Sortir du cadre pour agir à la bonne échelle

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Carte des EPCI du Puy-de-Dôme
Normalement, une collectivité ou une structure qui en dépend a un territoire et des compétences précises. Et si le cadre est trop étroit pour l’action environnementale ? Soit vous renoncez, soit…

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

« Quand on veut on peut », disent ceux qui peuvent effectivement. Pas toujours si simple, mais en l’occurrence, il m’a été donné à diverses reprises l’occasion de constater que sur le sujet des enjeux d’écologie, le volontarisme fait la différence. Il y a ceux qui disent d’emblée « mais ce n’est pas mon territoire, ce n’est pas ma compétence ». Et ceux qui y vont presque naturellement, ou en force, ou en phosphorant pour trouver moyen, ou en s’alliant avec les voisins.

Il n’empêche que cette question d’échelle adéquate me semble cruciale pour avancer. Car le territoire, c’est finalement aussi organique que le vivant. Et faire preuve d’agilité, c’est déjà un bon pas vers l’adaptation et vers la résilience.

Et ça fait de belles histoires à raconter.

Marie-Pierre

Trois infos express   [cliquer pour dérouler]

  • Dans son rôle de gestion des cours d’eau, le Syndicat mixte des vallées de la Veyre et de l’Auzon, au sud de la métropole clermontoise, jongle avec trois périmètres qui se superposent imparfaitement : celui des six affluents de l’Allier traversant le territoire de Mond’Arverne, celui des 27 communes qui lui ont confié leur compétence Gemapi, et celui du contrat territorial de 5 rivières. Dans les marges, il compose avec les voisins.
  • Dans le Forez, l’association Les Monts qui pétillent anime le territoire, s’efforce de créer du lien et de pallier les difficultés de mobilité, d’accès aux services, etc. Sa particularité : elle explose les limites administratives, ayant choisi un périmètre à cheval sur deux départements et sur des bouts de plusieurs communautés de communes. Car il lui a paru évident de travailler sur une logique de bassin de vie. Avec pas mal de complexité de gestion, mais aussi des échanges et des ressources démultipliés.
  • Jean-Pierre Buche, maire de Pérignat-ès-Allier, est un de ces élus volontaristes qui a multiplié les initiatives de collaborations entre collectivités voisines, dont deux exemples emblématiques : la régie de territoire des Deux Rives et l’Ecopôle du Val d’Allier. Ses lignes de conduite : la solidarité ville-campagne, la participation des habitants aux instances de gouvernance, l’inclusion, la cohabitation apaisée avec les milieux naturels, l’expérimentation. Ce qui nécessite parfois de sortir du cadre…

Il y a urgence à agir. Adapter nos territoires, se préparer aux crises sociales et environnementales qui s’annoncent, maintenir de la cohésion et anticiper les réponses dans un contexte toujours plus incertain demande de la volonté et des moyens. Mais voilà : une collectivité a un cadre rigide, des limites géographiques, des domaines d’action (ou compétences) précis. Même les associations, qui ont à dialoguer avec les acteurs publics et éventuellement à solliciter des subventions, ont tendance à calquer leur périmètre d’action sur le territoire d’une commune, d’une communauté de communes, d’un département et à s’y enfermer.

Seulement voilà, les problématiques environnementales ne connaissent pas cette logique : elles sont plutôt liées à des paramètres géographiques, climatiques, démographiques, voire géologiques.

Alors comment faire si la bonne échelle pour aborder une problématique n’est pas exactement ajustée à votre cadre règlementaire ? Certes, on peut éventuellement s’associer à ses voisins dans un syndicat de collectivités ou… glisser le problème sous le tapis. Mais parfois, ce n’est pas si simple.

Sauf si la volonté d’avancer déclenche des petits trésors d’inventivité, de coopération, de contournements astucieux. En voici quelques illustrations, glanées au cours de mes reportages.

1. Quand l’aval compose avec l’amont

La première est une situation assez classique, qu’Aurélien Mathevon, technicien rivières du SMVVA, résume par la formule : « Les limites administratives des EPCI ne sont pas forcément celles des rivières. » La situation du Syndicat mixte des vallées de la Veyre et de l’Auzon, en termes de rayon d’action, est un vrai cas d’école : il a en charge la gestion de cinq affluents de l’Allier sur presque toute leur longueur, sauf la source et les premiers kilomètres pour trois d’entre eux (l’Auzon, la Veyre et le Charlet), et la moitié aval pour un quatrième, Les Assats. À l’inverse, il voit passer sur son territoire une partie des eaux du bassin de l’Eau-Mère, qui n’entre pas dans le contrat territorial de rivière qu’il gère.

« Il ne s’agit pas de délégation de compétence, car la compétence GEMAPI ne peut pas se déléguer. »

Résultat : il doit composer avec six EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) voisins. Elisabeth Saillard, coordinatrice du Contrat territorial des cinq rivières et animatrice des bassins versants Veyre et Pignols, détaille : « Le SMVVA gère la compétence GEMAPI [gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations] pour l’ensemble des 27 communes de Mond’Arverne, et pour la commune du Vernet-Sainte-Marguerite. Sur les autres parties des cinq bassins versants, on s’organise par des conventions de partenariat qui nous donnent la maîtrise d’ouvrage. Il ne s’agit pas de délégation de compétence, car la compétence GEMAPI ne peut pas se déléguer, mais cela nous permet de mettre en œuvre des actions cohérentes. Clermont Auvergne Métropole fait exception car elle a souhaité conserver la maîtrise d’ouvrage pour les actions qui concernent son territoire. Les actions à engager sont donc adaptées à la façon de faire de chaque EPCI. »

La relation est également adaptée au type d’action, explique encore Elisabeth Saillard, distinguant les actions transversales sur tout un bassin versant, pour lesquelles les EPCI versent une cotisation globale, sur des programmes pluriannuels revalidés chaque année, et les actions spécifiques à mener sur un de ces « territoires voisins », où l’intercommunalité concernée verse au syndicat mixte le reste à charge de l’opération.

Carte de la compétence Gemapi et du réseau hydrographique du SMVVA
Cette carte illustre bien la problématique de la gestion de l’eau pour le SMVVA : en bleu les cours d’eau de son territoire, en vert sa compétence pour la gestion des milieux aquatiques, en pointillé jaune les limites du contrat territorial de rivières sous sa responsabilité. Trois périmètres qui se recoupent… en partie seulement. – Source : SMVVA

« Ce fonctionnement est à la fois un atout et un frein, poursuit Elisabeth. L’intérêt, c’est que dans la plupart des cas, cela nous permet d’être maître d’ouvrage sur l’ensemble des opérations. Mais bien sûr, cela demande beaucoup de temps passé et une adaptation aux façons de faire de chacun. Selon qu’on travaille par exemple avec Dôme Sancy Artense ou avec la Métropole, ce ne sont pas les mêmes délais de réponse et pas les mêmes moyens. Mais l’entente est plutôt bonne et le principe de solidarité amont-aval fonctionne naturellement. »

« Selon qu’on travaille avec Dôme Sancy Artense ou avec la Métropole, ce ne sont pas les mêmes délais de réponse. »

Exemple de ces adaptations bien particulières : le cas de la relation entre Agglo Pays d’Issoire et le SMVVA, où la relation sur les bassins du Charlet et de l’Eau-Mère est à front renversé (compétence Gemapi API et contrat territorial de rivière SMVVA sur l’amont du Charlet ; contrat de rivière API et compétence SMVVA sur une partie du bassin de l’Eau-Mère). On pourrait s’attendre à ce que les choses se passent de la même façon dans les deux sens. Et pourtant… « Agglo Pays d’Issoire a souhaité que nous gardions la maîtrise d’ouvrage sur notre partie du bassin de l’Eau-Mère », indique Elisabeth. Autrement dit, des deux côtés, c’est le SMVVA qui concrétise les actions.

Si Aurélien Mathevon trouve ces différents dispositifs parfois lourds et enclins à développer la réunionnite, les deux collègues ne mentionnent que deux cas où ça a été plus compliqué. « Quand on a travaillé sur la commune de Saulzet-le-Froid, la communauté de communes du Massif du Sancy a d’abord souhaité qu’on laisse les agriculteurs faire les aménagements de protection sur leurs terrains, alors que nous avons l’habitude de nous en occuper directement. Mais ils se sont rendu compte que ça ne fonctionnait pas bien et nous ont finalement laissé faire à notre manière », explique Elisabeth.

Le ruisseau des Assats, petit affluent de l’Allier, ici dans sa traversée de Saint-Bonnet-lès-Allier : sur cette commune et celle de Mur-sur-Allier, le cours d’eau est géré sous compétence GEMAPI de Billom Communauté, mais avec une maîtrise d’ouvrage du SMVVA, dans le cadre du contrat territorial des Cinq Rivières.

« Sur le ruisseau des Assats, le SMVVA avait proposé un projet d’expérimentation d’une technique d’élimination de la renouée du Japon, plante envahissante, mais Billom Communauté n’a pas suivi parce qu’elle s’inquiétait de devoir l’appliquer à l’ensemble de son territoire et n’en avait pas les moyens », expose Aurélien. Les deux agents du SMVVA reconnaissent que les résultats attendus étaient incertains et ne semblent pas regretter qu’il n’ait pas été mené à bien. « C’est le seul qui ait été abandonné, concède Elisabeth. On revient à une question de moyens qui est finalement le gros facteur limitant des coopérations. »

Reste un dernier élément qui ajoute de l’eau dans les rouages et que décrit Aurélien : « Entre techniciens rivières, on se fait des retours d’expérience et on échange régulièrement ; ça facilite les choses. »

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2. Gravir la montagne par les deux versants

S’il y a un territoire où on se parle beaucoup par-dessus la « frontière », c’est bien le Forez. Là-haut, ce ne sont pas les collectivités qui ont initié le mouvement, mais une association : Les Monts qui pétillent.

« Dès le départ, nous sommes partis sur un périmètre qui s’étendait sur plusieurs EPCI et sur deux départements, parce que c’était une logique de vie, centrée sur la commune de Noirétable notamment en raison d’un marché hebdomadaire le samedi qui attire beaucoup de monde. Nous avons suivi les contours de l’ancienne communauté de communes de la Montagne thiernoise côté Puy-de-Dôme et d’un canton côté Loire, de sorte qu’on ne recoupe pas du tout les limites administratives, avec même un EPCI dont nous accueillons une seule commune, explique Blandine Chazelle, co-présidente de l’association. Cette question du périmètre reste un sujet qui revient de temps en temps, mais pour l’instant, on ne l’a jamais modifié. Avec les sujets qu’on a abordés, être sur plusieurs communes paraissait la bonne échelle pour intéresser plus de gens, tester des choses, avoir plus de poids. »

« Nous sommes partis sur un périmètre qui s’étendait sur plusieurs EPCI et sur deux départements, parce que c’était une logique de vie. »

Les sujets abordés sont effectivement multiples, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de faire vivre ces territoires de montagne isolés, aux problématiques complexes de mobilité et d’accès aux services, avec un sentiment d’être un peu oubliés aux marges de chaque département. Et cela d’autant plus depuis que la ligne ferroviaire qui irriguait le territoire a été suspendue en 2016.

En tout premier lieu, l’idée a été de créer du lien. Concrètement, l’association a travaillé sur des questions de mobilité, d’alimentation, de santé et soin à la personne ; elle organise un festival, travaille la question des imaginaires en recueillant les rêves des habitants, se déplace d’un village à l’autre pour y apporter de l’animation…

La gare désaffectée de Noirétable
Le territoire est centré sur le bourg de Noirétable et son marché qui attire les habitants depuis les deux versants (et les deux départements). Mais le sentiment d’isolement a grandi depuis l’arrêt de la ligne Clermont-Saint-Etienne.

Créer du lien, c’est donc logiquement engager les habitants à se rencontrer d’une commune à une autre, à mutualiser ou à bénéficier de services communs, ou même à provoquer la rencontre de représentants de collectivités proches mais peu habituées à échanger.

« Par exemple, pour le gros sujet de la mobilité, nous avons instauré un comité des partenaires, avec beaucoup d’acteurs. Et nous avons eu la satisfaction de voir s’y rencontrer des représentants des deux autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité. Les collectivités des deux départements n’en sont pas encore à travailler ensemble : ils ne sont pas fermés, mais ce n’est pas une priorité », témoigne Blandine.

« La CAF du Puy-de-Dôme ne veut pas payer pour des habitants d’un autre territoire. »

Rien n’est simple dans la configuration choisie, mais il y a du bon et du moins bon dans chaque expérience de l’association, reconnaît-elle. Ainsi lorsque les Monts qui pétillent ont enclenché un travail de préfiguration de Centre de Vie sociale côté Puy-de-Dôme et en ont obtenu le label, « il n’y a pas eu la même dynamique côté Loire, de sorte que ce qui est financé dans ce cadre ne peut pas bénéficier aux Ligériens ; en plus cela nous contraint à avoir une gestion très précise pour justifier nos financements, car la CAF du Puy-de-Dôme ne veut pas payer pour des habitants d’un autre territoire. »

L’association se heurte à ces situations dès qu’elle lance des dossiers de demande de financement. « C’est lourd car il y a une superposition de couches administratives, et des logiques de travail différentes. On a acquis un savoir-faire sur la façon dont chaque partenaire fonctionne. Cela démultiplie le travail… mais aussi les ressources », poursuit la co-présidente.

Affiche présentant une carte du territoire de l'association
Encore une carte ! Capturée lors du festival des Monts qui pétillent 2023, elle montre le « terrain de jeu » de l’association, avec au beau milieu la ligne de séparation des deux départements.

Des résultats positifs sont tout de même obtenus. « Le label Espace de vie sociale dans le Puy-de-Dôme a donné de la légitimité des deux côtés à notre action suivante, sur la mobilité, ce qui a aidé pour mettre en place côté Loire un service associatif permettant à des personnes âgées isolées, aux ressources insuffisantes, de pouvoir se déplacer grâce à des bénévoles qui les véhiculent. » Et pour le juste retour des choses, elle constate : « Ce service, Mobicar, a été développé côté Loire mais il commence à bénéficier à quelques personnes du Puy-de-Dôme. Ça n’a pas été vraiment organisé de ce côté-là, mais ça percole. »

Aujourd’hui, l’association travaille sur un dossier d’agrément Espace de vie sociale auprès de la CAF de la Loire pour que tout son territoire bénéficie des mêmes services… tout en préparant (pour le week-end des 4-5-6 avril) son prochain festival dédié à l’alimentation.

« Ça avance, mais doucement. »

« On cherche à mutualiser les idées et les énergies sur des territoires vastes, où il n’y avait pas de point d’accroche au départ pour que les personnes et les collectivités se projettent sur ce qu’on souhaitait construire. Mais notre association est encore jeune et les collectivités ne sont pas outillées pour travailler en dehors de leur territoire. Ça avance, mais doucement », dit-elle.

Encore jeune certes, mais les Monts qui pétillent, malgré ces lourdeurs de fonctionnement, ont réussi en six ans à survivre, à avancer sur de gros dossiers, à financer les postes de quatre salariés et poursuivent leur action pour faire pétiller ces 26 communes… et leur faire gravir ensemble la montagne par les deux versants.

Sur les actions mobilité de l’association, lire aussi le reportage : « Les Monts qui pétillent s’attèlent au casse-tête de la mobilité dans le monde rural »

3. La bonne échelle pour faire territoire

Certes, comme le constate Blandine Chazelle, les collectivités ne sont pas outillées pour dépasser leur cadre. Mais certains élus se montrent adeptes de l’adage (pas toujours mais parfois vérifié) selon lequel « quand on veut, on peut ».

Jean-Pierre Buche en fait assurément partie. Par conviction et volontarisme, mais peut-être aussi parce que la commune de Pérignat-ès-Allier dont il est maire est adossée à une « frontière » bien visible dans le paysage : l’Allier. Et pas du bon côté du pont, au moins en termes de moyens pour financer les projets ambitieux. De l’autre côté, c’est Cournon et la Métropole. Ici, c’est Billom Communauté et la ruralité. Et tant qu’à faire, Pérignat est aussi frontalière d’une autre EPCI : celle de Mond’Arverne.

« A plusieurs occasions nous avons fait bouger les périmètres territoriaux. »

Qu’à cela ne tienne. En tant que maire, élu communautaire, précédemment conseiller général, il a multiplié les innovations, dans sa commune ou dans la communauté de communes, ou au-delà à chaque fois que nécessaire. Entre autres, on le trouve à l’origine de deux projets emblématiques : la Régie de territoire des Deux-Rives et l’Ecopôle du Val d’Allier. D’un côté un trait d’union entre Cournon et Billom pour un intelligent projet d’insertion ; de l’autre une cogestion entre deux communes, puis deux EPCI, pour un espace expérimental de cohabitation entre nature et grand public, en bordure de la métropole.

Les serres de la régie de territoire
Les serres et aménagements de l’activité maraîchage de la régie de territoire, installées sur la commune métropolitaine de Cournon. En arrière-plan, de l’autre côté de l’Allier, la commune de Mur-sur-Allier, sur le territoire de Billom Communauté. Où est la ville, où est la campagne ?

Pour l’élu, la démarche repose sur des convictions claires : « Je me rapporte au postulat du chercheur Guillaume Faburel, qui met en avant le concept de biorégion, c’est-à-dire un périmètre territorial défini à l’aune des ressources que les habitants pourraient utiliser sans trop modifier les équilibres écosystémiques. Sans être prétentieux, on peut dire qu’à plusieurs occasions nous avons fait bouger les périmètres territoriaux pour s’en approcher. »

« On a voulu montrer que personne n’a le monopole d’un sujet ! »

De là le raisonnement pour la régie de territoire, créée dès 2014 : le nom « Deux Rives » dit assez l’idée de bâtir une solidarité ville-campagne avec, dit Jean-Pierre Buche, « l’intention de mettre en avant la notion de projet de territoire et pas seulement la focale insertion où les gens peuvent être enserrés dans un carcan d’assistance », en associant « la grosse structure de la métropole et des structures aux moyens plus limités que sont les territoires ruraux », pour développer des activités utiles à toute la population.

Les deux maires successifs de Cournon ont d’ailleurs regardé et soutenu la régie, dit-il, « avec bienveillance ». Avec un choix en forme de pied-de-nez aux idées reçues : parmi les très diverses activités, la partie production maraîchère est située sur le territoire urbain : « On a voulu montrer que personne n’a le monopole d’un sujet ! », s’amuse-t-il.

La finalité étant finalement dans les divers projets de faire démocratie, de faire territoire et de relier les habitants, les projets et les collectivités.

Vue sur le plan d'eau de l'Ecopole, avec Cournon en arrière-plan
L’Ecopole du Val d’Allier : une réserve de nature et de biodiversité aux portes de la Métropole, dont proviennent 70% des visiteurs.

« Concernant l’Ecopôle, poursuit-il, être à cheval sur deux intercommunalités oblige – ou du moins invite – les gens à s’intéresser à ce qui se passe hors de leur territoire. Ce qui nous a amenés à postuler à un appel à projets de la Fondation de France sur la gouvernance des communs. Sur ce projet, on a fait des ‘communs’ que sont l’eau et la biodiversité une ligne rouge intouchable et on s’est demandé comment pourraient réagir les visiteurs de l’Ecopôle, amenés à prendre en considération ces communs sans qu’on y mette des panneaux d’interdiction. Un des moyens d’apaiser cette cohabitation est d’inclure les usagers dans la gouvernance. »

D’où un glissement de plus, assez inédit, d’une gestion par deux collectivités vers la création d’une association (encore en préfiguration) intégrant toutes les parties prenantes : les différents usagers, les différents animateurs et acteurs du site, et les différents territoires.

« Être à cheval sur deux intercommunalités oblige les gens à s’intéresser à ce qui se passe hors de leur territoire.

Là aussi, une des intentions est d’essayer d’intéresser la rive urbaine de l’Allier. Jean-Pierre Buche ne cache pas qu’une participation financière serait bienvenue : « Cela aurait du sens car 70% des visiteurs sont des habitants de la Métropole, alors qu’on a toutes les difficultés du monde à équilibrer notre budget, qui fonctionne avec une très faible contribution de Billom Communauté et de Mond’Arverne… Mais l’heure est aux restrictions budgétaires et ce n’est pas dans l’air du temps. » Au-delà de ces considérations, il espère aussi bousculer les habitudes de gestion publique par ce dispositif, en intégrant à cette nouvelle gouvernance « les citoyens lambda qui fréquentent le site. Car les urgences font qu’il faut absolument tendre des passerelles pour favoriser l’écologie et l’inclusion sociale. »

Les deux notions étant très liées pour le maire de Pérignat, qui conclut : « Il est fondamental et structurant dans la lutte contre le dérèglement climatique de s’attaquer en même temps aux inégalités sociales. »

Lire aussi le reportage : « L’Écopôle du Val d’Allier, démonstrateur de cohabitations fertiles »

La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)

« Les imaginaires, médiation culturelle de la résilience territoriale »

Notre prochaine table ronde réunira des intervenant.es puydômois.es autour des « imaginaires » et de la manière dont ces représentations culturelles façonnent notre engagement

48ème Rencontre Tikographie, jeudi 10 avril 17-19h (au KAP) – tous publics, accès libre

Merci pour votre temps de cerveau disponible ! Le cours de votre article peut reprendre.

4. Nourrir les petits et les grands gourmands

Sans les détailler, parce que j’en ai déjà parlé assez précisément dans mes articles, voici encore deux exemples assez remarquables de ce volontarisme pour travailler à des actions à enjeu environnemental, en l’occurrence dans le domaine de l’alimentation. Nourrir un territoire supposant des producteurs et des consommateurs, il y a là nécessité de trouver l’échelle ajustée pour que la capacité des premiers puisse répondre autant que possible aux besoins des seconds. Mes deux exemples montrent que les com’com’ savent très bien dépasser leurs limites.

L’un concerne le projet Fruits de Dôme, qui vise à relancer la filière fruitière, comme je l’ai récemment présenté. On a là une communauté de communes – en l’occurrence Mond’Arverne, qui s’empare d’un sujet ayant toute sa logique sur son territoire : tant dans son passé que dans son potentiel, la partie sud de la couronne clermontoise, riche en coteaux ourlant les buttes et coulées volcaniques, s’avère propice à l’arboriculture… mais pas suffisamment étendu.

Pas vraiment un obstacle : la communauté de communes a répondu à un appel à manifestation d’intérêt de France 2030 au nom de tout le département du Puy-de-Dôme. Puisque le financement provient d’un fonds national, personne n’y a trouvé à redire : quand un projet fait consensus et que le fameux « nerf de la guerre » n’engage personne, il semble facile et même tout naturel de mettre en œuvre la coopération interterritoriale.

La cantine de l’école de Job, près d’Ambert. La cuisinière, Virginie, m’avait raconté les difficultés à assurer les repas sains, bio, plus végétaux, alors qu’elle est seule en poste. Le projet mené par la communauté de communes lui a permis de beaucoup progresser.

Mon dernier exemple est moins une question de territoire géographique que d’échelle… et de compétence. La communauté de communes Ambert-Livradois-Forez, comme je l’avais raconté il y a près d’un an, a trouvé le moyen d’agir sur un terrain qui ne relève pas de son périmètre d’action : le domaine scolaire.

Que vient faire une com’com’ dans les écoles (domaine réservé des communes), les collèges (apanage du Conseil départemental), les lycées (sous la responsabilité de la Région) ? Eh bien elle a mis le nez dans les fourneaux des cantines, dans les assiettes des écoliers, et s’est rendu compte 1. des difficultés des cuisinières et cuisiniers à respecter la loi Egalim, 2. de la pertinence de son échelle de territoire pour faire travailler ensemble les cuisines de ces différents établissements, mutualiser les commandes, partager les bonnes pratiques, se former, trouver des fournisseurs locaux…

Sa recette pour y parvenir : trouver les bonnes portes d’entrée. En l’occurrence la compétence « développement économique » (pour faciliter la recherche de débouchés locaux aux agriculteurs du territoire) et la compétence « traitement des déchets » (sur le volet lutte contre le gaspillage). Alimentaire, mon cher Watson…

Texte Marie-Pierre Demarty. Photos et illustrations Marie-Pierre Demarty, sauf mention contraire. A la une : carte du département du Puy-de-Dôme mettant en avant le découpage administratif en sous-préfectures, intercommunalités et communes aux limites territoriales très précises. Source : Roland45-Travail personnel, CC BY-SA 4.0, par Wikimedia

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