunion qui font sens pour ses membres ! – Photo Graines volcaniques
Sur un autre accompagnement des entreprises, auquel certains membres de Graines volcaniques participent, lire aussi le reportage : « Quand les entreprises s’emballent pour le climat »

La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)

« Demain, tous en voiture électrique ?« 

Notre prochaine table ronde réunira trois intervenant.es puydômois.es autour de l’électrification des automobiles : ce qui est fait, ce qu’il reste à faire, ce qui est possible, souhaitable, inenvisageable… et comment voir le sujet autrement

46ème Rencontre Tikographie, jeudi 13 février 17-19h (changement de lieu : au KAP) – tous publics, accès libre

Merci pour votre temps de cerveau disponible ! Le cours de votre article peut reprendre.

Sortir du bois

Forts d’un an et demi de mise en chantier, de travail en groupes sur la gouvernance, la communication, la cartographie des compétences, les besoins et possibilités de mise en œuvre d’une veille sur les sujets qui les rassemblent, etc., Graines volcaniques commence à « sortir du bois » depuis la fin 2024.

« Ils apprécient l’idée d’agréger nos compétences plutôt qu’avoir à recourir à de gros cabinets extérieurs. »

Le choix a été fait de ne pas se constituer en association ou autre forme juridique « pour ne pas se rajouter de l’administratif ». Mais de s’engager dans une première opération de visibilité, en novembre dernier, par un stand au salon Origine Auvergne. C’est Monika, « notre Madame Evénementiel » comme la surnomme Georgiana, qui y a poussé : « Nous avons eu des retours intéressants, de la part du grand public car nous proposions des petits ateliers inspirés des fresques, mais aussi en rencontrant des élus et d’autres exposants qui pouvaient être directement intéressés. Ils apprécient l’idée d’agréger nos compétences plutôt qu’avoir à recourir à de gros cabinets extérieurs au territoire. »  

Jessica Simonet sur le stand au salon Origine Auvergne
Premier moment de visibilité pour le collectif au salon Origine Auvergne. Une occasion de sensibiliser des visiteurs grâce à des jeux inspirés des ateliers de type fresques, mais aussi de rencontrer des personnes intéressées par les savoir-faire proposés. – Photo Graines volcaniques

Aujourd’hui, les Graines volcaniques sont prêtes à germer, formant un réseau fluide qui se partage les demandes en fonction des disponibilités, des spécialités et des envies de chacun. Parce que, comme le dit Monika : « J’ai besoin de pouvoir rire avec mes clients, tout en accomplissant un travail sérieux. Je n’ai pas envie de me rendre malheureuse ! »

Mais le collectif ne compte pas s’arrêter à cette seule fonction de plateforme d’orientation. La veille et la montée en compétence pour maintenir un haut niveau de professionnalisme font aussi partie de son ADN.

Et pour l’avenir, on verra sans doute en émerger des initiatives directement en faveur du territoire et de sa résilience. Mais il est encore trop tôt pour en parler plus précisément. Parce que le groupe, décidément, prend son temps pour faire bien les choses.

Graines volcaniques n’a pas encore de site internet, mais on peut joindre le collectif via sa page LinkedIn, ou à l’adresse courriel : collectifgrainesvolcaniques [@] gmail.com

Reportage Marie-Pierre Demarty, réalisé mercredi 5 février 2025. Photos Marie-Pierre Demarty, sauf mention contraire. A la une, photo Graines volcaniques : une partie du (joyeux) groupe, lors de leur dernière réunion fin janvier.

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