« Le département est la bonne échelle pour la transition écologique » selon Jean-Yves Gouttebel

Le président sortant du Conseil départemental du Puy-de-Dôme revient sur son choix de lancer le Master Plan de la transition écologique en fin de mandat, et sur les enjeux de sa continuité pour le territoire.

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Les principaux points à retenir

  1. Le département est un périmètre de travail particulièrement pertinent pour la transition écologique selon Jean-Yves Gouttebel, car l’échelle y est suffisamment grande pour avoir des ressources et de la diversité, tout en garantissant une proximité des acteurs et une visibilité des expériences menées.
  2. Sensibilisé aux questions écologiques par l’angle économique durant sa carrière, Jean-Yves Gouttebel souhaite favoriser une croissance économique qui maîtrise ses externalités négatives et serait compatible avec la préservation de l’environnement, via un processus d’innovation. Il ne croit pas en la croissance zéro et à une vision malthusienne des choses.
  3. Sa rencontre avec Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle (ville pilote du développement durable) l’a convaincu que la transition à l’échelle d’un territoire était possible avec une initiative de la collectivité. Il a ainsi adhéré à la Fabrique des Transitions (réseau national piloté par M.Caron) et a lancé, avec son aide, le projet de Master Plan.
  4. Feuille de route de la transition écologique pour le Conseil départemental, le Master Plan a été élaboré avec la Fabrique des Transitions et 200 agents du Département sur 2019-2020, puis voté le 11 janvier 2021. Il est transversal, englobant, évolutif …et ambitieux. Toutes les actions du Conseil départemental s’y inscrivent, à travers 6 thématiques
  5. La clé de réussite est de convaincre aussi bien les agents en interne que les partenaires territoriaux ou le grand public. C’est notamment pour cela qu’un important Budget Eco-Citoyen a été proposé en 2020, avec 63 projets lauréats à la clé.
  6. Jean-Yves Gouttebel est confiant dans la continuité du Master Plan au-delà des élections de juin 2021. Selon lui, il est irréversible, de par la motivation de la population et la pertinence des sujets traités. L’enjeu futur sera d’aller plus loin, dans l’imprégnation des services et l’ambition du projet.
  7. D’autres initiatives sur la transition écologique avaient été menées ou sont en cours, antérieures au Master Plan (labellisation UNESCO, Espaces Naturels Sensibles, achat de lacs, Voie Verte …). Ces projets sont désormais intégrés au Master Plan qui, en s’appuyant sur des financements du Plan de Relance de l’Etat, leur procure une forme d’accélération ou de pérennisation.

L’intervenant : Jean-Yves Gouttebel

Président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme de 2004 à 2021 ; économiste de formation, ancien professeur des Universités


Economiste de formation et de métier, Jean-Yves Gouttebel reconnaît avoir été sensibilisé assez tôt aux questions des externalités négatives de la croissance économique, notamment via les travaux du Club de Rome. Néanmoins, il est convaincu que ces externalités peuvent être maîtrisées et qu’une croissance compatible avec la protection de l’environnement, et par ailleurs génératrice d’emploi et de développement territorial, est possible.

Professeur à la faculté des sciences économiques de Clermont, Jean-Yves Gouttebel possède un parcours alternant le privé et le public : directeur d’un établissement financier soutenant les entreprises industrielles, puis adjoint au commissaire à l’aménagement du Massif Central « où je me suis occupé notamment d’environnement, en lien avec le développement territorial. », précise-t-il.

Il lance également en 1997 une activité de consultant, en parallèle de sa carrière universitaire.

En 2004, il est élu président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme, poste qu’il occupera jusqu’en 2021 puisqu’il ne se représentera pas aux élections départementales du 20 et 27 juin. Sa période à la tête de la collectivité départementale s’achève notamment avec une bonne santé financière, une instabilité politique, et un engagement fort en faveur de la transition écologique à travers le Master Plan.

Crédit photo : Pierre Soissons, Conseil départemental du Puy-de-Dôme (DR)

La structure : Conseil Départemental

Collectivité territoriale agissant sur le périmètre du département, directement (routes, social, collèges …) et en accompagnant d’autres collectivités.


Basé à Clermont, le Conseil Départemental du Puy-de-Dôme est évidemment un des principaux acteurs du territoire. Avec près de 2400 agents, il agit directement sur l’ensemble du département dans le cadre de plusieurs compétences « obligatoires » comme l’entretien des routes, le social (handicap, petite enfance, personnes âgées), la culture et les collèges.

Mais le Conseil Départemental développe également une politique d’accompagnement des territoires, dans une logique de proximité. Via des aides financières, du conseil ou de l’ingénierie, il peut ainsi orienter notamment les communes et accompagner l’émergence ou l’accélération de projets.

Dans ce domaine, il semble que 2020 ait été l’année de « bascule » du Conseil Départemental du Puy-de-Dôme. Après un Budget Eco-Citoyen très suivi (63 projets lauréats, 2 millions d’euros de budget), un Master Plan a été voté le 11 janvier 2021, détaillant les axes de la stratégie de transition écologique – et ce malgré quelques péripéties internes d’ordre politique en décembre 2020.

Accompagné dans ce cadre par la Fabrique des Transitions, le Conseil Départemental veut avancer dans à peu près toutes les dimensions de la transition écologique. A ce titre, il a lancé en 2021 une déclinaison départementale de la Fabrique, puis une nouvelle édition du Budget Eco-Citoyen en 2022.

Le changement de majorité présidentielle aux élections de juin 2021 – le Conseil est passé à droite, ce qui est assez exceptionnel dans l’histoire de la collectivité – a bien sûr renouvelé les élus. Les évolutions de la stratégie de transition écologique devraient être connues courant 2022.

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Le département est-il une bonne “échelle” pour la transition écologique ?

Oui, parce que les questions écologiques se comprennent certes au niveau international, à travers les grands traités [allusion en particulier aux engagements pris par 196 pays lors de la COP 21 à Paris en décembre 2015]. Mais ce sont des intentions, il faut trouver des applications. Et c’est plus près du terrain qu’on arrive à faire progresser les choses. 

Le département relie plusieurs mondes, et c’est là que les gens se connaissent.

C’est pour cette raison que le département est la bonne échelle, ni trop petit, ni trop grand. La commune est utile, mais le département relie plusieurs mondes : rural, urbain, plaine, montagne … Je ne dis pas qu’on règle tout, mais c’est là que les gens se connaissent, qu’ils arrivent à dérouler des expériences que l’on peut évaluer assez facilement, pour voir s’il faut les poursuivre ou non.

Gestion de lacs, espaces naturels et biodiversité, efficacité alimentaire, sensibilisation … à travers ses compétences, le Conseil départemental est un acteur majeur de la transition écologique du territoire / Crédit photo : Pierre Soissons, Conseil Départemental du Puy-de-Dôme (DR)

Mais les Conseils Départementaux ont depuis plusieurs années perdu des leviers d’action …

En effet, la loi NOTRe a amputé le Département d’un certain nombre de compétences, comme l’économique – qui est passée à la Région – ou encore les transports. On le regrette, d’autant plus que la crise sanitaire et économique [n’a pas amélioré les choses]. On aimerait aider davantage les activités économiques de proximité, et on ne peut pas le faire pour des raisons juridiques.

Vous terminez 16 années en tant que Président du Conseil Départemental. Quelle est aujourd’hui votre sensibilité aux questions d’écologie et de territoire ?

J’étais déjà sensibilisé aux questions de développement durable par mon métier d’économiste. Pour moi – et c’est ce que j’ai enseigné – la croissance économique génère des problèmes d’environnement, qu’il faut s’efforcer de neutraliser. C’est tout le sujet des externalités négatives de l’économie productive. J’ai notamment rédigé des ouvrages parlant de ce sujet.

La croissance économique génère des problèmes d’environnement, qu’il faut s’efforcer de neutraliser.

Pour être plus précis, la thématique de la “croissance zéro” a émergé depuis longtemps, notamment avec le Club de Rome [né en 1968]. Mais cela pose deux problèmes : tout d’abord, vous ne pouvez pas partager les richesses si le gâteau ne grandit pas. La croissance économique est donc importante.

En outre, cette croissance ne se fait pas uniquement par une addition de chaînes de production, mais aussi par l’innovation. Pendant les périodes de crise, le système capitaliste a donc une ressource énorme : celle de l’adaptation. C’est la “destruction créatrice” dont parle Schumpeter. 

Cela revient-il à valider la possibilité de la “croissance verte” ?

Il s’agit pour moi d’une croissance économique qui essayerait de neutraliser à la source les externalités négatives tout en développant l’innovation. Je pense d’ailleurs que la transition écologique est génératrice d’activité et de croissance.

Je pense que la transition écologique est génératrice d’activité et de croissance.

Et, en effet, j’y crois. Il y a aujourd’hui une vision pessimiste, malthusienne, qui dit qu’on est en train de tout détruire et qu’il faut arrêter. Pour ma part, j’ai plutôt une vision optimiste : on peut faire de la croissance, moyennant certaines conditions, sans incompatibilité entre la sauvegarde de l’environnement et le développement économique.

Vous avez néanmoins beaucoup avancé avec l’aide de Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais) et fondateur de la Fabrique des Transitions …

Jean-François Caron m’a convaincu d’une chose : il a pu faire, à l’échelle des 6 ou 7000 habitants de Loos-en-Gohelle, une véritable cité écologique. Je lui ai alors demandé : « Peut-on le faire à l’échelle du département ?” qui me paraît être le bon niveau d’action [pour aller plus loin]. Et je me suis pris au jeu, en avançant petit à petit avec lui … 

Lire l’entretien : pour Jean-François Caron, la transition des collectivités se construit ensemble

Quel est l’enseignement principal que vous avez tiré de l’élaboration du Master Plan [feuille de route de la transition écologique] avec la Fabrique des Transitions ?

Le plus important, c’est que les élus, et surtout les habitants soient convaincus [du besoin de transition]. C’est pour cela qu’on a lancé les Budget Écologique Citoyen [BEC] – et il y aura une seconde édition. Leur avantage, c’est de “mettre dans le coup” les habitants. On ne fait pas à leur place, mais on leur demande ce qu’ils veulent faire, on le finance, et ils le font eux-mêmes ! 

Réunion publique de la commission citoyenne dans le cadre du BEC qui a démarré en mars 2020 / Crédit photo: Conseil départemental du Puy-de-Dôme (DR)

En 2020, c’est quelque chose qui a très bien marché. Pour ces raisons, mais aussi parce que le choix des projets lauréats a été fait par des citoyens – en lien avec des élus.

Le Puy-de-Dôme est le premier département à adhérer à la Fabrique des Transitions. Pourquoi cela, d’après vous ?

Beaucoup de départements sont sensibilisés à la transition écologique. Mais ils ont souvent une vue en silo des choses. Moi, j’essaye d’avoir une approche transversale, d’y intéresser tous les secteurs du Conseil Départemental : ce n’est pas que l’affaire des routes ou du développement du territoire. L’habitat, le social, les collèges sont aussi concernés.

Le Master Plan a néanmoins eu du mal à être voté : il a fallu s’y prendre à deux fois …

Le fait que le Master Plan n’ait pas été voté en 2020 est lié à des raisons purement conjoncturelles et politiques. Ceux qui ne l’ont pas voté estimaient qu’il ne fallait pas s’engager ainsi à la fin d’un mandat, et plutôt attendre après les élections. Sauf que la vie ne s’arrête pas comme ça ! Je le leur ai dit, et quand nous avons présenté à nouveau le projet [le 11 janvier 2021], il est passé. 

L’Assemblée des élus du Conseil départemental. Voté le 11 janvier 2021, le Master avait cependant été retoqué par cette même Assemblée en décembre 2020 / Crédit photo : Conseil départemental du Puy-de-Dôme (DR)

N’y a-t-il pas un risque de “détricotage” du Master Plan, selon la majorité qui sera élue aux prochaines élections ?

Je ne pense pas. Parce que, à mon avis, quand le Master Plan est voté, il devient irréversible. En effet, (…) la population est déjà motivée, notamment par les BEC. Qui que ce soit arriverait demain, ne peut aller en arrière : ce serait très mal vécu.

Cela dit, il faut reconnaître qu’il peut y avoir aussi un décalage entre les assemblées élues et la population. Mais la transition écologique est un sujet partagé par tous. Certains élus ont pu donner l’impression que c’était l’affaire d’un clan … mais non ! C’est, au contraire, un sujet vraiment consensuel, et ils l’ont bien compris par la suite.

Quel message adressez-vous à la prochaine présidence du Conseil Départemental, concernant la transition écologique ?

Les enjeux de la prochaine présidence consisteront à aller beaucoup plus loin, et surtout de continuer à imprégner de manière transversale les services qui gèrent le département au quotidien. Je pense en outre qu’avec les initiatives de l’UNESCO, des circuits courts, des ENS [Espaces Naturels Sensibles] … on est bien sûr dans l’air du temps. Mais c’est plus qu’une mode : on parle de préoccupations partagées, ou subies comme avec les sécheresses. Chacun se trouve directement concerné par tous ces enjeux. 

Les enjeux de la prochaine présidence consisteront à aller beaucoup plus loin, et surtout de continuer à imprégner de manière transversale les services.

La nouvelle équipe devra donc aller encore plus loin. Le Master Plan le permet, c’est une feuille de route qui donne le ton. Mais, pour réussir tout cela, il faut l’adhésion de chacun. Et donc convaincre … Les services qui ont travaillé en transversal [sur le Master Plan] ont fait ce travail en 2020/2021. Mais il faut impérativement le poursuivre.

Et quelle est la bonne manière d’embarquer les services internes dans la transition écologique ?

Ce n’est pas par hasard que j’ai mis entre les mains de Dominique Giron [vice-présidente du Conseil Départemental] à la fois le sujet de la transition écologique et celui des routes. Elle a un sens extrêmement pratique. Et, étant ingénieur de formation, elle a parlé le même langage qu’eux. 

Je savais qu’elle pouvait passer les bons messages aux ingénieurs des services routiers. Et ils sont devenus les premiers à adhérer à notre démarche ! Pour moi, Dominique a joué un rôle fondamental dans [le lancement du Master Plan].

Lire l’entretien : pour Dominique Giron, « la transition écologique est une mission de service public »
Le Conseil Départemental a pour compétence la gestion et l’entretien de près de 7000 km de routes sur le département. C’est un des leviers principaux d’action en matière d’écologie selon Dominique Giron / Crédit photo : Jodie Way (DR)

Avant le Master Plan, il y avait d’autres initiatives autour de la transition écologique, à commencer par la labellisation UNESCO pour la Chaîne des Puys/Faille de Limagne …

Quand on a lancé la candidature, on a rassemblé les acteurs locaux, on a travaillé ensemble … et on en a fait un projet de territoire. C’était vraiment fédérateur ! Par la suite, quand on a obtenu l’inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, je me suis dit : “c’est là que tout commence”. Parce qu’il nous fallait avoir un vrai plan de gestion.

En effet, cette labellisation s’applique à un territoire humanisé, habité, où l’homme entretient le paysage. Je dirais ainsi que le processus UNESCO a été une manière de faire travailler les différents acteurs dans une logique de transition écologique. (…) Je crois qu’on a ainsi créé une culture environnementale sur un sujet concret : les gens voient ce dont il s’agit.

Beaucoup de compétences liées à l’écologie ont été transférées à la Région. Quels leviers d’action vous restent-ils en direct ?

Nous avons gardé une compétence développement durable importante à travers les ENS [Espaces Naturels Sensibles], qui concernent principalement la biodiversité. Le Puy-de-Dôme est d’ailleurs sur le podium des départements qui les ont le plus développés ! 

Les ENS, ce sont des espaces représentatifs de la biodiversité, qu’on ne met pas sous cloche – il y a une activité humaine – mais qu’on essaye de protéger et de valoriser, par des visites notamment. Il y a donc un rôle pédagogique fort. 

Les ENS, ce sont des espaces représentatifs de la biodiversité qu’on essaye de protéger et de valoriser.

Je pense à la forêt de la Comté proche de Vic-le-Comte : on y a installé des circuits fléchés, on y a créé un lieu de médiation et la Maison des ENS. Autre exemple : la vallée des Saints, près de Boudes. Cet espace est d’intérêt départemental, géré par la communauté de communes [Agglo Pays d’Issoire]. 

Le lac de Servières, propriété du Conseil départemental depuis 2020. La protection en a été fortement renforcée avec une interdiction de baignade / Crédit photo : Henri Derus, Conseil départemental du Puy-de-Dôme (DR)

Vous avez également fait l’acquisition de plusieurs lacs du département. Pour quelle raison ?

Il y en a quatre à ce jour : le lac Chambon, le lac des Bordes sur le plateau du Cézallier, le lac Servières – racheté à Michelin et qu’on protège de la surfréquentation un peu anarchique qui y régnait, enfin le lac du Guéry [voir article de La Montagne du 3 juillet 2020], qui appartenait à EDF, un des très rares lacs européens où l’on pratique la pêche sous la glace. Nous souhaitons y aménager un circuit plus complet autour du lac pour le valoriser.

[Par la gestion des lacs], nous souhaitons aider les collectivités à valoriser leur patrimoine.

Pour ce faire, nous passons des conventions avec les collectivités partenaires : on y apporte un concours financier aux collectivités locales de proximité, car ce sont les [mieux à même] pour gérer ces espaces. Elles se les approprient, et elles en sont fières. De cette manière, nous souhaitons aider ces collectivités à valoriser leur patrimoine.

Et quelles sont les relations avec Clermont Métropole sur la transition écologique ?

Avec la Métropole, les choses se passent bien : nous avons classé une grande partie des Côtes de Clermont en ENS, afin de protéger la faune, la flore, et limiter son urbanisation. Mais aussi pour mettre à portée des urbains de Clermont un lieu de préservation de la biodiversité. 

Les Cotes de Clermont, site naturel aux portes de la ville, est en passe d’être classé Espace Naturel Sensible sur une partie de sa superficie. C’est le principal projet mené conjointement par la Métropole et par le Conseil départemental, dans le cadre de son Master Plan / Crédit photo : Danyel Massacrier, Ville de Clermont-Ferrand (DR)

On a en quelque sorte travaillé pour le compte de la Métropole qui a cette compétence, via des conventions et des financements spécifiques. C’est le principal sujet de partenariat que nous avons avec elle.

Par ailleurs, nous partageons ensemble la mission de transition énergétique des territoires : sur l’habitat – confort et isolation – cela revient beaucoup à la Métropole, avec le Département qui vient en appui. En 2010, nous avions ainsi lancé l’opération Cocon 63 pour isoler les combles des bâtiments publics.

Lire l’entretien : sobriété, performance et diversification énergétiques, la recette de Sébastien Contamine

N’oublions pas non plus que nous travaillons aussi avec la Région, par exemple sur la Voie Verte le long de l’Allier dont elle nous a délégué la maîtrise d’ouvrage. C’est donc une compétence partagée, selon les projets, et, parfois, la région [fait appel à nous]. 

Reste le sujet de l’eau, qui risque de devenir une vraie problématique départementale. Comment l’abordez-vous ?

En effet, on n’échappe pas au réchauffement climatique, et à des pollutions notamment liées à certaines pratiques agricoles. Conséquence : il y a [sur le département] des territoires qui peuvent être déficitaires en eau, et d’autres soumis à des pollutions locales. 

Nous souhaitons créer un grand syndicat interdépartemental de gestion de l’eau.

Pour cela, nous souhaitons créer un grand syndicat interdépartemental de gestion de l’eau. Non pas pour remplacer les structures existantes, mais pour organiser la solidarité en matière de disponibilité et de qualité de l’eau. Cela veut dire qu’on doit créer l’interconnexion des réseaux, entre les territoires en excédent et ceux en déficit – ce qui se fait déjà dans l’Allier. Cela permet aussi de diluer les teneurs en polluants, le cas échéant.

Aujourd’hui, on a mis du temps à convaincre les partenaires locaux. Mais les statuts de ce syndicat sont désormais votés, et chaque collectivité adhérente doit [le rendre opérationnel] avant d’aller plus loin.

Lire l’entretien : pour Lucie le Corguillé, « les zones humides ont un rôle capital dans le cycle de l’eau »

En revanche, le Conseil Départemental a gardé la compétence sociale … qui est capitale dans une logique de transition écologique. Comment combiner les deux approches ?

Le social est même notre principale compétence : elle représente 50% de notre budget, soit 350 millions d’euros en 2020 ! Je dirais que ça va de la naissance à la fin de vie – politique de la petite enfance, aide sociale, accompagnement des parents en difficulté, plan jeunesse, RSA … jusqu’aux personnes handicapées et les personnes âgées (EHPAD, maintien à domicile, résidences seniors …). 

Pour nous, le social dans la transition, c’est orienter les gens vers d’autres habitudes de consommation, d’autres pratiques.

Quand on essaye de définir le développement durable, c’est en effet au croisement de l’économique, du social et du territorial. Pour nous, le social dans la transition, c’est orienter les gens vers d’autres habitudes de consommation, d’autres pratiques … mais ce n’est pas forcément visible (…) Et cela passe beaucoup par les collèges, les EHPAD, les cantines … Nous organisons beaucoup d’opérations dans les collèges, via le tri des déchets, les circuits courts – avec le projet Agrilocal notamment. 

Lire l’entretien : selon Nicolas Portas, l’outil de commande publique Agrilocal « remet du lien social sur le territoire »
Visite de la GAEC le Pré du Puy à Cébazat (juin 2017), en clôture de la Semaine Agrilocal, par un groupe de collégiens du Puy-de-Dôme / Crédit photo : Rachel Corre (DR)

Vous êtes donc confiant dans l’enracinement de la transition écologique sur le Puy-de-Dôme …

Absolument. Ce qui a marché [avec le Master Plan], c’est la volonté partagée des élus – la majorité en tous cas – des services, tous mobilisés, et de nos partenaires et des habitants. Le BEC [Budget Ecologique Citoyen] a été un test pour cela : on pouvait s’attendre à tout – que les gens s’en moquent, ou au contraire qu’ils s’y intéressent. Et ça a très bien marché ! 

Maintenant, j’espère sincèrement que toutes ces initiatives donneront des idées à des structures territoriales plus petites que le département pour prendre le relais.

Pour aller plus loin (ressource proposée par Jean-Yves Gouttebel) :
l’ouvrage « Eloge de la proximité – au service des territoires » qu’il a réalisé, interviewé par Joseph Vebret
Retour au dossier éditorial sur le Master Plan et la transition écologique au Conseil départemental du Puy-de-Dôme
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Entretien réalisé le 7 mai 2021 par Damien Caillard et Bastien Durand ; mis en forme et réorganisé pour plus de lisibilité puis relu par Jean-Yves Gouttebel et son équipe / Merci à Vanessa Chartreux pour son aide / Crédit photo de Une : Pierre Soissons, Conseil départemental du Puy-de-Dôme (DR)